Sombre pestilence | S'improviser traqueur [PV Aegden]

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En tant que Roi comme en tant qu’ami probablement aurais-tu dû t’en rendre compte plus tôt. Enquêter sur la potentielle intrusion de prêtres de Leetha au sein de la Prima Œuvre promettait une traque digne de celles auxquelles se livrent les Berceurs de Tari. Ultimement, pour peu qu’ils soient encore vivants, et nul doute, s’ils ont pu se faufiler jusqu’ici, qu’ils aient les outils en main pour – intervention elfique n’ayant pas lieu – rester vivants.

- Voyage bien, Halyalindë. tu rends son sourire à l’épervier Et si par quelque hasard tu apprends quelque chose d’intéressant, pense à nous.

Halyalindë avait fait sceller ses armes. Alors tant qu’elle agissait en tant qu’épervier, qu’elle enquêtait, rassemblait des indices, identifiait des pistes et partageait des informations, elle était à sa place. Lorsqu’il s’agirait de remonter lesdites pistes jusqu’à ceux qui les avaient tracées… ce ne serait plus de son ressort. Et ici, il semblerait que les lieux ne lui soient pas assez familiers pour qu’elle puisse s’occuper de sa tâche de prédilection… ou peut-être tout simplement entre la proximité d’Haldren avec qui elle avait un lien particulier et le souvenir de la mort d’Eorim, tout cela devenait un peu trop à supporter pour elle.

- Fais attention, accessible ou pas l’Aduram reste dangereux. tu lances à un Haldren sur le départ comme ne sachant pas à qui tu t’adressais Il semblerait qu’en attendant les renforts, il n’y ait plus que nous.

Tu t’efforces de ne pas te formaliser de la manière – ou du moins au manque de manière – dont vous avais quitté le Mage d’Ombre. Après tout, que vous vous soyez retrouvés à collaborer avec lui n’était qu’une coïncidence. Il ne vous devait pas sa présence, vous ne lui deviez pas la vôtre, et l’ancien Eldéen était un personnage tout à fait atypique dont tu finirais certainement par petit à petit découvrir les excentricités.

Un semblant de savoir-vivre n’aurait malgré tout pas fait de mal.

Tu te rapproches des restes calcinés de l’engeance, pestant contre la magie l’ayant ranimé tant parce qu’elle te paraissait abjecte que parce qu’elle vous privait d’une source précieuse d’informations. Avec la chaleur, ce qu’il devait rester dans les moignons encore intacts devait avoir été complètement dénaturé, et quant au reste… ce n’était plus que des vapeurs et de la suie. Et pas un seul autre cadavre en vue, encore moins des chairs semblant avoir subi le même traitement que celles-ci. Peut-être n’était-il pas là pour garder l’endroit des intrus, le « piège ». Peut-être était-il la culmination des travaux ayant eu lieu dans cette caverne, destiné à en inoculer le produit dans la forêt alentour une fois que les Drows auraient jugé qu’il en était temps. Au moins, quitte à perdre un indice, c’était cette option en moins.

- Aegden ? tu te retournes vers le Mainyth Tu ne commences pas à avoir du mal à respirer à travers ta… accumulation de particules Aegden… accumulation de particules vivantes Ils n’ont pas pris le temps de contrôler le développement des lichens. C’est l’accumulation de leurs spores qui engorge le tissu de nos foulards. ton regard se tourne avec vivacité vers l’extérieur Avec un peu de chance, ils ne se seront pas débarrassés des spores qui les ont recouverts et il devrait y avoir moyen de les pister en suivant la traînée laissée derrière eux ! une moue pensive vient briser tes espoirs En espérant qu’aucun gros mammifère ne soit passé après eux.

Une fois sûr et certain que plus rien ne bougeait et que rien n’avait le potentiel de leur sauter dessus à nouveau, Aegden rengaina sa lance dans son dos, restant tout de même sur ses gardes. Il n’avait pas confiance. Il y avait de la magie à l’œuvre. Une saleté de magie qu’il ne pouvait voir que trop tard, alors il préférait jouer la carte de la prudence.

Effectivement, Artiön avait raison, respirer commençait à devenir légèrement plus difficile. Le commandant avait mis ça sur le compte de la brusque montée d’adrénaline à la vue de l’horrible bestiole, en plus de la pestilence et l’impression de mal-être régnant aux alentours. Pour seule réponse il désigna la sortie d’un mouvement de tête.

-Partons  d’ici avant que l’un de nous ne finisse asphyxié, ou qu’une autre catastrophe ne soit déclenché.

Il n’attendit pas que l’Aran réagisse pour sortir de l’affreuse caverne. Ce n’est qu’une fois qu’ils furent à une distance raisonnable qu’Aegden ôta sa protection de fortune qu’était le col de son vêtement, de sur son visage.

-Courir après des drow grâce à du lichen… 

Le commandant ne pût s’empêcher de lâcher un petit rire nerveux. Il secoua la tête et afficha un air désolé envers l’Aran.

-Excuse-moi. Repris-t-il Mais j’ai  peur que ça ne nous mène pas à grand-chose. Il y a énormément de risques que nous suivions de fausses pistes non ? Il désigna le sentier qu’avait montré Halyalindë un peu plus tôt.  Et si nous suivions ce chemin en premier lieux, et utilisions les spores seulement comme assurance d’être sur le bon chemin ? Nous aurions moins de risques de tourner en rond.

En emboîtant le pas d’Aegden vers la sortie de la caverne, malgré la difficile condition dans laquelle vous vous trouviez, tu avais manqué de sourire. Voilà longtemps que tu n’avais pas pu t’octroyer le confort de simplement suivre des ordres, que la finalité d’une mission n’avait pas reposé sur tes épaules, et que par conséquent, tu avais pu te permettre de soulever toutes et chacune des hypothèses te passant par la tête.
Machinalement, après avoir libéré ton nez et ta bouche, tu te tournes dos au vent pour dans un premier temps faire claquer ta cape d’apparat, et dans un second débarrasser tes habits d’autant de minuscules poussières de lichen que tu le pouvais. Une fois libre du manteau de jeunes fonges, tu prends une longue inspiration histoire de te recentrer, tes épaules retrouvant leur droitesse, et ta poitrine se soulevant comme à son habitude.

- Ce n’est jamais sage de toute façon de se concentrer sur un seul indice. tu rends un sourire plus doux au Mainyth Pour ce que j’en vois d’ici les deux ont l’air de plus ou moins corréler, mais si jamais les deux se séparent, on avisera en temps et en heure.

Tu lances une œillade dans le sens dans lequel le Commandant avait envoyé Saren, te demandant combien de temps vous aviez avant que les renforts ne soient choisis et n’arrivent, et surtout, si vous pouviez vous permettre de le laisser passer, ce temps. Chaque seconde passée par des Drows à l’intérieur de l’Œuvre était potentiellement extrêmement dommageable… mais dans l’autre sens, se précipiter ne servait jamais à rien d’autre qu’à faire des erreurs.

- Par contre, pour ça il faudra que je fasse route avec toi, et dans ce cas-là il faudra que j’arrête mon investigation de la caverne là. tu plisses les yeux Pas que j’aie vraiment envie de rester dans cet endroit de mort, mais si parmi les soldats mobilisés il n’y en a aucun autre qui ait un bagage en toxicologie, peut-être qu’il me faudra rester ici.

Haldren était parti explorer une piste près d’Aduram. Ensuite il y avait ce qu’il reste de ce qui semblait avoir été leur repaire. Puis il y avait les traces de voyage. Enfin il y avait potentiellement les Naenites. Une fois les renforts arrivés, le mieux serait de vous séparer, la question étant de savoir qui ferait quoi, et par quoi vous commenceriez.

- J’irai là où tu considéreras mes compétences les plus précieuses.

Tu offres une amicale tape dans le dos à Aegden, lui faisant par la même occasion présent d’un hochement de tête entendu, démonstration de ton assurance en son jugement. Après tout, ne devenait pas Commandant n’importe qui.

-Il y aura forcément au moins un ou deux elfes qui s’y connaissent. On verra bien de toute façon, on est obligé de les attendre avant d’entreprendre quoi que ce soit.

Partir à 5 contre une menace qu’ils ne connaissaient pas en laissant les elfes appelés en renfort sans aucune indication n’aurait pas relevé de la simple stupidité, mais du suicide. Il fallait qu’ils soient mis au courant et surtout mis en garde. Qu’ils s’organisent un minimum. Quitte à perdre du temps sur leurs ennemis, leur propre sécurité était primordiale.

Aegden frotta son omoplate. Artiön avait de la force, un peu trop parfois…Il lui adressa néanmoins un sourire amical. Puis, reprenant son sérieux il fixa la piste qu’ils suivraient.

-J’espère que le nombre de soldats dépêchés sera suffisant. Marmonna-t-il. Quand à toi Artiön, Il le fixa, sa voix se faisant à nouveau intelligible. Je verrais en détail avec les effectifs qui arriveront, mais il y a de grandes chances pour que Saren ait assez bien expliqué la situation pour qu’ils puissent être plus utiles ici. Au final tu m’accompagneras très certainement avec quelques autres. Parce que, si j’ai bien compris, ta magie t’aide à repérer les êtres vivants alentours. C’est un atout non négligeable pour pister les sombres. Il marqua un petit temps de silence. Il avait l’air de réfléchir à voix haute.Pourtant… Je t’avoue que je suis un peu embêté. La créature de tout à l’heure n’était sans doute pas grand-chose par rapport à ce qui nous attend. Il désigna les vêtements du grand elfe. Et tu n’es clairement pas équipé pour te battre…

Aegden grimaça devant le dilemme que lui posait soudain Artiön. Il ne pouvait décemment pas accepter d’envoyer un elfe au-devant de conflits certains en le sachant sans véritable autre protection que ses camarades. Il ne pouvait pourtant pas non plus juste lui dire de rentrer en Alëandir... Deux étaient déjà partis. C'était bien assez.

- Tu marques un point. tes yeux se posent sur ta tenue Mais si Vìrin n’est pas trop loin, je devrais facilement pouvoir faire l’aller-retour jusqu’à Alëandir à temps pour l’arrivée des renforts. tu marques une courte pause D’ailleurs au passage, si ça te dit, je devrais pouvoir m’assurer que les forces mobilisées soient suffisantes. En quantité comme en qualité. et par cela tu entendais, t’assurer la présence d’un militaire ayant suffisamment de connaissances en tant qu’alchimiste ou naturaliste pour être efficace sur votre scène de crime Une requête particulière ?

- Ce serait utile effectivement. Pas de requête particulière non. Il secoue la tête. Si, une seule. je l’ai déjà dit à Saren avant qu’il parte, mais j’aimerais que dans la mesure du possible la majorité des soldats dépêchés aient déjà été impliqués dans cette affaire. C’est tout.

- Noté.

Tu acquiesces d’un hochement de tête, avant de t’écarter de la caverne pestilentielle avant de te saisir du cor pendu à ta hanche. Vous aviez une idée de là où pouvaient être les intrus, et tous les indices semblaient s’accorder à dire qu’ils étaient loin d’ici, mais vous ne saviez pas à quel point. Sonner l’alarme juste au-dessus de leur ancien point de ralliement serait certainement la pire chose à faire… Haldren l’avait déjà fait une fois, une seconde deviendrait bien trop suspecte.
Tes lèvres se porte à la hanche de l’instrument, et tu souffles une note courte et peu puissante, espérant que la méfiance de la Caëngal l’ait conduit à rester relativement proche de vous. Ton oreille gauche se tourne légèrement vers l’arrière, ton oreille droite se soulève, un discret bruissement, un bruissement familier froisse le tapis de feuilles mortes. Tu connaissais ta partenaire, tu ne serais pas déçu aujourd’hui.

Tu prends place d’un bond sur le dos de la féline avant de signifier un au-revoir à Aegden de la main, et de te lancer à travers la forêt vernale. À ta grande peine, Alëandir est réputée ne jamais entièrement perdre sa verdure. Durant l’hiver, certes, le luxuriant couvert d’été perd de sa superbe, et la boue et les feuilles mortes s’accumulent par endroits sur la litière victime des régulières pluies, mais ils sont trop rares les arbres nus, et elles sont exceptionnelles les chutes de neige. Pour tout dire, chaque hiver passé loin de Daranovar te rappelle à quel point tu aimes la roche et la neige des Hauts-Plateaux où tu es né… et il semblerait que tu te destines à en rater beaucoup par le futur, des neiges hivernales.

- Vìrin, allez ! tu te penches en avant au point que ta poitrine touche le dos de l’animal Saren n’est pas loin, on le rattrape !

Une puissante impulsion, et le rapide galop de la Faïra se fit plus intense encore. La pulsation de Saren se rapprochait. Nord-Ouest. Plein Ouest. Quelques dizaines de mètres… Là. D’instinct, la cadence de ta monture se cala sur celle du cheval de l’éclaireur. La perspicacité de Vìrin valait bien une caresse perdue entre deux bonds.

- Saren ! tu hèles l’elfe, ta voix luttant contre la vitesse En fouillant la caverne et les alentours, on a réussi à dégager deux autres pistes de recherches. Il nous faudrait une unité de traque qui connaisse assez bien les ruisseaux du Nord du Protectorat pour les passer au peigne fin et un groupe qui puisse continuer l’examen de la grotte. tu marques une pause, le temps qu’il intègre Si possible, favorise les soldats déjà impliqués dans l’enquête. Entendu ?

Sur la confirmation de ton collègue, ta monture reprenait son élan initial en direction de la capitale, et marquant ce qui serait un événement à marquer d’une pierre blanche, lorsque vint la porte d’Alëandir, elle la traversa avec toi. Le petit trot de Vìrin était facilement aussi rapide que l’aurait été ta course à travers les rues de l’immense Cité. C’est donc un temps fou qu’elle te fit gagner en t’accompagnant jusqu’au pieds du Palais du Trône Blanc.

- Merci Vìrin tu prends quelques secondes pour lui flatter l’encolure, avant de disparaître dans les coursives je ne te fais pas attendre longtemps, promis !

Contrairement à ce que pourraient laisser penser les longues minutes passées devant le mirori lorsque les conditions l’accordaient, à aimer s’habiller, on avait vite fait d’apprendre à s’habiller et à se déshabiller vite. Et organisées comme l’étaient ta garde-robe et ton armurerie… tunique et pantalons avaient vite fait d’être abandonnés à la faveur de cuirs, plus appropriés à votre situation.
Dominés par un brun extrêmement sombre, presque de noirs, tes cuirs d’hiver Lëandrins ne présentaient que la moitié d’un par-dessus, de même blanc jauni que les bottes qui terminaient l’uniforme. Ainsi, tes cuisses, la moitié de ton torse et ton bras droit étaient comme la nuit, tandis que tes jambes et ton autre flanc brilleraient d’un blanc sale. Et qui te verrait ainsi penserait certainement à quelque excentricité de la part du concepteur de la cuirasse, mais le fait était que le paysage hivernal d’Alëandir était ainsi. De sombres buissons se frottant aux troncs blanchis des trembles, des chênes et des sycomores. Le collier de fourrure blanche autour du col par contre n’était en réalité que question de confort… et une manière de réutiliser la quantité astronomique de poils perdus par Vìrin lors de sa toilette.

- Vìrin ! tu siffles l’animal, qui se baisse sur ses appuis juste à temps pour que tu puisses sauter sur son dos On a le temps, ne te presse pas trop.

Vous aviez pris bien assez d’avance en interceptant Saren. Maintenant se presser ne servirait jamais qu’à ne pas laisser s’impatienter Aegden, et de ce que tu en sais, Aegden était bien capable d’attendre une heure ou deux avant de complètement perdre la tête.
D’ailleurs, le calme dans lequel tu retrouvas la petite compagnie qui serait certainement votre groupe lors de l’enquête en fut une agréable confirmation. Retrouvant les côtés de ton frère d’arme, il ne te restait maintenant plus qu’à attendre qu’arrive le reste de la compagnie. Question de quelques minutes, quelques dizaines de minutes tout au plus… que tu pouvais tout de même mettre à profit.

- Je suis là. tu glisses au sol d’un agile mouvement, laissant ta monture libre de ses mouvements Et en attendant que les autres arrivent, j’aimerais bien pouvoir continuer mon examen de cette caverne. tu marques une pause, ton nez se retroussant d’avance Juste l’entrée.

Aegden observa l’Aran disparaître à travers les arbres.  Il était soulagé de constater qu’au final le problème n’était pas si compliqué que ça à résoudre. Ils ne perdraient de toute façon pas plus de temps qu’en attendant sans rien faire devant la saleté de caverne.
Enfin ‘’devant’ ’c’était vite dit. S’ils ne s’éloignèrent évidemment pas énormément, restant à portée de vue et de voix, personne ne prit le risque de rester à portée de la pestilence.

L’attente ne fut d’ailleurs pas si pénible qu’Aegden ne s’y serait attendu. Il mit évidement à profit les une ou deux heures qu’il avait devant lui pour réfléchir à tous les éléments qu’ils avaient déjà rassemblés à droite à gauche et les rattacher ensemble.

 Il se surprit même à tracer une vague carte au sol à l’aide d’une brindille. Marquant ici l’emplacement des premiers camps de fortune découverts, là la cité comme repère, un autre repère encore pour leur emplacement actuel.  La petite carte ne ressemblait pas à grand-chose d’un point de vue extérieur, son auteur était probablement le seul à y trouver un sens mais au moins ça l’aidait à réfléchir.

Ce furent finalement les mouvements autour d’eux et la bruit d’un animal massif qui lui fit relever la tête et sortir de ses pensées. Artiön était de retour, équipé cette fois.

-Juste l’entrée alors. Répéta-t-il lorsque l'autre lui exprima sa volonté de reprendre ses recherches. Et si tu pouvais ne pas réanimer d’autre bestioles au passage ça m’arrangerais. Plaisanta-t-il.

Il reposa les yeux sur son schéma. Il n’arrivait toujours pas à y trouver la moindre logique…
Au bout de plusieurs minutes, il finit finalement par renoncer à trouver quoi que ce soit d’utile de cette manière-là et effaça rapidement le tracé d’un balayage rapide de la main. A peine s’était-il relevé que des bruits de sabots se firent entendre.

-Finalement les voilà.

Aegden n’eut pas à ajouter quoi que ce soit pour que tous les elfes aux alentours se rapprochent. Ils laissèrent tout de mêmes une ou deux minutes aux arrivants pour leur laisser encaisser le voyage rapide avant que ne commence l’organisation de ce qui allait suivre. Ils n’avaient plus une minute à perdre.

-Il nous faut trois groupes. L’un restera ici, les drows ont laissés des essences et d’autres produits qu’ils pourraient bien utiliser contre l’Anaëh. On peux peut-être trouver des indices sur leur mode de fonctionnement grâce à ça.  Ce groupe-là devra donc être composé en priorité de ceux qui s’y connaissent le mieux dans ce domaine. Quelques elfes hochèrent d’ores et déjà la tête, certains reculèrent même un peu, signifiant qu’ils étaient volontaires pour cette mission. Assurez-vous aussi d’avoir de quoi communiquer rapidement en cas de problème. Un cor, un sifflet, ou tout simplement un cavalier qui puisse rejoindre les autres groupes et les prévenir. Il marqua une petite pause avant de reprendre. Le second groupe aura une mission de nature assez similaire. Sauf qu’au lieu de rester ici, ils chercheront les points d’eau proches. D’après Artiön. Il désigna l’Aran d’un geste. Certaines essences proviennent d’un poisson appelé Raie Naénite. Il est extrêmement rare, si on trouve où nos ennemis se sont procuré son poison, on peut les empêcher de s’en procurer à nouveau. Même consigne que le premier groupe. Le dernier groupe partira sur la piste qu’ils ont certainement tracée en partant. Il désigna ladite piste. J’aurais besoin d’un ou deux elfes bons en traque pour ça.

Il laissa passer quelques secondes de silence pendant lesquelles les trois groupes se mirent en place d’eux même.

-Pas de questions ?

- Et avant que vous ne le fassiez remarquer, tu te tournes en direction de ceux destinés à fouiller les points d’eau oui, faire l’inventaire des réservoirs où vivent les Naénites est à la limite de la chasse aux cryptides. Le but est de relever de potentiels signes de présence Drow aux alentours des cours d’eau d’intérêt plus que de chasser le poisson. tu pointes du nez dans la direction en question Et jusque-là, les rares raies que l’on ait observé se trouvaient dans les étangs du Nord du Protectorat, donc Nord-Est de notre position. Vous devriez commencer par là.

Tu lances un hochement de tête entendu à Aegden, confirmant ainsi avoir terminé ton intervention, et t’assurant par la même occasion qu’il n’aurait rien à y ajouter. Les trois groupes ensuite terminèrent de se scinder, confirmant de chaque côté être prêts à se dédier à leur tâche. Un rapide échange de formalités plus tard, et vous étiez tous en place. Ou en chemin.

- On a la trace d’un convoi partant d’ici tu désignes aux traqueurs qui vous accompagnent les entailles présentées par Halyalindë et se dirigeant vers le Nord-Ouest. Marchandise lourde. Malheureusement ils n’ont pas laissé de trace de traine.

- C’est l’hiver, l’humus est froid. S’ils ont transporté quelque chose de lourd, à moins que leurs allées et venues ne remontent vraiment trop loin, il devrait être possible de trouver des empreintes.

- Et l’intérieur de la grotte est couvert de lichens en sporulation qu’ils ont pu disséminer derrière eux. Et dès qu’ils s’agit de traces de vivant, ce n’est pas un problème pour moi de le repérer.

- Ce sont des lichens de surface ?

- Oui.

- Dans ce cas-là, si possible, essaie d’en repérer de larges concentrations renfoncées dans le sol, c’est signe de piétinement.

Tant que vous étiez proches de la caverne, la route à emprunter semblait encore relativement claire. Les spores tombées au sol étaient légion, et traçaient une véritable chaussée en direction du Nord-Ouest, dont le tracé corroborait parfaitement avec les herbacées piétinées, tapis de feuilles mortes étrangement inégaux, occasionnelles branches brisées et sols plus bourbeux que le reste de la litière.

- Vìrin, monte !

Un miaulement grave t’est adressé avant que la Faïra ne se mette à chercher une racine haute ou une branche basse à sa convenance, afin de prendre de la hauteur. Au vu de la situation, tu comprends que l’animal ait voulu rester aussi proche de toi que possible, mais ç’aurait été faire gaspillage de ses talents que de la garder au plancher avec vous, quand l’altitude pouvait porter ses sens plus loin… et qu’en voyageant à travers les branches, elle était bien plus discrète qu’au sol à vos côtés.

- De mon côté la piste devient beaucoup trop floue à partir d’ici. tu jettes un œil aux deux archers sur les flancs de votre groupe Quelque chose chez vous ?

Pour toute réponse, le mouvement d’une oreille, alors que le regard de celui qui la portait restait fixé sur les alentours. Du doigt il ne tarda pourtant pas à te pointer une longue trace quelque peu excentrée par rapport à vous. Quelque chose dont aucun animal d’Anaëh à ta connaissance n’aurait pu être à l’origine.

Vous avanciez…

Ils continuèrent à suivre la piste sans que rien ne les interpelle vraiment. Parfois la piste devenait plus difficile à repérer. Parfois elle devenait au contraire limpide.

-La piste continue par là. Lança une voix claire appartenant à la seconde éclaireuse du petit groupe.

Branches cassées, terrain piétiné. Le chemin était cette fois visible pour tous, éclaireur ou non, habitué à ce genre de recherche ou non. Le petit groupe ralentit et s’arrêta au niveau de la soldate qui avait un peux pris de l'avance.

-Ils se sont arrêtés ici ça semble évident.

-Sans doute pas assez longtemps pour que ça n’ait un quelconque impact. Mais vu les traces je dirais qu’il on pas mal du piétiner, oui. Elle désignait d’un geste certaines traces. Là on dirait carrément que l’un d’entre eux s’est mis à faire les cent pas. Et là c'est la trace de ce qu'ils traînaient. C'est resté au même endroit un petit moment. Peux être qu’ils n’arrivaient pas à se décider par où aller ?  

-Je n’arrive pas à comprendre. Aegden exprima ce qui le gênait depuis un moment maintenant. Comment-ce fait-t-il que les traces soient-si facilement repérables ?

Il n’eut droit qu’à un haussement d’épaules et un hochement de tête négatif pour toute réponse.

-Si ce sont bien des sombres, la forêt n’est pas leur avantage. Heureusement pour nous.

La réponse ne sembla pas convaincre le lancier, mais il n’ajouta rien. Il se contenta d’afficher un air soucieux. Ils inspectèrent très vite le bout de sentier sur lequel ils étaient arrêtés, vérifiant qu’il n’y avait aucune trace d’empoissonnement tel que celles de la grotte avant de reprendre leur traque.

C’étaient des sombres, certes, et d’entre les sombres ce n’était pas ceux possédant le plus d’expérience du mouvement en territoire inconnu. Leurs éclaireurs se seraient donnés un peu plus de mal pour rester discrets. Poursuivre leurs lames d’ombres, quant à elles, même sur votre terrain, ç’aurait été un cauchemar. C’étaient des prêtres d’une abominable déesse factice, ni plus ni moins. Peut-être leurs poisons étaient-ils puissants, mais pour ce qu’il s’agisse du reste… du moins tu l’espérais. Ta confiance allait à vos deux traqueurs. Eux savaient mieux que toi. Ce n’était pas leur première fois.

Quand tu avais été sur le champ de bataille au cœur des affrontements, ils avaient toujours gravité autour. Ils avaient appris et avaient été habitués à reconnaître les signes distinctifs du passage d’Eldéens indiscrets. Alors pour autant que l’évidence de certains des indices t’effraie, tu t’en remets à leur autorité.

- Pas de restes de feu, pas de restes de nourriture, pas de traces de campement provisoire… s’ils sont restés là un moment en tout cas, ils n’y sont pas restés pour la nuit. l’archer jette un coup d’œil agacé aux marques Si tant est que ces choses dorment la nuit.

Tu avances, paume tendue en direction du traqueur en signe d’apaisement.

- Ce qui veut dire que l’on ne peut pas se permettre de traîner ici non plus. tu penches légèrement la tête Il n’y a vraiment rien que vous puissiez tirer de l’endroit avant que l’on ne reprenne la marche ?

- Un nombre. il pointe du doigt les traces de pas Si les membres de leurs groupes ont un comportement relativement constant, le conglomérat de traces de pas laisse à penser qu’ils étaient au moins six. Probablement un peu plus. Mais je doute que l’on ait affaire en tout à plus d’une dizaine de têtes. Plus nombreux ils n’auraient pas survécu aussi longtemps.

- Autre chose ?

- Malheureusement non.

L’implicite voulant, la marche reprit de plus belle. Les branches de buissons pliées, des traces plus profondes, à moment où elles passaient ce chemin, vos proies devaient commencer à subir le poids de l’épuisement et…

- De la pluie ! Pour que leurs traces soient aussi profondes, ils doivent être passés soit pendant, soit juste après la pluie.

- Effectivement. Ce qui expliquerait leur pause. Probablement en attente de la fin d’une forte averse. Pareil pour leurs traces. un sourire fier se peint sur son visage Tout le monde ne peut pas se vanter de trouver les voyages d’hiver dans la forêt Lëandrine confortables.

- Les dernières grosses pluies remontent à il y a quatre jours à peine.

- Alors cette trace a quatre jours à peine. Si elle avait été plus ancienne, les intempéries l’auraient rendue moins clair…

- Fourche !


Vous touchiez au but, enfin, et voilà que le destin se jouait allègrement de vous. Quatre jours de distance à rattraper tout au plus, et avec l’avantage du terrain. Pour peu qu’ils aient tous voyagé de concert c’était là votre chance de vous débarrasser d’eux tous une fois pour toute…

L’existence est injuste.

Maintenant il vous fallait prendre une décision. Partir d’un côté ou de l’autre. Choisir laquelle des deux traces vous considériez la moins importante à suivre, parce que vous ne pouviez pas vous séparer. Vous n’étiez que cinq. À cinq, même s’ils étaient le double, avec l’élément de surprise de votre côté, vous pouviez largement espérer remporter un affrontement. En divisant vos forces sans savoir exactement comment les leurs s’étaient séparées par contre… c’était un coup à risquer l’un de vos deux sous-groupes.

- Je peux en confirmer deux ou trois par là. Ce qui selon mes estimations de départ en mettrait entre trois et huit de l’autre côté. le traqueur claque de la langue Au moins trois. Vous voyez les traces au sol de ce côté ? C’est que leur paquet est par là. Un porteur deux gardiens au minimum.

- Mais dans l’impossibilité d’être plus précis, scinder notre groupe ne serait pas sûr.

- Vous ne pensez pas qu’il vaille mieux se contenter de suivre les porteurs de bagage ? l’épéiste qui vous accompagne intervient enfin

- Pas forcément. Sans être certains de la valeur du-dit bagage, se concentrer sur ses porteurs pourrait nous coûter l’échappée d’un groupe plus mobile qui en sait déjà beaucoup trop, pendant que l’on se contente de la satisfaction d’avoir intercepté des caisses vides.

- Mais si les caisses contiennent quelque chose de dangereux…

Ton regard tombe sur tes frères d’armes sans autre forme de sommation, tandis que tu t’avances vers l’un des arbres proches de la fourche. Tu expires, inspires, puis poses ta main sur l’écorce. Les filaments lumineux imprègne un bâton encore mouvant entre les doigts de ta main d’arme, puis le bras qui le porte, puis l’autre bras, puis le tronc du Prime Enfant. Tu es loin d’être un végétaliste, mais la puissance vitale que tu partages avec la plante est celle que partagent tout être respirant l’air de Miradelphia.

Et oui, les plantes aussi respirent.

Seulement ce n’est pas la pulsation du sylvain que tu veux entendre, mais son Chant. Un Chant qui t’est inaccessible. Un Chant qui t’est incompréhensible. Un Chant que ton Ouïe est trop faible pour entendre et que sa Voix est trop faible pour te faire entendre. N’est-ce pas le propre des Vitalistes que de rendre plus fort ce qui vit ?
Au sommet de ton sortilège quelque chose t’assaille, quelque chose te prend au cœur, comme une intense et soudaine fatigue. Une inquiétude qui n’est pas la tienne, une angoisse répugnante, une angoisse insensée. Tu te déteste de ressentir cela. Non… tu les détestes de ressentir cela. Non… il les déteste de ressentir cela.
Assurément, les Eldéens tiennent très profondément à leur bagage.

- Direction Sud. C’est la meilleure chose à faire. tu jettes un regard entendu en direction d’Aegden Nous avons déjà une patrouille partie vers le Nord-Est.

À ton attitude la Faïra comprend d’avance la suite, et se poste devant toi, t’offrant de piocher dans la sacoche qu’elle porte en bandoulière de quoi écrire.

- Vìrin leur fera passer le message. tu t’arranges pour que le message soit bien en évidence pour qui serait le prochain à ouvrir le sac, et puis tu le refermes Va !

Maintenant c’était direction Sud pour vous. Et au moins vous pourriez vous rassurer en vous disant que les Eldéens ne s’étaient pas plus rapprochés des itinéraires de voyage des civiles.

Jusque-là, il n’était pas intervenu dans la discussion qui s’était joué. Il écoutait attentivement l’avis de chacun, et encore plus attentivement l’expertise des traqueurs. Aegden avait beau être mainyth, il n’en restait pas moins un fantassin avant tout. La traque c’était le lot des éclaireurs. Il leur accordait sa totale confiance. Ils savaient ceux qu’ils voyaient, savaient parfaitement ce qu’ils interprétaient, c’était leur spécialité.

Le constat selon lesquels les drows s’étaient séparés lui déplaisait fortement. Il cherchait toujours à rationaliser leurs actions et toutes les explications qu’il arrivait à imaginer, parfois à la limite de la paranoïa, l’inquiétaient d’avantage encore.

Il ne parla pas plus lorsqu’Artiön intervint pour finalement proposer de prendre la direction Sud. Il hocha simplement la tête pour signifier qu’il était d’accord. Si les elfes partis au Nord-Est tombaient nez à nez sur les drow ils sauraient se débrouiller sans eux. Encore mieux si le Faïra leur transmettait le message de l’Aran à temps.

C’est donc dans la direction du Sud qu’ils partirent. Les éclaireurs reprirent un peu d’avance sur le reste du groupe, cherchant trace et indices tout en restant  relativement proche.
Au bout d’un moment, comme la traque reprenait un aspect monotone, Aegden reporta son attention sur le grand elfe.

-Au fait Artiön, quand tu as posé ta main sur l’arbre tout à l’heure, tu as trouvé quelque chose pour nous aider ? Tu a soudain eut l'air certain de la direction à prendre.

Il ne comprenait évidemment pas la magie de son interlocuteur. En général, il n’aurait même pas pris la peine de poser la question. Cependant, là tout était bon à prendre, même la magie, aussi irritant fusse-t-il de l’admettre.

Un peu plus loin l’éclaireuse plus avancée finit par ralentir le pas et s’arrêter. De dos, les quatre autres ne pouvaient que remarquer la pointe de ses oreilles inclinés vers l’arrière.

-Un problème ? S'inquiéta automatiquement le commandant.

-J’ai comme un mauvais pressentiment. L’éclaireuse se retourna, puis lança finalement un petit sourire désolé. C’est sans doute rien, si je suis la seule.

Mine de rien elle avait ses main serrées sur son arc tendis qu'elle avançait de nouveau jusqu’à une petite clairière. Son rythme de marche s'était sensiblement ralentit.

- La Symphonie. tu confies au Mainyth Elle Chante trop d’inquiétude pour que les porteurs soient un danger immédiat.

Ce qui donnerait certainement le temps à la Faïra de prévenir le groupe de leur secteur de réorienter leurs recherches. En attendant, la présence de Vìrin te manque déjà. La sécurité qu’elle apportait à votre petite escouade était non négligeable. Maintenant vous n’étiez plus livrés qu’à vos sens elfiques… alors autant mettre au mieux possible tous vos sens à profit.
Rapide. Extrêmement lente. Irrégulière. Syncopée. Toutes les pulsations des êtres de la Prime Œuvre alentoure se mêlent en un nouveau monde seul perceptible de toi. Un monde d’énergies. Un monde de vie que ton esprit était libre de fouiller, de toucher, et d’influencer. Le monde sur lequel tu avais pouvoir. Ta respiration est lente, et ton pas à défaut d’être rapide s’allonge et se tonifie. Tu te gardes ainsi ancré dans la réalité pour ne pas céder à la tentation de jouer les horlogers déments.
La magie a cela de magnifique qu’elle vous donne à vous, essences animales, un immense pouvoir sur tout le reste d’une Création qui est pourtant tout sauf plus petite que vous. La magie a cela de magnifique qu’elle vous offre de devenir acteurs au sein de cette Création d’une manière que les non-mages ne peuvent qu’à peine imaginer. L’Art a cela de terrible que sa beauté rend fou d’une folie que le fou comme le monde ne constate qu’une fois le Souffle flétri.

- Tu n’es pas la seule. le second traqueur, lui aussi méfiant et constatant ton air perplexe commente Ce n’est de toute façon pas une manœuvre sûre que de traverser une clairière pendant un pistage. On contourne avec une distance de sécurité. Assurons-nous juste d’être capable de distinguer s’il se passe quelque chose dans cette clairière de malheur.

Toujours dans la même formation, votre rythme de marche sensiblement ralenti. Toi ton regard vogue entre deux hauteurs, ton septième sens t’ayant fait remarquer quelques présences pour le moins suspectes dans les branches. Des Mynnark ou quelconque autre singe, des Faïra sauvages… ce pourrait être n’importe quel grand arboricole, de loin vous en avez déjà croisé tellement rien qu’au cours de cette traque.

- Quatre grands mammifères non loin. tu préviens à voix basse Ici, ici, ici et ici. tu pointes du doigt quatre emplacements à différents points de hauteur Restez sur vos gardes.

- En espérant que les Drows n’aient pas finalement appris à grimper aux arbres.

Au traqueur qui l’a prononcé et à toi au moins, ce dernier murmure aura au moins été l’occasion de retrouver le sourire avant que…

- Attention devant.

Un feint grognement et le son du froissement des feuilles d’un buisson proche se combinent en une glaçante musique de fond. Les mains se saisissent des armes, et les attitudes changent soudainement.

- Ne bougez pas. tu murmures au groupe condensé Gardez vos positions. Il s’en ira de lui-même.

La trentaine de secondes qui suivit fut comme une éternité, mais le Faïra dont vous aviez marché sur le territoire finit tout de même par préférer jouer la sécurité et s’éloigner. Et ceux qui étaient probablement sa famille avec lui.

- Les Faïra sont des animaux fragiles. Qu’on leur donne l’option de ne pas se blesser et ils la choisiront dans presque tous les cas.

- Bon à savoir, le ton agacé dit tout le contraire mais en attendant, notre trace s’arrête ici.

La tension était monté d’un cran, tant par la confirmation des éclaireurs que quelque chose n’allait pas que par les paroles d’Artiön. La plaisanterie du deuxième traqueur laissa le commandant de marbre. Il fixait les points indiqués comme des présences. Et lorsque finalement, un grognement se fait entendre, l’arme du lancier était déjà dans sa main.

Pourtant, comme l’ordonna l’Aran, personne ne fit le moindre geste. Aegden eut l’impression qu’il s’écoula des heures avant que la créature ne décide qu’ils ne valaient pas le coup et fit demi-tour.

Le mainyth souffla alors un grand coup. Ça n’était rien. Juste des faïras sauvages dérangés sur leur propre territoire. S’il abaissa sa lance, il la garda toute de même dans sa main, ne préférant pas se détendre complètement.

-Comment ça ‘’notre trace s’arrête ici "?! Répéta-t-il sans vraiment attendre de réponse.

D'ailleurs, de réponse il n'en obtint pas car c’était bien assez clair. Plus de traces, plus de piste à suivre, ils se retrouvaient dans une impasse. Aegden grimaça. Foutus drows.

-Restez sur vos gardes. S’il n’y a plus de trace, ça pourrait simplement dire qu’ils ne sont pas loin…

-Il doit bien y avoir quelque chose…Marmonnait l’archer. Ils peuvent pas avoir disparu comme ça.

-Je crois que j’aurais préféré qu’ils aient disparus… La traqueuse fronçait le nez. C’est répugnant.

Elle avait eu la mauvaise idée de suivre ce qui aurait dû logiquement être la piste. Sauf que ce qu’elle avait finit par découvrir était beaucoup moins utile, et beaucoup moins ragoutant… Elle recula de quelques mètres, pour ne plus voir ou sentir les déjections cachés par les feuilles morte et les brindilles.

-Au moins on est certains qu’ils sont passés par là…Mais ça ne nous aide pas plus que ça. A par des piétinements il n’y a rien d’autres.

J’ai l’impression qu’ils se paient nôtre tête. Aegden secoua la tête. Cette traque l'agaçait fortement. Il avait l'impression d’avancer à l'aveugle dans la forêt. Ils devaient se douter qu’on les suivrait. C’est tellement simple de créer une fausse piste, une diversion. Ils ne peuvent pas avoir délibérément laissé des traces aussi évidentes et s’être volatilisés comme ça, sans que ça soit voulu !

Il fit un geste qui signifiait ''on fait demis tour''. Il n'y avait rien à faire avec cette piste là. Ils avaient juste perdu un temps précieux. Ça commençait à le mettre en rogne. Il força un peu la marche, histoire de faire comprendre aux autres qu'ils voulait en finir vite avec ce chemin et qu'il voulais récupérer le temps perdu.

Au final, il leur fallut beaucoup moins de temps pour retourner sur leur pas. Les traqueurs reprirent automatiquement leur fonction lorsqu'ils se lancèrent sur la piste du convois. Et si parfois les éclaireurs lâchaient quelques mots à mis-voix pour indiquer le chemin. Aegden se fit totalement silencieux, ruminant mentalement son exaspération. 

Les mâchoires serrées et les poumons appesantis par votre dernière découverte, tu avais suivi un rythme de marche retour bien plus serré au retour qu’à l’aller. À la faveur de grands pas et de bien peu de retenue, il était difficile maintenant d’échanger. Le rythme de respiration soutenu de tes camarades était tout ce qui brisait le silence de votre convoi, et bien que tes longues jambes t’autorisent un tempo plus tendre que le leur, tu n’as pas non plus cœur à prononcer le moindre mot. Pourtant tu en ressens le besoin.

- Je suis désolé. tu adresses durant un léger relâchement du groupe Cette fois j’ai manqué ce qu’essayait de me faire comprendre la Sylve.

- Ce sont des choses qui arrivent. l’archer te répond, tendu mais sans colère Au moins maintenant on a une idée de ce qu’ils mangent. Et je dis ça sans sarcasme.

Tu souffles des nasaux à cette idée, mais tu réalises qu’il n’a pas tort. Comme avec les animaux. Maintenant vous aviez cette arme en plus. En sachant quels fruits, quelles racines, quelles viandes les « prêtres de Leetha » s’étaient autorisés à consommer depuis qu’ils étaient sur vos terres, ou au contraire, s’ils s’étaient jusque-là complètement gardés de risquer l’intoxication, vous aviez en main un indice de plus pour leur couper la route durant les plus sensibles de leurs pérégrinations.

- Par contre, malheureusement, ça nous aura coûté la possibilité de les rattraper avant la nuit.

Nycthémère vernal. Soleil levé tard et couché tôt. Bientôt le terrain ne serait plus autant à votre avantage que par grand ensoleillement. La vue perçante des elfes limitée par l’obscurité, la présence au sol de certains des prédateurs les plus dangereux de l’Anaëh fait de la traque de nuit est un jeu des plus dangereux. Et vous n’y joueriez pas aujourd’hui. Pas pour une poignée de Drows.

- Il est temps de penser à monter un campement.

- Il devrait y avoir un lac à peine plus d’un mile plein Nord. On y sera plus en sécurité, et on aura de quoi refaire le plein de vivres et se laver.

- Dans ce cas-là, va pour le lac. le traqueur pose les yeux sur une marque de piétinement Si la trace ne s’en éloigne pas trop.

Là fut votre chance, elle ne s’en éloigna que très peu. Là fut votre chance, car si elle ne s’en éloigna que très peu, elle s’en éloigna au moins. La gravité de votre entreprise ne saurait retirer à la vision du lac au soleil couchant, la surface partagée entre les rayons d’or pur et l’ombre de la ripisylve, la moindre once de beauté.

C’est pour que ce genre d’endroits restent aussi beaux que vous vous battez.

Machinalement, vous vous dirigiez vers un énorme figuier aux abords de la rive, et très vite tous vos effets trouvèrent leur place au creux des branches. Vint ensuite le travail de tressage des racines aériennes pour arranger ce qui serait votre lit de fortune, tendu entre de grosses branches quelques mètres au-dessus de l’eau. Formés pour être efficaces, motivés à terminer au plus tôt, c’est en un temps record que vous aviez terminé de vous installer, et ainsi, vous vous retrouviez avec une petite heure d’ensoleillement devant vous pour profiter de l’oasis, et oublier pendant un temps vos problèmes.

- On s’occupe d’aller chasser de quoi manger. les deux archers semblent décidés On ne part pas bien loin, mais faites attention à vous tout de même.

- De mon côté, je pense que je vais juste profiter des derniers rayons du soleil pour me baigner un peu. tu réponds un sourire aux lèvres Et si j’arrive à attraper une écrevisse ou deux au passage, tant mieux.

Le temps de t’alléger de tes cuirs pour ne plus être alourdi que de tes sous-vêtements, et tu étais au bord de votre lit, prêt à plonger. Tu défies Aegden du regard, convaincu qu’un moment de détente lui ferait beaucoup de bien.

- Qui m’aime me suive !

Et dans un piqué étonnamment élégant, tu crèves la surface et t’enfonce dans l’eau claire.

L’humeur du commandant s’était à peine améliorée lorsque l’idée de s’arrêter pour la nuit fut proposé. Il n’avait pas lâché un mot depuis un petit moment, et en boudeur chevronné, il ne comptait pas s’arrêter là.

Pourtant même lui ne put résister à la vision du paysage baigné par les rayons du soleil déclinant. C’était tout bonnement magnifique et il ne pouvait pas passer à côté de ça. Parfois, il en fallait peu pour dérider l’elfe taciturne, et ce genre de vision mirifique n’étaient pas sans compter parmi les plus efficaces.

C’est donc avec un air bien plus détendu qu’Aegden participa à l’installation de leur abri de fortune. Mine de rien, ils se montrèrent relativement efficace étant donné le peu de temps qu’il leur fallu pour que tout soit mis en place correctement... 

-C’est plus à nous de vous dire de faire attention. Fit-il remarquer aux éclaireurs alors qu’ils s’éloignaient déjà.

Les épaules du commandant s’affaissèrent légèrement tandis qu’il s’autorisa enfin à se relâcher. Il détacha le baudrier auquel était fixée sa lance avant de poser cette dernière avec le reste de leurs affaires. Il eut un infime geste d’hésitation avant de vraiment la laisser là. Il n'y pouvait rien, il se sentait en sécurité avec l’arme dans son dos. Il se força malgré tout à réellement lâcher prise. Il n’était pas en danger là, il fallait qu’il se détende.

Bientôt c’est le plastron de son armure qu’il enleva, suivis des protections sur ses épaules et ses jambes. Il se retrouvait alors vêtu du simple habit de tissu vert au col montant qui se trouvait sous son armure en temps normal.

 Assis en tailleur, bataillant contre l’attache d’un de ses gantelets. C’est d’un haussement de sourcil qu’il répondit au regard de défis du Daranovan non loin.

-Ce n’est pas que je ne t’aime pas Artiön. Mais je te laisse volontiers le lac pour toi seul. Plaisanta-t-il à moitié.

Il lui lança un vague sourire désolé avant de reporter son regard sur l’attache récalcitrante contre laquelle il luttait depuis une minutes ou deux.

Le contact vivifiant de l’eau glacée contre ta peau te rappelait les plongées d’hiver dans les lacs de Daranovar. Le dur apprentissage de la natation dans ces contrées où l’eau et la roche étaient plus présentes que la forêt. La traditionnelle pêche au Silure qui devait avoir lieu en ce moment-même. Les festins qui rassembleraient la Cité autour des plus grosses prises de la saison. Les goûts du poisson, du riz de montagne, de la sauce au poivre et à la liqueur de baie… Te serais-tu abandonné à ces rêveries que tu y aurais probablement été trop occupé pour te rappeler qu’il te fallait respirer.
Un légère constriction au niveau de ton diaphragme, et tu donnais une énergique brasse vers la surface et la crevait de la tête, inspirant instantanément une large et bienvenue lampée d’air. Tu te laisses dériver quelques instants en surface, oscillant entre de simple ciseaux de brasse et un lent dos crawlé, profitant d’un instant de détente, avant de plonger une nouvelle fois, savourant d’avance ta pêche future.

Là où la profondeur ne rend pas l’exercice trop dangereux, tu fouilles la vase du fond du lac des doigts à la recherche de crustacés en dormance. De ce côté-là, l’hiver joue à ton avantage. Le froid endort les créatures à sang froid. Les crabes et les écrevisses en cette saison se terrent dans l’humus pour n’en ressortir que les chaleurs du printemps venues. Le problème, c’est que sous l’eau, les traces qu’ils laissent aux abords de leurs terriers ont vite été effacées par les mouvements du corps aqueux. Trois minutes, tu commences à manquer d’air, tu remontes, engouffre une nouvelle rasade d’oxygène et replonges. Tu cherches des traces, à l’abri de rochers, de branches mortes, de n’importe quel objet lourd ayant pu servir de couverture à l’animal. Tu cherches des traces évidentes d’humus creusé. Tu cherches… tu cherches une pulsation quelque part dans l’humus.

Lorsqu’à la nuit tombée tu reviens auprès de tes camarades, les résultats de la pêche sont finalement moins bons qu’escomptés. Du moins ils sont moins impressionnants qu’escomptés. Rien de ce que tu ne ramènes n’a de pattes ni de nageoires, mais les algues que tu as trouvé au cours de tes plongées tu les connais, et cuisinées au feu de camp avec n’importe quelle viande, elles sont délicieuses.

- Chers gens d’Alëandir, il est temps que vous appreniez ce qu’est la bonne cuisine !

- Parce que tu penses que personne ici ne t’a jamais vu t’empiffrer dans les restaurants Lëandrins peut-être ?

- Touché.

Vous riez gaiement, attendant que vos deux traqueurs ne reviennent avec leur proie du jour. Et quand ils arrivent, vous n’êtes pas déçus. Dans leurs bras gît un gros lepiscornis, dont la vue aura attisé chez vous autant de joie que de solennité. Le feu aura été installé avec le plus grand soin sur le lit de lianes, séparé de lui d’assez de terre et de pierre pour s’assurer que votre abri ne brûle pas. Les outils de cuisine auront été rassemblés avec une humilité à la limite de la timidité, chaque couteau posé rapprochant le moment fatidique un peu plus. Et puis vous aviez installé le lepiscornis sur ce qui serait sa table d’opération et vous avez prié ; remercié La Mère de ce qu’elle vous donne de vous saisir de son Œuvre pour vous sustenter, promis en échange que vous n’oubliez pas qu’un jour, ce serait à votre tour de prendre le rôle de votre proie et de sustenter l’Œuvre.
Et puis tu avais commencé à dépecer, le feu avait été allumé, les algues préparées, l’animal farci, puis mis à cuir.

- Vous m’en direz des nouvelles.

Tu es loin d’être mauvais cuisinier, restait à savoir si tes frères d’armes apprécieraient les recettes à la Daranovane. Profiter de la soirée encore jeune autour d’un bon repas ferait du bien au moral avant la journée de demain. Demain vous aviez de grandes chances de voir des choses moins ragoûtantes qu’un lapin cornu farci aux algues.

C’est un air franchement curieux qu’offrit Aegden à leur cuisinier de la soirée. De la viande il en mangeait rarement. De la viande cuisinée à la manière d’un elfe originaire d’une cité lointaine, il ne se souvenait pas l’avoir déjà fait. Au final, c’était bon. Différent de ce qu'il connaissait mais pas désagréable.

-Je ne savais pas que tu étais aussi cuisinier Artiön. Aegden sourit. 

Le reste de la soirée se déroula sur un ton plutôt léger. Les conversations allèrent bon train autour du petit feu. Chacun y participant à l’envie ou vaquant à ses occupations. Le petit groupe se connaissait assez pour que personne ne se gêne et que personne ne se sente mis à part. Il ne s’agissait que de bavardages communs comme il y en avait mille, mais c’était quelque part une habitude réconfortante.

Mine de rien, Aegden, comme à son habitude un peu en retrait, ne put s’empêcher d’avoir une petite pensée pour ses autres camarades. Avaient-ils avancé de leur côté ? Où étaient-ils précisément actuellement ? Avaient-t-il eux aussi déjà monté leur camp pour la nuit?  Ils n’avaient pas reçu de message ni entendu de quelconque signal d'alerte, tout devait probablement bien se passer pour eux.

-Cesse de t’en faire, ils savent se débrouiller comme des grands. Fit l’archère assise un peu plus loin comme si elle avait lu dans ses pensées. Elle lui adressa un air rassurant alors que ses deux camarades semblaient être lancés dans une discutions enflammée.
 
C’est qu’il n’était pas des plus discrets ou des plus doué pour le cacher, le commandant, lorsqu’il avait quelque chose en tête… Celui-ci haussa d’ailleurs les épaules et fit mine de suivre les conseils de sa camarade pour le restant de la soirée, faisant même un effort pour se mettre moins à l'écart qu'il ne l'était  jusqu'à présent.

Au bout d’un moment, ils se décidèrent qu’il était temps de partir se coucher après avoir brièvement mis en place un tour de garde. Mieux valait être prudent et éviter  de réitérer l’incident des faïra.

Le lendemain promettait d’être trop intense pour se permettre de manquer de sommeil.

C’est donc d’un repos réparateur et bienvenu qu’ils sortirent quelques heures plus tard, réveillés par les premiers rayons de soleil. Il ne s'était heureusement rien passé de la nuit. Une fois les dernières brumes de sommeil dissipées, il ne leur fallut pas plus de quelques minutes pour se trouver à nouveau prêts à partir. Leurs quelques affaires avaient de toute façon été déjà rassemblées la veille et leur camps était relativement sommaire.

S’assurant que tout et tous étaient prêt une dernière fois, Aegden lança un regard entendu au groupe. Ils repartaient et cette fois ils les trouveraient ces maudits drows

Nouveau jour, vieilles habitudes. Votre traque reprendrait son cours avec sa monotonie habituelle, et sous les jeunes rayons du soleil, vous retrouveriez la trace que vous aviez quitté la veille. Derrière vous vous ne laisseriez rien, ou à peine. Quelques légères marques contre l’écorce de l’arbre dans lequel vous aviez passé la nuit, peut-être un couple de racines aériennes portant de feintes marques de torsion… mais pas plus. Des fantômes, à peine moins discrets que les autres grands prédateurs avec lesquels vous partagiez la forêt, et à peine moins discrets que les Ornedhels. Pour tout Citadins que vous étiez, l’Anaëh n’en était pas moins chez vous.

- Une seconde. tu interpelles le groupe, les forçant à s’arrêter Vìrin n’est pas loin.

Tu tends l’oreille dans la même direction que celle des traqueurs, seulement toi, ce qu’ils ne reconnaissaient que comme l’un des sons habituels de la vie en Anaëh, tu y reconnais aisément la cadence du pas de ta partenaire Faïra. L’animal approche une fois que vous vous êtes stoppés pour l’accueillir, t’offre de lui flatter l’encolure, et semble particulièrement intéressée par l’idée que tu fouilles dans la besace qui y est accrochée.

- Au moment où ils écrivent ils n’ont malheureusement rien trouvé. tes yeux se baissent à nouveau sur le morceau de papier de riz Ils prennent la direction de l’Ouest ce matin pour essayer de couper la trace.

Tu souris. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était au moins cela de gagné. Avec un peu de chance, ils auraient juste assez d’avance sur vous pour pouvoir intercepter les Eldéens, ou au moins pouvoir les repérer plus précisément et vous guider dans vos recherches. Il ne restait maintenant plus qu’à espérer.
Nouveau jour, vieilles habitudes, seulement à présent que la Caengal se tenait à nouveau dans les environs de votre convoi ; créature aux sens – en dehors de la vue bien plus alertes que les autres, pour toi potentielle monture dans le cas où les choses le demanderaient, et surtout, partenaire avec laquelle tu partageais un lien tout particulier ; tu te sentais autrement plus détendu. Relaxé ne voulait pas pour autant dire relâché, et ainsi l’énergie que tu ne dépensais pas à te tracasser, tu pouvais te permettre de l’investir dans la scrutation des pulsations.

- On dirait qu’ils ont longé l’eau. le traqueur constate avec quasi déception Original.

Pas de commentaires. Seulement une marche presque automatisée, jusqu’à ce qu’une nouvelle information ne vous parvienne enfin.

- Présence elfe non loin.

Elfe. Tu es assez près pour l’assurer. Seulement, elfe pouvait aussi bien dire elfe d’Anaëh que d’Elda. Comme la première fois, le pas a redoublé de précaution, les yeux se sont figés dans la direction que tu pointais, les mains se sont approchées des armes, et les souffles se sont faits silencieux. Jusqu’à ce que vos cinq sens à tous soient suffisants à démêler la situation. Jusqu’à ce que vous puissiez tous identifier l’adversaire comme n’étant pas un adversaire, et que vous ne vous soyez mêlés au second groupe.

- Les braises sont encore chaudes. Le feu date d’après les pluies.

- Donc le camp a moins de quatre jours.

- Exactement.

- Ce qui nous confirme qu’on les suit de près depuis hier et qu’il faudrait qu’on accélère un peu le pas.

Le ton est agacé, et tu le comprends. Toi aussi tu as envie d’être débarrassé de ces intrus. Toi aussi, pour chaque jour qu’ils passent à l’intérieur d’Anaëh tu as peur qu’ils y provoquent une catastrophe, seulement tu n’es pas un pisteur, alors pour toi, tout cela est fastidieux. Il t’est plus facile d’accepter à toi que cela prenne du temps que ça ne l’est pour eux, vétérans rôdés par le métier.

- Peut-être qu’en redistribuant les montures de manière à former un petit groupe mené par un pisteur nous pourrions les rattraper plus vite. tu interviens, le regard sceptique À condition que vous puissiez repérer la piste au moins à vitesse de trot, ce pourrait au moins permettre de laisser des marques d’intérêt derrière nous que le second groupe pourrait se permettre de prendre le temps d’étudier tranquillement. tu marques une pause Je ne pense pas que faire route tous les dix nous avance à quelque chose.

Ton avis est déjà fait. Tu attends celui de votre haute autorité maintenant. Si vous vous sépareriez ou pas, c’était à Aegden d’en décider.

-Vous deux. Il désigna les deux archers qui avaient jusque-là fait partie de son groupe. Vous prendrez donc des montures et vous partirez devant. Hum…Latphen, Lossenor vous avez une formation de pisteur vous aussi  je me trompe ?  Réponse négative des deux soldats. Vous ferez partie de ce groupe dans ce cas.  Il se tourna vers l’un des épéistes, faisant, il avait encore quelques instants, partie du groupe de recherche qu’ils avaient rejoint. Tu les accompagneras, comme tu portes un bouclier tu seras en charge de protéger au maximum les archers en cas de besoin.  Ceux qui restent, on les suivra à pied, ils risquent peut être de nous distancer mais ils ne seront quand même pas bien loin.

Pour la seconde fois en moins de 24h,  les soldats formèrent deux groupes distincts, abandonnant ou récupérant les quelques montures qui ne bronchèrent heureusement que très peu.

Le premier groupe se lança bien vite au petit trot après un dernier salut à leurs camarades. Aegden attendit volontairement qu’ils s’éloignent assez avant de les suivre à leur tour.

-Hé attendez. Les traces au sol sont bien plus marquées ici. Les sombres ont dû stopper leur marche. L'éclaireur vétéran pointa soudain une direction parallèle à la piste. La trace se sépare en deux par là.

Ce qu’il voyait était très discret, probablement trop pour qu’un elfe non traqueur ne le remarque.

-Encore une fausse piste ? Aegden afficha un air sceptique. La première fois lui avait suffi.

L’elfe qui n’avait pas fait partie de leur groupe et ne savait donc pas ce qu'il voulait dire par là ne sembla, bien sûr, pas comprendre. Il secoua la tête, catégorique.

-Sans vouloir vous vexer, j’aimerais vraiment  voir ce qu’il en est. Les autres devant  s’occupent du chemin principal. Nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer ça.

-Très bien. Céda Aegden. On va voir. Mais si on ne trouve rien, on fait demi-tour. Je ne veux pas perdre de temps.

C’est donc sur le sentier plus discret qu’ils se retrouvèrent. Aegden avait une désagréable impression de déjà-vu. Au bout de quelques longues minutes ils ne trouvaient encore rien et il n’avait qu’une envie c’est de revenir sur ses pas. Pourtant l’autre elfe avait vu juste. Ils ne pouvaient se permettre d’ignorer volontairement une piste aussi inutile soit-t-elle.

-Attention ! Aegden tira soudain le soldat à ses côtés en arrière. Celui-ci s’apprêtait à poser le pied sur un long serpent à moitié dissimulé par le terrain naturel.

-merci un peu plus et… Il s’interrompit et plissa les yeux. Attendez, quelque chose cloche.

Le serpent aurait dû réagir bien avant qu’il ne manque de poser le pied sur lui. Il ne suffit que de quelques secondes pour établir un constat des plus simples.

-Ne le touche surtout pas. On ne sait pas de quoi il est mort.

-Il y en a un autre là...  Fit le premier éclaireur quelques mètre sur leur droite.

Tu souris, dissimulant magistralement ta maigre déception. Tu aurais espéré partir en première ligne, au-devant du danger. Tu avais envie de te frotter aux Eldéens… même si tu es le premier à te rendre compte que ce n’est pas raisonnable. Tu es le Roi. Guerrier ou pas, tu es devenu une figure importante aux yeux de ton peuple, et te perdre ne serait qu’un coup dur de plus à faire subir à des elfes ayant déjà à composer avec des changements plus brusques que de raison.
Tu es le Roi. Sauf que c’est finalement exactement pour cette raison que tu voulais aller au-devant du danger. Moins que tu ne le devrais, tu passes tout de même un temps incroyable à tourner en rond à travers les diverses salles du Palais du Trône Blanc, à rencontrer des elfes répétant tous les mêmes choses à peu de choses près, à défendre tous les jours les mêmes idées, à gaspiller la puissance du corps que tu t’es bâti à signer des traités relatant de problématique trop obscures pour que la majeure partie des Citoyens n’en ressentent les moindres conséquences tangibles. Tu es un guerrier qui s’ennuie, et voilà que cela te pousse à désirer des choses inconsidérées… les mêmes désirs qui auront poussé Halyalindë à rendre les armes, de peur d’y céder.

C’est avec un peu moins d’entrain qu’au départ tout de même que tu suis maintenant le nouveau groupe, mais avec une attention du détail redoublée. Une attention malgré tout qui s’assumait divisée entre tes frères d’armes et les mouvements de la Caëngal qui vous accompagnait. Que vos nouveaux collègues pisteurs aient pu trouver une nouvelle trace d’intérêt tu le concevais aisément… l’attitude de ta partenaire à l’approche de ladite trace par contre te rendait perplexe.
Les nasaux du grand prédateur soufflaient plus qu’ils n’inspiraient, faisant ainsi démonstration d’une gêne, qu’elle fusse conséquence d’une odeur douloureuse ou d’une inquiétude. Le pas de la féline en plus de cela se faisait particulièrement feutré, comme il ne l’est jamais que lorsqu’elle approche une proie.

- J’ai la sensation que cette fois-ci, il y aura quelque chose au bout du sentier… tu fronces les sourcils Même si j’avoue que cette fois, j’aimerais bien me tromp…

Tu écarquilles grand les yeux, Vìrin bondit en arrière, et après l'intervention d'Aegden, ton attention se reporte sur la forme serpentine que… que tu ne ressens pas. Aucune pulsation. Aucune énergie vitale. Cette chose est morte, et dans ton silence, tu t’étais attelé à essayer de comprendre de quoi d’une manière dont tu es le seul à pouvoir le faire. Seulement, dès lors que ton auscultation t’avait dévoilé la première blessure, tu t’étais rendu compte que c’était chose inutile. Pas besoin de magie face à des marques aussi évidentes.

- Celui-là s’est fait taillader par une lame. tu t’approches de celui désigné par le premier éclaireur Celui-ci est mort d’une hémorragie interne, et les marques hurlent arme contondante. tu t’approches de Vìrin, tes nasaux commençant doucement à mimer les siens Et tout est à parier que l’état de nécrose de celui-ci tu dégages le cadavre d’entre les fourrés qui le cachent du bout de ton bâton n’est pas l’œuvre du temps. Surtout que… tu t’approches d’un des cadavres en meilleur état, et tâte de la main sous ses babines j’en étais sûr… leurs glandes à venin ont été prélevées.
Vìrin ! tu te retournes vers la Faïra Mirguna !

Les oreilles de la féline se tournent brusquement vers toi, juste avant qu’elle ne se baisse sur ses appuis et ne commence à scruter le sol. Elle rampe quelques instants, gratte un peu les herbes dissimulant certaines part du parterre pour finalement se relever, dévoilant un terrier de Tatzëlworm vide, visiblement en cours de préparation.

- Les Drows ont dû tomber sur la femelle que les mâles se disputaient. Je doute qu’ils aient été capables de repérer un futur nid autrement. ton regard se tourne vers le cadavre nécrosé Leurs mages se sont certainement appliqués à l’achever alors qu’elle essayait de s’enfuir.

- Et les mâles qui ont essayé de la défendre ont eu droit aux épées et aux marteaux.

- Et tant qu’à faire, ils ont dû ramasser tout ce qui les intéressait sur les cadavres… le venin donc.tu pestes Quel gâchis.

- Vu l’état des cadavres, l’absence d’odeur et le peu de nécrophages dans les environs le pisteur soupire tristement à la vue de la femelle nécrosée la mort ne doit pas avoir eu lieu il y a plus de deux jours. Trois au grand maximum.

- Ce qui voudrait dire que nous sommes plus proches des prêtres de Leetha que nous ne l’imaginions.

- Et qu’avec un peu de chance, nos camarades ne devraient pas tarder à les repérer.

Tu soupires, te penchant sur la carcasse d’un des mâles. Tu laisses ta main survoler sa fourrure, et ce faisant, tu souffles les étincelles de ta magie sous sa peau.

- Les pauvres… ce n’est peut-être pas le meilleur moment, mais s’il on pouvait s’arranger pour prélever le plus possible de viande, de fluides, de fourrure et de peau… de tout ce que vous voulez, ce serait une bonne chose. la tristesse te prend le visage Que ces bêtes ne soient pas mortes en vain. Faites juste attention à ne pas récolter la viande près des blessures. Je n’identifie aucun poison dans leur système et les chairs autours n’ont pas l’air corrompues… mais on ne sait jamais.

Aegden hocha  la tête, donnant silencieusement son accord à la proposition d’Artiön. Observant les trois cadavres sur le sol et le terrier vide, il avait l’air triste, mais surtout en colère. 

Triste pour les pauvres créatures jonchant le sol. Elles avaient simplement commis l’erreur de suivre leur instinct naturel au mauvais endroit au mauvais moment et l’avaient payé de leur vie, avaient même  tenté pour deux d'entre eux de protéger la troisième. En vain.

En colère évidement contre les drows. Ils ne créaient qu’abomination et destruction sur leur passage. Par un sombre prétexte, ils avaient massacrés des créatures innocentes. Comme si cela ne suffisait pas, ils les avaient abandonnées là, comme un objet cassé devenu inutile dont on ne veux plus. Destruction et irrespect total de l'Oeuvre comme on pouvait difficilement faire pire.
 
Au moins comme l’avait proposé le grand elfe, en récupérant ce qu’ils pouvaient, les animaux ne seraient pas morts pour rien… Ils en donneraient moins l'impression en tout cas.

C’est avec une solennité similaire à celle qu’ils avaient eu la vieille devant leur repas qu’ils exécutèrent leur triste tâche. Seule la créature présentant des nécroses importantes ne fut touchée que du bout d’une lame pour le mettre simplement de côté.

Un vague regard aux alentour leur permis de noter ce qu’ils savaient déjà. Il n’y avait rien de plus à faire ici, ils devaient à nouveau revenir sur leur pas. Ce qu'ils firent bien vite. Ils ne s'étaient pas tant éloignés que ça de tout façon.

-Les autres ne nous ont sans doute pas attendus. Soupira Aegden. Espérons qu’il ne nous aient pas trop distancés non plus. 

Il restait à espérer que les drow passaient encore trop de temps à se déplacer et chercher leurs éléments pour mettre en œuvre leur plan, quel qu'il soit au final. Restait aussi à espérer que, si leurs estimations s'avéraient exactes, ils ne tarderaient effectivement pas à les stopper. 
Ils ne devaient pas avoir le temps de faire plus de mal qu'actuellement. Anaëh ne devait pas souffrir une minute de plus de la présence des prêtres de Leetha.

-Au moins maintenant on a un indice de plus sur ce qu'ils cherchent.

-Est-ce qu'au vus des éléments récoltés jusqu’à présent on peux...Je ne sais pas. En déduire un poison quelconque, un mode opératoire, quelque chose? 

Aegden lança un regard en direction des traqueurs. Malheureusement, il n'était pas en présence d'elfe spécialiste ayant participé aux recherches dans la caverne. Malgré tout, l'un d'entre eux avait peux être des réponses, même vagues. Après tout, entre les pisteurs et le vitaliste, ce genre de chose pouvait potentiellement leur être moins obscur qu'à lui.

- Probablement une solution huileuse, destinée à être véhiculée par les liquides en tout genre, mais peu soluble. tu réfléchis à haute voix, une main posée sur ton menton Neurotoxine. Intoxication par contact cutané ou avec les humeurs… et pour l’instant je ne peux pas dire grand-chose de plus.

En tant que mage de Vie, et en particulier en tant que mage de guerre, l’apprentissage des principes actifs disponibles et connus de la forêt d’Anaëh, et même d’ailleurs, fut un point particulièrement important de ton apprentissage. Certainement n’étais-ce pas bien glorieux aux yeux de majorité d’entre tes compatriotes, mais autant qu’il te fallait être capable de soigner d’une infection quiconque s’en retrouvait affligé au sein de tes rangs, autant être capable d’imiter chez tes adversaires, au travers de ton Art, les effets de substances dangereuses était une compétence précieuse. Et puis, aujourd’hui… ça te permettait de te rendre utile.

- Rien d’autre à tirer de ces pauvres Mirguna je présume ? l’éclaireur se tourne vers toi Artiön ?

- Non, rien d’autre de mon côté.

- Alors on reprend la route.

Avec en plus le passage de vos prédécesseurs, ayant pris le temps de discrètement marquer derrière eux les points distinctifs de la piste, suivre la trace des Drows s’était avéré plus aisé que jamais, ou du moins, tu en étais persuadé. Le fait est que même à toi maintenant la direction à prendre paraissait limpide comme de l’eau de roche, alors tu ne pouvais qu’imaginer ce qu’il en était pour les pisteurs expérimentés. La marche en devenait presque ennuyeuse, rythmée plus par l’effort de dissimulation des indices qui vous avaient été laissés par les elfes montés que par l’attention au détail des débuts de la traque.

- Nous ne sommes pas loin d’avoir rejoint les autres.

- Comment ça ?

- Ils sont à l’arrêt, une centaine de mètres plus loin.

Un second embranchement, et un dont les différences apparentes étaient bien moins évidentes que le précédent. Vous étiez tout près des Drows, trop près des Drows, trop près pour ne pas avoir la sensation d’être beaucoup trop loin.
Vos frères d’armes partis en première ligne semblaient partager cet avis. Les sourcils étaient froncés, les mâchoires crispées et les pulsations irrégulières. Voilà de longues heures qu’ils scrutaient les environs à la recherche de plus d’indices, trop décidés à limiter les risques pour faire un choix qui soit diviserait leurs forces, soit conduirait à un potentiel échec. Trouver laquelle des deux traces était la plus importante était capital, seulement, il n’y avait aucun indice permettant de faire pencher la balance d’un côté, si ce n’est cette marque de sang, relativement sèche climat pris en considération. Et dire qu'en plus ils fallait ajouter à leur frustration celle des restes d'animaux que leurs bêtes devraient transporter pour le reste de cette mission.

- C’est du sang de race elfique. tu t’approches un peu plus, ton focaliseur imbué d’arcanes Probablement même du sang Drow. Vous pensez qu’il puisse s’agir d’un piège ?

- Ce n’est pas exclu, mais si c’est un piège, alors ils y ont laissé beaucoup d’eux-mêmes. le traqueur scrute la marque de plus près lui aussi Vue comme ça elle a tout l’air d’une marque involontaire. Tu vois l’éparpillement des gouttes autour de la trace principale, habituellement c’est signe de lutte.

- Qu’ils aient préparé un piège ou sortent véritablement d’une confrontation, les Drows partis dans ce sens doivent être un minimum affaiblis. Dans tous les cas c’est vôtre groupe le mieux adapté à la situation. l’archère se tourne vers Aegden Vous avez les meilleurs combattants, et si les Drows ont été ralentis que ce soit par un blessé ou par les soins qu’ils ont dû lui apporter, vous avez plus de chance de refermer la distance dans ce sens que dans l’autre. L’autre piste, nous pouvons nous en occuper.

- De mon côté l’idée me paraît raisonnable. tu te tournes à ton tour vers le Mainyth Qu’en dis-tu Aegden ?

Tu fronces les sourcils, et l’espace d’un instant, tes pupilles sont attirées vers le ciel. Les nuages s’amoncellent à l’horizon. Quelle que soit la décision prise, il faudrait que vous la preniez vite. Que vous puissiez assez réduire la distance entre les prêtres de Leetha et vous avant que la pluie n’éclate, sous peine de risquer de perdre leur trace, là où un passage tout juste postérieur à une averse serait extrêmement simple à pister.

Un bref instant suffit pour prendre une décision.  Piège ou pas, ils devaient en avoir le cœur net. Piège ou pas,  la proposition de la soldate était la meilleure. Le groupe le plus apte à se défendre devait suivre les traces de sang, c’était à eux d’aller au-devant du danger de toute façon.

-Je suis d’accord. Au moins, ils n’auraient pas à réorganiser les groupes une énième fois, c’était déjà ça de gagné…Avant que vous ne partiez. Il leva la main vers celle qui avait fait mine de tourner les talons. Méfiez-vous quand même, le danger ne sera pas non plus inexistant de votre côté. 

Hochement de tête et sourire déterminé furent les seules réponses qu’il obtint alors que chacun partait de son côté. Les nuages lourds annonceur de pluie, les motivèrent d’ailleurs à presser le pas.

Ils ne tardèrent pas à plisser le nez en avançant le long de la nouvelle piste. En fait, plus ils avançaient , plus tous pouvaient sentir une puanteur d’abord désagréable puis très vite devenue très incommodante. A tel point qu'ils furent bientôt forcés à de couvrir de nouveau le visage comme ils pouvaient.

Pourtant pendant des minutes qui leur semblèrent durer des heures tant l’atmosphère devenait désagréable, ils ne croisèrent rien d’anormal. Rien d’autre que les immenses racines des arbres de la forêt. L’odeur leur sembla la plus forte lorsqu’ils atteignirent une zone moins boisée.

-Ils se sont encore arrêtés ici. L’éclaireur qui brisa le silence pointa quelques cendres d’un geste. Ils ont campés ici.

Non loin des restes de cendre, se trouvait quelques rochers organisé de manière à sans doute servir de siège pour un groupe de campeurs. L’un d’eux présentait du sang séché. Pourtant ni ce sang ni rien  à première vue ne semblait pouvoir expliquer la pestilence se dégageant de l’endroit.

D’un commun accord muet, ils décidèrent d’inspecter la zone. Peut-être trouveraient-ils une explication.
Ils passèrent une bonne dizaine de minute à fouiller, sans trop oser toucher, la zone. Mis à part les traces de campement déjà indiqué par l’éclaireur, il n’y avait rien. Et plus le temps passaient, plus ils commençaient à avoir la furieuse envie de s’éloigner de la zone.

-Ici ! La voix du second éclaireur avait quelque chose de tendue qui alerta de suite les autres elfes.

-Une autre trace de sang ?

L’autre ne répondit pas, se contentant de fixer quelques choses que les autres ne pouvaient voir. En plus de sa voix, ils pouvaient tous constater qu’il avait réellement l’air crispé. En s’approchant ils comprirent bien vite d’où venait l’odeur infâme.

Les oreilles du commandant s’inclinèrent vers l’arrière  à la vue du cadavre. Cette fois ça n’était pas un animal. C’était l’un des sombres. Il n'était même pas caché d’ailleurs. Il était juste posé là, sur des feuilles mortes entre deux racines.

-Je ne sais pas qui lui a fait ça. Mais il devait être sacrément en rogne…

Sa peau était plutôt pâle pour un drow. Du sang sortait de ses yeux, son nez et sa bouche ainsi que ses oreilles, c’était évident qu’il avait subi une mort violente. L’un de ses bras était tourné dans un angle assez peux naturel.

-Il a une entaille bizarre là.  Aegden désigna le mollet du drow. Artiön est-ce ça te dit quelque chose en tant que guérisseur ?

- Tout ce que je peux confirmer, c’est qu’il n’y a aucun signe de poison.

- Et de mon côté l’éclaireur se rapproche du cadavre que ce sont des traces de morsure. Vous voyez les traces à côté ? Marques de dentition de prédateur. Et au vu des traces… et du fait qu’il n’ait pas été dévoré ensuite, je parierais sur une rencontre pour le moins fâcheuse avec un Nieläv.

- Par contre le second pisteur, parti explorer les pourtours du campement intervient vous remarquerez qu’au vu de la fraîcheur des traces qui nous ont menées ici, l’état de pourriture du cadavre est étrangement avancé. N’est-ce pas Artiön ?

- Effectivement. tu n’aimes pas ce qui s’annonce Une idée du pourquoi ?

- Aucune trace au-delà d’ici. l’agacement se lit dans la voix du pisteur Si la piste semblant si fraîche, c’est parce qu’ils sont revenus sur leurs pas.

- Encore une perte de temps…

- Pas du tout. Maintenant nous savons qu’ils ont perdu un homme… il pointe du doigt un léger renfoncement dans le sol et on a une idée de la taille de leur bagage, et donc potentiellement de leur vitesse de voyage.

Quelques informations raclées à bouts d’ongles contre la pierre blanche d’Alëandir, c’était l’effet que toute cette histoire de faisait. C’était naturel, tu le sais, ce genre de missions ne se terminent pas en une seule pauvre journée, au contraire, certaines prennent malheureusement des ennéades entières avant d’être proprement résolues… mais vous sembliez si près. Votre conclusion chaque fois vous paraissait arriver à portée de main, pour mieux vous échapper par la suite.

- Et pour rappel, avoir nos collègues montés suivant la trace principale veut dire que l’on a refermé beaucoup plus de distance que si nous avions pris l’autre route.

Un timide sourire se dessine sur tes lèvres. Tu reprends tes esprits, chassant l’excès de frustration. Il avait totalement raison, et vos camarades partis en avant en fauchaient les bénéfices en ce moment-même. Chez eux la fraîcheur de la piste devenait de plus en plus évidente, et la rencontre d’un nouveau campement laissait fortement envisager un proche dénouement. Proche, mais pas imminent. La pluie menaçant, la nuit approchait, et continuer l’aventure privés d’un sens aussi important que leur vue serait indécent. Pour eux comme pour vous, il était important de trouver un endroit où poser bagage.

- Pendant les heures de jour qu’il nous reste, je vous propose de couper à travers la forêt en direction de leur piste. le ton relève plus de l’ordre que de la véritable proposition Si nos camarades ont laissé quoi que ce soit derrière eux, vu la manière dont les Drows ont géré leurs déplacements, je doute que ce soit d’une importance absolument capitale. Par contre, sachant qu’ils sont potentiellement dangereusement proches du but, qu’ils soient rejoints au plus vite par les gens d’armes est primordial.

Par la Mère ! N’y arriveraient-ils donc jamais !?  Ils devaient encore faire demi-tour ! Encore.

Pourtant ça n’avait pas de sens ! Pourquoi les drow s’était-ils embêtés à venir là si c’était pour faire demi-tour ?! Surtout si l’un des leur était blessé…  Peux être avaient-il simplement fuis la bête, ou bien s’étaient-ils perdus ? Dans ce cas pourquoi n’avaient-ils simplement pas continué leur route ? Et d’ailleurs, leur route vers où ?

Aegden pinça l’arrête de son nez entre son pouce et son indexe dans un geste d’agacement. Ils avaient certes répondu à certaines de leurs interrogations, mais il y en avait encore trop en suspens.

-Est-ce qu’on pourra rejoindre les autres avant la nuit au moins ?

-Certainement, si on presse un peux le pas.

-Alors dépêchons nous.

Se dépêcher c’est ce qu’ils firent. L’éclaireur à l’origine de leur nouveau déplacement passa évidement devant et servis de guide au reste du groupe.  Néanmoins, c’est avec prudence qu’ils se frayèrent un chemin. Le soleil n’en était encore qu’a décliner mais cela ne voulait pas dire que la faune, elle qu’elle soit diurne ou nocturne n'était pas une menace.

Pour ne pas faciliter le tout, l’averse qui menaçait depuis un moment avait fini par éclater. Il avait beau être plus ou moins protégés par le couvert des arbres, l’eau passait parfois au travers leur offrant une douche glacée dont ils se seraient tous bien passés…

Lorsqu’enfin ils atteignirent leurs camarades. Ils purent constater du point de vue extérieur ce que cela donnait de s’approcher d’un camp elfe aux aguets lorsqu’on n’était pas attendu. Evidemment, l’archer qui tenais le camp déjà installé de ses camarades abaissa bien vite son arc à partir du moment où il comprit qu’ils étaient tout le contraire d’une menace. Il offrit en revanche un sourire chaleureux. Sans doute était-il lui aussi soulagé de constater que tout le monde était encore sain et sauf malgré la tension grandissante.

Cette tension se fit d’ailleurs sentir tout au long de la soirée. Les informations qu’ils partagèrent ne les aidèrent guère à améliorer cela. Ils se savaient près du but, et pourtant ils avaient déjà constaté par deux fois à quel point ledit but pouvais leur filer entre les doigts à la moindre occasion. Sans parler du danger de la situation.

Seule maigre consolation, l’averse ne dura pas, leur offrant une nuit quasiment au sec. Le calme avant la tempête aurait-on pu dire, car si pluie il n’y avait pas à leur réveil, le temps était toujours aussi menaçant. L’accalmie ne durerait sans doute pas.

-A partir de maintenant on va éviter de déséquilibrer les groupes. Tout était prêt si ce n’est l’organisation de la nouvelle journée. Les groupes de nouveau créés, ils repartiraient. D’après vous on est plus si loin des prêtres de Leetha et les pistes secondaires ne mènent à rien. Plus besoin d'avoir des éclaireurs seuls devant. Il vaudrait mieux autant d’elfe combattant que de pisteur dans les deux groupes.

Ainsi ils pourraient avancer sans craindre une attaque quelconque envers un groupe de seul éclaireurs qui, il fallait malheureusement l’admettre, serait trop désavantagé en cas de mauvaise surprise.

-Au final peux être qu’on ne devrait pas reprendre la configuration que nous avions avant de nous retrouver non ?

-Ça reviendrait au même, oui.

-Dans ce cas c’est décidé.

Personne ne sembla vouloir protester alors ceux qui avaient des chevaux au départ remontèrent en selle tandis que le second groupe, à pied les suivait quelques mètre en arrière. Chaque pas les rapprochant d'avantage encore de leur but.

L'impression de déjà vu était réelle pour tous. Il restait à espérer que ce soit la dernière fois qu'ils l'avaient.

Nouveau jour, vieilles habitudes. Vous pataugiez encore et toujours à la poursuite de vos cibles, vous écartant de plus en plus de la Cité-Mère du Protectorat pour vous enfoncer dans les terres sauvages, proches des frontières entre Eteniril, Alëandir et la Quatrième Saison. Et comme hier, aujourd’hui s’annonçait comme un jour de marche sans grande excitation, si ce n’en était une temporaire, destinée à mourir devant l’évidence de la distance qu’il vous restait toujours à refermer avant d’enfin pouvoir espérer vous débarrasser de la menace Sombre.

Minutie sans patience, attention sans tension, c’est là la triste histoire des premières heures de votre journée. Rien. Absolument rien de nouveau si ce n’est la continuation de cette seule et même piste vers des lieux inconnus. Absolument rien si ce n’est l’éternelle promesse de refermer les crocs sur une proie n’ayant pas besoin de se savoir chassée pour être fuyarde.
Les montures… il vous faut juste espérer qu’aujourd’hui vos alliés puissent assez presser leurs montures pour couper la route aux Eldéens et au moins les retenir le temps que vous arriviez. Ou du moins… juste espérer que les montures leur permette de se rapprocher assez pour qu’après que la pluie, ils puissent se raccrocher à des traces neuves. Que l’averse devienne un atout plutôt qu’un inconvénient.

- Par là.

Encore un brusque changement de direction de la piste. Le troisième en peu de temps. Et aucune trace de lutte, aucune trace d’affrontement, aucune trace d’un empressement particulier de la part des Eldéens. Ils ne fuyaient pas. Ils ne cherchaient pas à semer une menace. Au contraire. Ce qu’ils cherchaient se trouvait en avant. Quoi exactement ? Après tout ce qu’ils avaient laissé derrière eux comme indices vous ne pouviez toujours que le conjecturer… mais ce qu’ils cherchaient, ils ne semblaient pas avoir l’assurance d’où le trouver. Encore autant d’indices cherchant désespérément à vous rapprocher de fantômes.

- L’objectif se rappr…

Cette phrase ne sera jamais terminée, car ainsi la nature en aura décidé. Tranchée net par le hurlement de la foudre tombée à quelques dizaines de mètres à peine, et condamnée et enterrée par le fracas de la pluie torrentielle qui s’ensuivit, la fausse prophétie fut dénoncée et décriée par la nature elle-même.
C’est un profond soupir de résignation qui te quitta les lèvres alors que soudainement, c’est par la nature elle-même que tu te sentais trahi. Séparé de votre cible par un mur d’eau. Séparé des vôtres par un mur d’eau. Quelques minutes d’une telle pluie battante seulement, et il n’y aurait plus pour vous guider que les traces le plus évidentes laissées par vos conducteurs pour vous aider à la suivre. Quelques minutes et c’est tout un monde d’information que vous perdriez pour ne plus pouvoir qu’à peine vous diriger.

Mais au moins, il y avait une chose pour te consoler : Si une pareille pluie vous était un inconvénient, il y avait tout à parier qu’elle ne plonge vos cibles dans une véritable Tourmente.