Ils sont passés par ici | Myr

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Été - 6e jour de la 2e ennéade de Karfias
17e année du XIe Cycle
Milieu d'après-midi

De grandes maisons colorées aux volets clos bordaient la rue somme toute assez large et passablement vide. Des fleures et des pancartes aux noms tout aussi colorés égaillaient le pourtour des portes. Les murs étaient alourdis de guirlandes de lampions prêts à être allumés et de sphères alchimiques dont le verre était teinté de pigments criards. De jour, le calme qui régnait dans ce quartier le faisait presque passé pour une allée bourgeoise.

Seuls deux livreurs de vin qui n'avaient pas pu passer à la fraiche semblaient s'activer encore. Un peu plus loin un jeune homme à la musculature splendide balayait devant une maison de jeu. Et là, une demie-drow ventrue faisait ses comptes et chiquait du tabac, assise à l'ombre de son porche. Sa robe vulgaire ne laissait que bien peu de place à l'imagination... Et sa propriétaire leva le nez de son boulier pour lancer un sourire aussi lubrique qu'appuyer au rare passant qui déambulait sur le pavé. Le fait que le grand homme à la silhouette fine soit accompagné par une congénère ne semblait pas la troubler le moins du monde, bien au contraire. Elle siffla pour attirer son attention mais n'articula pas un mot, ce qui était sans doute mieux pour leur santé à tous.

Pour en arriver là, les deux drows s'étaient baladés du côté du bazar couvert pour éviter le plus gros de la chaleur à défaut d'éviter la foule. Ils étaient passés devant les étales de babioles, en tout genre avant d'en arriver aux allées vides bordant la place des lanternes. Les maisons de passe et de jeu d'argent somnolaient doucement. Et personne n'aurait soupçonné une princesse marchande de se trouver là auprès d'un dandy de noir vêtu.

- L'entrée n'est plus très loin. " murmura-t-elle. " C'est la plus discrète que je connaisse. "

Entre deux bâtisse, une arche basse conduisait dans une cour commune dans laquelle trônait un vieux lavoir. Les murs hauts et les ruelles étroites maintenaient une fraicheur agréable. Un vieil homme priait à voix basse, face contre terre. Un peu plus loin, dans un cul de sac crevé de quelques portes aveugles, un volet de vieux bois alourdit d'un verrou fermait ce qui avait tout l'air d'être une cave à vin. Krish grimaça avant de s tourner vers son compagnon.

- Dit-moi... Tu ne saurais pas crocheter une serrure par le plus grand des hasard ? "

C’est donc avec un nouvel arrangement capillaire, il n’en avait pas vraiment l’habitude mais il devait admettre que ça ne lui allait pas trop mal, qu’il suivit son amante en dehors du Palais d’argent et dans les rues de Thaar. C’était d’ailleurs dans ces ruelles étroites et ces artères bondées que Myr’Hennis se rendit compte que, finalement, le Puy n’était pas si mal que ça. Alors certes il en était le Grand Architecte et d’aucun aurait pu le blâmer pour l’état de la Cité Magmatique, il se plaignait régulièrement de l’impossibilité de reconstruire certaines parties de la ville. Il commencerait déjà par raser le Prime Quartier, il trouverait bien quoi mettre à la place un de ces jours mais en attendant il concentrerait son attention cette horreur qu’était la Basse Fausse et qui, maintenant que sa haine pour les primas s’était cristallisé, n’était pas si différente en mœurs que cette pseudo noblesse qui se voulait supérieur sans pour autant l’être. Un peu comme cette… chose, cet affront à Isten sur patte qui avait sifflé l’architecte et ce dernier ne cacha pas le mépris qu’il éprouvait à son égard. De toute façon Myr’Hennis ne cachait que rarement ce qu’il pensait et depuis une année il le cachait de moins en moins. Il était également un peu moins patient avec plus ou moins tout le monde mis à part de rares exceptions. Cependant son regard était rapidement passé sur le jeune homme qui balayait, il l’avait regardé distraitement mais son œil d’esthète consommé avait tout de même noté les courbes et observé rapidement la façon qu’avaient les muscles de rouler sous la peau à chacun de ses mouvements. Parfois il pestait contre les vicissitudes d’une vie tant conditionnée par l’art qui l’empêchait de regarder quelque chose de simplement beau sans le décortiquer pour réfléchir à comment recréer l’impression de mouvement, pour l’imprimer de façon aussi naturelle que possible dans la pierre. Il en aurait presque envié sa compagne si seulement ce n’était pas irrémédiable ; encore que, il ne doutait pas un instant que ce qu’Uriz avait pris il pouvait le rendre mais encore fallait-il que le dieu le veuille bien ce qui n’était pas gagné.

La voix de Krish le sortit de ses pensées, son visage s’adoucissait alors qu’il leva la tête, toujours curieux il tenta de déterminer la fonction du bâtiment avec ce qu’il savait de l’architecture thaari, c’est-à-dire pas grand-chose au final, mais il pouvait toujours essayer. Cependant il y avait fort à parier que le bâtiment en question ne fut pas construit pour ce à quoi il servait désormais alors il se doutait bien que c’était futile mais c’était un jeu qu’il appréciait tout de même. Parfois il aimait y jouer avec d’autres personnes et à ce moment-là l’objectif n’était pas vraiment de déterminer à quoi servait un bâtiment mais de créer une histoire autour et de l’expliquer en utilisant des détails architecturaux ; sans doute recueillir toutes ces affabulations pourraient faire une offrande pour Tesso.

Même si la question lui brûlait les lèvres il ne demanda rien et même s’il avait envie d’apaiser ses lèvres brûlantes en embrassant son amante il n’en fit rien et se contenta de la suivre.

« J’ai bien vu un des jumeaux le faire... une fois. Mais je ne saurai le refaire. »

En réalité ce qu’il avait vu c’était un éclaireur avec des outils au nom barbare s’agenouiller devant une porte puis un mouvement d’épaule et une torsion du poignet plus tard ladite porte s’ouvra par il ne savait trop quelle sorcellerie. C’était, entre autres, ce qui le convainquait, comme s’il avait besoin de ça, de la supériorité des passages secret sur les portes, au moins on ne peut pas crocheter un couloir dérobé. Enfin si c’était possible à condition d’être assez stupide pour commander l’ouverture via un verrou. C’était d’ailleurs ce qu’il avait fait quelques fois mais il ne préférait pas trop y penser, les esclaves ont la fâcheuse habitude de ne pas ranger les clés au bon endroit ce qui rend la démarche tout à fait inutilement laborieuse. Il regarda un peu autour dans l’espoir de trouver quelques chose avant d’avoir une idée.

« Peut-être que les voisins savent où se trouve la clef. » Il avait baissé la voix et du menton il désigna la fenêtre ouverte qui se trouvait à une poignée de mètres du sol sur le mur adjacent la porte que Krish voulait voir ouverte.

La moue de Krish s'intensifia en regardant la fenêtre qui culminait à trois bon mètres au dessus du sol. Elle ne pourrait pas l'atteindre en sautant et il était hors de question de se servir de Myr comme marche-pied. " Trop haut... " soupira-t-elle tout en regardant les prises qui auraient pu lui permettre d'atteindre le rebord. " Je sais que je suis souple, mais pas au point de faire parti d'un cirque non plus. " Quoi que... Mais là n'était pas la question. Pas aujourd'hui en tout cas. Elle n'était pas non plus là pour faire des prouesses physiques. L'important était tout autre.

- Bon... On va bien trouver un moyen. Il faut juste passer dans le sous-sol. "

Tout en parlant à mi-voix, elle était aller inspecter la porte de vieux bois qui perçait le mur de la bâtisse quelques pas plus loin. Au-dessus, une avancée de pierre servait de linteau... Peut-être qu'à partir de là, la fenêtre... Dans grande conviction, elle poussa tout de même le battant dépourvu de poignée. Et le battant céda dans un léger grincement de gond. Elle le regarda une seconde, incrédule, avant de lancer un regard du côté de Myr. Puis elle poussa un peu plus, pour passer la tête. Un couloir de service. Vide. Mais un sceau d'eau savonneuse dans lequel était planté un lave-pont, était abandonné près de la première porte fermée à droite.

- Vient. Ils doivent bien remonter des choses directement de l'intérieur. " chuchota-t-elle, avec un pointe d'interrogation dans la voix à l'intention de son compagnon. Elle se faufila à l'intérieur, évitant le balais et le seau, passa devant la porte close dans le couloir étroit pour arriver jusqu'à la première intersection. Une odeur de parfum bon marché flottait dans l'air. Des pas résonnaient à l'étage supérieur. D'un côté, le couloir continuait aussi austère, de l'autre, la porte d'une cuisine avait été laissée ouverte. " Si j'étais la porte de la cave... Je me cacherais où ? "

Quant à lui il n’aurait pas dit que c’était trop haut, si elle grimpait sur ses épaules elle y serait au niveau de la fenêtre sans difficultés alors ça devait être autre chose. Une autre chose qu’il ne tenta pas de déterminer car ça n’avait pas d’importance en réalité. A la place il continua de regarder en l’air dans l’espoir de trouver un moyen d’atteindre la fenêtre lui-même mais les prises étaient rares, peu commodes et elles n’épargneraient pas son dos ; la dernière chose dont il avait besoin c’était de lâcher prise parce qu’une douleur fulgurante lui remontait la colonne vertébrale alors il laissa tomber.

« Va pour les sous-sol. »

Il haussa les épaules car il fallait d’abord les trouver ces fameux sous-sols mais même si l’architecte ne savait pas crocheter une serrure il avait un sens de l’orientation hors du commun sous terre, il faut dire que passer son temps dans des passages secrets ça aide, et il avait développé une capacité fort pratique dans ce genre de situation : il pouvait dire avec une certaine précision à quelle distance se trouvait la surface ; l’intuition myrhénienne, comme il aimait l’appeler, n’était certes pas une science exacte mais ça pouvait s’avérer utile. Myr’Hennis suivit sa chère et tendre du regard et le bruit de gond le fit sursauter, il allait la réprimander mais en voyant sa tête il ne put s’y résoudre. Surtout qu’elle venait de trouver une solution alors bon, ce n’était pas comme s’il pouvait se le permettre.

Il s’exécuta et suivit Krish à l’intérieur de cet étrange bâtiment dont la fonction lui échappait toujours et une fois arrivé à l’intersection il tendit les oreilles dans l’espoir d’apprendre quelque chose de cet endroit, mis à part la corpulence de la personne marchant à l’étage. Il entendit bel et bien quelque chose, c’était lointain mais bien au même niveau qu’eux. C’était un nom poussé dans un gémissement étouffé, il semblait que Filag, malgré son nom ridicule, ne se débrouillait pas trop mal ; à moins que sa partenaire soit bonne actrice, une hypothèse qui n’était pas à écarter mais que l’architecte n’avait pas vraiment envie de vérifier. Il se tourna vers sa compagne avec un sourire sur les lèvres.

« Déjà pas devant la cave. C’est trop évident. Cela dit avant de trouver la porte de la cave il faut déjà trouver comment y aller. » il regarda autour de lui dans l’espoir de trouver un quelconque indice mais en vain. « Peut-être qu’il y aura un passage dans le cellier. » Ne sachant pas vraiment ce que Krish cherchait ici, mis à part une cave, c’était difficile de l’aider. « Si le type qui a construit ce bâtiment n’a pas fait n’importe quoi le cellier sera en sous-sol et si les occupants ont voulu étendre ledit sous-sol il y a de grandes chances qu’ils soient simplement partis du cellier. »


Confiant que son raisonnement tenait la route, même s’il se basait sur des choses qui n’étaient pas garanties, Myr’Hennis se dirigea vers les cuisines, il poussa la porte et il resta dans l’encadrement, du moins avant parce que l’encadrement en question était bien trop petit pour lui, en voyant que quelqu’un s’y trouvait. L’humain, de dos, s’affairait devant une marmite, remuant nonchalamment avec une louche en bois. Il était en réalité plus de trois-quarts que tout à fait de dos mais même ainsi il était facile de voir que quelque chose n’était pas normal. Il avait des touffes de cheveu que sur un côté du crâne et lorsqu’il se tourna le cœur de l’architecte rata un battement. Qu’a-t-il fait à Leetha pour mériter ça ? Ce fut-là la seule réaction qu’eut Myr’Hennis sur l’instant puis en le détaillant un peu plus il se força à contenir son envie de vomir, mettant sa main devant sa bouche au cas-où ça ne suffirait pas. Et dire qu’il trouvait Ssuorr laid, finalement il avait eu de la chance quant au physique de son cuisinier. Le cuisinier en question paru gêné de voir l’eldéen et se gratta nerveusement l’arrière de la tête.

« Désolé mais les clients ne sont pas censés venir ici… je peux vous donner un truc si vous dites pas à la patronne que vous m’avez vu. Vous avez faim ? »

Il n’avait pas vu la femme qui se trouvait derrière l’eldéen et d’abord il fut surpris qu’une des filles descende ici, surtout avec un client, d’ordinaire elles se tenaient bien loin de lui et surtout elles ne s’adressaient pas à lui avec un tel ton. Il y prendrait presque goût s’il ne savait pas que ce n’était que temporaire ; en effet il se doutait qu’il s’agissait là d’un couple de client et surtout que celle qui accompagnait le grand drow changerait vite de comportement en le voyant mais ça ne le dérangeait pas plus que ça, il en avait l’habitude. En bas il chercha une sorte d’équilibre, pour s’assurer que les clients ne mentionnent pas leur rencontre il voulait trouver une bonne bouteille mais si la bouteille était trop bonne son absence serait remarquée alors il pesait le pour et le contre devant chaque candidate. Au final il trouva deux bouteilles, l’une dans chaque main il tentait de se souvenir quand est-ce qu’il les avait descendus et combien est-ce qu’elles coûtaient ; dans le pire des cas il pouvait aller chercher les écus qu’il avait économisé, il les avait cachés sous une pierre délogée dans un coin de la cuisine, le tout recouvert de quelques sacs de farine, et payer directement la bouteille. Il n’aurait ensuite qu’à s’arranger avec son frère pour qu’il dise qu’il avait vendu l’alcool et tout se passerait bien.

Pendant que le cuisinier explorait le cellier à la recherche d’un moyen d’acheter les intrus, Myr’Hennis rentra finalement dans la cuisine, il lança un regard à la marmite en se demandant qui allait bien pouvoir manger de ce truc et y survivre. Ça ne sentait pas trop mauvais, l’architecte y aurait ajouté quelques aromates mais il n’avait ni l’envie ni le temps de les chercher. Et puis de toute façon il n’était pas là pour ça. Il fit la moue en se disant que Ssuorr commençait à avoir une vilaine influence sur lui. Un mouvement dans son champ de vision périphérique lui fit tourner la tête. C’était sa compagne qui s’avançait telle une ombre vers la porte avec quelque chose à la main qu’il ne pouvait pas discerner d’ici ; il ne mit pas longtemps à comprendre ce qu’elle comptait faire et il voulut l’en empêcher mais ce faisant il risquait d’alerter l’humain en bas alors il la suivit aussi discrètement que possible. Malheureusement la discrétion n’étant pas le fort de Myr’Hennis il fit grincer une des planches de l’escalier et l’humain se tourna vers la source du bruit.

« Vous n’étiez pas obligé de desce… » en voyant la drow armé il leva les mains pour montrer qu’il n’était pas une menace, les bouteilles toujours à l’intérieur desdites mains. « Je… j’ai douze écus, ils sont à vous si vous ne me faites pas de mal. »

Par réflexe il voulut faire un pas en arrière mais il savait que ça risquait d’être mal interprété alors il s’arrêta en plein mouvement, dans une position pas tout à fait stable il tenta de rester parfaitement immobile mais son corps était parfois secoué de tremblements ; la dernière fois qu’il s’était retrouvé dans une situation comparable ça ne s’était pas vraiment bien passée et il n’avait pas envie de revivre l’expérience.

Il regarda l’humain partir aussi vite que possible en s’assurant que la pièce ne tomberait pas par il ne savait quel sorcellerie en dehors de la poche de son tablier. Lorsque Myr’Hennis tourna la tête pour voir ce que faisait sa chère et tendre qu’il avait entendu s’éloigner un sourire vint illuminer son visage resté sombre jusque-là par la gueule somme toute horrible du cuisinier. Effectivement celui-là il ne l’aurait sans doute pas trouvé mais il était prêt à parier qu’elle non plus si elle ne le connaissait pas déjà. Après tout un bon passage secret était d’abord et avant tout un passage qui restait secret. Devant le mécanisme récalcitrant l’architecte tourna la tête vers les escaliers et il tendit l’oreille en entendant quelqu’un approcher de la cuisine et demander à Amir qu’est-ce que c’était que tout ce raffut. Malheureusement l’eldéen n’eut pas le temps d’entendre la réponse car Krish l’emportait déjà vers les ténèbres.

Il lui faisait confiance et espérait que le couloir plus grand ne tarderait pas à venir car devoir avancer courbé ça va bien cinq minutes mais c’est vite pénible, il avait déjà suffisamment mal au dos pour ne pas avoir à en rajouter avec une position inconfortable. Il l’écouta et plaça sa main gauche sur le mur quant à sa main droite il la remonta légèrement, par habitude plus qu’autre chose. Myr’Hennis reconnu sans difficulté un rat passer, il en avait l’habitude, à force d’en croiser dans les passages qui serpentaient entre les rues et les divers bâtiments de la Cité Magmatique ; les passages secrets du Puy étaient le domaine de Vaervy mais aussi de ces rongeurs qui n’étaient que rarement embêtés par qui que ce soit, trop insignifiants pour être chassés par la garde de Myr’Hennis. De plus il gardait jalousement ses secrets et il répugnait à partager avec la prêtrise de Leetha l’entrée et les plans des passages pour se débarrasser de ces vermines, à condition que les prêtres veuille bien se débarrasser d’un des symboles de leur déesse, ce qui n’était pas dit.

« Tu serais surprise du trafique qu’on peut trouver dans certains passages, mon amour. » Répondit-il avec un sourire, bien qu’invisible dans les ténèbres il était clairement audible.

Pendant que les humains passaient il se plaqua contre le mur de leur cachette et la serra dans ses bras ; pour être certain de ne pas manquer son départ évidemment. Une fois les criminels passés l’architecte se retint de poser une question sur leur destination, il en mourait d’envie car il en avait plusieurs et elles lui brûlaient les lèvres mais si elle refusait de répondre il risquait d’avoir un mot malheureux et étant donné leur définition différentes d’un ultimatum il ne voulait pas tenter Kerhel, du moins pas si peu de temps après leur dernière engueulade sur le sujet et encore moins dans un endroit pareil. En parlant de l’endroit, une fois qu’ils étaient proches de leur destination Myr’Hennis commençait à sincèrement douter qu’ils étaient encore à Thaar ce qui attisait d’autant plus le brasier de curiosité mais désormais poser des questions avait posé tout intérêt, il allait bien découvrir par lui-même où ils étaient et surtout ce qu’ils y feraient, pourtant, encore une fois, ce n’était pas l’envie qui manquait. En voyant de la verdure il rit sous cape, il se laissa emporter à la suite de sa belle.

« Très bien, j’admets ma... » arrêté en plein milieu de sa phrase il fut surpris de voir Krish le tirer aussi brusquement, il ne dit rien, se doutant que si elle l’avait fait elle devait avoir une raison et il ne tarda pas à comprendre. « Et sans se faire voir je suppose. »

Ayant attendu bien trop longtemps pour faire quelque chose il prit les devants et passa par une allée parallèle à la principale, prenant grand soin de ne pas trop s’approcher d’un buisson d’excellence, il continua jusqu’à arriver au mur du palais et il s’y adossa en regardant vaguement dans la direction de l’escalier qui permettait d’y arriver ; c’était surtout parce qu’il écoutait dans l’espoir de localiser les occupants qui se disputaient plus qu’autre chose, pour savoir s’ils s’approchaient ou au contraire s’éloignaient. Il se tourna ensuite vers Krish.

« J’imagine que tu sais comment est fait l’intérieur. »

« J’imagine et je le comprends tout à fait : ce sont des péninsulaires... » alors certes on pourrait lui rétorquer qu’il n’en avait rencontré qu’un et que chaque individus est différent de l’autre et qu’une seule rencontre ne devrait pas dicter la vision qu’il avait du peuple dans son ensemble ; il se trouve que Myr’Hennis avait entendu cette théorie mais comme beaucoup d’autres idées farfelues il l’ignorait royalement.

Mais il laissa de côté ces considérations secondaires pour se concentrer davantage sur les sons alentours. Ça serait dommage de se faire poursuivre par des chiens étant donné qu’il perdrait sans aucun doute la course. Entendant des bruits venant de l’intérieur et de l’extérieur il voulut attraper la main de sa compagne pour être certain que cette dernière ne fasse rien de stupide ; comme commencer à monter les escaliers, par exemple. Malheureusement il ne put que lui caresser le bout des doigts. Mais s’il arrêtait au premier problème il n’aurait jamais atteint son rang alors il fit un pas en avant pour lui saisir le bras, ce qui était bien plus facile parce qu’elle s’était arrêtée.

Derrière eux quelqu’un sortait du bosquet qui les masquait au regard des deux chiens se prélassant au bord de l’eau. Une fois le coude de Krish attrapé, l’architecte la tira en arrière pour faire face au nouvel arrivant. C’était un vieil homme à la peau tachetée et aux joues creusées mais à la barbe impeccablement taillée ce qui jurait avec ses vêtements tachés de terre et déchirés à certains endroits. L’humain s’approcha à moitié à tâtons et lorsqu’il fut assez proche des deux drows il mit ses mains sur ses hanches, se redressa comme il put et prit un air sévère.

« Et bah c’est pas en faisant des cachoteries dans les coins que le jardin va s’embellir. » Son oliyan n’était pas mauvais bien que difficile à comprendre à cause d’un accent du nord de la péninsule à couper au couteau. Plus petit que Krish d’à peine quelques centimètres il avait une certaine contenance qui lui donnait une autorité toute relative. C’était ce genre de personne qui n’avait pas besoin d’élever la voix pour se faire obéir et avec l’âge il parlait de moins en moins fort, forçant presque ceux qui l’écoutaient à tendre l’oreille pour l’entendre. « On vous paye pas à rien faire, aller, au boulot. » Il essuya la terre qui maculait la droite de son veston, la partie qui n’était pas couverte par son tablier de jardinier. Il plissa les yeux, forçant sur ces derniers pendant une seconde. « Et où sont vous outils ? C’est pas possible ça, de mon temps les jeunes étaient prêts en toutes circonstances, on aimait le travail bien fait et on allait pas batifoler à la moindre occasion… » sa voix avait baissé au fur et à mesure qu’il parlait jusqu’à devenir des grommellements incompréhensibles. Il se racla la gorge et tourna la tête pour cracher un glaire. « Qu’est-ce que vous faites encore là ? Allez chercher vos outils ! Par la Dame-Dieu il faut tout faire ici… » le vieil homme repartit sur un autre monologue expliquant que c’était mieux avant et que si le monde continuait à tourner ainsi il courrait à sa perte ; que lui devait traverser deux forêts infestées d’ours rien que pour aller au moulin afin de nourrir sa famille ce qui serait impensable pour les jeunes de nos jours.

HRP:

Myr’Hennis ne savait pas trop quoi faire de ce vieil homme et ses élucubrations. D’abord ce fut la colère qu’il ressentit, comment pouvait-on le prendre pour un jardinier ? Un simple larbin en somme. Être aveugle n’étant pas une excuse il devait bien y avoir quelque chose qui l’ait poussé à faire cette grossière erreur. Peut-être était-ce parce qu’il s’agissait là d’un humain, visiblement d’un péninsulaire vu l’accent, et qu’il ne fallait pas trop lui en demander. Pris d’une soudaine clémence l’architecte décida de lui pardonner, de toute façon il n’en avait sûrement pour très longtemps à vivre alors il suffisait d’être un peu patient et sa vengeance s’accomplirait toute seule. Krish put donc voir l’air soucieux du Grand Architecte pendant un moment avant qu’il ne décide que le vieil homme n’avait tout simplement plus du tout sa tête, s’il l’avait un jour eu. Mais le problème n’était pas le viel homme mais plutôt le garde qui descendait les escaliers quatre à quatre car ce que disait l’humain était devenu comme le son de la mer sur la plage : présent mais tellement lointain.

Myr’Hennis le dévisagea avant de lui lancer un regard noir : personne ne traite le Grand Architecte de larbin ! Cela dit il fallait admettre que cette histoire de jardinier pourrait être leur moyen d’entrer dans le palais. Alors il ne fit rien, gravant le visage de l’impudent dans sa mémoire pour préparer une vengeance bien méritée plus tard, comme il avait pu le découvrir tout au long de sa vie mais surtout vers la fin de l’an 15 : la vengeance c’est bien meilleur froid voir glacé. Plus l’impudent en question ouvrait la bouche et plus les détails de sa face s’ajoutait au buste que l’architecte taillait dans son esprit. L’eldéen fronça les sourcils, se tendant également mais il n’avait pas pour objectif de frapper contrairement à sa moitié, il se préparait pour exécuter une botte qu’on l’avait forcé à apprendre et dont il ne s’était jamais servi en condition réelles. Comme l’a un jour dit quelqu’un de très sensé : tout va bien se passer.

Alors que le bâtard approchait sa main Myr’Hennis se mit sur le côté pour le laisser passer. Il enracina ses pieds au sol. Vaervy lui avait expliqué que de profil c’était mieux pour tout un tas de raison, il ne les avait pas toutes retenues mais la principale était qu’il était plus précis et plus difficile à toucher en cas de riposte. Alors que la main s’approchait il répéta une énième fois la procédure dans sa tête avant de se lancer. De sa main droite il alla chercher la poignée de l’épée qu’il avait menacé de se servir contre Hanz et de sa main gauche il alla poussa l’épaule du demi drow. Avec une seconde d’écart entre les deux il n’eut qu’à tourner le poignet pour dégager la lame de son fourreau alors que l’abruti en face de lui fut forcé de reculer. Ensuite la gravité et l’élan donné par le coup fit le travail à la place de l’architecte et l’arme glissa hors de sa prison. Bien que difficile à exécuter cette technique avait l’avantage particulièrement appréciable de garder la lame brandie face à son adversaire et c’était surtout pour ça que Vaervy avait insisté pour que son patron l’apprenne par cœur. En effet comme il ne portait jamais d’arme l’ancienne capitaine avait jugé judicieux de lui apprendre à en récupérer une en cas de besoin et même si le patron en question avait rétorqué que c’était stupide il fallait admettre que l’ancienne streea savait être très persuasive. Alors quasiment tous les jours pendant ce qui fut pas loin d’un siècle elle le força à répéter ces gestes contre elle jusqu’à ce qu’il la maîtrise suffisamment et qu’il soit assez rapide pour qu’elle ne puisse pas l’empêcher de prendre son épée ; parfois c’était presque si elle le tirait pas le col de sa toge pour l’amener dans le baraquement.

Myr’Hennis se trouva donc dans une situation somme toute précaire, bien que la lame du demi-drow se trouve sous la gorge de ce dernier l’architecte ne savait nullement se battre et il n’était pas certain de pouvoir porter un coup fatal et encore moins se débarrasser des deux chiens.

Le mouvement… Ne vint pas.

Un geste fluide sur sa gauche. Les yeux de Krish s’arrondirent. Elle amorça un écart pour esquiver la prise qu’elle s’attendait d’instinct à sentir s’abattre sur elle, filant comme une anguille hors de porté de cette ombre. Sa main était déjà sur la poignée de sa dague. Son corps avait réagit avant que son esprit ne s’aperçoive d’une chose encore plus perturbante que l’apparition impromptue d’un mystérieux ennemis dans son angle mort…

Avec une fluidité qu’elle ne lui avait jamais connu, Myr’Hennis venait de se fendre d’un geste ample et précis. Son regard intense se parait d’une froideur imparable. La rapidité avec laquelle il s’était placé, et sa vivacité maîtrisée étaient… militaires. Un battement de cils et le garde demi-drow se retrouvait assit sur le sol, une lame sous la gorge. Krish resta un instant interdite au milieu des chiens qui se mettaient à gronder, tête basse et oreille aplaties. Le jardinier avait précipitamment reculé de quelques pas vers son buisson. Partir ou non ? Il ne semblait pas encore certain de la meilleur conduite à suivre et s’efforçait de ne pas paraitre trop apeuré par la tournure des évènements. Décidément, les jeunes vaanis étaient d’une sauvagerie et d’un manque de rigueur affligeants.

Le demi-sang fixait le grand drow svelte avec un étonnement non dissimulé. Il lui fallut lui aussi une seconde pour revenir de sa surprise grâce à un pic d’adrénaline, lorsque l’acier de sa propre lame lui caressa tendrement la gorge. Il s’était fait avoir, et il détestait ça.

Sa mâchoire se crispa de fureur contenue.

« Et maintenant quoi ? Tu me tues et les chiens te mettent en pièce ? » Proposa-t-il, tendu, en cherchant le regard orgueilleux de son assaillant. Une petite voix lui disait de faire profile bas, mais il ne pouvait s’empêcher de sauver au moins un minimum les apparence. Un filet de sueur glissa sur son front. « J’avoue, j’y suis allé un peu fort. Je pouvais pas savoir que c’était chasse gardée. Allé, baisse ça. On a encore du boulot à finir » Bien que ses mots et son attitude se veuillent nonchalants, les yeux bleus du garde hurlaient qu’ils n’en avaient pas fini tout les deux.

De son côté, Krish s'était remis d'aplomb mais elle avait garder la main sur sa dague. Sa plus grande difficulté pour l'heure était d'éviter à un sourire tenace de venir éclairer son visage. Le garde l'auraient sans doute pris encore plus mal et ce n'était pas le moment d'en rajouter. Cœur battant, elle attendait de voir si son compagnon baisserait ou non son arme... Et comme de coutume, une part d'elle aurait préféré que ce ne soit pas le cas.

Sans doute que le vieil homme aurait un commentaire à faire mais avec la présence d’une arme dégainée ce n’était peut-être pas le meilleur moment pour le faire ce fameux commentaire à propos de cette jeunesse vaani qui, visiblement, était assoiffée de sang et de fervents dévots d’Arcam. Vraiment il y avait de quoi s’inquiéter pour le monde si ce dernier se trouvait entre les mains de tels gens et bien que Hanz n’ait pas beaucoup de temps à vivre, il en était persuadé, il essayait tant bien que mal d’éduquer cette jeunesse délétère ; son objectif ultime étant de passer le flambeau à une nouvelle génération digne de la précédente. Et par les dieux il y avait du boulot ! C’était fort dommage qu’il ait si peu de temps.

Evidemment ce genre de considérations étaient à des lieux des pensées de Myr’Hennis et ce pour plusieurs raisons. Pour le moment il comptait surtout sur sa chère et tendre pour le protéger d’une éventuelle attaque canine et même s’il ne doutait pas un instant que Krish puisse défaire les deux animaux il se demandait cependant si elle serait assez rapide pour le faire avant qu’il ne soit déchiqueté par les mâchoires puissantes desdits animaux. Il fronça les sourcils, se demandant s’il devait ou non prendre le risque. C’était ô combien tentant. Il avait là l’occasion de se venger lui-même, sans passer par sa garde, ce qu’il n’avait pas fait depuis… et bien depuis que la garde en question était à son service ; après tout quand on a un tel outil à disposition ça serait dommage de ne pas s’en servir. Il n’avait qu’à donner un coup sec pour que la lame rentre dans la gorge du demi-drow et se dernier allait mourir. Cette situation rappela à Myr’Hennis ce sentiment grisant d’avoir entre ses mains la vie d’autrui, d’avoir droit de vie et de mort sur quelqu’un ; un sentiment auquel l’architecte avait fini par être blasé de par la distance instaurée à cause d’un intermédiaire en la personne de sa garde. Mais là il n’y avait plus personne si ce n’est lui et son hypothétique victime.

Cependant il baissa sa nouvelle arme. Il avait tant fait pour desserrer l’emprise du Monstre sur lui pour laisser à ce dernier une opportunité de revenir en force. Mais surtout c’était à cause d’un petit quelque chose qu’il n’arrivait pas à nommer et qu’il aurait été incapable de verbaliser mais qui, pourtant, était bien présent. Sans doute que dans son vocabulaire il aurait pu puiser tout un tas de mots pour tenter de le définir mais aucun n’avait la nuance qui permettait de décrire avec justesse ce qu’il ressentait. Il jeta l’épée aux pieds du demi-drow avec plus de force que nécessaire avant de se tourner vers sa compagne pour l’embrasser, une main passa dans le creux des reins de Krish pour l’attirer contre lui pour faciliter un baiser passionné.

« Allons chercher ces fameux outils, mon amour. Nous avons assez trainé comme ça. » Il contourna le garde sans même lui lancer un regard pour se diriger vers les escaliers après avoir pris la main de sa compagne.

Le bruit du métal qui heurte le sol. Dans une autre vie, ses oreilles se seraient aplaties contre son crâne, horrifiées par le son discordant de cette pauvre lame maladroitement forgée. Aujourd’hui, elle n’avait qu’une vague pensée pour l’objet impure et un dédain certain pour son créateur, mais son attention était ailleurs.

Les chiens grondaient toujours, mais le garde, étonnamment honnête, ne donna pas l’ordre d’attaque. Il ne s’empara pas non plus de la lame à ses pieds pour contre-attaquer. Pas plus qu’il ne tenta de profiter de la proximité d’un ennemis désarmé pour lui assener un coup aux tibias ou aux genoux et le voir ramper… Avec une telle retenue sans que sa vie ne soit menacée, il était clair qu’il ne comptait pas se venger dans l’immédiat. Bien. Elle put donc laisser la menace que représentait l’homme et les bêtes voguer dans un recoin très éloigné de ses perceptions lorsqu’elle croisa le regard de Myr’Hennis. Il était décidément incroyable… Après plus d’un an à partager une tente de quelques mètres carrés, il arrivait encore à la surprendre.

Électrisée, Krish se dressa sur la pointe des pieds pour lui rendre son baiser, l’une de ses mains attrapant sa tunique noire à pleine paume. Un long frisson remonta de ses reins à sa nuque. Myr’Hennis se faisait démonstratif et avide… Le baiser n’en fut que plus passionné. A croire qu’ils voulaient faire rougir un prêtre d’Isten. Avec Velkyn ou Halan, elle se serait fait un plaisir de le repousser pour aider le garde à se relever de la façon la plus suggestive possible, juste pour les emmerder et leur rappeler qu’on ne la revendiquait pas impunément. Mais elle n’avait aucune envie ni aucun besoin de prouver quoi que ce soit. Ses propres réactions face aux agissements de l’Architecte l’étonnaient parfois. Cela dit, elle n’avait jamais trouvé que c’était une mauvaise chose et ce n’était pas près de commencer, visiblement. En contournant le demi-sang, elle lui lança un sourire féroce.

Derrière eux, les deux drows purent entendre à mi-voix :

« Si t’en parles à qui que ce soit, Hanz… »

Mais déjà le hall aux proportions colossales leur ouvrait les bras. Des piliers soutenaient le plafond, tout de marbre et de basalte. La couleur noire de la pierre en hauteur donnait un étrange effet d’abysse insondable. L’impression inconfortable de ne pas avoir de plafond, mais un creux insondable et infini dans sa hauteur.

Au centre de l’endroit s’élevait un large comptoir circulaire, à un emplacement parfait pour accueillir des visiteurs, comme s’il s’agissait du siège d’une corporation ou d’une guilde. Mais nul scribe, nul administrateur en vue. Seulement un garde qui se dirigeait vers l’extérieur et que les deux drows n’eurent aucun soucis à éviter en passant de l’autre côté d’une des imposantes colonnes.

Pour ne pas risquer de se faire avoir une fois de plus, Krish attira son compagnon directement vers l’un des escaliers latéraux, sans lui lâcher la main. Au premier étage, les couloirs, la disposition des bureaux et des pièces donnait encore l’impression d’être dans un bâtiment professionnel. Le deuxième étage était plus riche, mais la poussière commençait à faire son apparition sur les bords du couloir principal. Mis à part quelques hésitations, Krish semblait s’y repérer assez correctement et s’ils croisèrent encore deux patrouilles, ils eurent à chaque fois le temps de les éviter sans problème étant donner la complexité du complexe architectural. Décidément, l’endroit n’était ps agencé comme les habituels palais thaaris.

Arrivés au troisième, ils débouchèrent dans une immense salle de jeu dont les rares meubles restants étaient couverts de draps. Le sol, toujours de pleine pierre, n’avait pas été foulé depuis des années étant donné la pellicule grise qui le maculait. Les portes et fenêtres donnant vers les jardins suspendus étaient barricadé de bois pour éviter que le verre ne souffre des intempéries. Le soleil n’entrait qu’en de fines raies de lumières, laissant la pierre conserver une fraicheur bienvenue pour la majeure partie des gens, mais dont l’eldéenne se serait passer sans mal.

Aussitôt que la porte savamment gravée fut refermée, Krish poussa son compagnon contre le mur le plus proche pour lui voler un baiser fougueux, un sourire joueur et un brin admiratif sur les lèvres.

« Je ne te savais pas si habile au combat, mon grand guerrier… » lui murmura-t-elle à l'oreille avant de chercher de nouveau ses iris rouges.

Il semblerait qu’il ne se soit pas trompé sur le demi-sang, que ce dernier n’était plus aussi téméraire une fois qu’il tombait sur quelqu’un qui lui opposait une quelconque résistance. L’architecte le repoussa dans un coin de sa tête, il ne méritait pas qu’il s’attarde davantage sur lui et chaque pensée dont il était le sujet étiat une pensée de trop or les pensées du Grand Architecte étaient forcément précieuses. De plus Myr’Hennis préférait se focaliser sur sa chère et tendre qui l’attirait derrière une colonne pour échapper à la vue d’un garde qui approchait au pas de course. Ensuite il profita de leur balade à travers les étages pour tenter de se dessiner un plan mental de l’endroit ; avec un peu de chance d’ici la fin de leur visite il aurait compris ce qu’était ce palais et surtout à qui il appartenait. Il aurait bien posé la question directement à Krish mais ç’aurait ruiné le jeu, bien qu’il déteste les devinettes et autres énigmes il pouvait bien faire ça pour elle. De plus ç’aurait été admettre sa défaite, ce qu’il n’appréciait guère, alors qu’il pouvait encore réussir.

Une fois arrivé au troisième étage il haussa un sourcil et nota dans un petit coin de sa représentation mentale du palais qu’il n’était probablement pas habité. Une fois dans la salle de jeu il percuta doucement le mur de la pièce et rendit son baiser à son amante et profita une seconde de ce sourire qu’il appréciait tant d’ordinaire et qui était magnifié par ce qu’il pouvait y lire à l’instant. Son cœur battait dans sa poitrine, il pouvait l’entendre au niveau de ses tempes en plus de le sentir marteler sa poitrine ; depuis qu’il était Grand Architecte toutes les portes lui étaient littéralement ouvertes, personne ne pouvait lui refuser l’accès à un endroit quel qu’il soit, alors devoir se faufiler quelque part lui rappelait avec une pointe de nostalgie le temps qu’il avait passé comme apprentis. C’était le bon vieux temps, c’était un temps plus simple comme dirait Hanz et, étonnamment, c’était un temps plus dangereux. Cette petite escapade lui rappelait à quel point s’introduire dans l’atelier de Nahala pour détruire ses œuvres dans l’espoir que son maître le préfère pour devenir Grand Architecte lui manquait. Ainsi l’adrénaline, chose qui lui manquait cruellement au Puy, était la bienvenue. C’était enivrant, exaltant même et plus que tout : c’était excitant ; surtout que Krish ne l’aidait pas à se calmer. Ses lèvres s’étirèrent en un fin sourire une demi seconde avant qu’il n’embrasse à nouveau son aimée.

« Comme beaucoup de gens. Dans les bains de tes appartements tu aurais dû me poser une question à propos de mon temps dans l’Ecole de Service. Ou bien m’interroger sur la Bête de la Sanguette. L’eldéen qui a vaincu trente gladiateurs à lui tout seul. » Il ponctuait chaque phrase d’un nouveau baiser, faisant reculer lentement Krish. « Je te le raconterai avec plaisir. Quel dommage que nous ne soyons pas là pour ça… » ils arrivèrent finalement contre une table couverte d’un drap blanc et Myr’Hennis attrapa le haut des cuisses de sa compagne pour la soulever afin de la mettre sur la table en question. « Si tu veux je t’apprendrais une ou deux choses une fois que nous serons sortis. » Jusque là d’un sérieux mortel, il ne put s’empêcher de laisser début de sourire poindre. Il continuait de ponctuer ses phrases d’un baiser et une fois sur la table il la poussait légèrement jusqu’à ce qu’elle soit allongée sur la table en question, il commença à monter dessus, mettant d’abord un genoux, ses baisers descendirent des lèvres de son amante pour aller se nicher dans son cou.

Après chaque baiser qui la faisait reculer, le sourire de Krish semblait un peu plus large. Son œil un peu plus pétillant. Du mystère. Des légendes. Des combats. Que ce soient des mirages ou des bribes de vérité n’avaient pas grande importance pour l’heure. Elle venait de le voir dominer si facilement un adversaire sûr de lui… qui plus est pour elle… comme si ce demi sang vulgaire ne méritait même pas de poser la main sur elle. C’était possessif et primitif… « Une bête qui a rougi le sable de l’arène, hein… Ne compte pas sur moi pour oublier de te poser des questions. » Et il avait agit alors qu’ils risquaient de se faire dépecer par les chiens dans ce lieu qu’ils n’auraient pas du pouvoir explorer.

Avatar ou non, elle ne pensait pas qu’elle aurait été assez rapide pour leur éviter de sérieux problèmes et le Père était suffisamment capricieux pour refuser de l’aider dans des conditions n’ayant aucun rapport avec la Dernière Guerre. Rétrospectivement, la scène lui paraissait plus risquée. Myr’Hennis plus téméraire, plus rapide. La maîtrise d’un vétéran et la vivacité sauvage d’un serpent.

Il la souleva avec facilité pour l’asseoir sur la table drapée. Ils n’étaient pas là pour ça… « Myr’Hennis, ils… » Les baisers langoureux du jeune homme niché dans son cou la dissuadèrent d’aller plus loin. Pourquoi s’embêter a vouloir tempérer ses ardeurs. Les gardes n’étaient visiblement pas venu ici depuis longtemps. Ils n’avaient aucune raison de le faire aujourd’hui. Et même si c’était le cas… Par Isten, ils étaient aussi irrécupérable l’un que l’autre.

Elle s’arquait pour lui laisser libre accès à sa peau d’encre. Sa simple tunique noire lui donnait un aspect plus aventureux, rappelant les premiers instants de leur histoire commune. Deuxième avantage, il était également bien plus simple de passer sous le tissus sans même avoir à l’ôter. Les mains de l’eldéenne glissaient vers les recoins qu’elle savait les plus agréables pour lui, sans retenue. « Et ça te faisait aussi un effet pareil à l’École de Service ? » susurra-t-elle en lui mordillant l’oreille jusqu’à la pointe.

« J’ai bien peur que ce soit trop tard maintenant. » Répondit-il dans un souffle.

Il l’embrassa à nouveau, la forçant à reculer un peu plus. C’était un peu pathétique mais il ne pouvait pas abandonner maintenant son rôle de grand guerrier ténébreux tenant à ce que son sombre passé reste un mystère, même pour celle qu’il aime. Cela dit c’était quelque chose si différent de lui qu’il ne savait pas s’il pourrait garder ce rôle-là longtemps et puis même s’il y arrivait ce qu’il racontait était tellement énorme pour quiconque l’avait côtoyé quelques instants ; ne parlons donc pas d’une personne avec qui il avait partagé à peu près tout pendant plus d’une année. Alors qu’il embrassait libéralement son amante une main partie à nouveau explorer un corps qu’il connaissait pourtant par cœur, en effet Myr’Hennis était un élève très studieux et appliqué lorsque le sujet le passionnait. Ainsi il ne découvrait pas les courbes de Krish ce qui fut bien pratique pour répondre à sa question, il réprima à moitié un frisson, ses oreilles étant particulièrement sensibles il n’était pas difficile d’obtenir une réaction de sa part en s’y attaquant ; forçant ses lèvres à se décoller d’une peau d’ébène qu’elles n’avaient aucune envie de quitter il se consola en se disant que ses caresses ne seraient pas seules bien longtemps. L’architecte se redressa pour chercher le regard de sa chère et tendre et une fois qu’il l’eut trouvé un sourire joueur passa sur ses lèvres.

« Non, il n’y a que toi qui me fasse ça. »

Un baiser langoureux plus tard il partit cette fois à l’assaut du lobe d’oreille de Krish, le mordillant doucement. Sa main droite abandonna le sein de sa compagne, émergeant ainsi de sous la tunique, pour aller défaire l’attache du pantalon. L’autre main, quant à elle, n’était pas en reste plus qu’elle continuait à faire frissonner l’eldéenne des bouts des ongles, courant sur la peau en s’attardant juste assez sur les zones érogènes qu’il connaissait si bien. Être appliqué avait souvent ses bons côtés, couplé à une mémoire qui n’avait rien à envier aux grands érudits, Myr’Hennis avait, avec grands soins et application, appris ce qui faisait réagir son amante à son touchée.

« Avant ta question... » il fut coupé par un soupir d’aise qu’il fut force de pousser. « Tu n’as pas terminé ta phrase. Quelque chose ne va pas ? » A l’aide d’un baiser fougueux il fit disparaître son sourire sardonique.

Une réponse convenue. Qu’aurait-il pu répondre d’autre ? Mais attendue ou pas, la réponse ne manqua pas de souffler sur les braises déjà flamboyantes de la passion de l’eldéenne. Elle aussi se retrouvait à assumer le contentement d’une jalousie possessive.

Depuis leur première fois, elle n’avait plus connu que la chaleur de son étreinte, adoptant au passage un style de vie pour lequel elle n’avait eu que dédain et pitié pendant plus de mille années d’existence. La mystérieuse dockeuse qui écumait les tavernes de marins et la courtisane qui minaudait autours des coussins profonds de certains établissements discrets avait disparue. Si elle flirtait toujours et aimait jouer sur les attentes de ses interlocuteurs, elle ne s’amusait jamais autant qu’en le séduisant lui. La chasse occasionnelle s’était transformée en une conquête constante d’une seule et même personne.

Pourtant ils n’en avaient pas parlé. Ils n’avaient pas conclu de marché à ce propos. Myr’Hennis n’avait rien exigé d’elle. Elle avait seulement l’impression qu’elle lui ferait du mal en agissant autrement… et envie d’aucun homme comme elle avait envie de lui. Même à l’instant, déchainée par le risque qu’il avait pris et le jeu qu’ils avaient instauré, la passion de l’elfe noire se tintait d’une complicité qu’elle n’avait jamais connu. Une complicité exempte de concours de domination dans laquelle elle pouvait se laisser aller entièrement.

Le mystérieux guerrier du jour la connaissait sur le bout des doigts… ou sur le bout des dents. Les boucles d’oreilles qui avaient transformé jadis les oreilles de l’eldéenne en dentelle de chair et de métal avaient peut-être disparu, mais la sensibilité était restée. Heureusement qu’il n’en abusait pas trop lorsqu’ils devaient se mettre d’accord car elle n’aurait certainement pas pu lui refuser grand chose.

Mais le téméraire jeune homme ne s’arrêtait pas là. Chaque fausse griffure était choisie et dégustée. En échange, les mains fébriles de Krish suivaient des sentiers toujours plus inquisiteurs. Elle n’était pas non plus du genre à bouder un enseignement si plaisant, surtout quand leurs premières ennéades avaient été marqué par la peur qu’elle avait de lui faire mal. Plus qu’un plaisir, elle s’était fait un devoir et une fierté de savoir lui arracher le genre de soupire qu’elle venait d’entendre.

Les pensées se faisaient moins nettes. Le lieu et la présence des gardes dans les couloirs alentours ne furent plus que le décor de leur passion risquée. Remontant sur les côtes de son aimé, Krish releva langoureusement sa tunique. Le mouvement eu un raté sous les tensions involontaires que le jeune homme engendrait. Cela ne l’empêchait pas d’être explicite quant au destin qu’elle estimait opportun pour cet ustensile superflus.

La chaleurs montait entre eux et les mains de la belle ne se contentaient plus de passer sur le tissus de son pantalon. Et il en profitait pour lui poser une question… l’impitoyable. Le sourire qu’il lui servit malgré lui ne mentait pas. Il savait parfaitement ce qu’il faisait. Elle le provoqua du regard, les lèvres immédiatement clouées d’un baiser. En réponse, sa jambe vint souplement peser aux creux des reins de son compagnons. Elle avait l’impression que répondre n’entrainerait que plus de questions et qu’elle finirait immanquablement par perdre le fil de toute façon.

« Je me disais juste que les gar... les gardes pourraient venir… » souffla-t-elle en défi de ses questions à contre temps, s’accrochant à lui et se mettant en frais pour l’aiguillonner davantage. Elle y allait de la voix, comme du geste, s’insinuant sous sa ceinture pour le mettre au supplice.

Il se redressa puis il leva les bras avant de plier les coudes pour attraper les manches de sa tunique. Il tira ensuite d’un coup pour aider à s’en débarrasser définitivement. Enfin peut-être pas définitivement car même s’il pouvait s’en séparer sans trop la regrette c’était tout de même plus présentable de l’avoir, cette fameuse tunique. Cela dit laisser à l’air libre son torse et ses bras aux muscles finement dessinés ajoutait à sa nouvelle image de guerrier alors pourquoi ne pas la faire vivre l’illusion un peu plus longtemps ? De toute façon si Krish ne savait pas encore que Myr’Hennis n’avait rien d’un combattant, ce qui étonnerait grandement ce dernier, elle le découvrirait sans doute bien assez tôt. Une fois ce vêtement gêneur disparu, ou du moins assez loin pour ne plus être gênant, il se plongea à nouveau, au sens à la fois propre et figuré, dans sa tâche, savourant chaque réaction qu’il arrivait à arracher à sa compagne. Parmi ces réactions il y en avait une qu’il appréciait tout particulièrement, du moins ce n’était pas vraiment une réaction : tenter de faire parler sa chère et tendre et tenter de l’interrompre avec des baisers ou des caresses et parfois les deux.

Un sourire joueur remplaça le sourire sardonique qui disparut dans un baiser passionné alors qu’il écoutait attentivement la réponse ; pendu à l’oreille de Krish qu’il mordillait toujours, celle de l’architecte se trouvait donc proche de la bouche de son aimée, il ne rata pas une miette de ladite réponse et avec une pression savamment appliquée au milieu de la phrase fit chanceler sa diction, pour le plus grand plaisir de Myr’Hennis.

Mais voilà, il ne savait trop que faire de cette main baladeuse. Alors certes il aurait pu, via une tape, la renvoyer d’où elle venait, mais, si elle ne l’avait pas fait depuis, c’était une belle occasion pour l’eldéenne de se venger de ce que l’architecte lui avait fait subir juste avant leur première étreinte. C’était, en somme, de bonne guerre mais être du côté qui reçoit était bien moins amusant maintenant qu’il y pensait. Pour éviter ça il desserra sa ceinture puis pris une grande inspiration. En effet sa respiration, déjà courte, se faisait presque haletante maintenant et ce qu’il s’apprêtait à faire allait demander un peu de souffle.

« On ferait mieux de se dépêcher si tu as peur des gardes. »

Son sourire se teinta de moquerie alors qu’il tira sur le pantalon de sa chère et tendre. Prit d’une vigueur toute particulière suite à cette escapade qui, déjà, lui avait fait produire plus d’adrénaline que durant l’an dernier. Alors il était rapide, sa douceur, bien qu’elle n’ait pas disparue, en fut particulièrement bridée : l’empressement le rendant hâtif sans pour autant effacer son attention toute particulière sur les réactions de son aimée.

Elle se souleva sans effort pour lui permettre d'ôter l'odieux obstacle qui les séparait encore avant de se redresser brusquement pour apposer une marque passionnée sur ce cou à la peau cendrée. Elle adorait entendre le changement de sa respiration, sentir ses muscles se tendre, sa prise se refermer un peu plus sur elle. Chaque détails de son plaisir, elle en profitait en retour.

- Je n'ai peur de rien. " gronda-t-elle, sa voix empressée rendue plus farouche encore par la rudesse relative de son amant. L'emportement dont il fait preuve à cet instant, lui semble d'une sorte nouvelle. Une touche d'égoïsme dans l'attention qu'il lui porte sans faillir. Elle continua à remonter ses baisers sur sa mâchoire et son oreille, refusant de se détacher de lui sans qu'il ne la pousse à nouveau de lui-même sur le drap blanc. Un sourire carnassier. Elle résiste, elle se cabre sans jamais prendre le dessus, joueuse. " Et puis s'ils sont attirés jusqu'ici, c'est que le spectacle vaudra le détour. " Peau contre peau et lèvres à lèvres, elle le défie une fois de plus. Elle le pousse à se laisser aller aux mouvements d'humeurs que ce duel susurre à l'oreille du redoutable guerrier.

Pourtant, le regard qu'elle lui offre au moment précis où il la possède se passe du moindre mot. Ce frisson. Cette inspiration fébrile. Tout l'effet qu'il lui fait, et plus encore. Le jeu du jour la rend plus provocatrice, plus rebelle, plus possessive, mais le fond reste le même. Elle l'aime. Elle l'aime chaque jour un peu plus depuis qu'il l'a mise au pied du mur pour qu'elle fasse un choix terrifiant dans cette soierie à Elda. Elle ne savait rien de lui alors... Aujourd'hui, elle avait tant de souvenirs communs. Une foule de détails, de valeurs, de qualités et de défauts. Pour son esprit, sa manière d'être et les milles attentions qui peuplent leur quotidien. Et cette connivence luit dans ses iris confiantes.

Calée sur son souffle. Son rythme. Un battement de cœur. Elle l'accompagne et lui abandonne progressivement son souffle et sa voix. Les yeux embués de désir cherchaient ceux de Myr'Hennis. Son sourire carnassier revint ponctuer un mouvement retors, fouettant le sang de son amant.

Cette fois Myr’Hennis était presque animal, un peu sauvage, pourtant au moindre signe, verbal ou non d’ailleurs, de sa chère et tendre il s’arrêterait. Pour le moment en tout cas il en profitait, il ne répondit rien à ce qu’elle avait dit, il avait pu, il avait voulu, mais son inconscient balaya d’un revers de la main méprisant ce qu’il aurait pu dire. La pique concernant les peurs de Krish passa donc sous silence, il en alla de même pour la remarque concernant ce qu’ils pourraient apprendre aux gardes qui rentreraient dans la pièce à ce moment-là. Pour le coup l’idée l’amusait beaucoup et il était tenté de faire plus de bruits, ou du moins pousser sa compagne à faire plus de bruit, que nécessaire pour attirer les quelques miliciens en faction à l’étage inférieur. Toutefois il n’en fit rien et la serra contre lui sans s’arrêter pour autant, une main passant dans son dos tandis que l’autre attrapait l’arrière d’une cuisse pour se redresser. Myr’Hennis posa plus ou moins sa tête sur l’épaule de Krish, le souffle court il mordilla l’oreille qui était si proche de ses lèvres pour finalement la lâcher et prendre une inspiration. C’était quand même bien mieux d’avoir de l’air dans les poumons pour parler même si dans cette situation garder l’oxygène en question n’était pas un exercice des plus faciles.

« Si tu n’as... peur de rien alors… tu penses qu’Uriz pourrait…
- Prononce pas… Son nom. » feula-t-elle entre deux gémissement sous les caresses abruptes, le bras qui l'enserrait et les morsures traitresses le long de son oreilles. Elle n'aimait pas qu'on prononce Son nom sans raison, surtout en sa présence. Elle n'avait pas souvent l'occasion de le dire car les eldéens ne s'amusaient que rarement à ce genre de frivolité. Elle sentait toujours Son attention s'agiter. Le Brasier en elle claque et s'étend, rappelant sa présence. Une présence qui n'était pas la bienvenue dans ce moment à deux. Rappelant sa mission, son pouvoir et son devoir. Rappelant Sa puissance et le lien qui l'unissait à Lui. En temps normal ce n'était qu'un bref instant qu'elle laissait se dissiper en continuant ce qu'elle faisait. Mais là...

Ses mains caressaient le corps du jeune homme d'une façon qu'ils avaient eu bien des mois pour roder de façon à ce que la douleur de son dos se tienne le plus loin possible. Mais, toute griffe dehors, elle se fixèrent sur lui. Elle se serra encore plus contre lui tandis que les secondes s'égrainait. Que les mots de Myr'Hennis montraient à son esprit. « Non… »

S'enroulant autour de lui en une prise qui n'avait plus rien de joueuse, Krish brisa leur rythme pour basculer sur le côté. En un mouvement rapide, sans se soucier de la douleur qu'elle causerait à son amant, elle renversa leurs positions. Elle se retrouva en un clin d’œil à califourchon sur lui, partageant toujours le même corps. Sa nudité à la respiration haletante penchée sur lui, ses iris sanglantes pailletées d'or flambent de colère. La main de la guerrière se referme sur la gorge grise avec la douceur d'un marteau de forge, laissant tout juste passer l'air tout en lui intimant une immobilité totale.

« C'est ça que tu veux ? » Un grondement grave empli de rage contenue. Elle le dévisage, immobile si ce n'est les grandes lampées d'air qui gonflent sa poitrine. Elle déglutit difficilement, la gorge serrée. Sa main libre, posée sur le torse de l'Architecte, se serre à faire blanchir ces phalanges d'encre. Soudain, il vient se poser brutalement à côté de la tête de l'architecte, accompagnant un brusque mouvement de bassin qui finit sur une note excessivement lente. Elle retient comme elle peut la colère qui brûle en elle sous cette peau enfiévrée. Sa voix reste basse, encore hachée par le manque d'air. « Je ne te suffit pas ? Ou tu es simplement pressé de crever ? »

On pouvait dire tout un tas de choses sur Myr’Hennis : qu’il était arrogant ; vain ; imbu de lui-même ; un peu agri ; dépourvu de scrupules ; arbitraire ; boudeur ; calculateur ; dépensier ; narcissique ; emporté ; jaloux ; envahissant ; guindé ; immature ; imprudent ; impulsif ; inconstant ; insouciant ; instable ; intéressé ; maniéré ; mégalomane ; mesquin ; méprisant ; obstiné ; orgueilleux ; plaintif ; prétentieux etc… dans cette liste non exhaustive d’aucun auraient pu rajouter, entre autres, couard, ou fou, en effet on pourrait dire qu’au lieu de faire face à ses peurs il préfère les repousser loin dans les ténèbres. Ce qui n’est pas tout à fait faux il faut bien l’admettre mais c’est un point de vue parmi tant d’autre. En regardant cet étrange eldéen sous un autre angle la couardise pouvait se transformer en bravoure, ou en folie car parfois les deux sont interchangeables. Evidemment l’architecte aimait à penser qu’il était courageux peu importe si ce qu’il faisait s’apparentait davantage à de la folie.

Quand son dos percuta de plein fouet la table dont ils ne s’étaient jamais éloignés, et pour ça Myr’Hennis en remerciait les dieux car tomber sur le sol de pierre aurait sûrement été bien pire pour son dos et l’arrière de son crâne, il lui sembla que Kiel cherchait à se venger de l’hubris d’un drow qui osait demander quelque chose à un dieu. Sans même lui adresser une prière auparavant qui plus est. L’architecte aurait bien juré mais déjà il ne le pouvait pas et puis surtout il n’était pas aveugle au point de ne pas voir que ce que faisait Kiel était miséricordieux en comparaison de ce qu’Uriz pouvait lui réserver. L’impact contre la table, qui malgré son âge visiblement tenait bon et encore une fois que les dieux en soient loués, avait suffi à expulser l’air des poumons de Myr’Hennis et s’il restait quelques molécules qui étaient restées dans lesdits poumons son cri muet de douleur les avaient sans doute expulsées. L’air qu’il arrivait à faire passer malgré la poigne d’acier qui lui enserrait la gorge servait à s’assurer que ses organes et ses muscles continuent à marcher, même au ralenti, alors parler était bien au-delà de ses moyens. Ce qui était fort dommage car en réalité il avait bien une réponse à donner aux questions de sa compagne.

Un simple oui.

Il aurait aimé pouvoir affirmer le contraire. Il aurait adoré pouvoir répondre non. Malheureusement la réponse venait du plus profond de lui. D’une partie de son esprit qu’il avait cru morte dans la soierie mais qui s’était simplement terré dans les abysses avec ses peurs brisées par une poigne haineuse. Et cette partie de lui, sa Raison, avait choisi ce moment pour refaire surface. Toutefois elle ne fut pas seule. En effet si ça avait été le cas, même ainsi, il aurait pu la renvoyer d’où elle venait et ne plus jamais l’entendre. Malheureusement le Monstre avait repris du poil de la bête et même s’il ne partageait pas vraiment cette opinion il n’allait pas laisser passer une telle occasion de reprendre l’influence qu’il avait injustement perdu sur Myr’Hennis, il avait donc trouvé en la Raison, qu’il avait pourtant passé des siècles à pourchasser, une alliée de circonstance somme toute précieuse.

Ainsi lorsque les deux autres questions vinrent après le poing à côté de sa tête, Myr’Hennis ne changea pas de réponse : un oui définitif. Le Monstre n’était jamais satisfait et la Raison voulait faire disparaître cette anomalie de la méritocratie eldéenne qu’était le Grand Architecte. Cependant ce dernier ne pouvait pas parler, sa gorge étant trop comprimée. Alors, dans un geste indépendant des deux entités qu’abritait son crâne, il leva faiblement la main vers le visage de Krish.

Sans doute aurait-elle accepté n’importe quelle vision dans les yeux rouges de son amant, de la douleur était attendu, de la colère aurait été compréhensible, de la peur aurait été surprenant mais pas incongru. Sans doute aurait-elle tout accepté si ce n’est le reflet d’un désir profond qui voilait les prunelles de Myr’Hennis. Quant à lui il ne savait pas vraiment comment interpréter l’expression de sa compagne. De l’incompréhension sûrement. Pourtant la privation d’oxygène, par strangulation le plus souvent, avait, dit-on, des propriétés érogènes qu’il ne fallait pas sous-estimer. En effet qu’y’a-t-il de plus efficace que de passer à côté de la mort pour apprécier davantage la vie ? Pourtant il était évident que ce n’était pas ça que Krish pouvait voir dans les yeux de l’architecte. Pourquoi est-ce qu’il osait le prendre ainsi et est-ce qu’il en avait même le droit étaient deux questions qui brûlaient les lèvres de l’avatar même s’il y avait fort à parier qu’elle avait au moins une répones claire et concise en tête pour la seconde question.

En la voyant reculer devant sa main tremblante, le cœur de Myr’Hennis se figea, il arrêta de battre un instant avant de repartir lentement et de se serrer. Certes désormais il pouvait à nouveau respirer normalement, enfin presque, il fallait un petit temps d’adaptation, et il en profita pleinement en emplissant d’une grande goulée d’air ses poumons ; mais voir sa chère et tendre reculer devant son touché comme s’il la répugnait était, au final, bien plus douloureux que toutes les gifles qu’elle pouvait lui infliger. Il laissa sa tête tomber en arrière, prenant d’autres grandes goulées d’air en fixant le plafond pendant quelques secondes avant de finalement reprendre un rythme normal. Sa respiration haletante se calmait petit à petit même si elle restait courte, presque sifflante. Ses bras étendus restèrent immobiles un moment de plus alors que ses mains qui se trouvaient dans le vide de chaque côté de la table se fermèrent en un poing avant de se relâcher ; le manque d’air faisait que les extrémités de son corps avaient du mal à répondre et il détestait avoir des fourmis dans les membres. Finalement il se releva un peu, forçant sur ses abdominaux malgré la douleur dorsale qui lui hurlait d’arrêter, pour pouvoir se reposer sur ses coudes.

Après un raclement de gorge il tenta de prendre la parole mais en vain, il ne sortit de sa gorge malmenée qu’un borborygme alors il força à nouveau sur ses abdominaux pour pouvoir se relever et plus ou moins s’asseoir. Après avoir poussé un grognement de douleur à cause de son dos il profita de sa nouvelle position qui lui libérait les mains pour se masser la gorge.

« Je n’... » il s’arrêta pour ne pas avoir à parler en croassant alors il se racla à nouveau la gorge. « Je te présente mes excuses… je n’aurai pas dû. »

Elle le laissa se redresser, sans bouger. Au fur et à mesure qu'il se hissait sur ses coud puis sur ses bras, les épaules de l'eldéenne se courbaient. Qu'il fasse un autre mouvement et elle ne l'en aurait probablement pas empêcher... Probablement. S'écarter avait été une réponse à ce point viscérale qu'elle n'aurait pas pu s'en empêcher. C'était comme si ce touché lui demandait d'accepter ce qu'elle voyait dans ses iris à ce moment précis. Et ce qu'elle avait vu... Ce désir qu'elle avait vu... Elle se refusait à l'interpréter. Mais si elle le devait ? Elle aurait dit qu'il venait de voir la mort dans les yeux et qu'il lui hurlait de venir plus près.

Ce regard l’obsédait encore mais il avait rompu le contact, préférant fixer le plafond. Alors elle avait finit par baisser les yeux sur son torse finement dessiné. Sur ses membres. Le drap blanc. La couleur de sa hanche clair par rapport à la cuisse d'un noir d'encre qui y restait collée. Le temps lui paraissait interminable... avant quoi ? Quelques mots attendu comme un divin message. Quelque mots qui n'étaient rien d'autre que quelques mots.

- Ne t'excuse pas... Je t'en prie. Pas pour quelque chose que tu voulais... que tu veux sincèrement. " Elle revint plonger ses yeux dans les siens. La colère s'était éteinte, douchée par un désir inavouable et un silence de fin d'un monde. Elle ne le comprenait pas... Elle n'en avait pas besoin, pas entièrement du moins, mais aujourd'hui elle ne pouvait simplement faire comme si de rien était. Par sur... ça. Parce que chaque explication qu'elle essayait d'imaginer lui donner l'impression qu'un étau de fer chauffé à blanc écrasait ses poumons et enserrait son cœur. Pour l'instant elle n'avait plus qu'un fol espoir combattant de pied ferme la peur qu'elle ressentait à l'idée d'entendre une vérité contre laquelle elle ne pourrait rien.

Elle ne voulait pas poser cette question... Mais elle le ferait malgré tout.

- J'ai besoin de savoir. Pourquoi est-ce que tu voudrais que... qu'Il... " Elle souffla un grand coup, se recroquevillant pour poser la tête contre l'épaule de Myr'Hennis. Quelques secondes de répit. Juste quelque seconde, sans bouger, avant de reprendre sur une inspiration sonore, maîtrisant les vibrations de sa voix et les larmes qui lui montaient aux yeux. " Pourquoi tu as envie qu'Il s'invite entre nous ? Après ce qu'Il a fait et ce qu'Il aurait pu te faire... Et... j'étais sérieuse tout à l'heure. Est-ce que... Est-ce que ce que tu aimes en moi, c'est Lui ? Et est-ce que tu espères mourir de ma main ? " Ses questions lui paraissaient totalement folles. Le cœur à fleur de peau, elle se forçait à l'observer. Comme une excuse, elle ajouta un ton en-dessous. " Je comprend pas... "

S’il n’avait pas bougé pendant un moment c’était parce qu’il se remettait du manque d’oxygène mais aussi et surtout parce qu’il se rendait compte de ce qu’il avait fait. De ce qu’il avait demandé. Et elle n’avait pas tort, même s’il pouvait se cacher derrière le Monstre et sa Raison il n’empêchait que lui aussi, en réalité, il voulait ce qui avait été sur le point de se passer. Mais ce n’était pas pour ça qu’il s’excusait, ce n’était pas son désir qui le dérangeait, ni même ce qu’il avait fait. Alors il la prit dans ses bras lorsqu’elle posa la tête contre son épaule, la serrant légèrement contre lui. Puis vinrent les questions, des questions tout à fait légitimes et qu’il ne pouvait pas ignorer ou balayer d’un revers de la main comme si elle n’avait pas d’importance. Sans doute la meilleur façon d’y répondre était de ne pas réfléchir à ce qu’il allait dire.

Non, ça ne pouvait pas être la bonne solution. Ça n’était jamais la bonne solution. Pourtant il lui avait dit il y a un an qu’il préférait qu’ils se disent tout, même si ça pouvait faire mal et si lui ne le faisait pas comment pouvait-il l’attendre d’elle ? Alors tant pis, ses explications seraient sans doute maladroites mais au moins elles seraient justes, il ne laisserait pas son inconscient masquer la vérité ou la tordre.

« Une chose à la fois tu veux bien? Tu te rappelles cette nuit où Il a pris le contrôle ? » Une question stupide à poser, comment aurait-elle pu l’oublier, mais même si elle était rhétorique il voulait être certain qu’elle voyait ce dont il parlait. « Et bien ce soir-là Il m’a regardé comme personne d’autre ne l’avait fait auparavant. Comme personne d’autre n’aurait pu le faire auparavant. C’était indescriptible, à la fois enivrant et… et terrifiant. Il m’a fait redécouvrir la peur de mourir après quatre siècles d’insensibilité. Cette nuit est né… je ne sais pas trop comment appeler ça autrement qu’un fantasme. Aujourd’hui lorsque j’ai poussé le garde pour déloger son épée je… j’ai senti une vague peur avant de me lancer et une fois que j’ai réussi la peur a laissé place à un sentiment enivrant de réussite. Pas parce que j’avais réussi mais parce que j’avais fait face à cette peur, même si elle était amoindrie. C’est cette ivresse qui m’a fait te poser cette question. Comme tout le monde Uriz me terrifie et je n’ai pas pu me contrôler. Avec ce que j’ai ressenti en réussissant à vaincre une peur qui m’a fait hésiter alors qu’est-ce que ça serait en surpassant quelque chose qui me paralyse ? Et avec toi tout ce que je ressens est décuplé ou avec toi je ressens les choses comme je les ressentais avant au lieu de simplement faire l’expérience d’un monde tronqué. »

Il prit un peu de recul pour regarder sa compagne avant de venir lui saisir délicatement le menton d’une main pour lui redresser le visage. Jusque là il avait parlé comme les mots lui venaient, il y avait eu des hésitations bien sûr, il avait dû reprendre des mots pour les remplacer par d’autres qui lui semblaient plus justes, plus à même d’exprimer ce qu’il ressentait et les émotions qu’il voulait partager. Mais même dans ces moments-là, même lorsque ses yeux se voilaient légèrement, son cerveau plongé dans une réflexion bien trop rapide pour qu’il puisse dire autre chose que ce qu’il pensait réellement, ses yeux, et son visage, étaient resté d’une sincérité mortelle. Que son monologue lui plaise ou non il se devait de lui dire la vérité.

« Regardes-moi Krish, s’il-te-plait. C’est toi que je t’aime. Lui c’est… » sachant qu’Uriz l’écoutait très probablement il hésita avant de se reprendre. « Que Kerhel m’emporte s’Il ne l’a pas lu lorsqu’il a fouillé jusqu’à ma Flamme. » En effet Il devait sans doute savoir ce que Myr’Hennis devait penser de lui alors à quoi bon le cacher à Krish parce qu’Uriz risquait de l’entendre ? « Il fait partie des dieux que j’aime le moins et chaque fois que je passe devant son Grand Temple je regrette que notre peuple lui ait donné une place si importante même si je le comprends tout à fait. Je le hais. C’est toi que j’aime. Tout comme tu dois passer outre certains de mes côtés pour m’aimer je dois ignorer qu’en toi sommeille un dieu que je n’aime pas pour pouvoir profiter de ta compagnie. Et tu sais quoi ? Ça en vaut largement la peine parce qu’avec toi, pour la première fois depuis un siècle, je me sens enfin vivant. Alors quant à mourir de ta main… » Il déglutit et baissa la tête. C’était une vérité qu’il n’avait pas envie de prononcer mais encore une fois il se devait de le faire. « Je me suis fait tout un tas d’ennemis comme tu as pu le voir et… et je ne veux donner à aucun d’eux la satisfaction de me tuer. »

La nuit ou elle avait tué Jallyss sans raison. Celle ou elle avait tué un prêtre et blessé plusieurs soldats juste parce qu'ils ne s'agenouillaient pas assez vite. Celle ou elle avait joué avec la vie de de tant de gens... et rendu fou le seul survivant. Chaque seconde, chaque sensation, chaque onde de puissance, d'excitation et de peur jusqu'à ce que Myr'Hennis lui jure qu'à présent tout irait bien. Tout était resté gravé dans sa mémoire. Elle pouvait en revivre chaque étape avec une précision affreuse. Elle avait fini par se dire que c'était parce qu'Il le voulait ainsi. Alors non, elle n'avait pas oublié. C'était même ce qui l'avait faite réagir si violemment à cette stupide demande.

Elle acquiesça et écouta, en silence. Ça n'avait pas de sens. Une part d'elle rejetait chaque mot qu'il prononçait en bloc. Elle l'écoutait pourtant. Entêté. Elle boirait la coupe jusqu'à la lie... Et la partie la plus raisonnable de son esprit comprenait ce qu'il décrivait bien mieux qu'elle ne l'aurait voulu tout en sachant que ça ne pouvait être totalement la même chose. Elle se rappelait de cette lame juste au-dessus d'elle. De la conscience aiguë qu'elle en avait... Quand avait-elle arrêté de provoquer la chance de la sorte ? N'avait-Il pas eu un effet similaire sur elle en fin de compte ? Non. Ou peut-être...

Le visage hurlant de la Xaran à la fin de leur ordalie lui revint en mémoire. Ce qu'elle avait vu peser sur elle ce jour là l'avait brisée. Et Haldren. Sa fuite. Sa trahison. Kahveka...

Une main s'empara de son menton l'empêchant d'aller plus loin dans ses souvenirs. Elle ne prêta sans doute pas autant d'attention à sa déclaration qu'elle l'aurait du, dents serrées. Elle était dans l'attente d'un "mais" qu'elle sentait venir. Il l'aimait mais cela ne lui suffisait pas et il avait besoin de plus pour se sentir vivant. Mais il l'aimait en tant qu'Avatar et sans cette puissance, elle n'était qu'une moitié insipide. Elle frissonna lorsque le nom de la putain sylvestre passa ses lèvres, ses yeux accrochés aux siens. Mais encore une fois, elle garda le silence. Du reste, le Brasier n'eut pas la moindre réaction face à la haine qu'exprimait Myr'Hennis. Quoi de plus normal après tout. Le Dieu de la guerre devait allègrement se moquer qu'on lui offre amour, haine ou peur.

Il répondait à chaque question de façon totalement indépendante, comme s'il n'en voyait pas le lien. Il le faisait avec sincérité. Pour lui, le Père et elle était à ce point distinct qu'il n'avait pas réalisé à quel point sa demande la visait droit au cœur ? Peu à peu, l'étau qui l'étreignait se desserait. Et pour son rapport à la mort... au moins elle comprenait qu'il préfère mourir par elle que par un autre, même si cette idée la révulsait au plus haut point.

Lorsque la voix de l'Architecte se tue, elle s'approcha sans le lâcher des yeux, doucement, prête à reculer au moindre signe de refus. " Je comprends. " Ses yeux n'étaient pas aussi certains que sa voix semblait l'être. Une compréhension plus proche de l'acceptation. Il lui faudrait peut-être un peu de temps pour assimiler tout ça, mais ce temps, elle le leur donnait s'il le voulait bien. Elle l'embrassa tendrement, venant chercher les aveux rassurants de Myr'Hennis autrement que par des mots et lui offrir la douceur de ce qu'elle n'arrivait pas encore à exprimer au sujet de tout ce qu'il venait de lui avouer.

Il n’était pas certain qu’elle avait en effet compris mais il ne pouvait pas lui en tenir rigueur, à sa place lui-même n’aurait pas été certain de comprendre tout à fait. Myr’Hennis hésita à lui poser des questions mais si elle voulait en parler davantage Krish était assez grande pour le faire seule comme une grande sans qu’on ait à l’y pousser. Il avait craint qu’elle le repousse, ou du moins qu’elle recule à nouveau, avec ce même air qu’elle avait eu la première fois. Mais ses doutes furent dissipés, lorsqu’elle s’approcha d’abord puis son baiser fit disparaître une autre réaction qu’il avait eu peur de voir poindre.

Puis elle souffla. Un sourire incertain prit place sur son visage tandis que sa main venait repousser ses cheveux en arrière, se rappelant trop tard qu'ils étaient attachés.

- Je suis contente que tu trouves que ça en vaille la peine... " Elle étouffa un rire nerveux qui arracha un sourire à son compagnon, un sourire qui s’agrandit avec la question qui vint. " Mais dû coup... ce que tu m'as demandé tout à l'heure, c'était pour... Pour mettre du piment ?" Un pointe d'incrédulité perçait dans sa voix à défaut de trouver une façon plus juste de le dire... Utiliser sa peur d'un dieu pour rendre l'expérience plus excitante... on pouvait dire que c'était un sacré piment.

« Je... on peut dire ça comme ça oui.»

Cette fois elle ricana franchement, toujours plus attendrit que moqueuse.

- Tu es vraiment totalement et définitivement fou. » lui souffla-t-elle en caressant sa joue. Il n'y avait pas d'autre mot. « Je t'adore. » Elle ponctua sa déclaration d'un bref baiser. Cet homme n'avait vraiment aucune mesure du danger, aucune limite et un bon sens dont elle doutait de plus en plus... Mais elle devait être un cas tout aussi désespéré parce que cela ne lui déplaisait pas... Enfin du moment qu'il ne commençait pas à jouer avec les Dieux. Parfois, elle s'inquiétait, mais les idées qui pouvaient germer sous ce crâne n'étaient jamais ennuyeuses... Et s'il était assez fou pour regarder Uriz droit dans les yeux et n'en garder comme souvenir qu'un surplus de libido elle pouvait espérer qu'au pied du mur, il n'accepterait pas si facilement la mort... En réalité, c'était la seule chose qu'elle avait encore en travers de la gorge. La seule qui vint légèrement ternir son sourire retrouvé. Pourtant, elle ne demanderait rien pour le moment. Elle voulait être certaine de ce qui la dérangeait exactement dans son attitude.

« J’ai redécouvert quelque chose et j’aimerais jouer avec cependant je ne t’insulterai pas en te disant que je sais ce que ça fait d’être avatar, je n’aurai pas dû te le demander comme ça ; c’était pour ça que je t’ai présenté mes excuses plus tôt.
- Tu l'as dit. Tu ne peux pas savoir. J'aurais sûrement dû te parler de cette nuit là. Enfin de ça et de tout le reste. De ce que ça me fait... Au début c'était difficile. Maintenant j'ai seulement l'impression que ce n'est jamais le moment ou la bonne manière. Et que je risque de te paraitre étrange ou affreuse... Mais visiblement on en est encore loin. Alors j'essaierai un peu plus... » mima-t-elle en écartant un tout petit peu son pouce de son index. « Pose moi les questions que tu voudras. J'y répondrais sans m'énerver. Et c'est une offre sans limite de temps. » Son nez se tordit avant qu'elle n'ajoute, reposant la main sur son torse. « Et pour ton idée : oublie. En tout cas tel que tu te l'imagines, elle ne sera jamais rien de plus qu'une idée. Cette nuit là, ça a été la seule fois où Il s'est pleinement imposé à moi et c'était pour me punir, pour détruire et rien d'autre... Mais même si j'avais la moindre chance de Le convaincre de faire une chose pareille, ce serait hors de question. C'était peut-être mon corps, mais ce n'était pas moi. Pas du tout. Alors tout à l'heure... A mes yeux, c'est comme si tu me demandais de faire place nette. Et sache qu'il est hors de question que je te laisse à un autre. » Elle s'était une nouvelle fois rapproché jusqu'à ce que son corps suive celui de l'Architecte. Une provocation claire et franche. Une flamme farouche brulait dans ses yeux. C'était bel et bien la jalousie qui lui montait au visage et hurlait silencieusement qu'elle ne se laisserait pas déposséder, même par un dieu. « Mais d'un autre côté... la quasi-totalité du temps, Il n'est qu'une présence qui approuve ou désapprouve. Son pouvoir répond à mes émotions. Parfois, je sais d'instinct ce qu'Il attend de moi. Mais je suis toujours libre de mes actes. C'est comme... Du pouvoir à l'état brute. Une plénitude qui exacerbe mes pulsions les plus agressives et les plus destructrices. C'est pour ça que je m'en sers peu... Mais c'est encore moi. » susurra la féline créature. « Je ne sais pas si ça pourrait te convenir... Et je ne sais pas à quel point ce serait risqué pour nous deux. Mais si c'est l'adrénaline qui te manque, Grand Architecte, il y a peut-être mieux qu'une mise à mort sommaire... La vie te réserve peut-être encore une surprise ou deux... »