[MdO2019] Fin Trame de l'Hydre :: La dernière tête de l'hydre

N’eut été de leurs intérêts communs envers la déchéance de la famille de Maleyg’el, allez savoir s’ils n’auraient pas tenté l’exercice de s’entre-tuer pour quelques bagatelles … Impulsifs, imbus d’eux même et par-dessus tout, incapable de faire usage de leur tête … Voilà les conséquences que provoque le rassemblement d’un groupe possédant une force de frappe capable de faire ployer quiconque. Et bien que « tue et réfléchi après » soit une technique prouvée et moult fois utilisée à bon escient, les circonstances de ce jourd’hui ne s’y prêtait guère pour maintes raisons. À savoir que le sang avait suffisamment coulé dans les derniers jours : la fidélité et la vaillance de la garde méritait-elle châtiment ? Encore là il y avait matière à débattre, mais si Kah laissait continuer le bal, bientôt non seulement devraient-ils endosser le trépas d’encore plus de Drow, mais aussi la destruction totale du palais. Car entendons nous, dix minutes ne seraient de trop pour notre bourrin dragon pour qu’il n’y reste dans la chambre magmatique que cendres et poussières! Or, voir se chamailler la plus haute instance du culte destructeur ainsi que, probablement, le plus adroits des sorciers du puy, avait de quoi amuser plus qu’un tantinet notre coquin assassin. Ce ne fût guère masque d’indifférence qu’il arbora lorsqu’il vit Valsrik pratiquement tousser l’un de ses poumons à la réception du coup de massue au plexus. Plutôt, c’est jusqu’aux oreilles que son sourire se fendit, tant il trouva la scène rigolote. À savoir si ce qui l’amusa le plus fût le coup en tant que tel, ou plutôt le fait qu’ils prirent le temps de se tirer les oreilles alors que le sort de l’Elda était entre leurs mains, allez savoir …

Enfin, Kah fit quelques pas d’avant et prit parole afin de calmer les ardeurs d’Urgoll qui semblait sans doutances paré à tout dégommer. « Si par plus lentement tu entends ne surtout pas déclancher de pièges, je t’y encourage vigoureusement. Autrement, si tu entends déclencher ces trappes sous prétexte que tu n’as pas de temps à perdre … » Et il va s’en dire que d’énerver Urgoll, à savoir de lui faire perdre son temps en quelques tirades détournés et alambiquées l’amusait follement. «  Je connais ces couloirs par cœur et je connais également l’ordre des patrouilles. Évidemment, ton « coucou nous sommes là » de tantôt avec la porte peut jouer en notre défaveur … » Ça, sans le mentionner tous se serraient accordés pour le saisir. « Contentons-nous de punir les véritables fautifs et épargnons –au grand possible- ceux qui n’en sont que les pantins. Ça te donnera tout le temps de réfléchir à la manière que tu t’y prendras pour faire sauter la tête de leurs épaules quand le moment viendra. » Il aimait à piquer le grand hobegelin, mais ne s’approcha guère de trop. Kah était de ceux qui priaient chaque soir venu pour un peu de délicates souffrances, mais n’était point friand de celles qui pouvaient lui provoquer un décès immédiat …  

Ainsi l’alchimiste, dont probablement peu –à l’exception de Krish- connaissait sa vocation véritable, prit les devants du dangereux groupuscule afin de les guider au travers les nombreux dédales de ce vaste bâtiment. Et la marche –au grand bonheur de l’affreux troll de Zhak’Bar- ne perdura guère longtemps, car avant même que Valsrik n’émette son holà, Kah freina sèchement devant un couloir menant à deux escaliers. Quelque chose clochait et pour une fois, il ne savait trop quoi en penser …

« Visiblement on nous attendait … » Devant, une aura dont nos très talentueux sorciers pouvaient certainement déceler, couvrait l’entièreté du périmètre et n’augurait rien de bon. Et bien que cette lueur n’était en rien prometteuse, ce ne fût pas cela qui agaça le plus Kah, mais bien ce qui se tramait derrière. Le silence régnait, mais il y avait définitivement quelque chose en approche. Tapis dans l’ombre, des coupe-jarrets, probablement sous le couvert d’un artifice quelconque, s’apprêtait à frapper l’arrière du groupe …

Pour une fois, Kah ne sut faire la démonstration de sa légendaire clairvoyance et, avant qu’il n’eut le temps de dégainer l’un de ses puants poignards et de se retourner vers la queue troupe, il s’écria envers l’avatar d’Uriz : « PRRENDS GARDE KRISH ! »

Krish fonça les sourcils en s'apercevant que Viconia laissait Driz'na prendre de l'avance sur elle. Pendant un instant, elle craint que la prêtresse ne se place dans l'espace qui la séparait de la jeune fille, mais ce ne fut pas le cas. Les deux adultes se retrouvèrent plutôt au coude à coude. Krish, silencieuse, laissait la colère qui lui grondait dans le ventre s'agiter délicieusement. Une impression désagréable de présence étrangère s’immisçant dans son corps lui chatouillait désagréablement le ventricule droit, mais pour l'instant, elle se tenait tranquille et Krish gardait l’œil sur la gamine idiote qui était à deux pas devant elle.

C'était étrange. L'atmosphère de danger de l'atteignait pas. Elle avait vu, de loin, Valas se prendre un coup mémorable. mais avant qu'elle ne se précipite pour le sauver héroïquement, il râlait déjà, alors tout avait l'air d'être normal. Elle était bien contente de Driz'na l'ai mise en rogne et que ses compagnons soient agités car mis à part ça, leur avancée était aussi linéaire que ce qu'elle avait connu dans les Ombres. A ceci près qu'il n'y avait aucune excitation, pas le moindre frisson à se balader dans ces couloirs stupides. Le rêve de la veille ne la lâchait pas, lui ôtant toute envie de se battre pour le plaisir.

Notre tour viendra, qu'il disait. Et elle sentait au fond d'elle qu'il avait raison. Elle se sentait irrémédiablement attiré par le symbole qu'elle avait vue dans son rêve. Quelque chose menaçait le Puy, tapis dans l'Ombre. Ils n'avaient pas le temps de se retourner et de mener tout une campagne comme jadis. Il fallait qu'elle découvre ce que c'était... Mais en attendant, toutes les étapes intermédiaires qui s'annonçaient lui semblaient fades.

Tandis que Kahveka prenait les devant avec l'étrange duo blanchi, elle trouva enfin l'origine de la démangeaison de son ventricule.

- Vlos'Veldruk," lança-t-elle, plus sèche qu'elle l'aurait voulu à cause du remontage de bretelle en règle qui venait d'avoir lieu. " Garde ton sortilège pour les autres. Ta magie me gratte. " Elle n'avait pas assez de connaissance pratique dans l'art des arcanes pour décrire plus précisément la sensation étrange de ne pas supporter l'inspection préparatoire d'un mage de la vie. Puisse la présence d'Uriz la protéger de l'ennui...

- PRRENDS GARDE KRISH !

Comme animée d'une volonté propre, l'épée qu'elle tenait s'orienta, glissa tourna, sa seconde main se posa sur la mi-lame pour lui donner plus de force d'impact. L'estoque fila droit sur le flanc de l'ennemi. Par... Mais... Elle était douée lorsqu'il s'agissait de lutte ou de combat au couteau. Elle pouvait faire joujou avec un marteau et à force d'étudier auprès des prêtres, elle se débrouillait bien une épée simple à la main. Mais elle n'avait jamais su utiliser une arme si massive.

... Pourquoi l'avait-elle prise en premier lieu ?!

Et comment avait-elle visé alors qu'elle n'avait pas conscience du traquenard ?!

A peine s'était-elle posé la question qu'une main ganté para son arme et la lui arracha en effectuant une torsion qu'elle ne pouvait suivre. Elle recula d'un pas pour éviter un autre coup, Viconia fut touché. Elle se débattait comme une diablesse... Et c'était beau. Krish se trouva absorbée par ses gestes. Le silence stoïque de la douleur. Le sang qui filait le long des diamants. Elle perdit sa lame, montra sa détermination en se plaçant presque entre Krish et leurs adversaires et... La forgelâme s'ébroua enfin.

La garde d'un poignard passa littéralement sous son nez. Elle l'arracha de l'épaule de la jeune prêtresse et roula sous la garde des deux plus proches assaillants pour passer derrière eux, pour frapper le coup qui les tuerai. Elle n'avait pas pu utiliser son expertise lors de l'ordalie car elle était sensé gardé son adversaire en vie, mais après tant de temps à se battre seule contre des créatures informes, couteau en main, elle était loin d'être une novice. Prenant les combattant en tenaille avec Viconia, Krish ne tenta pas de ménager la jeune blessée ou de couvrir sa fille, mais leur fit confiance pour tenir la position qui leur permettrait d'en finir rapidement avec ceux-là.

Un frisson dans on dos lui disait qu'ils n'étaient pas les seuls.

Après avoir relâcher son emprise sur la pierre, le Gobelin lâcha un rire aux propos de "L'Alchimiste", qui les guide ainsi au coeur de l’État-major.Cependant, quand l'attaque survient, Urgoll'Ven fait volt-face tout en lâchant sans ménagement Valsrik.

"Les pantins mordent encore." observe-t-il simplement, passant en mouvement.

D'infimes secondes où ses muscles chauffent, se contractent et se tendant, appelant dans une danse martiale la magie à s'accumuler. D'infimes secondes où la mage de la Chimère combat, où le Feu d'Uriz s'embrase. D'infimes seconde où la braise du grand noirelfe rougeoie... Avant de tonner de sa seule voix :

"NOUS VERRONS MALAG !"

Comme en réponse, le corps du géant s'abat au même titre que la roche. Par delà ceux qui le suivent, des murs lisses s'extraient et creusent des lances de pierre, pourfendant l'espace et barrant le passage. Les deux adversaires déjà engagés voient leur liberté de mouvement réduite, acculés qu'ils sont. Dans leur dos s'élèvent des plaintes et une odeur sanguine : les retardataires embusqués sont pris dans un quadrillage mortel, le corps transpercé en de multiples points, dans de multiples sens.

Sans savourer ce mouvement, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar pivote sur un pied et se retourne en un coup de poing ascendant... Qui pulvérise une mâchoire. Une lame laisse un mince sillon rouge sur sa gorge caresse son épaule protégée, l’épéiste perdant toute force dans sa poigne sous le choc de sa mandibule ravagée. Un second cependant ne manque pas l'occasion, et transperce victorieusement le ventre d'Urgoll'Ven de son poignard. Comme enseigné dans la bonne société dont il est issu, le Gobelin lâche un grognement railleur et saisit son assaillant à la gorge de ses deux battoirs. Avec un hoquet, l'assassin voit sa trachée broyée par cette poigne, ses yeux s'écarquillant face à ceux de sa cible qui se marre. La courte lame a pénétré la couche de cuir, mais pas la plaque d'armure ventrale.

Et le Gobelin de serrer, tandis que son adversaire frappe de nouveau, mais au flanc, avec toute l'énergie désespéré d'un mourant et la maîtrise d'un sombre dans pareil cas. Un coup, deux, trois... L'arme cette fois se teinte de rouge. Pourtant le pâle se gausse, le noir s'étouffe... Tandis que l'ombre jumelle, blessée mais pas assommée, se relève.

L’odeur du sang. Tu la connais l’odeur du sang, mais les observer s’enjailler à le verser te rappelle chaque seconde qui passe que ce n’est pas là ta vocation. Tu n’es pas un combattant. Et si explorer les usages martiaux de ton Art est une expérience formatrice… pour ne pas dire presque amusante… te livrer à ce genre d’expériences sans la protection d’autres n’est pas une étape que tu es déjà prêt à franchir. Il y a quelques ennéades de cela un bourreau te le prouvait par deux fois. Hier encore la cadette des Xaran te le rappelait, et aujourd’hui c’était leur tour.

Tu pestes intérieurement. Tout était si lent. Tout était si prévisible. Les gestes, les mouvements, l’élan et ses conséquences. Tout cela c’était ton monde. Tu aurais dû être capable de tirer ton épingle du jeu, et de vous tirer tous d’affaire par la même occasion. Si seulement il n’y avait pas eu cet imbécile heureux de Haut-Prêtre de Zakh’Bar. Les quelques secondes qu’il te faut pour te remettre de ce second choc sont comme une éternité, et au cours de cette éternité, trop de destins ont le temps de se jouer.
La terre gronde dans le même langage que l’idiot qui l’appelle. Les lames s’entrechoquent, plongent dans la chair et se heurtent aux os. L’excitation monte pour certains, d’autres se réfugient dans l’ennui, tandis que la frustration est tout ce que tu as. Tu te saisis péniblement de ta baguette, pris au corps par les souvenances de douleurs passées, alors qu’une menace que tu sembles le seul à percevoir approche. Dissimulés dans les ombres n’est pas une métaphore. Dissimulés dans les ombres est un fait. Et aucun mur épineux ne pourra retenir les maîtres de ces ombres.

Le Gobelin jubile, se croyant prédateur. L’ancienne proie reprend sens, mais ne termine jamais de se relever. Sa main se pose au sol plutôt. Y tape quelques coups du bout des doigts, et discrètement, la magie se met en branle. Ton souffle n’est pas assez profond pour que tu préviennes à temps. Tes doigts se crispent sur ta baguette, alors que des ombres surgissent ceux qui n’auraient pas dû. C’est autant un honneur pour les combattants de votre petit groupe que la fin de leur petit jeu. C’est la fraction de seconde que l’on ne se pardonne pas d’avoir laissé passer. C’est un agile Noirelfe qui bondit hors de l’obscurité arc bandé, trait décoché, baguette levée. La flèche se plante entre les deux yeux de l’ombre jumelle plutôt que dans le cou de l’élémentaliste, mais le bond de l’archer se termine à tes côtés. Et l’obscurité se rouvre sous tes pieds.

Et qu’il continue de sourire, le colosse, car un dos aussi large est parfait écran à la lumière. Parce que les maîtres des ombres ne sont pas un, ils sont deux, et qu’avant même que son rire ne se soit éteint, dague vengeresse aura surgi de ses entrailles pour lacérer l’arrière de son crâne de la nuque au sommet. Oh, l’entaille n’est pas bien profonde… mais à quoi bon s’embêter à forcer le cuir du dragon, quand l’amertume est un poison bien assez puissant.
Le calme retombe violemment sur les combattants. Les plaintes des mourants éteintes, la lutte de l’étouffé transformée en un narquois sourire. Les premières nausées prendraient Urgoll avant que l’apnée ne l’ait achevé.

~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~

- Il aurait été dommage de priver l’Elda d’un Sorcier aussi exceptionnel.

La voix haut perchée te siffle aux oreilles comme un alambic sous pression. Tu en cherches la propriétaire sans succès, mais ton ouïe sensible est perturbée par les jeux d’échos, ta vue n’est pas un sens sur lequel compter, et ta magie est affolée par les déplacements chaotiques des flux alentours. Tu es perdu. Complètement perdu. Et elle est ton seul repère.

- Tu es précieux, héritier de Valas. Aussi précieux que le Feu d’Uriz. tu essaies de répondre, mais tes lèvres s’ouvrent en vain, seul le silence s’échappant de ton gosier Et elle est capable de le voir. Mais eux ? Pourquoi s’embarrasser d’eux ? Une jeune prêtresse douée… mais insignifiante. Un dévot dont la puissance est gâchée à la satisfaction de lubies changeantes. Un soi-disant servant de Teiweon se faisant blasphème devant Isten plutôt que d’honorer sa maîtresse. Une raclure de Lame des Ombres… et une enfant. Une pauvre enfant imbécile qui s’est jetée dans un jeu dont elle ne peut même pas se targuer être un pion. N’est-ce pas ainsi que tu les vois ?

Ta respiration ralentit, mais ton cœur accélère. Tes dents se serrent, et tu hurles intérieurement de rage. Tu la veux hors de ta tête. Tu la veux hors de ta tête !
Tu déglutis de travers mais ne tousses pas. Les échos s’effondrent autour de toi. L’univers s’écroule, aspiré par des forces dépassant l’imagination. La matière explose, se déverse en tous sens. Et tout est recréé. Tu vois. Les yeux fermés, tu vois. Tu la vois.

- Puissante magie. Braises féroces. Ne penses-tu pas qu’il serait temps de le prouver à Elda, Ust’Meldzar ?

Depuis combien de temps étais-tu là ? Des jours, des heures, ou des minutes ? Tu t’en foutais royalement en réalité. Ces mots sonnaient trop doux à ton oreille pour que tu t’en soucies. Prime Sorcier. Tu pourrais faire tant de choses pour le Vatna en tant que Prime Sorcier. Et elle t’offrait le titre sur un plateau d’argent. Endormi ou non, Malag’eyl et ses suivants étaient puissants. Tant par la force brute que par les alliances qu’ils entretenaient.

Serait-ce trahir la cause des Repentis que de se faire un allié du dernier des Triumvirs ?

Le Feu d’Uriz n’aurait-il pas plus encore de poigne sur Elda s’il se présentait avec le Karliik silencieux à sa botte plutôt qu’écorché vif ?

Ou peut-être ces questions n’étaient-elles finalement qu’une excuse pour ne pas te poser la seule qui t’ait véritablement traversé l’esprit.

N’as-tu pas envie de rendre la monnaie de leur pièce à cette bande d’attardés ?

- À moins que tu ne penses tes chers camarades capables de survivre jusqu’ici.

Tout en finissant de sécher ses larmes, la petite indésirée regarda en grand silence la scène qui se déroulait sous ses yeux : deux adultes qui faisaient les idiots en s'engueulant. Et que j'utilise ma magie, et que je te dise d'attendre, et que je te donne un bon coup de poing aux côtes, et que j'avance avec toi sur mon épaule... Driz'na avait vraiment l'impression de revoir certains camarades de classe de quand elle vivait encore dans le quartier Doeb, si ce n'est qu'ils étaient bien plus forts que les idiots de son âge. Tout aussi surprenant, le visage du mage quand il enleva son masque de repenti pour pouvoir respirer : il était blanc ! Etait-ce un elfe ? ou un semi ? ou bien était-ce la magie qui l'avait ainsi rendu malade de peau ? Et était-il contagieux ? Peut-être bien, si le haut-prêtre du Dragon avait l'habitude de le mettre sur son épaule... c'était peut-être pour cela qu'il était pâle pour un drow. Le grand renifleur reparti pour aller devant sans plus faire attention qu'il ne le voulait, l'enfant suivit doucement le groupe, laissant sa mère et une prêtresse se mettre derrière elle. Les adultes étaient vraiment des braises étranges, quand ils s'y mettaient... le problème est que là ils en devenaient limite dangereux.

Il fallut à peine que le spectacle se termine pour qu'une voix qu'elle connaissait ne se mette à crier. Aussitôt tous les êtres faisant partie de l'arrière du groupe se retournèrent et un combat acharné commença entre vilains sortis de l'ombre, prêtresse et Dren'Zess. Driz'na eut pour réflexe de faire un pas en arrière avant de se décaler du mur pour éviter la magie, comme le lui avait enseigné son père. Cela lui évita plus d'un coup de coude, de poignard ou encore d'autres choses peu appréciables en pleine tête, comme un magnifique fouet avec de très belles pierres précieuses rougies par le sang. Non, valait mieux qu'elle recule, puisque sa mère ne voulait pas qu'elle aille de l'avant dans un quelconque combat, jusqu'à... bah en fait si seulement elle pouvait un peu plus reculer sans se faire écraser. La petite ne put que voir défiler devant ses yeux encore quelque peu innocents les gestes des uns et des autres, admirant avec peur mais surtout avec un fond de dégoût les eldéens s'en aller vers Teiweon. Ses sens étaient plus que jamais aux aguets, comme s'ils s'ouvraient plus que d'habitude. Le temps lui parut ralentir sa course éternelle et les détails, au fur et à mesure, osaient se montrer de plus en plus à ses yeux violacés. La dague tombée à ses pieds, elle se baissa très rapidement pour s'en emparer puis se déplaça tout en restant baissée pour ne pas déranger. Ce n'est que lorsque les lances de pierre firent irruption au combat mené par la dame qui avait perdu Meurtrière que cette femme put ressentir quelque chose se cogner sans grande force à son pied : sa propre dague.

D'un côté, le combat cessait. De l'autre, quelques ombres se firent magiciennes pour laisser sortir puis entrer des êtres à leur convenance. Ce fut très rapide, même le grand renifleur n'eut pas le temps de se retourner quand un éphémère lui donna un coup de dague en arrière. Ce fut très rapide, et Driz'na de sa petite taille écarquilla les yeux en apercevant un mouvement là où se trouvait... où ne se trouvait plus... le repenti blanchi. Le silence revenu et après avoir fait attention à ne pas être trop proche de cadavres ou de murs, l'enfant s'autorisa à cligner plusieurs fois des yeux avant de regarder sa mère. Elle allait bien... cela la rassurait.

"Vals... Où est-il !? Mais bon sang, OÙ EST-IL !?"

A petits pas l'enfant se rapprocha de sa mère, comme gênée, et leva la tête vers celle de Krish. Elle attendit que l'adulte se rende compte que sa fille souhaitait lui parler pour prononcer quelques mots.

"Mère, ai-je le droit de répondre au haut-prêtre que le repenti est tombé dans une ombre ?"

De toute façon, elle n'avait pas le droit de parler à d'autres personnes que sa mère... donc autant lui demander l'autorisation avant de se faire gronder à nouveau.

Krish grogna en sentant son mollet égratigné par les pics de pierre qui s'était refermés derrière elle... En embrochant sa tresse en passant. Tout en tirant sur le lacet qui maintenait ses cheveux pour libérer sa crinière, elle jetait des regards rapides derrière elle, percevait les ombres qui se gondolaient étrangement, Urgoll ne l'avait ratée que de très très peu. Il faudrait qu'elle se souvienne de ce détail : il était prêtre des cataclysmes.

Des rires, des coups. Urgoll qui vacillait. Vlos se porta à son secours. Kahveka était vivant, Viconia toujours sur pieds. Driz'na était près d'elle mais elle ne lui accorda pas un regard. La fillette lui glissa malgré quelques mots... Génial.

- Kahv' ! " Elle se méfiait de lui comme de la peste, mais s'il y avait bien une chose qu'elle ne remettait pas en question, c'était son talent. Déjà à l'époque, c'était un agent des ombres de plus prometteur alors s'il avait vécu jusqu'à aujourd'hui pour lui rappeler ces foutues dettes, c'est qu'elle ne s'était pas trompé sur son compte. " Si tu peux suivre Valsirk, ne nous attend pas. " Elle se porta jusqu'au côté du pseudo alchimiste pour glisser un brin plus bas " Il contrôle les lois de la physique alors méfie-toi. " D'un regard, elle s'assura que le maître des ombres avaient comprit ce qu'elle avait en tête. Personne n'était totalement insensible à la magie de l'esprit. Même alors qu'elle portait l'une des deux gemmes créées par son cher façonneur, Krish n'aurait pas eu la prétention d'y être invulnérable. " dit-moi seulement par ou passer pour rejoindre Malag'eyl d'ici, qu'on en finisse au plus vite. "

Une fois qu'ils eurent régler le problème de façon lapidaire, Krish se tourna vers Viconia sur un ultime mouvement de tête. Sans un mot d'explication, elle la saisit par la hanche et se glissa derrière elle. Sa main vint se loger sur la plaie qu'avait creusée la dague qu'elle avait retiré quelques instants plus tôt.

- D'autres combats nous attendent.

Une brève lueur envahit ses doigts et lorsqu'elle releva la main, une marque de brulure de même forme persista sur la peau de l'enchanteresse, cautérisant entièrement la plaie dans son dos.

- Vlos, de combien de temps as-tu besoin ? "

Si le temps excédait une poignée de seconde, elle enjoindrait Viconia à la suivre, laissant Urgoll et son soigneur en arrière pour parer au plus presser.

A peine Viconia a t'elle un soupir tandis que le dernier tombe sous la lame qui a été extraite de son épaule. La forgeronne a un don avec les lames, il est certain. Un trait de sang perle sur la joue noire de la jeune drow, mais ce n'est pas le sien. A peine la prêtresse l'essuie t'elle du revers du pouce avant de porter le liquide vermeil à ses lèvres, le goûtant du bout de la langue. 

Pendant que Viconia baisse la tête pour regarder les cadavres encore grouillant, elle ressent un certain engourdissement et picotement dans son épaule droite, effet de la magie réparatrice qui coule dans son corp maintenant. Pliant et dépliant la main, la noirelfe s'aperçoit avec satisfaction que sa main est de nouveau fonctionnelle. Raide un peu, certe, mais le Haut-prêtre de Teiweon connait son boulot. Elle secoue sa longue tignasse d'un air ravi, tournant encore le dos à la catastrophe qui a frappé le reste du groupe. 

Pour remercier les dieux de leur avoir laissé la vie, entonne t'elle un court chant de remerciement à mi voix avant de ramasser la lame noire. Quand elle se redresse, une main à sa taille, une brûlure d'enfer dans son dos. Toujours sans un mot, elle encaisse le tout. On lui a toujours montré que la simple exhalaison plaintive était signe de faiblesse. Viconia est contente malgré tout.  Sa première cicatrice de guerre, pense t'elle, un souvenir de son combat pour Elda, pour Krish. Un suave sourire éclaire les traits agréables de la drow. 

D'autres combats nous attendent

Oui, certe. Il est déjà bon que Valas, Uriz et Teiweon lui ont accordée de survivre à celui-ci. Le sourire s'élargit. Etre en vie est déjà une victoire en soit. La main gauche de la femelle va tâter sa toute nouvelle cicatrice. Le toucher d'Uriz… 

  Se tournant finalement pour regarder son équipe, la jeune drow fronce ses sourcils d'un air dubitatif tandis que son sourire disparait. Urgoll en particulier a l'air moche. Nauséeux, en sueur, il ne va manifestement pas bien et pourtant il veut avancer cet imbécile. Ca se voit bien qu'il n'est pas en état.  Vlos fait de son mieux, mais il combat c'est visible, il faut le calmer. 

Viconia ferme les yeux, rengaine Meurtrière à son fourreau. La lame absorbe le peu de lumière ambiante tandis qu'elle s'accorde sur la symphonie chaotique du haut prêtre. Putain, mais c'est quoi ca? Et bien dis donc, avec une telle mélodie il ne doit pas s'ennuyer lui!  Comment le calmer?… Arpentant les partitions de la musique interne d'Urgoll, elle trouve l'instrument, puis les notes qu'il faut changer pour que des visions et des sons apaisants puissent traverser l'esprit du haut prêtre de Zhak'Bar, insérant dans les mesures les notes d'une fatigue, tu as les yeux lourds mon mignon. Une fois trouvé ce qu'elle désire, elle commence à fredonner en cadence une contre mélodie, destinée à occuper les yeux, les oreilles et fatiguer temporairement les sens du gobelin qu'il cesse de combattre Vlos durant son soin. 

Pour Urgoll, le sol n'est plus le sol. Une écaille palpitante d'un rouge incarnat frémit sous ses pieds, emplie d'une chaleur surnaturelle… Le sol est chaud, tellement chaud, que toute l'énergie quitte ses muscles, semblant être aspirée par cette écaille… Au delà de celle là, il y en a une, et autre autre, dans un camaieu de teintes sanguines. Un frémissement de la peau écailleuse finit par faire fléchir ses genoux. Il y a un mouvement au delà tandis que un œil doré et incandescent surplombant un magnifique râtelier dont chaque croc fait la taille du haut prêtre.  Un renâclement, une forte brise à l'odeur de soufre se fait sentir, secoue le colosse. 

ES TU DIGNE? 

Le sol s'agite sous les genoux d'Urgoll tandis que l'immense dragon s'ébroue… Il peut remarquer, le Gobelin, qu'il est sur une échine sans fin. 

LE TEMPS N'EST PAS AU COMBAT. NE BOUGE PAS… VOIS PLUTÔT  

Et la tête de s'approcher, les yeux de l'immense dragon le fixer, hypnotiques… Avant de se retourner et d'emmener le haut prêtre haut, très haut dans les cieux… Les écailles glissent sous ses mains engourdies par le froid des cieux tandis que son cul chauffe sous la chaleur surnaturelle du dragnmais il est solidement installé entre deux écailles dorsales pointues. Il ne peut que se caler confortablement et profiter du voyage… Dans la noirceur du ciel nuageux, les éclairs grondent, mais il y a quelque chose de rassurant dans les mouvements réguliers des ailes.

Elle n'a pas le temps de fignoler délicatement son entrée dans le chant d'Urgoll, Viconia espère juste que l'expérience plaira assez au prime Dragon pour qu'il coopère. Un dragon, ca doit forcément lui plaire non?

Et ce n'est pas vraiment gracieux, ni ordonné, la jolie bouche se tordant quelque peu. Ca ne ressemble même quasiment pas à rien tandis que la prêtresse esquisse un léger mouvement ondulatoire, sa longue tignasse de neige légèrement tachée du rouge de son sang offrant toujours un contraste saisissant. 

Elle ne porte pas attention à la gamine pour le moment. Si l'occasion se présente lui dira t'elle merci. Pour le moment, engourdir le Haut prêtre de Zhak'Bar pour le calmer, avant qu'il ne vause catastrophe. Il faut avancer rapidement certe, mais pour Viconia laisser une catastrophe ambulante en suspend derrière est inconcevable.

L’odeur du sang. La capeline aux armes du C’nros flottait derrière ses pas rapides alors qu’elle semblait plus fermée que jamais. Elle avait perdue l’envie de rire, et c’était les entrailles serrées qu’elle avançait vers les profondeurs du Puy. Elle était sale, et nerveuse. Partout la clameur grondait, et le mutisme du Ditrown Da’re la laissait pantoise. C’était cette absence, ce silence qui l’avait retardé alors que tous déjà s’étaient agglutinés au-devant du palais de l’Etat-Major. Certains rebroussaient déjà chemin, alors que partout grondait, puissante et immuable, la colère du peuple Daedhel. La liesse explosait parfois çà et là en éclats de voix tonitruants, en violence non maîtrisée. Le peuple réclamait son dû, réclamait la dernière tête d’un triumvir décadent. Et plus ses pas la portaient en avant et plus un étrange sentiment lui rongeait les boyaux. Un mauvais pressentiment, laissant derrière elle sa promesse de n’obéir qu’à son Institution. Accompagnée d’une poignée de mages vaillant, elle avait bravé l’immobilisme de leur chef pour se rendre là où étaient leur place ; le dernier membre, le Karliik Glenn, ne méritait plus sa place. Pire encore, le chef des armées ne tenait plus en ses mains qu’un fil fébrile ; des osts qui marchaient sans tête et sans but. L’Elda avait perdu de son éclat et il était grand temps d’en changer.

Arrivés au plus bas, la foule était plus dense encore. Ils étaient tenus en respect par une soldatesque, et un gros monticule rocheux gémissant auxquels elle ne prêta pas plus d’attention. Le Palais avait déjà été pénétré par des gens prudents qui ne souhaitaient pas s’encombrer d’une populace enivrée par le sang. Et elle connaissait cette sensation délicieuse, plus que quiconque certainement. Elle joua des coudes alors que déjà certains de ses hommes grognaient derrière elle, écartant sans ménagement les badauds et ouvrant un passage plus ou moins certain jusqu’à la ceinture savamment gardée. « On ne passe pas ! ». Un grand eldéen lui barra la route. Levant la tête, elle retrouva un bref instant le sourire, alors qu’elle arrêtait d’un geste net ses troupes.
« Le C’nros vient vous prêter main forte pour tenir la foule à distance, et empêcher les fuyards ».
S’en suivirent de longues minutes de négociations. L’homme n’avait guère reçu d’ordres pareils, et ce n’est que la détermination de la petite eldéenne qui finit par le convaincre tout à fait ; on fit bientôt la place à la petite dizaine d’hommes qui prirent place et commencèrent à tenir en respect la masse mouvante et criante. Un rictus de dégoût passa brièvement sur le visage poupin. Cette folie douce l’exécrait. Rapidement, ses doigts allèrent se munir de sa petite poupée de chiffon qu’elle regarda un instant avec tendresse.
« Usstan kestal nindel Khernal orn sjaad'ur udossa, dula »
J’espère que Khernal nous pardonnera, Poupée.

Elle inspira profondément. Une odeur de fer lui parvenait du Palais où gisaient déjà les premiers corps piétinés. Le liquide vital dont elle avait besoin et qui la grisait se trouvait là, si proche alors que l’air s’emplissait de cette chose terrifiante qu’elle avait fait depuis longtemps son amie. Une forme qu’elle ne pouvait ni voir ni toucher mais qu’elle sentait au plus profond d’elle-même. Alors ses traits se déridèrent complètement et sa voix fluette s’envola soudain dans une mélodie enfantine. Et doucement, s’avança vers la bâtisse, assez discrètement pour que les hommes – trop afférés – ne la remarque pas. Les armes du C’nros n’avaient jamais pesées si lourdement sur ses frêles épaules. Elle s’arrêta près d’un corps et trempa sa main dans le liquide rougeâtre qui s’en échappait encore. Il était vivant, mais sa vie ne tenait plus à grand-chose, sinon le bon vouloir de la Gardienne. Le liquide visqueux était encore tiède, il n’était donc pas trop tard pour rattraper l’équipée partie bille en tête.

Elle pénétra prudemment dans la bâtisse, alors que s’élevaient des voix au loin. Elle n’en reconnu qu’une, tonitruante, et lui tirant un frisson dans le dos. Le Haut-Prêtre du Prime Dragon était là, et la Rose Noire était prête à parier que l’étrange Créature ne serait point ravie de la voir arriver. Alors, prévenant quelques mauvais traitements, elle sortit une courte lame de sa tenue. Le styler vint courir peu après sur sa peau grisâtre, laissant s’enfuir quelques lignes andrinoples le long de son avant-bras nu. Il mouilla bientôt la petite poupée presque aussi sale qu’elle l’était. Il fallait dire qu’elle n’avait guère eu le temps ces derniers jours : partout au Puy s’était répandue la terrible rumeur. Attendant ordres et instructions du Ditrown Da’re, elle avait dû plutôt affronter l’autre Phor’dur. Le C’nros se retrouvait avec un seul et unique bourreau, alors que le sang de son ennemi tâchait encore le tissu de sa capeline. Un sommeil sommaire et quelques soins l’avait remise d’aplomb, assez pour se rendre là, demander justice pour un peuple amoindri par des décisions molles.

Jamais pourtant elle n’aurait imaginé le spectacle qui se déroulait là quand elle arrivât sur les traces de la compagnie. Le Géant se retrouvait bien mal en point, entouré par une femme et un homme qu’elle distingua comme étant le Haut-Prêtre de Teiweon. Elle n’avait jamais pu l’approcher, mais il était assez populaire au sein de son Institution. A quelques pas à peine se tenait une petite fille, une femme et Kahveka. Soulagée de connaître quelqu’un elle ne prit même pas la peine d’épargner les pauvres dépouilles qui jonchaient le sol. Elle avait eu à faire au maître des ombres plusieurs fois, si bien que lui non plus n’aurait guère de mal à la reconnaître. Dans ce capharnaüm, elle craignait surtout une méprise et s’avança en s’annonçant fort et distinctement – du moins juste assez pour que l’assemblée ne la prenne pour cible immédiatement :
« RETHORS ! Le C’nros s’en vient prêter main forte ! ».
Elle adressa un signe de tête à Kahveka. « Il est temps de rendre aux Daedhels leur puissance ».

Tant de choses surviennent en si peu de temps, qui viennent faire flamboyer la Braise du Gobelin, de mépris et de rage. Alors même que ses mains étouffent l'indigne, une langue de feu lui fend le crâne, ravivant le feu magique de sa peau cicatricielle. Frémissant, il parvint pourtant à achever son œuvre, envoyant une nouvelle Flamme dans les Geôles Glacées... Avant qu'une sueur glacée ne le prenne, annonciatrice des nausées qui le saisissent.

Ses sens croient comprendre ce qui survient, la présence d'un maître des ombres, la disparition du dénommé "Vals" et... Urgoll'Ven a un sursaut alors qu'une immonde magie tâtonne son être, reconnaissant là celle de la Vie, mille fois sollicitée au sein du Temple de Kiran, mais en cette instant intruse, ajoutant des vertiges aux fourberies qui l'assaillent, sans aucunes explications. Ses lippes se tendent à l'extrême en une déchirure de rage, tandis que ses oreilles perçoivent tout juste les mots du Feu d'Uriz, avant que...

Mais le couloir et les sombres ne sont plus, et la fureur du Haut-Prêtre est noyée par Sa Présence. Frémissant, il n'ose croire que ses pieds fouillent Ses Écailles, qu'il s'agit de Sa Voix qui s'impose en son esprit. La docilité est la seule réponse. L'obéissance. Car il est son serviteur. Dans le confort de Sa Chaleur, le drow s'abime au dessus des cieux...

Soudain, il hurle une haine pure.

"LE PRIME DRAGON NE DISPENSE AUCUNE CARESSE ! ZHAK'BAR N'EST QUE TEMPÊTE ET FEU !" rugit-il dans le piège tissé autour de son esprit.

Se renfermant en lui même, le sombre rugit et hurle, lacère et déchire, refusant toute perception de cette vision hérétique. Ses sens aiguisés dénigrent le mensonge, tandis qu'il parvient, à force de rejet, à discerner, dans cette dissonante fausseté, une note qui lui avait échappé. Une note. Puis un chant. Puis une voix. Quelqu'un.
Quelqu'un qui souille la pensée même de Zhak'Bar.

Pendant un temps, le géant est demeuré immobile, docile au touché de l'un, écoutant malgré-lui la voix d'une autre, inconscient de l'arrivée d'une énième. Un temps pour agir, un temps pour demander, un temps pour soigner... Ce temps s'avère compté et, soudainement, le sombre s'agite avec violence, ses yeux ses révulsent. Puis il est de retour dans le monde vrai. Et ses sens sont braqués sur une présence en particulier.

S'arrachant aux mains qui touchaient son crâne, le drow bondit tel un monstre dans une cage étroite. Se jetant contre un mur faute d'équilibre, manquant trébucher sur la petite drow... Avant de s'effondrer sur celle à la voix honnie. Tandis qu'il se redresse, nauséeux et en sueur, ses mains trouvent d'elles-mêmes le cou de la daehdhel, qu'il saisit et soulève sans même ressentir l'effort nécessaire, le corps vibrant de poison et de rage. La face crayeuse au regard sanguin et au rictus animal se retrouve à un souffle de distance de l'illusionniste. Les larges poings se crispent comme s'il allait l'étrangler elle aussi... Avant que des mots rocailleux ne franchissent le mur de ses crocs.

"D'autres... Combats... Nous attendent. Ta mort... Attendra. Plaise à Uriz... Qu'elle soit utile."

Aussi brutalement que le Gobelin s'est saisit d'elle, il la relâche. Relevant la tête avec lourdeur, concentré sur le contrôle nécessaire pour résister à l'emprise du poison, le Haut-Prêtre lève les yeux... Et découvre un visage connu. Il ne la salue que d'une grimace, préservant ses forces pour le plus urgent. Faisant volt-face sans autre parole, il ignore l'enfant et se tourne vers le Feu d'Uriz, pour le suivre.

Une fois Viconia remise d'aplomb, elle revint se placer près de Kahveka. Il ne fallut pas plus de quelques secondes pour que les choses dégénères. Au lieu de s'imposer au milieu de la tourmente, Krish recula d'un pas, ouvrant de grands yeux pour voir qui survivrait de la prometteuse mage ou du vieux vétéran. Les deux Braises continuaient de bruler fort encore pour quelques heures visiblement.

Urgoll ayant su écouté sa raison plutôt que sa colère, laissa la jeune femme sursoir au sort funeste qu'il lui promettait. Dans le même temps, une autre petite femme au visage enfantin se présenta comme une C'nrosienne. La Forgelâme leva un sourcil amusé en voyant l’œillade qu'elle venait d'envoyer à Kahveka. Deux représentant de deux ordres qui avaient prêté serment au Karliik qu'elle voulait voir baigner dans son propre sang. Elle allait devoir surveiller deux fois plus ses arrières... Bien qu'elle avait de bonne raison de croire que Kahveka était bel et bien dans son camp.

Urgoll s'avançait pesamment, l’œil agar, attendant de prendre la suite de la femme à laquelle il avait prêté serment la veille. L'épaule posée contre le mur du couloir qu'il allaient emprunté et les cheveux à moitié défaits, Krish ne fit pourtant pas mine d'avancer plus que ça. Quand irascible Haut-Prêtre parvint à sa hauteur, elle posa la main sur son énorme bras et vrilla ses yeux pailletés d'or dans son regard vaseux.

- Ne joue pas les jeunes imbéciles pétris de fierté. Pour avoir ta vengeance, tu dois vivre. Et plaise à Uriz que ta mort aussi soit utile. Tu es empoisonné. Laisse Vlos purger le mal où tu ne serviras à rien. " Les mots étaient choisis de façon cordiale. Le ton, lui, l'était beaucoup moins.

S'il y avait bien une chose qu'elle détestait plus que perdre des gens talentueux, c'était les perdre bêtement. Urgoll'ven était un vétéran, il devait donc savoir que la survie valait toutes les courbettes du monde. Riait bien qui riait le dernier. Elle ne connaissait pas assez le géant pour savoir si une simple demande lui remettrait les esprits en place, mais ne pas avoir peur de la mort ne voulait pas dire mourir bêtement. Chaque victime de plus, chaque acte de bravoure, chaque jour de survie était un présent aux yeux du Père.

S'il s'entêtait, Krish n'insisterait pas. Les ânes bâtés méritaient de mourir. Lui finirait sans doute les entrailles tétanisées par un quelconque poison qui lui ôterai l'usage de ses muscles jusqu'à ce que ni le sang ni l'air n’irriguent plus son corps.

Le Haut-Prêtre du Foudre de Guerre écouta, et ses mires n'en demeurèrent pas moins décidées. Les mots de la daehdhel choisie déridèrent même sa figure caverneuse, sur laquelle revint son éternel sourire bestial... Avec cette fois, une étonnante nuance dans le plis de ses yeux.

" Que j'avance et le poison me rongera, mais je servirai. Que je demeure en arrière, et le daehdhel me soignera, mais je ne pourrais servir, et cet autre servant ne le pourra pas non plus. " Une lueur amusée fila dans le regard sanguin. " J'ai fait mon choix, Ô Feu."

Sur les fondations même du Vatna y sera à jamais gravé les pages de cette épopée. On y racontera comment Uriz s’est manifesté, alors que son peuple sombrait chaque jour un peu plus à la déchéance. On y narrera comment c’est terminé la fin d’une ère gouvernée par l’hydre à trois tête. En revanche ce qu’on omettra d’y mentionner, c’est l’ironie de cette situation dans laquelle nos héros s’étaient involontairement plongés. Pour la toute première fois de l’histoire, une page serait tournée non pas selon le bon vouloir d’une poignée de personnes clandestines, motivés par leurs propres ambitions, mais bien par la plus grande force de frappe jamais réunie sous la même bannière. Leurs idées convergeaient et ils avaient ensembles, une vision de l’avenir qui motivait la foule à les suivre et leur donner leur appui. Était-ce là seulement argument suffisant pour qu’un groupe pareil sache trouver terrain d’entente ? Leur avait-on donné une heure, tout au plus, pour qu’ils en viennent aux mains les uns contre les autres ? Leur trop grand potentiel était à tous leur malédiction et damnés, tous autant qu’ils étaient, ne sauraient coopérer adéquatement sans un phare dominant.

Depuis hier, Kah était persuadé de connaître celle qui saurait jouer ce rôle. Et bien qu’il s’en était douté bien longtemps auparavant, le voilà qui trépignait d’impatience de la voir à l’œuvre.

L’attaque leur étant destinée fut enrayée aussi prestement qu’elle était survenue. Tous usèrent du meilleur d’eux-mêmes pour y parvenir, n’essuyant en retour que maigre tribut en guise de blessures. Problème étant … C’est que ces lames-noires n’attaquaient jamais à l’aveuglette et que, même en sous-nombres, en total connaissance de leur désavantage martial, ils tentèrent tout de même leur chance … Et c’était ce menu détail qui acheva pour de bon l’éternel bouille moqueuse de notre assassin.

Lorsque Krish s’adressa à lui, ce fût comme si n’entendit rien. Sourd d’oreille, il n’eut d’yeux que pour l’estafilade, à l’arrière du crâne d’Urgoll. Il y observa la profondeur de l’entaille, au loin … Il y regarda si au travers le sang qui s’échappait de cette crevasse, une teinte atypique s’y mélangeait maladroitement … Puis son attention revint à l’avatar d’Uriz, qu’il constata complètement sur le qui-vive. Évidemment qu’elle était sur les nerfs, comment ne pas l’être après une pareille escarmouche ? Alors comment Kah put être le seul à garder le total sang froid ? Krish déblatéra plusieurs phrases en son encontre, mais elle était loin de se douter que tout cela était vain. Il ne dit mot, attendit qu’elle use de sa curieuse gemme, que l’inédit haut-prête de Teiweon tâche à apporter son soutient, puis que la manipulatrice sensorielle lui porte main forte. À ça, il ne manquait plus que notre ogre national pète une durite et enfin, il fût temps pour Kah de prendre parole.

« Ces spadassins n’avaient pas pour mission de nous tuer, non. » Une fois l’intérêt capté, il déposa ses rubis carmin en direction de l’horrible hobegobelin. « Ça n’a rien d’amusant d’occire, quand on peut faire souffrir. C'est typiquement Drow. » Kah effectua quelques foulées en direction d’Urgoll, duquel il ne craint aucunes représailles physiques. Il posa une main rude à son épaule, puis à sa nuque, y glissant le pouce près de la plaie pour en faire s’écouler plus de sang encore. Une âpre odeur lui monta aux narines et ce qu’il y vit lui força même une grimace ; du pue, déjà. « Tu ne saurais mourir de ce poison, grand dragon. Mais plus jamais tu ne sauras battre des ailes et embraser quoi que ce soit … C’est là tout le problème de ce poison, une fois qu’il s’est confortablement logé dans tous les hémisphères de ta grande cervelle. » Kah s’éloigna de quelques pas pour mieux l’observer, puis jeta une œillade vers Vlos, duquel il espérait les capacités suffisantes pour enrayer le venin, sinon le ralentir jusqu’à ce que d’autres experts puissent lui venir en aide.

Mais le maître des ombres ne s’arrêta pas à ce conseil, il avait encore à léguer à l’avatar d’Uriz. Il s’approcha d’elle, puis lui lança, quand bien même la situation ne s'y prêta guère, du même ton joueur qu’on lui connaissait. « C’est que … Pour te mener à Malag’eyl, il faudrait déjà qu’il soit en vie … » Kah haussa des épaules d’une grimace faussement malaisée, un peu à la manière de ceux qui disent : « Meh, pas fait exprès ». Et avant qu’il s’en prenne une (car entendons-nous, il le méritait amplement) il enchaîna dare-dare : « Mais ceux qui tirent les ficelles de l’arrière-boutique, ce sont eux qui détiennent ton égide. Et c’est aussi eux que vous êtes venus occire, car elles sont les dernières têtes de l’Hydre du Triumvirat. Et je sais où elles sont. » Kah lui sourit derechef, mais garda un œil clos, comme s’il s’attendit à recevoir un coup quelconque, tout en appréhendant la douleur qui irait avec.

- Tu aurais du faire ce choix avant de laisser Valsrik se faire enlever. " balança-t-elle à la grandiloquence d'Urgoll entre deux avertissements funestes de Kahveka. Il l'avait immobilisé, porté, laissé tombé et laissé sans surveillance dans son dos. Il était responsable de sa disparition. Elle soutint son regard amusé, mortellement sérieuse, avant de le laisser à ses problèmes de poison, pour reporter son attention sur le maître des ombres. Elle commençait à saisir que les défis qui se poseraient sur son chemin durant les prochaines années ne se joueraient pas avec une lame entre les mains. Bien qu'Uriz soit le dieux de la guerre, de la vengeance et de l'adversité, il n'en était pas moins un fin stratège qui avait su insuffler aux Braises la force de tenir tête à une déesse. Et ça... Ce ne serait pas une mince affaire. Elle insista du regard jusqu'à ce que Kahveka réponde à la question qu'elle lui avait posé quelques instants plus tôt.

... Ust'Kor ! Il l'avait assassiné !

Elle croisa les bras, expirant doucement. Vlos'Veldruk se porta à côté d'elle sans un mot. Les yeux de la Forgelâme se vrillèrent tour à tour sur chacun des membres de l'équipée.

- Urgoll fermera la marche avec Driz'na, juste derrière Vlos'Veldruk qui pourra nous soutenir avec ses soins. Viconia et la C'nrosienne en seconde ligne distante. Kahveka prend la tête avec moi. " Urgoll était trop large pour vraiment partager une ligne dans des couloirs qui risquaient de rétrécir rapidement. Et puis ça lui ferait les pieds de rester en arrière si rien de leur fonçait dans le dos... Et ça entrainerait le reste du groupe à l'esquive aussi s'il se mettait à utiliser sa magie. Driz'na pourrait voir tout ce que ferait le groupe dans le dos du Feu d'Uriz. Vlos devait avoir une position centrale. Viconia serait efficace si elle n'était pas obligée de se battre au corps à corps et la C'nrosienne - qui n'avait plus de raison de trahir si Malag'eyl était mort - pourrait prendre la place de Kahveka  dans la première ligne s'il préférait ne pas dévoiler sa vrai nature ou disparaitre de son côté. " Que Malag'eyl soit mort ou non, nous ressortirons d'ici avec les têtes de tous ceux qui s'opposent à la renaissance du Puy d'Elda. Dans ce but, nous sommes tous responsables de la survie de nos frères et sœurs d'arme. " posée et sûre d'elle, elle avait donner ses ordres comme si tout allait de soi. Les drows oubliaient trop souvent qu'ils étaient plus puissant en coopérant lorsque la hiérarchie n'était pas clairement définit. Alors autant tenter.

Elle ramassa l'épée bâtarde qui lui était tombée des mains un peu plus tôt, repoussa dans son dos ses cheveux désormais totalement libre, et retourna auprès de leur guide improvisé.

- Kahveka, le chemin ? " Elle l'invita à s'engager dans le couloir à son côté d'une révérence outrageusement amplifiée et d'un sourire carnassier qui hurlait qu'elle n'en avait pas finit avec lui. Et ça ne loupa pas. Dès les premiers pas, un sourire goguenard siffla au Maître des ombre sans prendre vraiment garde aux oreilles de leurs suivants. " Dit-moi. Malag'eyl est mort. Elvanshalee a quitté le puy par crainte d'être assassinée. Le prochain triumvirat doit s'attendre à la même loyauté de la part des tiens ? "

Si la déclaration de l'Alchimiste fait éclater de rire le Gobelin, l'énième intervention du Haut-Prêtre de Teiweon manque le pousser à lui faire manger ses dents par la racine. Maudit mage du sang, à agir sans réfléchir ! Plus tard, j'ai dit ! Mais un nouveau vertige fait s'étouffer sa rage, vertige allié aux nausées. Et l'imbécile de suggérer de remplacer son foie par celui d'un kerkand. Pareil gâchis de l'un de Ses défis, pour pareille aberration ! Le sombre sent son sang tenter de s'échauffer, malgré le poison qui, quoiqu'en dise son "soigneur", doit semble-t-il demeuré bien logé dans son crâne, ou qu'importe qu'elle autre possibilité qui justifie que ses symptômes n'aient pas disparu. Combien de jours passés à subir la magie des adeptes de Kiran ? Je ne sais, depuis les siècles que je souffre leur talent, mais quelques minutes ne leur suffisent jamais pour vaincre les poisons !

S'appuyant un temps contre le mur pour stabiliser son corps tiraillé comme son esprit excédé, Urgoll'Ven se sent néanmoins revigoré par la prise de décisions du Feu, et se place là où elle le dit sans prononcer un mot, un sombre sourire d'impatience sur son faciès crayeux. Quand, enfin le groupe se remet en branle, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar ferme la marche, les sens aux aguets, malgré les tiraillements de son organisme attaqué. De nouvelles compagnes de souffrance que ces nausées, s'ajoutant au feu de son antique blessure magique, rallumé par la lame ennemie dans sa nuque... Et à cette douce compagnie, s'ajoutent finalement de nouveaux vertiges, que cette fois le Gobelin sent ne pas être lié aux errances magiques d'un sombre nébuleux. Alors, le sombre se focalise sur leur objectif. Trouver les fausses têtes... Les arracher du corps qu'elles ont parasité... Cautériser la plaie par le feu... Puis les remplacer par des Enfants Dignes... Ses mires sanguines se posèrent pendant un instant sur le dos du Feu d'Uriz. Oui, la vénération d'une enfant choisie par Leur Père et des désirs de destruction sont toujours une bonne source d'énergie pour un suivant du Prime Dragon.

Loyauté. Fidélité. Allégeance. Des mots dénudés de sens au sein de la Dotkha. Des termes qui n’ont de sens que pour ceux qui s’en font leur propre définition. Kah emboita donc la marche lorsqu’il en reçu le commandement, frissonnant de d’amusement bien évidemment de l’incontournable question du Feu d’Uriz. De cette question pourraient découler d’interminables débats, d’ennuyeux palabres ou même, pourraient mener à de violents débats! Une vie complète ne serait suffisante pour expliquer les allégeances de cet illustre groupe de coupe-jarret. Pourtant, Kah sut piquer sur le volet les mots justes pour faire comprendre, qu’en vérité, allégeance serait pour eu un mot éternellement flou.

« Rien n'est moins certain que la fidélité de la Dotkha. Elle est soumise au même titre qu'un navire aux vents et marées. Or tant que ses capitaines ordonnent le bon cap, nulle ne saurait être plus docile et obéissante envers ses maîtres que la Dotkha. » Et lui dire qu’ils pourraient, sous l’agréable présence d’un âtre chaleureux, en discuter toute la nuitée durant, n’avaient que peu de saveur face à l’agacement qu’il soutirait à son interlocutrice. Il leur servit de guide, tout le long de leur marche et cette fois, ils ne trouvèrent plus guère d’embuches. Devant eux se dressât un portail de pierre, immense, qui servait de porte d’entrée à la grand salle où il s’attendit tomber sur leurs cibles.

Assis par terre, le dos profitant de la chaleur des murs de pierre du Vatna, tu réfléchissais sans penser. Que pouvait bien valoir un dernier triumvir et ses sbires ayant à ce point laissé l’Elda sombrer ? Quelle confiance pouvait-on accorder à des Sombres imbus d’eux-mêmes au point d’en devenir lâches, dissimulés qu’ils étaient dans leur caveau à attendre que la guerre se fasse sans eux ? Mais cette lâcheté, ce désir de régner, que ce soit sur le bois ou la cendre, n’était-il pas exploitable ? Ces pensées égoïstes et calculatrices, mises au service d’un Feu d’Uriz qui lui – ou du moins elle – saurait galvaniser la férocité des soldats, n’était-elle pas plus gage de sécurité que la destructrice dévotion d’un Prêtre de Zakh’Bar, l’indolence d’un croque-mort, ou la nébulosité d’un assassin ? Elda avait besoin de Krish, et si Krish était utile à Malag’eyl et à ses sbires, alors ils feraient tout pour qu’elle prospère.

Urgoll est une arme, pas un penseur.

Kahveka serait trop dangereux sans supérieur pour diriger sa lame.

Vlos’Veldruk est trop tendre pour ne pas se laisser dévorer.

Et Viconia… est simplement Viconia. Trop jeune encore pour avoir tempéré ses ambitions.

- Alors vous me pensez à ce point précieux ?

Tu te lèves d’un bond, la main posée sur ta baguette, arrache un sursaut à tes ravisseurs, dont les doigts se rapprochent instantanément des armes. Leurs yeux plissés trahissent l’attention qu’ils portent tant à tes mouvements qu’à ceux de la fragile trame dans laquelle vous évoluiez tous.

- Si tu n’étais pas si précieux, tu aurais perdu la vie peu après avoir pris celle du précédent Haut-Prêtre de Valas.  

Tes dents se serrent. Ta poigne se referme sur ton focaliseur. Et dire que tu étais convaincu avoir réussi à garder le secret.

- Et si je te disais que je trouvais ces imbéciles plus à même de relever le Puy que vous ?

- Alors je te dirais d’arrêter de faire confiance à ces deux gros yeux morts et de prendre le temps d’apprécier le spectacle qui se joue autour de nous. Ust Meld’Zar. N’est-ce pas le genre de choses dont manque l’Elda ?


Tu aurais aimé la contredire, mais tu es bien trop honnête pour cela. À vrai dire, la manière dont frétillait la trame ici était un véritable travail d’orfèvre. Qui que soient les mages ayant érigé les défenses de l’Etat-Major, ils étaient et adroits et puissants. Et c’est sur ce genre de sorciers qu’ils t’offraient autorité. Ils te reconnaissaient capables de les tirer plus haut, et s’ils savaient tes secrets, c’est qu’ils connaissaient tes ambitions, et s’ils connaissaient tes ambitions, c’est qu’ils étaient prêts à t’aider à les assouvir. Ils ne pourraient pas se servir de toi s’ils ne t’offraient rien en échange, et quoi qu’ils t’offrent, tu te faisais confiance pour le faire fructifier pour Elda.

- Et si tu continues de douter, si tu ne vois pas les raisons pour lesquelles nous avons laissé se creuser des failles au sein du Vatna, alors questionne simplement les Dieux.

La grande demoiselle s’approche de toi d’un pas chaloupé de toi, et même les yeux fermés tu sens son regard enflammé te traverser les paupières. Tu entends aux légers bruissements de salives son sourire s’étirer, et tu sens aux mouvements de l’air sa main s’approcher de ton menton. Ta main quitte ta baguette pour venir frapper le dos de la sienne. Tu refuses la caresse. Qu’elle n’aille pas croire que ton indécision fait de toi son animal.

- Pour peu que vous acceptiez de m’en donner l’occasion tu affiches un sourire carnassier comme rarement ton visage n’ose s’en enorgueillir et de vous plier à leur jugement quand il tombera.

- Ainsi soit-il, hérault de Valas.

Lançant sa jambe fuselée à travers la longue fente de sa robe, la sorcière s’extirpa de son pas lascif de l’antichambre, non sans en caresser les murs comme la peau d’autant de précieux amants. Tes yeux clignèrent quand elle disparut, tes doigts se refermèrent sur le gorge du Dragon, et tu pris place au fond de l’immense salle, dignement drapé que tu étais dans ta robe d’argent, et grandi par la couronne d’or blanc cerclant ton fin visage.
Les jumeaux marchombres trouvèrent couvert dans l’obscurité portée sur le sol par la silhouette de l’immense montagne de muscle et d’acier muette postée quelques mètres devant toi tandis qu’à sa droite, une demoiselle de puissante constitution semblait déguster d’avance le contenu du prochain crâne que son fléau fracasserait.

Qu’est-ce qu’une ordalie de plus en cette période trouble ?

La magie trembla, la porte s’ouvrit. La magie trembla, la porte s’ouvrit. Et ainsi sonna le début de l’affrontement. Un combat, un seul, pour légion de choses à prouver.

La Purge commencerait donc par une étude soigneuse et exhaustive de la Doth'ka. La maison des Ombres était trop dangereuse pour qu'on tolère leur manque d'allégeance et de dévotion. Par le passé, elle avait été le bras de la puissance Eldéenne, entièrement au service de son roi et de leurs dieux. L'Ombre qui se préoccupe uniquement de sa mission et d'Elda quand d'autres luttent pour leur gloire personnelle. Il était temps de réfléchir à la place de chaque outil de leur glorieuse armée. Krish acquiesça à la tirade mesquine de l'espion. Elle ne l'avait pas frappé, ne l'avait pas fustiger. Mais elle rangea le problème Doth'Ka dans l'un des nombreux tiroirs de la commode étiqueté "Préparer Elda à la guerre".

Sur les instructions de Kahveka, ils arrivèrent à une grande porte. Elle aurait put être la porte de la salle d'état major comme celle des cuisines, Krish n'en avait pas la moindre idée. C'était la première fois qu'elle entrait ici. Elle avait fréquenter des fesses qui polissaient les sièges de l'état major plus d'un demi-cycle auparavant, mais elle n'était jamais entrer elle-même dans la forteresse du Karliik Glenn. La seule chose qu'elle pouvait faire, c'était surveiller chaque coin d'ombre, mais aucun d'eux n'ayant de torche et les appliques murales des lampes à huile ou des cristaux luminescents du palais étant trop lourdes pour être transportées, il était difficile de rester toujours dans la lumière.

Avant de poser la main sur la poignée, elle leva la dextre pour mettre le reste de la troupe en garde et tendit l'oreille. Rien. Elle se tourna vers l'abondance de mage à sa suite et ses lèvres formèrent silencieusement un mot : " Magie ? ". Pas un seul hochement positif. Elle posa la main sur la poignée et ouvrit le battant d'un coup, comme pour les précédents. Mais cette fois, l'autre côté n'était pas vide.

Deux guerriers bovins se tenaient en plein milieu d'une immense salle dont les ombres rayaient le sol. Et derrière eux, un Valsrik déguisé en crêpe d'argent surplombé d'une couronne.

- Qu'est-ce que...

Krish marqua un temps d'arrêt... Et aucun des guerriers ni de Valsrik ne bougea.

- Là c'est le moment ou j'étais sensé demander aux salops de nous rendre le mage et de jeter les armes pour qu'on épargne leur vie, mais j'ai l'impression que c'est plus tout à fait raccord..." déclara-t-elle en fronçant le nez, la main gauche tenant fermement son épée. " Avant qu'on se mette joyeusement sur la gueule, je peux avoir une explication Valsrik ? C'est toi qui est derrière tout ce bordel depuis la mort de Malag'eyl ? T'es de mèche avec la Doth'ka et je dois m'attendre à être surinée par Kahv' ou tu as juste profité de l'assassinat ? " et elle lança en a parte à son voisin " Pas que je doute de toi, mais je préfère demander. Le coup du vent et de la marée, tout ça. "

- Feu d’Uriz ou pas puisqu’il avait fallu que tu sois le dernier au courant sache que tu es la seule personne ici en qui j’aie pleinement confiance, Krish.

Tes yeux fermés laissent aux traits de ton visage seuls le soin d’exprimer ta sincérité. Tu es loin d’être un menteur particulièrement doué, et tu l’es encore moins sans tes artifices pour te couvrir. Et là, ta magie n’était pas à l’œuvre. Pas encore.

- Mais que le Puy ait autant perdu à ne rien faire n’est pas une excuse pour le laisser aux mains d’un Haut-Prêtre prêt à se jeter au feu pour ne pas sombrer dans l’ennui, d’un Croque-Mort qui ne sait pas de quel Dieu il est le servant ta main libre vient se poser là où tu gardes la cicatrices d’une vieille blessure et tu sais bien ce que je pense de la Doth’Ka tu as presque un sursaut en reconnaissant la présence d’une nouvelle arrivée sans parler du C’nros. Alors je ne les connais pas mieux que je connais ta suite, mais je suis désolé, jusque-là, ces lâches de suivants de Malag’eyl et leurs machinations pour peu qu’on puisse s’en servir à meilleur escient me semblent des alliés bien plus utiles.

Ta main au Dragon tremble de colère contenue. Tu aurais préféré qu’ils abdiquent, et que les choses s’arrêtent là. Tu aurais préféré ne pas avoir à affronter des êtres d’exception pour leur prouver qu’ils n’étaient pas les personnes de la situation. Parce que s’ils n’étaient pas à tes yeux bons pour régner, ils n’en restaient pas moins utiles à l’Elda.

- Je te laisse le choix Krish. Donnes-moi raison, rejoins-moi et qu’ils abandonnent, ou donne-moi tort, et que les Dieux décident de la suite.

Le feu d’Uriz. Elle grommela, prenant une tête boudeuse alors que ses petits doigts se serraient compulsivement à l’être de chiffon dont la couleur demeurait incertaine. C’était donc de cela que le Ditrown Da’re l’avait tenu éloigné si longtemps, prétextant quelques affaires, s’affairant surtout à ne rien faire – évitant, pensait-il, de se souiller davantage. Car là, quiconque s’opposait à eux trahissait les plus vieilles croyances de leur sombre peuple. La petite sourit drôlement, dans un rictus torve alors que blanchissaient ses jointures. Elle avait gardé le silence, religieusement, observant comme l’enfant ce qu’il se passa. Les prunelles rougeoyantes dansaient çà et là alors que son esprit ne parvenait à se fixer durablement. Elle avançait au milieu, sagement.

Le feu d’Uriz. A voix basse, elle maudissait incompréhensiblement Kahveka de ne l’avoir avertie de tout cela. Et là, elle avança en compagnie des prophètes, de ceux qui comptèrent vraiment : les torches dans les méandres du Vatna, seuls repères à l’hérésie et la compromission d’un peuple affaiblit. Oh Dula ! N’était-ce pas là un drôle de jeu qui se mettait en place, alors que l’air jusqu’alors immobile vacilla ? Les fils de la toile d’araignée, ces tissus fragiles se tendaient et se détendaient alors que s’offraient à eux une salle. L’on eut reconnu au loin – ou non – l’homme pâle. Si elle ne le connaissait guère, ses compagnons d’infortune semblaient troublés et les paroles du Feu d’Uriz n’eurent qu’à confirmer ses appréhensions.

Son esprit cessa alors ses déblatérations futiles alors qu’elle attrapait la toile mouvante. De sa main libre, elle dégagea son coutela. Ses yeux roulèrent sur les deux cicatrices qui longeait ses bras. Pas maintenant. Plus bougonne encore qu’elle ne le fût avant encore, dans un geste aussi discret qu’elle le put, elle s’entailla la cuisse. Aussitôt la main invisible resserra sa poigne sur le flux intangible alors que s’échappait lentement une douce chaleur. Apaisée, elle lécha le sang resté sur l’objet de métal avant de laisser claquer sa langue rassasiée. Un petit ricanement lui échappa alors que rien, non rien ne présageait de bon.

Dans un mouvement mesuré afin de n’inquiéter personne, elle se plaça juste au derrière du maitre de la Dothka. S’il la connaissait bien, il saurait qu’elle aurait à redire plus tard. Mais là, gardant une distance raisonnable pour tenir sa position, sa voix fluette s’éleva dans les airs, juste assez bas pour que seuls les premiers l’entendent :
« Quoi qu’il advienne, n’oubliez pas qu’il me faut du sang ».
Cette dernière réplique, quoique malvenue, laissait entendre que la situation ne sentait guère bon, et qu’au moment venu, il leur faudrait agir conjointement afin que la mage puisse accomplir la tâche qui lui incombait. Non, la tâche qui incombait maintenant au C’nros qui pesait lourd à ses frêles épaules.