[MdO2019] Fin Trame de l'Hydre :: La dernière tête de l'hydre

Le blanc parle, juge et exige. Et le pâle, comme de coutume, de s'esclaffer bien grand.

Alors que son rire résonne dans la pièce, à la face des deux guerriers muets et de leur "chef" argenté, Urgoll'Ven s'avançe, quittant sa place en retrait, offrant pour cible à leurs ennemis son faciès hilare en sueur, et cachant dans son large dos couvert de cuir ses alliées incantant. C'était le son d'une roche rebondissant gaiement dans un gouffre, faisant chuter et exploser moult stalactites dans sa course folle et puissante. Malgré les nausées et le vertige, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar applaudit, se plaçant au côté de la Choisie. Là, il se sentit à sa place. Car Il est Son Foudre de Guerre, et je suis Son Servant.

"Ainsi, c'est à cela que tu ressembles. Je ne t'avais vu que masqué. Urgoll'Ven sourit largement, une goutte sale se glissant entre les rides formées par son sourire carnassier, tandis qu'il se tourne pour adresser un clin  d'oeil à Krish. Pourquoi les Indignes auraient-ils retiré leur roi de nos rangs où il était si bien, si ce n'est pour le faire changer de camp ? Non, Ô Feu, je crois qu'ils l'ont trouvé assez joli pour nous servir de cible. Ses yeux sanguins revinrent se poser sur la figure blanche, et aussi hilares soient-ils, sa voix n'en tonna pas moins. Qui es-tu, pour estimer ainsi ce qui est mieux pour le Puy ? Sais-tu ce que cela est que veiller sur Ses enfants, de leur enseigner ? Qui sont-ils, eux, dont le silence et l'inaction ont mener le Puy à une telle déchéance ces dernières années ? Son ristus parvint à s'étirer encore plus, ses crocs saillant, alors que du mépris se glisse dans son timbre. Elle est très jolie ta couronne, moucheron. Et la toile dans laquelle tu te vautres, assez confortable ?"

La gamine rebaissa la tête, désirant plus que tout disparaître aux yeux de tous... si seulement elle pouvait. Elle n'eut aucune réponse à sa question, aucun regard afin de lui faire comprendre qu'elle avait juste été écoutée. Non, sa mère n'était vraiment pas contente. Pour le reste, les adultes se comportaient vraiment étrange... Driz'na avait toujours imaginé les grands différemment lorsqu'ils devaient accomplir une mission, par exemple qu'ils arrivaient à travailler ensemble et à être sages, discrets et à mettre leurs savoirs et compétences au service de la mission. Qu'ils se comportaient mieux que des enfants, quoi. Mais là, la petite drow découvrait l'aventure version adultes complètement différemment. Et vu certains énergumènes - dont le blessé tête de bourrique - elle se demandait si, dans le fond, ce ne serait pas mieux pour elle de rester enfant. Mais c'était embêtant d'être une enfant chez les adultes... Ah, que le monde était étrange quand il s'y mettait !

Krish ayant désormais donné ses ordres, l'enfant attendit que les gens commencent à marcher pour faire de même, devant être en arrière avec le grand renifleur. Elle n'avait pas spécialement envie d'être à côté de lui et encore moins d'être loin de sa mère. Mais elle ne voulait pas être grondée. Donc elle obéit, suivant le mouvement tout en se retournant régulièrement pour vérifier que personne ne les suivait... et pour reconnaître le chemin du retour. Elle retint avec un certain amusement le prénom complet de "son ami Kah", se demandant intérieurement pourquoi il ne lui avait pas donné son nom : il n'était pas si compliqué à retenir ! C'était peut-être en lien avec ça que Krish lui avait promis de lui expliquer pourquoi elle ne devait plus lui parler, si elle surivait. Ils arrivèrent devant de grandes portes qui ne posèrent aucune résistance quand le Feu d'Uriz actionna la poignée. Pour la suite... c'était étrange. Que faisait le repenti blanc de l'autre côté ? L'ombre l'avait amené là ? Et pourquoi - Driz'na dut se tordre dans tous les sens pour réussir à bien voir le mage - avait-il une couronne sur la tête ? C'était moche. Et seuls les Humains avec leur système féodal avaient des couronnes. Après, ce n'était pas sûr que sa mère souhaite garder un Triumvirait pour l'Elda... mais ils n'allaient quand même pas s'abaisser à faire pareil que les idiots éphémères, non ? Alors pourquoi une fichue couronne ? Elle ne comprenait pas...

*Avertis ta mère, rien n'est ce qu'il semble ici… Dis lui, mais ne te fais pas entendre…*

Driz'na cligna plusieurs fois des yeux en regardant celle qui s'était reculée vers elle, l'impression d'une caresse sur la joue l'ayant guidée vers la dame. La petite resta quelques instants hébétée, mettant un moment avant de comprendre que la dame avait réussi à lui parler sans même ouvrir les lèvres. Elle se concentra de toutes ses forces pour essayer de répondre à la mage.

*Vous ne pouvez pas lui parler dans sa tête, comme avec moi ?*

Pas de réponse. Avait-elle seulement entendu ce qu'elle avait pensé ? Ou bien y avait-il une raison ? Ou peut-être qu'elle avait rêvé, tout simplement... c'était bizarre. Quoi qu'il en soit, voulant bien faire, Driz'na regarda autour d'elle, se demandant comment elle pourrait faire passer le message à Dren'Zess sans parler ni se faire remarquer. Faire diversion ? Non, le couloir était trop petit et le blanc savait qu'elle faisait partie du groupe, donc il risquait de deviner que c'était elle. Suivre le grand renifleur et se cacher derrière ses grandes pattes épaisses ? Huuuum... c'était plus que faisable ça mais la cape qu'elle portait risquait de se faire voir elle. Et puis de toute façon, comment transmettre le message sans passer par la parole ? Huuum... il y avait les codes qu'elle utilisait avec son père mais elle ne savait pas si Dren'Zess les connaissait, même s'ils étaient des amis d'enfance. Sinon il y avait plus simple, il fallait juste savoir lire et se concentrer sur une partie de son corps. Oui, elle allait faire ça ! Sa mère savait lire donc c'était faisable !

Sans faire le moindre bruit, Driz'na utilisa sa main droite ainsi que ses dents pour se défaire de sa cape. Elle la posa à terre, dans un endroit où il y avait de la lumière, puis se faufila entre les jambes des adultes. Se tordre pour passer dans un endroit étroit, elle savait faire. Ne pas toucher et ne pas faire de bruit, elle s'y était entrainée. C'est ainsi, se concentrant bien plus sur la courte distance qu'elle avait à parcourir que sur les déblatérations des adultes, elle finit par se positionner derrière une grande jambe d'Urgoll en faisant en sorte que son petit corps soit caché à la vue du faux roi. Puis sa main valide dépassa tout juste la grande jambe pour venir tapoter deux coups contre l'arrière de celle de Krish la plus proche. Espérant que sa mère n'ait pas trop tourné les yeux vers elle, elle attendit une seconde avant de commencer à écrire en lettres majuscules, avec son doigt : myar'a. Parler d'illusion aurait été plus explicite mais le mot étant très long, elle s'était contentée d'un simple "faux". Sa mission accomplie, elle commença à revenir silencieusement à sa place... tout en faisant attention à faire en sorte d'être toujours cachée par les jambes de quelqu'un.

- Regarde-toi en face avant de vomir le pus qui te sers d’avis ! tu lui hurles, ta patience à bout Mes enfants prospèrent et nourrissent notre plus haute science un geste vif décroche le colosse du sol pendant que les tiens servent de gibier !

Tes gardiens serrent leurs armes et ancrent leurs jambes d’appui, alors que le Haut-Prêtre bouscule les alliés derrière lui, pour se retrouver accroché à une croix invisible, douloureusement compressé par deux murs de néant. Tu n’as pas passé ta vie à servir la Haute-Magie Puysarde et à poursuivre la Haute-Magie Puysarde au péril de ton existence pour entendre ça. Tu n’as pas destinés des ouvrages entiers à des mages comme ses disciples, pour qu’un Maître sans pédagogie vienne remettre en cause ta capacité à enseigner. Il est là le grand problème du Puy ; dans les Urgoll’Ven et les Kel’Zora qui refusent de comprendre que l’on n’acquière pas la grandeur en se jetant au feu ; dans les Urgoll et les Kel’Zora qui refusent de comprendre qu’il est une différence entre juger un Indigne et détruire un allié.

Tu avais là ta chance de prouver aux Urgoll’Ven et aux Kel’Zora de ce monde
qu’il y avait tout autant – voire même plus – de puissance au Siège des penseurs qu’au leur.

Tu ne fais plus qu’observer, tu scrutes maintenant. Cette salle est ton monde et aucun mouvement ne t’y échappe. Tu es les lois de la physique auxquelles ils doivent tous obéir. Tous sauf un, mais tes alliés le savent.
Baguette au vif tu attends la potentielle réplique, prêt à répondre sans ménagement… et à donner la mort s’il le faut.

Krish écoutait. Le Haut-Prêtre n'avait pas tort et elle ne voyait pas en quoi Valsrik mentirait pour si peu. Il avait donc retourner sa veste par conviction, et bien que l'idée lui semblait des plus stupides, elle pouvait l'entendre. Tout comme elle pouvait entendre les railleries d'Urgoll face à un illustre chieur qui voulait décidé seul de ce qui était bon ou non au lieu de s'en remettre à deux haut-prêtres.

Mais plus que tout, elle acceptait le concours d'égos qui s'était établis entre les deux drow pâles. Leur franche façon de s'affronter pour imposer leur idée sans renoncer était même foncièrement belle. Elle lui faisait le même effet que cette simple tige verte et épineuse, première touche de couleur qu'elle avait pu voir en ressortant des ombres.

On lui frappa la jambe, elle se tourna par réflexe et son regard se durci en rencontrant le visage de Driz'na qui commença à tracer des lignes dans l'air. Qu'est-ce qu'elle foutait encore ?! Comme si elle avait le temps pour ses jeux de gosse débile ?! Faux. Quoi faux ? Elle détourna les yeux avec froideur. Bordel si cette gamine n'était pas sa fille, elle suspecterait volontiers sa lignée d'être demeurée. Ses doigts se raidirent sur le manche de sa lame. Urgoll décolla du sol. Ust'Kor ! Elle en avait raté un bout.

Par réflexe, elle tendit le bras pour empêcher les autres de partir immédiatement à l'assaut et braqua son regard sur Valsrik. Son sang bouillait. Et qu'est-ce qui était faux non d'un chien ?!

- C'est entre Urgoll et Valsrik. Que personne n'interfère entre eux. " tonna-t-elle à l'attention de toutes les oreilles disponibles, alliées comme ennemis. Le plus fort imposerait sa volonté. Les deux pouvaient avoir leur place dans le futur d'Elda mais la victoire déciderait pour eux. Elle n'était plus capable en cet instant de redouter la mort de l'un ou de l'autre. " Et vous ! " lança-t-elle encore aux guerriers. Elle avança d'un pas, laissant la place à ceux qui ne l'avaient pas encore fait, d'entrer dans la salle, sous la forme énorme d'Urgoll qui n'avait put régir dans l'instant, ses réflexes émoussés par le poison. " Ployez devant le vainqueur ou donnez-moi une seule raison de vous faire la peau. " Ses articulations blanchies faisaient frémirent son épée bâtarde. Un sourire carnassier étirait ses lèvres tandis que ses iris passaient de Valsrik et Urgoll aux deux bovins. Une pensée lui traversa soudain l'esprit, de loin, confiné à un arrière plan qui restait raisonnable, là ou le reste de sa personne réclamait du sang. Faux... Tout ça... N'était-ce qu'une vise en scène ? Allaient-ils tué des alliés en attaquant ? Ou les ennemis étaient-ils plus nombreux encore qu'ils ne le pensaient ?

Le géant, Haut-Prêtre de Zhak'Bar, est soulevé comme une feuille par le vent, et suspendu dans les airs comme un oiseau par une flèche, tandis qu'une force invisible le compresse. Ainsi secoué, l'attaque du poison se fait plus vile. Nausées, vertiges, pressions, brûlure... Un violent frisson lui remonte la colonne vertébrale alors que ses muscles tressautent dans leur carcan de peau. La grande silhouette se tord alors que les sens du Gobelin sont assaillis, que sa nuque se tord et que ses veines saillent autour de son cou. Lutter, résister, gronder... Cette douleur si familière, cette douleur qui l'accompagne, cette douleur qui le réveille.

S'arrachant à sa gorge, un grondement animal s'élève, accueillant l'annonce du Feu, en une parodie rauque d'un rire fou et joyeux. Les grognements hoquètent et redeviennent des sons intelligibles, assimilable à la voix d'un drow.

"Ah ! Que le Prime Dragon apprécie, le moucheron a des crocs ! s'amuse le sombre, la tête renversée, suspendu dans les airs, malgré le poids sur sa poitrine. Peut-être saura-t-il en faire le bon usage et déchirer la toile qui le tient. Qui sait ? Prend garde, Ô toi  qui sait donc tant, aux araignées et leur venin. Arh arh arh ! s'étrangle-t-il en riant, de la bile lui revenant en bouche. Relevant la tête, il offre la vue clamée : le liquide dégouline de son rictus carnassier sur son menton crayeux. De gibier, Ses enfants deviennent prédateurs. Ainsi l'exige Notre Père, ainsi sert son Foudre de Guerre ! Violentes, ses respirations soulèvent fortement son torse, luttant la contrainte magique. Nous servons tous, à l'unisson, au nom d'Uriz, sous l'autorité d'un triumvirat ! Mais qu'est-il advenu de ces têtes ? Il crache dans les ombres l'acide qui lui tapisse la gorge. Disparues. Mortes. Que reste-t-il ? Un ricanement gras se glisse entre ses crocs. Les araignées, qui se cachent, font leur nid e se gorgent de venin pour planter leur dard dans de nouveaux pantins. Et c'est à elles que tu comptes confier tes si précieux enfants ?"

Et le pâle de lutter pour respirer alors que rire et toux s'entremêlent dans sa bouche, où nait une hilarité d'amusement et de pitié. Le spectacle devant lui est si navrant, et sa position si ridicule, à devoir parler pour faire entendre raison à celui qui se gausse de son intellect, alors que leurs ennemis l'ont si facilement retourné contre lui-même. La malédiction et la force des sombres, que cette opinion qu'ils ont si haute d'eux-mêmes ! Son air se fait rare alors que ses maux assomment son esprit. Son éclat a un prix et chaque nouvelle parole se fait plus sifflante.

"Ah ! Offrir sa panse aux araignées ! Q-q-quel mauvais novice de Zhak'bar tu ferais ! Il tousse de la bile et parvient à parler encore. Et quel mauvais érudit je ferais ! L-l-le Sui’aerl Cuass’ili m'a suffit... Je sais où est ma place. T-t-te rappelles-tu la tienne ?"

Les paumes restent crampées sur les poignes des lames et des masses, les corps restent dans un pénible équilibre partiel. Qu’ils aillent contre la parole du feu d’Uriz et ils te perdaient, qu’ils relâchent tension et attention et ils se perdaient. L’affrontement se fige à nouveau. Position d’inconfort. Pour lui plus que pour toi. Du moins tu oses l’espérer.

- Alors tu ne comprends vraiment pas…

De quelques fioritures de ta baguette tu rends – sans douceur aucune – le disciple du Dragon au sol. Là son calvaire change, plus habituel peut-être, mais pas plus confortable. Elle s’impose du haut vers le bas maintenant la pression. Légèrement plus lourde encore qu’elle ne l’était auparavant, mais peut-être plus supportable, parce que poids mis de côté, elle devait lui être plus familière.

- Héritier de Valas est mon nom. Et ma place, elle est là, sur ton chemin. ta voix grave se pose, reprenant son miel glacial des jours de sarcasme froid Et en tant que représentant du Gardien, je protège mon peuple. Des gens comme toi.

Tu accompagnes le mot d’un coup de poignet, force le colosse à tressauter, l’enfonçant un peu plus dans sa visiblement piètre condition.

- Les suivants de Malag’eyl, je ne les aime pas plus que toi, mais dans toute l’hérésie de leur égoïsme, ils représentent un meilleur parti qu’un elfe prêt à envoyer les siens à la mort comme s’ils naissaient tous prêts à se battre. petit à petit, tu t’emportes à nouveau Au moins en cherchant leur confort, les araignées débarrassent celui qui les héberge des nuisibles. Pour peu qu’une seule tête digne siège à ce Triumvir et se fasse leur couverture, la suite de Malag’eyl possède encore largement le pouvoir d’asseoir et son autorité, et sa sécurité. Si tu savais les merveilles de sorcellerie qui protègent cet endroit, tu réaliserais pourquoi je préfère en savoir les maîtres alliés du Feu d’Uriz plutôt que gâchés en pâture aux P’leik.

Tu tires la gueule du Dragon vers toi, et le Grand Gobelin glisse jusqu’entre les deux guerriers de ton camp. Tu prends une grande respiration, reprends ton calme, et la paume serrée sur le manche de ta baguette à t’en blanchir ta paume déjà blanche, tu fais un pas, puis deux en direction d’un Urgoll’Ven enfin libéré de ton charme. Tu es prêt à en invoquer un nouveau, mais ce que tu as à lui dire, tu veux le lui dire en face… quitte à devoir lever le menton.

- Il y a un temps pour détruire, un temps pour construire, et un temps pour protéger. Et à l’heure qu’il est, le tien n’est pas encore venu. HaUt-PrÊtRe.

Le temps pour l’instant est à protéger ce que du Puy il reste de louable devant Uriz. Quand les justes seront tous dévoilés seulement, viendra le temps du Prime Dragon. Mais Urgoll’Ven l’a prouvé encore et encore ; le Haut-Prêtre de Zakh’Bar ne sait pas attendre.

Retrouvant son souffle, n'ayant pas manqué de se relever sitôt le sol retrouvé malgré les vertiges avant d'être une nouvelle fois soulevé contre son gré, Urgoll'Ven baisse les yeux sur le pantin couronné, l'observant de ses yeux sanguins, telle une grande bête se penchant sur une plus petite. Bouffi d'orgueil... Bouffi de son importance... Et pourtant, son vœu de protection trouve un écho dans le servant de Zhak'Bar, qui le détaille avec une vision autre, moins méprisante, plus curieuse. Ses babines s'abaissent même, le rendant moins agressif au regard. Un jeune, un ambitieux... Comme tant d'autres avant lui. Certains moururent. Certains grandirent. Sa "piqûre" même est caractéristique, propre à son âge, propre à ses semblables, adeptes de l'immatériel. Non sans un gloussement, le Gobelin accepte et continue de continuer à se plier à ce ridicule petit jeu de mots, poursuivant sa lutte contre le poison, alors que des spasmes continuent d'agiter ses membres.

"Qu'une bête dispense la mort dans mes rangs et je l'abats. Les araignées n'ont pas gardé leur maître en vie. Pis, elles ont empêché le Puy de se relever par leur silence. Cherchent-elles les Dignes, ou n'est-là qu'une autre toile où tu es pris ?... Elles abandonneront le Feu dès qu'elles seront lasses. Le Haut-Prêtre se gausse. Hérétiques et Indignes. Bonnes à abattre. Un nid de cendre pour les Flammes du Puy. C'est ainsi que je les vois. Le sourire reparait, plus fanatique que jamais, et n'importe qui peut lire, écrit dans le feu de ses yeux, toute la joie que lui apporte le fait de servir la Choisie. Que le Feu juge mon temps venu, et j'obéirais. Qu'elle n'en fasse rien, et j'obéirai. Car il est Son Foudre de Guerre, et je suis son serviteur. Ce n'est pas à toi d'en décider... Moucheron."

Et la moquerie de se mêler à son rictus alors que, tout doucement, sa salive déborde de sa gueule et se met à goutter sur le sol. De chien fou, il ne lui manque plus que la fourrure.

HRP:

- Et combien des tiens est-ce que cela coûte avant que tu t’aperçoives qu’un Fern rôde parmi eux ?

Combien de hauts potentiels gâchés avant qu’ils n’aient pu fleurir ? Combien au contraire parce qu’ils étaient nés solides auraient survécu pour souffrir éternelle stagnation ? Après tout, ce n’est qu’en réalisant qu’il restait des barreaux au-dessus de nous que l’on continuait de monter.

- Les araignées au contraire ont tout fait pour protéger leur maître. tes yeux mornes s’ouvrent enfin Et contrairement à ce que l’on a bien voulu vous faire croire, Malag’eyl est encore bien vivant.

Et à l’instant, tu te demandes bien ce qui a pu leur faire croire le contraire.

- Alors non. Les araignées ne cherchent pas les Dignes, et n’en sont pas plus elles-mêmes ; mais jamais elles n’abandonneront pas quelqu’un venu s’offrir comme la clef de leur tranquillité. Elles s’aiment trop pour ne pas profiter de l’ombre d’un grand.

Tu fais un pas en arrière, te tournes finalement vers Krish, que ce débat prenne enfin fin.

- Mais puisque nous sommes tous deux soumis au Feu, laissons donc le Feu décider de sa direction.

Krish se passa la langue sur les lèvres. Elle défiait les deux guerriers du regard, cherchant le moindre mouvement de colère, de recule, de peur ou de défense, pour faire un bon et leur carrer un grand coup d'épée aussi violent et sanglant que possible. Mais rien. Ils se tenaient à carreau, comme déterminé à ne pas déclencher les hostilités. Des gardes vouaient une obéissance aveugle à leur maître sans vouloir faire couler inutilement le sang de leurs pairs. C'était ce qu'elle attendait du peuple drow, qu'il puisse prendre sur lui pour réserver ses instincts les plus sanguinaires et destructeurs à l'extérieur de leurs murs. Mais à cet instant précis, elle aurait préféré qu'ils soient aussi bête que méchant étant donné qu'elle ne pouvait pas avoir de suite la réponses aux questionnements concernant le message inutile de Driz'na.

Elle tourna pourtant le regard vers les deux moulins à parole, histoire de pouvoir au moins profiter du duel de mage qui s'annonçait... Mais rien. Des mots. Des mots. Des mots qui lui entrait dans une oreille et ressortaient par l'autre. Des Ferns, des Dragons, des Mouches, des Araignées. " T'es minable et lâche, tu te fais manipuler par des crevures qui ont laissé Elda sombrer dans le chaos. Faut tout cramer. " contre " Ouais mais t'es vraiment très con alors les crevures, même si elles sont lâches, elles sont rusées et donc plus utiles que toi pour débusquer et tenir les pires salops. " Voilà tout ce qu'elle en retenait d'une oreille distraite, attendant qu'ils en viennent à la preuve par les faits.

Et pour couronner le tout, ils ne tranchaient pas plus au sens figuré qu'au sens propre. Au lieu de se départager dans l'adversité, ils se tournèrent vers elle pour un arbitrage. Pour qu'elle désigne la marche à suivre. Pour qu'elle choisisse quelle serait la ligne de conduite du Puy jusqu'à ce que la Purge soit effectuée une bonne fois pour toute.

Les yeux aveugles de Vals se posèrent sur elle comme ceux d'Urgoll. Les deux attendaient qu'elle ouvre la bouche.

A la place, elle passa l'épée qu'elle avait ramassée dans sa ceinture, la lame crissant contre le côté de son corset d'acier. Elle avança jusqu'aux deux guerriers comme s'ils n'existaient pas, toisant les deux créateurs du débats d'un air si sérieux et tendu que les bovins la laissèrent passer. Trois pas et elle arrivait à côté d'Urgoll. Un de plus et elle était entre eux, face à Valsrik. Elle le toisa un instant, réfrénant son agacement. Puis se retourna vers Urgoll.

Son corps vrilla de la pointe du pied à la hanche, de la hanche a l'épaule et de l'épaule au poings câleux bardé de griffes d'acier, qui frappa le Haut-Prêtre juste devant l'oreille, au niveau de la mâchoire. Si la dislocation n'était pas offerte par la maison, la forgeronne voulait bien manger son chapeau. Puis elle se tourna vers Valsrik et lui administra le même traitement de sa main gauche. Son bras principal, plus puissant, mais main nue. En fin de compte, elle n'aurait pu dire le quel avait eu le traitement de faveur.

- Driz'na a plus de cervelle que vous deux réunis... " grogna-t-elle en reniflant, les regardant tour à tour. " Vous nous faites perdre du temps et passer pour des guignoles. Ça fait des mois que nous faisons de Malag'eyl et tout ce qui s'y rapporte la quintessence de tout ce qui ne vas pas au Puy. Sa chute sera la catharsis dont à besoin Elda. Il n'y a plus de choix, plus de plan à changer, plus de conservation de l'ancien. Si vous voulez vous départager pour le reste, faites le comme des eldéens, pas comme des chiens qui se reniflent le cul. " Elle se tourna en plus vers leurs autres coéquipiers. " Si certains ont des états d'âme, qu'ils les gardent pour eux jusqu'à ce que notre tâche soit accomplie : détruire les reliefs de l'ancien triumvirat. " Puis elle se tourna une fois de plus vers le mage qui leur avait fait faux-bond, mais pas vraiment, mais un peu quand même... Et gueula à l'attention de tout ennemis potentiel, Valsrik le premier. " Si quelqu'un veux se ranger de notre côté, c'est maintenant. Je ne fais jamais deux fois la même proposition. "

Et elle se retourna pour rejoindre le groupe, présentant son dos comme si elle ne craignait rien, la main nonchalament posée sur le long pommeau de son épée empruntée. Elle choppa les regards de Kahv', Vlos'Veldruk, Viconia et L'renor.

- Dans le doute, Kahv', nous devons trouver Malag'eyl pour que le peuple en ait le cœur net. Que ce soit un cadavre ou un homme bien vivant importe peu. Soit ses gardes nous rejoignent. Soient ils meurent. Pas de seconde chance. " A commencer par ceux de cette salle. " Quelqu'un à une objection ? "

Lassée d’écouter les protagonistes de cette drôle de scène, la Rose Noire préféra se concentrer un instant sur la pièce, observant quelques détails somme toute inutile de cette salle austère. Voilà qui se trouva être bien plus intéressant que les élucubrations de ces mâles agitant quelques belles métaphores dont le sens lui échappait totalement. Car – il fallait bien l’avouer -, l’eldéenne se fichait pas mal de leur querelles intestines, pour peu qu’elles aboutissent à ce qu’elle attendait : le retour d’un ordre véritable et l’abolition des dernières brides d’un pouvoir chancelant. Ses yeux se posèrent avec amusement sur le grand corps soulevé, ne pouvant s’empêcher d’éprouver quelque satisfaction à le voir ainsi malmené. Poupée de chair, le Géant pouvait bien aboyer ; si haut perché, ses invectives ne touchaient personne.

Et finalement, un petit rire goguenard lui échappa lorsque – mettant fin à toutes ces jérémiades – le Feu d’Uriz s’approcha de l’un puis de l’autre. Qu’il était délectable – sinon excitant – d’entendre les muscles se froisser et les os craqueler sous la violence du choc. Ah ! Voilà que la petite se mis à trépigner d’impatience alors qu’enfin se taisait les faux-esprits. Puissent-ils penser en silence ! Son souffle se fit plus court, alors que germait au cœur de son antre un papillonnement étrangement familier. Bientôt les secousses hilares parcouraient son corps alors que ses doigts vinrent chatouiller le liquide chaud et épais qui s’écoulait de sa cuisse. Il ne fallut guère de temps avant qu’elle ne les porte à ses lèvres. L’Renor Crysto laissa s’écouler une goutte qui glissa sur son menton avant d’enrouler une langue envieuse et impatiente. Elle n’y tenait plus, elle voulait le prix du sang.

La main libre triturait la poupée de chiffon, glissant, tirant, roulant le tissu fragile. Son cœur palpitait à tout rompre tant la hâte s’emparait de ses humeurs, et bientôt, dardant ses yeux andrinoples sur la belle guerrière, s’avança :
« Puisse le Feu d’Uriz faire couler le sang des traîtres ».

Ouf ! Cachée juste avant que le grand renifleur ne soit soulever dans les airs ! La gamine se retourna à ce moment-là vers sa mère, ou plutôt vers la drôle de conversation que les deux blancs avaient et qui n'avait ni queue ni tête. Que pouvaient-ils bien faire ? Ils s'évertuaient à faire diversion ou bien ils réglaient leurs comptes alors que des gens avaient piégé leur propre chez eux pour qu'ils ne les trouvent pas ? C'était vraiment ça, le monde des adultes ? Ce n'était pas beau à découvrir... Driz'na regarda tour à tour les autres adultes de ses yeux violacés, ne pouvant s'empêcher de ne pas vouloir remarquer le moindre détail. Elle avait été élevée ainsi, et une bonne habitude, cela ne se perdait pas du jour au lendemain. Celle qui s'imprima le plus dans sa mémoire fut la dame du C'nros : elle s'était entaillé la jambe plus tôt et avait porté sa dague à ses lèvres. Elle avait un regard étrange... Histoire de ne pas se faire remarquer, la petite revint auprès de celle qui lui avait parlé dans la tête. D'un bref signe de tête elle lui indiqua que sa mission, si courte soit-elle, était remplie. Elle aurait juste préféré que sa mère ne se retourne pas pour pouvoir tracer les lettres sur sa jambe... ça aurait été plus discret. Et elle semblait toujours aussi courroucée... elle trainerait ça certainement toute la journée. Et elle aurait vraiment aimer continuer à être l'enfant dont la mère était fière. Ressassant cela dans sa tête, Lotha Suru reprit sa cape qui trainait encore sur le sol à la lumière... ou du moins voulut la reprendre. Au lieu de quoi elle s'arrêta, main tendue, et se redressa sans y toucher. C'était elle ou quelque chose avait changé ? Les ombres peut-être ? Pourtant les sources de lumière ne s'étaient pas déplacées. Ou peut-être était-ce quelque chose dans le couloir en lui-même ? L'enfant posa sa main sur ses lèvres, comme si elle était subitement pensive, et reporta son regard vers l'avant du convoit. Tout en détendant ses muscles, comme le lui avait appris son père, elle revint vers sa mère. Elle avait oublié quelque chose. Ou bien la salle la dérangeait. C'est ce qu'il fallait croire. Mais une fois son petit corps repassé devant celui du prêtre de Teiweon, elle s'arrêta.

Sa mère s'était avancée pour taper les deux adultes qui se disputaient, leur disant même qu'elle avait plus de cervelle qu'eux-deux réunis. Elle n'aimait pas être comparée à eux... surtout que sa mère lui en voulait.
La mage du C'nros avait les yeux rivés sur le trio, son regard encore plus malsains que quelques minutes auparavant. Elle ne vit pourtant pas le manège répété du sang léché.
La dame qui lui avait parlé dans la tête semblait, elle aussi, concentrée sur l'avant. Quelque chose était faux là-bas, elle essayait certainement de savoir quoi... Elle n'oserait pas la déranger, ne voulant pa être à nouveau grondée. D'autant plus qu'en vrai, elle n'avait le droit de parler à personne à part Krish.
Elle leva donc les yeux vers le suivant de la Voilée et, se rappelant de la conversation qu'ils avaient eue la veille au soir, elle se risqua à lui tirer sans forcer la manche. Ce n'est qu'une fois qu'elle eut ses yeux baissés vers elle qu'elle pointa du doigt le couloir, montrant volontairement un air inquiet. Lui aurait plus le droit qu'elle de déranger les autres.

Parce qu'à force de rester plantés là, le temps les rattrapait.

HRP:

La pression explose derrière sa pommette, dans un craquement humide. Le géant ploie, fait un pas en arrière, la tête baissée, tandis que le Feu d'Uriz fustige les sombres. Urgoll'Ven ne parvient plus à l'écouter, son corps au bord de la chute, de la perte d'équilibre, de l'abandon de la conscience. La douleur irradie et assourdie les sons comme sa vue. Il tente de bouger la mâchoire... Et manque s'évanouir de plus belle alors que vertiges, nausées, brûlures et douleurs s'entremêlent en une bête sombre dont l'ombre engloutie son esprit. Une plainte sourde filtre entre ses lèvres dont le sourire a disparu, alors que son faciès crayeux est figé dans une expression de stupeur floue. Lentement, la faiblesse se répand dans ses membres.

Alors, le géant tombe. Son genoux heurte la pierre avec fracas, la douleur irradie... Et son poing vient stopper sa chute. Sa tête s'abat lourdement et sans force, au son d'une respiration rauque. Ses mèches collées par la sueur viennent plonger dans l'ombre son visage, comme si son corps n'avait eu là qu'un réflexe, alors que son esprit est parti. Qu'une simple pichenette suffirait à le faire, finalement, s'effondrer.

... J'ai vu son Feu...

Douleur, vertige, nausées, brûlure, douleur, nausées, vertiges, douleur, nausées, douleur... Lentement, les yeux sanguins se rouvrent sur un sol dur et froid. Ses sens lui chuchotent à nouveau ce message dont est tissé la gangue qui l'engourdit. La perception du lieu, la perception du temps, la perception du but, la perception des vies... Cela lui revient, de même que la conscience de son corps supplicié. A-t-il déjà connu pire ? En des lieux isolés et inhospitaliés, après avoir survécu à la rage de Ses créatures, mais de si peu... Au sein de son Temple, après avoir déchiré le corps de son ennemi qu'il a vaincu, mais de si peu... Après avoir fait se consumer dans le feu sa propre chair et le corps de son père adoptif à la bastonnade duquel il a survécu, mais de si peu... Oui, il a connu pire. Mais de Flamme, il ne regardait que la sienne.

... Et j'ai frémi...

La main qui ne le soutient pas vient tâter la chair de son visage, tandis que ses yeux voient le liquide qui dégouline de son faciès : un mélange de bile, de sueur, de sang et de salive. Il se sent aussi faible qu'un nouveau-né... Mais il est vivant. Il tente de prononcer des mots, mais il n'entend que des onomatopées informes, dignes d'un gobelin piétiné par une horde de monstres du désert. Vivant. Malag'eyl sera confronté à Sa Justice. Le Feu d'Uriz lui a fracassé la mâchoire.

... Car je suis Son Serviteur...

Le Gobelin se sent aussi heureux que sa mâchoire le lance, si ce n'est plus. Une joie l'embrasse, tel un feu qui qui irradie dans son corps, ses muscles, son bas-ventre, son cœur. L'envie lui prend de danser à s'en déchirer les muscles, d'appeler à lui la magie dans un déchainement fou de flamme rugissante, d'y faire brûler ses chairs comme du petit bois. Et son rire, son rire, de faire résonner sa tête de douleur et de bonheur, alors que son rire retentit, malgré son os peut-être brisé, hilare et immonde. Vivant. Loué soit le Prime Dragon. Loué soit le Feu d'Uriz.

Se relever lui semble être aussi dur que de se hisser à la force d'un bras au dessus d'un pic rocheux. Pourtant, il le fait, car rien d'autre, en cet instant, ne lui parait acceptable. Ses mires sanguines sont braquées sur le Feu, et rien ne saurait les en détourner, ni l'empêcher de la suivre. Urgoll'Ven sourit.

Carte des lieux :

Pourquoi est-ce que tu t’en étonnes ? Elle n’a jusque-là jamais choisi l’option de sécurité. De toute ce que tu as pu voir tu avais été son option de sécurité, et tu l’avais toujours été de force et par la force. Mais il y avait tout de même quelque chose de différent. Quelque chose avait changé chez elle. Krish n’était plus la Krish ayant pris rendez-vous avec le Sorcier Baenfere à la pêche aux informations. Krish n’était plus l’Eldéenne ayant partagé un verre avec toi pour longuement discuter votre vision des événements à venir. Du moins elle ne l’était plus entièrement, et cela il faudrait que tu l’acceptes. Le Feu d’Uriz brûle en elle, et petit à petit il dévorera son hôte. Car aucune créature de chair, même immortelle, n’est éternelle. Aucune créature ne peut se targuer de combattre la volonté des dieux. Et surtout pas celle du Père des Batailles.

Et le Père des Batailles a décidé qu’il était temps de se battre. Alors que pouvait donc y trouver à redire Krish ? Que pouvais-tu y trouver à redire toi-même.

Quand elle s’en retourne vers son côté, t’y invite implicitement, tu restes genou au sol, là où elle t’a envoyé. En partie à cause de la douleur que tu n’as pas été entraîné à supporter, en partie parce que tu le lui as dit, et si elle te laisse encore cette chance quand elle aurait pu t’achever, c’est parce qu’elle le sait : il n’y a qu’elle à qui tu es sincèrement fidèle ici.

Les jumeaux marchombre posent les yeux sur toi, contemplent votre échec, et sortent du couvert que leur offre le dos du mastodonte. Vous n’aviez pas réussi à rallier le feu d’Uriz. Alors qu’avaient-ils d’autre comme option maintenant ? Quel honneur à suivre un maître plutôt qu’un Père ? Quel honneur à suivre son serment plutôt que sa foi. Leurs visages font une sobre révérence à l’ancienne Maîtresse des Forges, mais leurs sourires trahissent pour l’un une pointe de malice, pour l’autre une croche d’anxiété, qui s’échangent lorsque le nouvellement promu Haut-Prêtre de Teiweion valse au milieu du petit groupe.

- Ça ne sert à rien. Il n’y a rien d’autre ici.

Un éclair de magie te sort de ton monde d’obscurité et de réflexion. Ta mâchoire abîmée t’empêche de leur emboîter le pas et de sourire proprement, mais l’occasion est trop bonne. Lentement, retrouvant petit à petit tes perceptions, tu te rouvres au monde. Tu ris, doucement. L’un d’entre eux a essayé de s’échapper, pour se heurter à la réalité de leur situation. Peut-être qu’il serait temps que tu leur ouvre les yeux… et que tu te mettes à espérer qu’eux te rendent la pareille une fois que tu les aurais délivrés.

Ta baguette siffle à travers les airs avec la férocité du Prime Dragon, alors que dans un geste qui se veut autant l’expression de ta vengeance qu’une reddition, tu t’en prends à nouveau au Haut-Prêtre de Zakh’Bar. Le vide explose à ses pieds pour le propulser en l’air, le vide explose dans son dos pour le ramener plus près de toi.

- N’oublie pas tu profites de la seconde où vos visages sont le plus proches pour lui confier à voix basse ce dont je suis capable.

Les deux mastodontes fondent sur ton ancien groupe alors que les jumeaux font une dernière révérence au Feu d’Uriz, et disparaissent dans les ombres. Ton étau sur le colosse se resserre de seconde en seconde alors que tu le traîne à travers les airs jusque haut dans la salle. Et puis dans un geste théâtral, tu le relâches. Non tu ne relâches pas. Pire que cela. Tu le prives de toute compression. Naturelle y compris. Une détonation retentit dans la salle, l’onde de choc dont Urgoll est l’épicentre arrache un frisson à la peau des porteurs de Braise présents.

Et le corps sans vie du Haut-Prêtre échoue au sol, ses yeux, son nez et ses oreilles suintant les liquides échappés par ses viscères.

Il s’était tut, littéralement. Ses lèvres cousues, interdit à cette conversation, il avait préféré délaisser son rôle de meneur une fois qu’ils furent menés à bon port. Quelques pas du reculons et il se buta pratiquement contre sa bonne amie, manquant de près d’écraser sa poupée du fion. Il avait échappé belle ; eut été autrement, probable qu’il aurait eu plus à craindre de la biscornue sorcière. Et même lorsqu’il se sentit pincé par l’affirmation du fol dingo de Valsrik, comme quoi Maleg’eyl serait toujours bien portant, il n’infirma ni ne confirma ses dires. Il se contenta, tout simplement, d’arborer l’un de ses sourires les plus hilares. Et c’est que l’occasion ne s’y prêta guère, car il se serait bien tapé la cuisse en ricanant comme pas deux, tant la chose l’amusa. D’une part, il savait que l’ex Karlik Gleen mangeait les pissenlits par la racine –il sentait pratiquement encore la chaleur de son sang sur ses mains moites- et, d’une autre part, que sa parole n’avait que peu de valeur. Les chances qu’on le considère comme le captieux personnage qu’il était s’en voyaient du coup abondamment valorisées et c’est ce qui dérida l’assassin. Hélas, lorsque Krish s’adressa directement à lui, il n’eut autre choix que de trahir son vœu de silence pour lui répondre.

« Pas d’objections. Après, l’état dans lequel on le retrouvera … C’est une autre histoire. » Parce que si une chose resta certaine, c’est que le maître sorcier n’avait pas lancé ce fait sans connaissance de cause.

La suite l’égaya moins … C’était pourtant le style de la maison, de trouver chose à se marrer aux dépends du malheur des autres. C’est que pour une fois, il craignit pour ce qui allait suivre. Son esprit analytique avait vite fait le tour de la question : confinés dans cette prison de fortune avec de surcroît, deux enragés avec eux, les risques que les pourparlers engendrent des dommages collatéraux s’avéraient bien trop élevés pour qu’il en préserve ses airs moqueurs! Tout son sérieux récupéré, ses mires valsent au gré des ombres projetées par les candélabres, s’assurant qu’aucuns ne s’emparent de ces outils à mauvais escient. Et cet examen des ténèbres perdura tout le long de cette confrontation musclée, jusqu’au moment où il crut développer subitement de l’acouphène.

Il grimaça en fermant l’œil, comme si la mélopée soufflée à son oreille l’importuna. La voix mielleuse, prompte à enfiévrer le premier mâle en sevrage de stupre, le harassa comme si elle fut celle d’une furie. Sèchement, il sonda les alentours sommairement puis buta son regard contre Viconia qu’il sema d’arrêter subitement. C’est que plongé dans l’étude du clair-obscur, en vieux garçon qu’il était, il n’aima guère qu’on le dérange, voir qu’on l’importune. D’autant plus lorsqu’on le considérait comme moins compétent qu’il l’était ; évidemment qu’il veillerait à ne pas être pris par surprise, lui mieux que quiconque connaissait les capacités des lames-noires au service du conseil. Et il n’avait rien à gagner à voir son groupe déchoir devant eux.

« Personne, Prêtresse. Les ombres qui vous tracassent se sont évaporées et ne sont plus. » Il revint vers l’action, s’attardant une seconde vers L’Renor. « Et je veille au grain à ce que personne ne leur tombe sous la main. Particulièrement toi. » Il s’était adressé à sa vieille amie, mais plus particulièrement à sa poupée, comme s’il savait qu’elle lui plairait qu’il lui accorde autant d’importance.

Sauf que le combat éclata. Si toutefois l’on peut appeler ça une rixe. Une déflagration obligeât son bras à venir couvrir son faciès, tant la décharge carabinée fut soudaine. L’air souffla en une bourrasque si violente, que toute lumière défaillit. Chaque torche, chaque candélabre et chaque chandelier furent contraints à voir leurs flammes chassées par nous laisser régner dans la grande pièce les plus profondes ténèbres.

Pour le coupe-jarret qu’il était, ne pouvait-on point rêver à moment plus opportun que celui-ci pour frapper ? Valsrik céderait, même couvert de toute magie, d’un coup sec et précis à la nuque … Et tandis que ses doigts chatouillaient d’envie de se saisir de son coutelas, Kah se demanda si ce fût vraiment à lui de choisir du sort du vaniteux sorcier. En misant sur Krish, il avait mis tous ses œufs dans le même panier et outrepasser son autorité aurait été à l’encontre de sa gageure. Pour le moment, il lui fallait redonner ses yeux à son groupe.

Or à peine cinq secondes ne s’écoula après la déflagration, avant même que toute poussière ne soit reposée contre le sol, Kah se positionna près de L’Renor, crispa les doigts et chassa les ombres qui étaient devenues maîtresses des lieux. Un cercle monochrome, suffisamment imposant, englobait presque –je dis bien presque- l’ensemble de la salle et offrait un sourcil de vision à tous ceux qui s’y trouvaient. Ça n’avait rien de grandiose, ni des bien faits d’une simple flamme portée par une chandelle, mais ce serait suffisant pour le moment. Du moins, le temps qu’on leur offre derechef un semblant de lumière. Le problème, c’est lorsque la vue leur revint tous …

La charpente de l’hobegelin gisait dans ses liquides, là devant eux, dépourvu de toute vie. Les yeux de l’assassin se refermèrent, inspirant à plein poumons comme s’il s’en voulait immédiatement de la décision qu’il venait de prendre. Peut-être aurait-il dû laisser son instinct parler, finalement.

Pour une fois, il avait perdu au même titre que toute clarté son sens de l’humour et lança d’un ton de voix qui manquait de patience :

« Fais quelque chose Krish! »

Une déflagration lui fit faire deux pas en avant. Elle resta maladroitement sur ses jambes. Le sourire amusé du mage des ombres flotta à la périphérie de sa vision. Toute lumière cessa. Elle lança son épée comme un javelot, droit sur le mage ricanant qui était à deux pas d'elle. Un gémissement étouffé se fit entendre.

Une question s'imposa à son esprit. Velsrik ou Urgoll? Lequel avait encore mis en péril la mission qu'ils s'étaient imposés ?

Le feu de la colère lui retournait l'estomac. Elle sentait la présence qui l'habitait s'étirer, se boursouffler. Elle la brûlait de l'intérieur, de plus en plus fort. Krish tendit les mains comme si elle contenaient sphères ignées capable d'éclairer sa route... Et rien ne se passa. Rien qu'un rire mauvais et une impression de pression brûlante sur son cou. Elle tressaillit. Elle servait. Elle ne devait pas l'oublier. A peine cette idée revenue à sa conscience, une joie sauvage la rasséréna tout à fait tandis que la brûlure du Feu se faisait plus douloureuse.

Aucune lumière ne fut émise par le Feu d'Uriz, pas la moindre, mais tous récupérèrent la vue en quelques secondes. Les yeux de l'elfe noir se posèrent sur une forme au sol. Mal définie dans la pénombre, elle était pourtant trop particulière pour qu'on puisse s'y tromper. Urgoll. Il gisait immobile, face contre terre. Inconscient. Mort, peut-être ? Mort, sûrement étant donné l'odeur de sang.

Un claquement de langue agacé échappa à la forgelâme.

Alors Valsrik avait attaqué.

Vengeance !

Non ce n'était pas raisonnable. Elle avait encore besoin de lui.

Il avait attaqué le premier. Tuer un allié. Et elle en avait envie. Vengeance !

L'esprit de la daedhel était encore bien peu aguerrit face à la puissance des pulsions nouvelles que lui imposaient le Père. Il était juste et ses préceptes étaient bons. Elle ne les avaient jamais ressentis avec une telle violence. Elle aimait sentir son corps et son esprit se tendre de concert vers l'accomplissement de ce but simple qu'était la punition expéditive du mage. Mais... pas de mais. Ferme ta gueule.

Avant qu'elle n'en prenne pleinement la décision, son corps avait déjà commencé à se ruer sur Valsrik sans même cherché à savoir sur les mages de l'ombre étaient encore là et si le gémissement qu'elle avait entendu était bien le leur. Une douche d'applaudissement et de bravos l'immobilisa à moins d'un mètre du blafard. Elle ne savait trop comment elle était arrivée jusque là, sur le côté du mage.

- Exprime-toi clairement. Dans 5 secondes, je l'étripe. " cracha-t-elle à l'intention de Viconia. Et quand elle disait 5 secondes, la mages avait intérêt à aller droit à l'essentiel car la forgelâme ne voyait pas la moindre raison d'attendre une seconde de plus qu'annoncé.
- Feu d'Uriz, nous sommes pris dans une illusion
- Parfait.

Elle ne sut trop comment, mais elle se retrouva avec les mains autour du crâne de Valsrik, faisant fi de sa couronne, et les pouces profondément enfoncés dans ses orbites. Un sang presque noir coulait sur son visage blanc. Elle en avait la respiration haletante.

Le refaire… bien sûr que tu le referais. Pour leur bien il te faudrait le refaire, ils ne semblaient pas vouloir te laisser d’autre solution. Tu aurais voulu prendre une autre cible, mais il n’y a que Krish. Tu aurais voulu qu’elle soit la dernière, mais il n’y a que Krish. Tu aurais voulu lui laisser le temps de digérer, mais tu mourrais avant que ce ne soit le cas.

Il te faudrait tisser vite. Aussi vite que possible. Il te fallait l’emporter avec toi.

Les vecteurs se redessinent autour de Krish, Krish fond sur toi comme un rapace en chasse. Tu hurles un cri d’agonie quand la plus horrible des douleurs que tu n’aies jamais connue te tiraille. Tu te sens mourir. Tu te vois mourir, ironique, pour celui qui n’a plus d’yeux.

- Si c’est ce que tu veux tu gémis à mi-voix va au moins jusqu’au bout.

Ta baguette te tourne entre les doigts, et tu cognes sans les poings contre le Feu d’Uriz. Tu déchaînes autant de forces que la situation te l’autorises contre son corps, et si c’est loin d’être ton mieux, qu’elle ose te donner le temps, et ce sera suffisant. Tu cognes contre son ventre. Tu cognes contre son dos. Tu cognes contre son crâne. Tu cognes de l’extérieur. Tu cognes de l’intérieur.

- Va jusqu’au bout, et nous serons libérés ensemble.

Tu cognes, tu serres, tu écartèles. Tu tires, tu pousses, tu soulèves, tu écrases. Tu espères. Tu espères qu’au moment où elle en aura terminé avec toi, les séquelles l’emporteront. Tu espères qu’elle comprendra et qu’elle se laissera emporter par Teiweion.

- Vous. tu déglutis difficilement Vous ne sortirez pas sans mourir.

La douleur et la puissance de l'impact lui arrache un grognement, puis un cri étouffé. Le fou. Ça ne lui suffisait pas. Était-elle si reconnaissante de ne plus être seule au milieu de ce putain de désert de cendre qu'elle tendait son dos à tous les connards de ce monde ?

Inconsciente de toutes les anomalies, convaincue d'être protégée par la gemme façonnée par ce cher Artisan, elle ne voyait que la situation telle qu'elle était. Les mots de Viconia avaient effleurés sa conscience sans l'impacter réellement. Sa raison frappait les murs de sa fureur. Il n'y avait plus d'ami, plus d'allié. La douleur réduisait son champ de vision et les coups lui avaient presque fait lâchés prise. Une myriade d'impacts lui coupaient le souffle. Le foie, son crane, son dos. Elle ne sentait plus exactement où s'écrasait la magie. Son corps menaçait de céder. Il n'y avait plus que la Colère et la Vengeance pour la faire tenir... Et caché dans leur tréfonds, un rire mauvais qu'elle seule aurait pu percevoir.

Son bras se déploya une unique fois, vif comme un serpent. Ses griffes aiguisées percèrent la peau blanche avec facilité. La chaleur du sang et de la chair fusa en un éclair au bout de ses doigts. Elle tira brusquement sur le tuyau rigide que sa paume venait de heurter, arrachant d'un même coup trachée et jugulaire. Un flot de sang l'éclaboussa...

... Et son corps s’affaissa sur lui-même.

Elle n'arrivait pas à voir le corps de Valsrik. Elle n'arrivait pas à voir quoi que ce soit en fait. Une douleur généralisée mélangeait des maux bien connus. Des os brisés. Des organes éclatés. Les sang qu'elle sentait sur son visage ne devait pas être seulement celui du mage. Elle avait si mal qu'elle ne sentait plus vraiment le détail de ses propres blessures. Elghinn auraient été fou de la voir dans un état pareil... Et elle ne pensait même pas à Velkyn et Halan... ou si peu.

En elle, la chaleur bouillante trépignait comme si de rien était. Lui, Il était véritablement immortel... Elle tenta d'étirer sa conscience vers cet chose qu'elle portait... et ne trouva que du vide. C'était bien là, mais ça se dérobait. Il s'amusait d'elle... Même maintenant. Finirait-elle dans les geôles de glace ? Qu'importe ! Elle n'allait pas mourir.

Elle avait voulu prendre sa vengeance sans ôter la vie de sa cible. Ça lui avait couté cher.

Très bien. Elle acceptait la leçon.

Mais elle n'acceptait pas de s'éteindre... Pas comme ça... Pas mainten...

Un bruit assourdissant puis les ténèbres. Etrange chose que de se retrouver là, dans une noirceur angoissante alors qu’autour d’eux tout vacillait. Elle aurait pu entendre au loin les cris et les injures. Elle aurait pu – si ses yeux s’étaient accoutumés assez tôt – voir le terrible face à face. Mais plutôt, elle resta là, dans ce sombre dessein au côté de son vieil ami. Et la noirceur vint comme à son habitude réchauffer son âme, l’entourant de ses grands bras froid. Cette vieille complice lui rappelait tant de choses, et la douleur se mua peu à peu au fond de ses tripes alors qu’un sourire naissait sur son visage porcelaine. Oui, Dula elle se rappelait de tout cela aussi. Car voilà qu’à peine tombées, les lumières ne lui manquèrent plus. Et, la troupe immergée dans un monde qui ne leur appartenait plus, elle se mis à chantonner.

Sa voix fluette s’écrasa sur les murs, et l’odeur du sang fini de faire battre son cœur à nouveau. Elle vivait. Ses doigts graciles dansèrent sur sa poupée, tandis qu’elle commença à avancer avec pour seul sens celui des humeurs tumultueuses. Lentement, dans un geste presque tendre, elle se saisit de la grande paluche de Kahveka. La Rose Noire le tira doucement à sa suite, laissant leurs corps s’enfoncer plus loin dans les ténèbres. Il était aveugle, mais elle voyait alors pour deux. « Je veux jouer Kah’. Je veux jouer à faire mal ». Les mots, à peine soufflés furent ponctués d’un petit rire. Pour autant, il ne dit mot et retira sa paluche avec délicatesse. Ils approchaient. Dans le silence de son esprit, elle pouvait sentir la respiration régulière et profonde de sa proie. Tout aussi aveugle qu’eux, le géant immobile était aux aguets.

Mais qui pouvait échapper aux ombres ? Car bientôt, un scintillement familier brisa l’obscurité et l’eldéen lui faussa compagnie. Elle le ressentait se déplacer parmi les doigts noircis, de tâche en tâche. L’Renor se mordit la lèvre, reprenant sa chanson, les yeux fixant un point qu’elle ne voyait pas. Quand enfin le géant bougea, elle ne frissonna même pas. Un bruit froid tinta, celui du métal, et bientôt la bave lui vint aux lippes, tant l’odeur la submergea. Si l’on eut prêté l’oreille, on aurait entendu se déchirer la peau, les muscles et les tendons. Quelle délicieuse symphonie. Dans un cri de stupeur et de rage, le Géant posa genoux à terre, à peine un mètre devant la petite forme. Il pouvait la discerner à présent. Elle ne le quitta pas des yeux, quand espérant son allonge suffisante, il leva le bras. Trop tard. Le tintement raisonna à nouveau alors que s’écroulait le membre-mou, tranché avec astuce.

La rivière rouge attisa un peu plus son appétit alors qu’elle tira à la hâte une dague, fonçant avec vivacité vers la grosse brute. Profitant de la vitesse, elle éclata son pied dans sa bouille déconfite, l’allongeant par la même occasion. Il eut beau avoir la moitié de ses piliers valide, le pauvre garçon n’eut guère le temps de s’en servir. Glissant son arme dans sa gueule, ses mains expertes glissèrent sur la plaie supérieure, laissant le liquide carmin tâcher sa petite poupée.
Il était trop tard.
Les derniers tendons valides se sectionnèrent sans trop d’effort, alors qu’elle lâcha de son bec la petite lame. Installée confortablement au-dessus de sa victime, la Phor’dur affichait un regard malsain. Elle se couvrit lentement du sang, alors que son cœur – au bord des lèvres – aurait bien pu rompre tant il battait si fort. Le Géant ouvrit la bouche mais alors que sa voix commença à résonner, sa langue se trancha nette. Les yeux écarquillés, elle ramassa le bout de viande, laissant ses dents s’emparer d’un petit bout, satisfaite. Elle crut voir alors qu’elle lui ouvrait précautionnèrent la bouche ensanglantée rouler deux larmes. Sans état d’âme, elle enfonça le muscle tiède dans le fond de sa gorge. Et alors qu’il s’étranglait dans un déglutissement humide, elle se pencha jusqu’à son oreille :
« Je n’aime pas les jouets qui parlent ».

C'était très rapide. Trop, en fait, pour la gamine qu'elle était. Pourtant, elle était habituée à tout détailler et à fuir au bon endroit très rapidement. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit quand le prêtre de Teiweon fit un soudain vol plané d'une dizaine de mètres. Le fait d'être très proche du mur lui permit de ne pas recevoir l'adulte en pleine tête, ce qui l'aurait peut-être tuée sur le coup. Et à la vue des deux jumelles, comprenant qu'en restant ainsi dans le couloir elle était bonne pour se faire tuer, elle courut jusque dans la salle. Là, au milieu des combats, elle pourrait se faire discrète et peut-être avoir l'utilité qu'elle espérait avoir.

Pas le temps de regarder où terminait le pauvre prêtre. Pas le temps de faire autre chose que sortir du couloir. La salle entière fut immédiatement plongée dans l'obscurité.

Puis la lumière revint, du moins en partie. Juste assez pour montrer la scène la plus écoeurante que Driz'na n'aie jamais pu contempler : le corps du grand renifleur complètement explosé, la peau se faisant à peine deviner et les tripes et autres organes s'étalant en un bouilli tout aussi horrible visuellement que par l'odorat. La petite sentit tout le contenu de son ventre lui remonter par la gorge mais pour une raison inexpliquée, contrairement à la fois où elle avait trouvé elle ne savait trop quoi dans l'incendie, elle ne vomit pas. Ses yeux apeurés se posèrent plutôt sur sa mère qui réagit immédiatement, enfonçant ses doigts dans les yeux du repenti blanc avant de lui plonger les griffes dans la gorge.

Faux. Illusion. Peut-être était-ce qu'elle ne comprenait pas le monde des adultes mais dans tout cela, quelque chose n'allait pas. La dame l'avait senti et elle avait eu des doutes quant à ce qu'elle voyait. Alors ce qui arrivait là n'existait pas. Cela ne pouvait pas exister. Sa mère ne pouvait pas tomber, elle ne pouvait pas mourir... c'était forcément faux.

L'enfant se mit à courir, vers Dren'Zess. Généralement, elle s'empêchait tout élan. Mais il fallait qu'elle le lui dise : c'était une illusion. Elles devaient s'en persuader. Si elle savait que ce qui lui faisait mal n'existait pas, alors elle ne mourrait pas. Et elles pourraient continuer. Il fallait qu'elle le lui dise, avant qu'elle ne perde son second parent.

Une main la retint, la fit pivoter. La dame qui parle dans les têtes. Les yeux verts capturèrent ceux violacés, et c'est une fine larme qui perla le long de la joue de l'enfant : pourquoi vouloir l'empêcher de dire à sa mère que tout cela n'était qu'illusion ? Pour quoi la laisser mourir ? Pour...

La dague de Viconia s'enfonça dans la gorge de l'enfant, provoquant une hémorragie interne qui, sitôt la lame retirée, si fit une joie de laisser le sang innonder sa trachée. Dans un gargouilli immonde, la petite essaya de respirer, de vivre. Au lieu de quoi le sang coula dans ses poumons et elle hoqueta, l'illusionniste la prenant doucement dans ses bras pour la poser délicatement sur le sol. Driz'na avait mal. Elle voulait respirer. Sa tête lui donnait l'impression qu'elle allait éclater. Mais plus rien dans ce monde n'était contrôlable. Plus rien.

Alors les yeux violacés se tintèrent du voile que Teiweon offrait aux yeux de ceux qui la rejoignaient.