Ils sont passés par ici | Myr

Cette fois ce fut son tour de rire, ce n’était pas moqueur, c’était réellement amusé. Peut-être qu’il était bel et bien fou, comment le savoir ? Était-ce réellement de la folie ? Qui refuserait l’opportunité d’éteindre un dieu si elle passait à portée de main ? Beaucoup de gens maintenant qu’il y pensait un peu plus sérieusement. Bon peut-être qu’il était fou. Un peu. Mais était-ce si mauvais ? Il ne sentit pas vraiment le côté péjoratif dans l’intonation de Krish alors, tant qu’à faire, autant le prendre comme un compliment. Il lui rendit son baiser, son rire transformé en un sourire amusé.

« Qui de nous deux est le pire dans ce cas : moi parce que je suis… et bien, justement, moi ou toi parce que tu m’aimes ? »

En réalité la question était purement rhétorique, il avait déjà une réponse en tête et peu importe ce qu’elle pouvait dire il ne changerait pas d’avis ; du moins ça l’étonnerait grandement qu’elle trouve une façon de changer son opinion sur le sujet. Elle était bien meilleure, peu importe l’angle sous lequel il regardait elle était toujours meilleur. Alors certes il pouvait bien faire la liste des raisons mais à moins qu’elle ne le demande à quoi bon ? Mais son visage retrouva son sérieux. Il avait voulu lui en poser des questions après cette nuit fatidique mais le moment bon moment semblait ne jamais vouloir se présenter ; quand ils étaient seuls la plupart du temps ils travaillaient et lorsqu’ils avaient plus ou moins du temps libre Myr’Hennnis ne voulait pas gâcher le peu de temps qu’ils avaient pour eux en parlant d’un moment horrible de la vie de sa compagne. Il avait bien tenté une ou deux fois d’orienter la conversation vers ce sujet-là mais à chaque fois peu importe les mots auxquels ils pensaient ou la façon de l’amener discuter d’Uriz amenait une lourdeur à la conversation impossible à éviter alors il avait abandonné.

Alors il avait voulu sauter sur l’occasion pour lui poser toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres mais même maintenant ça n’était pas le bon moment. Il se sentait coupable. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, oui, parfois, Myr’Hennis était capable de regretter ce qu’il faisait. Cela étant dit il fallait tout de même admettre que c’était suffisamment rare pour être remarqué. De plus il comprenait très bien ce sentiment que l’autre lui appartenait à lui et rien qu’à lui et quiconque tenterait de l’en déposséder courrait à sa perte, même s’il devait sombrer avec l’impudent qui osait lui disputer le cœur de son aimée. Lorsque Krish lui avait parlé de ce que Shyn’tae lui avait proposé, Myr’Hennis se souvenait encore de cette envie impérieuse de se venger d’une façon ou d’une autre, de faire regretter à son ancienne esclave son côté bravache. Alors pour toute réponse il lui répondit avec un regard qui n’était rien d’autre qu’un tirage de langue.

« Ne compte pas sur moi pour oublier de te poser des questions. »

Puis il se tut à nouveau, la laissant poursuivre, profitant autant de ce qu’elle disait que de sa chaleur, maintenant qu’elle était de nouveau tout contre lui. Pour ce qui est de la réponse d’Uriz aux émotions de Krish il avait pu le voir une ou deux fois à l’œuvre en effet, il avait même eu une petite démonstration quelques instants auparavant. Du moins c’était ainsi qu’il interprétait les paillettes d’or qui s’étaient immiscés dans les yeux rouges de l’eldéenne alors que cette dernière laissait la colère prendre le dessus. Bon effectivement ce n’était pas totalement Uriz mais c’était toujours ça et puis ça en valait tout de même la peine. C’était la façon la plus sûr de s’approcher autant que possible du Père sans se brûler les ailes. En tout cas pas complétement. Et puis c’était surtout la seule façon de toute de même garder Krish et c’était là le principal car sans elle quel était l’intérêt ? Il aurait l’impression de la trahir et ça l’inquiétait bien plus que sa propre mort. Ce qui n’était pas grand-chose en soi car sa mort ne le préoccupait pas vraiment mais au moins ça l’inquiétait et les choses qui le rendaient soucieux pouvaient se compter sur les doigts d’une main. Avec son amante dans ses bras il se laissa lentement tomber sur la table, l’attirant avec lui, une fois que son dos eut touché ladite table il l’embrassa, un nouveau sourire sur les lèvres.

« Le Grand Architecte est mort, longue vie au Grand Architecte et le nouveau Grand Architecte à hâte de voir quelles sont ces surprises… mais pour le moment, que dirais-tu de reprendre là où nous nous sommes arrêtés ? »

L'écho de sa propre menace fit rire l'eldéenne. Il faudrait qu'elle se souvienne de sa parole en temps voulu, mais elle espérait bien qu'il ne retiendrait plus ses questions... Enfin elle espérait qu'il ne les retiendraient plus lorsqu'ils étaient moins occupés et que ça lui éviterait ce genre de coup au cœur.

Quelque part, la piqûre de rappel qu'elle venait d'avoir était plus violente à ses yeux que l'intercation avec le garde et le danger que représentaient les chiens. Rien n'est jamais acquis, même lui. Surtout lui. Que ce soit par la mort, l'ennui ou simplement la lassitude, elle oubliait parfois qu'une phrase, un mot, pouvait faire tanguer l'esquif. Étrangement, elle ne le prenait pas comme une épée de Damocles mais comme un défi la rendant d'autant plus ardente. S'il ne connaissait pas la peur, il venait de lui en faire une belle.

- Je ne sais pas... " répondit-elle à son sourire en une fausse réflexion. " Puisque de toute évidence la peur ne m'est pas totalement inconnue, est-ce que je vais oser me frotter encore à un danger comme toi ? " Elle échappa volontairement au baiser qui suivit, mais son corps aguicheur parlait un tout autre langage, son sourire joueur au coin des lèvres.

Il fit un effort pour réprimer un sourire, préférant à la place opter pour un début d’air soucieux qui se faisait de plus en plus net alors que les secondes s’égrainaient.

« Et vous avez raison. Je n’aurai pas dû demander, quel sujet indigne je fais, dire que j’ai failli mettre ma bien aimée reine en danger ! »

Prenant son air de mauvais acteur, c’était plus ou moins toujours le même lorsqu’il surjouait une scène dramatique, du moins qui se voulait dramatique, il vint essuyer la goute de sueur qui perlait à sa tempe ; faisant passer le dos de sa main sur son front par la même occasion, il recula la tête tant qu’il le pouvait, comme s’il était pris pas un tourbillon de sentiments contradictoires.

« Pensez-vous que vous réussirez un jour à me pardonner, ussta Valsharess ? » Il le demanda d’un air suppliant, la regardant droit dans les yeux. Non pas qu’il voulait passer pour quelqu’un d’insolent, bien qu’il le soit en réalité, mais seuls les prunelles rouges de Krish brisaient la monotonie grise du reste de son champ de vision. Alors Myr’Hennis aurait bien détourné le regard mais outre le fait que la couleur attire l’œil, depuis qu’il avait passé il ne savait trop combien de temps à tomber inconscient puis retrouver ses esprits dans la soierie les yeux de sa chère et tendre avaient un effet hypnotique sur lui.

Un rire fort peu charitable accueillit les mimiques du Grand Architecte. Le guerrier dopé à l’adrénaline n’avait pas fait long feu… elle finissait par en être déçue de l’avoir interrompu un peu plus tôt, sans en être gênée pour autant. Krish le retrouvit seulement égal à lui-même, à leurs jeux et leurs regards. Elle secoua la tête. Il était décidément incorrigible.

Une seconde, l’eldéenne hésita. La réplique qu’elle avait sur le bout de la langue était tentante, et même si Myr’Hennis avait envie de lui la tirer d’un baiser il ne pouvait pas le faire sans briser lui-même son jeu ce qui, il faut bien l’admettre, manquait de bon goût. Elle pourrait suivre ce dernier en effet mais ça voulait dire faire une croix sur les côtés les plus sulfureux de son amant car entrer dans son jeu pouvait ne pas avoir de fin. Alors plutôt que choisir ses mot, elle lui offrit l’habileté de leur support. Sans un mot, Krish l’embrassa, glissant ses doigts entre les siens pour amener ses longues mains contre ses courbes les plus scandaleuses et évidemment il se laissa faire, profitant d’un corps qu’il connaissait si bien mais qui ne le lassait pas. Quant aux mains de Krish, elles couraient sur lui, se voulant inquisitrice pour l’électriser à nouveau, perdue dans ses iris rouges.

Il lui rendit son baiser comme s’il s’abreuvait à une oasis en plein milieu du désert. Contrairement à ce que pouvait penser son aimée, il y avait toujours de l’adrénaline qui courrait dans les veines de l’eldéen, en effet quand on passe à côté de la mort ce n’est pas en cinq minutes que ça disparait. Alors il fit descendre sa main jusqu’à la hanche de Krish et d’un coup sec la fit basculer sur le côté, malgré le grincement de la table celle-ci tint bon. Avec cette même main il souleva la jambe de Krish pour aller sur sa hanche, en réalité la triumvir n’avait pas eu grand-chose à faire pour lui fouetter à nouveau le sang, elle n’eut qu’à souffler sur des braises à moitié rougeoyantes pour raviver un brasier dévorant. S’il daignant prendre un peu de recul Myr’Hennis se rendrait compte qu’il avait du mal à refuser quoi que ce soit à sa compagne ce qui l’aurait dérangé et c’était probablement pour ça qu’il ne voulait pas prendre de recul sur ce sujet-là. Et dans cette situation précise il ne voulait pas prendre de recul non plus, il tenait son amante tout contre lui, sentant sa poitrine bouger contre son torse à chaque mouvement ; c’était d’ailleurs, entre autres, pour ça qu’il ne prit pas vraiment le temps d’établir un rythme progressif. Sa main libre attrapait les fesses de sa chère et tendre tandis que l’autre accrochait le rebord de la table, le bras passant sous la tête de Krish, lui servant en quelque sorte d’oreiller et lorsque Myr’Hennis prenait plus d’air que nécessaire il se permettait d’embrasser son amante, pas très longtemps cependant, il n'avait pas grand chose d'un athlète après tout.

Un grincement… Et elle était presque sûre d’avoir aussi entendu un craquement venant de la table sous elle lorsque le jeune homme avait repris le dessus. Des questions, il pourrait lui en poser tout son sou, plus tard. Il faudrait qu’il s’y fasse et il faudrait qu’elle tienne parole sans rendre les choses plus compliquées, mais à présent dans leur passion, ils n’y avaient qu’eux… Et même Lui n’était ni aussi inquiétant, ni aussi présent.

De toute façon, leurs corps se plaisaient à ne pas laisser leurs esprit vagabonder ailleurs. Myr’Hennis semblait aussi avide qu’elle de la garder pour lui, la serrant et l’enlaçant dans la chaleur de leurs mouvements saccadés. Elle sentait son corps tout le long du sien, sa présence en elle. Il rendait cet acte que d’aucun jugeaient anodin, surprenamment fort. Le désir, le plaisir. Une joie simple. Un partage. Une impression de ne plus dépendre entièrement de soi. Le cœur au bord des yeux même dans leurs jeux les plus idiots, sans peur qu’il ne l’éborgne… Ou si peu que ça ne comptait pas. L’absence de mensonge, de manipulation, de soumission. Le respect. L’amour. La confiance… Toutes ces choses qu’elle n’aurait su ni nommer ni démêler, mais qui étaient intrinsèquement liées à Myr’Hennis.

Mille détails avaient leur importance. Certains étaient devenus si habituels qu’ils lui auraient manqués. L’odeur de sa peau. Son souffle si vite haletant. Une goutte de sueur sur sa tempe. Sa voix dépourvue du contrôle et de la réflexion qu’il s’imposait si souvent. Oui, même après le dérapage qu’ils venaient de connaitre, elle n’aurait pu s’en passer. Tout comme la façon même qu’il avait de la toucher, de la regarder. Le voile de plaisir qui gagnait ses iris. D’autres, comme sa fougue animale et son empressement, rendaient chaque étreinte unique.

Les gémissements de l’eldéenne étaient dépourvus de retenue. Gardes ou non, qui viendrait les interrompre le ferait à ses risques et périls de toute façon. Leurs mouvements s’accompagnaient, synchrones. Elle aurait bien fondu dans son cou, mais cela voulait dire renoncer à ses baisers, à son souffle sur sa joue, à son regard.

La pied de Krish dérapa sur le bord de la table. Elle s’agrippa encore un peu plus à son amant, sa respiration lui échappant tout à fait. A peine arrivait-elle à écorcher son nom par saccade. Jusqu’à ce que son corps se tende et que ses mouvements se bloquent, la tête révulsée en un cri qui fini d’épuiser l’air de ses poumons.

Malgré l’âge de la table, en tout cas au vu de la poussière accumulé un peu partout dans la pièce ça n’aurait pas étonné l’architecte que l’endroit ait un certain âge, et que la table n’ait plus toute sa force, mais elle semblait garder une vigueur que seul un artisan aurait pu soupçonner. Ce qui n’était pas si étonnant en réalité au vu de la richesse, visible ne serait-ce que dans le gigantisme du palais, que son possesseur, du moins peut-être pas l’actuel, ait vu les choses en grand. Dans tous les cas l’architecte était content que la table n’ait pas cédé, du moins il l’aurait été consciemment s’il n’avait pas autre chose de plus important à penser. Il aurait également pu penser à l’éventualité d’être découvert, Hanz n’était sans doute pas au deuxième étage mais pourtant il fallait croire qu’il avait eu raison au sujet des deux apprentis jardiniers d’un jour. Peut-être était-ce là une preuve de plus de la sagesse des anciens, une chose que Myr’Hennis, pour tout son manque d’instinct de survie, ne se risquerait pas à dire à Krish, il avait beau être fou il n’en était pas totalement stupide non plus. Le demi-sang blond était sans doute encore dehors ou du moins au rez-de-chaussée ce qui n’était pas plus mal finalement, l’idée de se retrouver face à des chiens dans cette situation n’était pas très engageante. Il était donc plus probable que ce soit un garde qu’ils n’aient pas vu, sûrement quelqu’un qu’ils avaient évité en montant jusqu’ici et l’idée continuait d’amuser le Grand Architecte ; arrêter d’embrasser son aimée pour que ses gémissements soient plus audibles pouvait être une solution mais comme l’avait dit quelqu’un de fort sage, et c’était d’ailleurs pour ça que Myr’Hennis ne l’aimait pas, à chaque jour suffit sa peine et l’architecte avait eu assez d’adrénaline. Pas à son goût évidemment mais mieux fallait se tempérer alors comme il n’était pas capable de le faire seul le Monstre s’en chargeait pour lui.

D’ordinaire il n’aimait pas qu’on écorche son nom ou qu’on le réduise, par exemple qu’on l’appelle Myr était quelque chose qu’il détestait au plus haut point, pourtant lorsque c’était Krish qui le faisait il se rendait compte avec un certain étonnement que ça ne le dérangeait pas vraiment ; s’en était presque attendrissant et puis dans cette situation la voix de l’eldéenne s’en trouvait bien plus belle alors quitte à ce que son prénom souffre autant que ce soit entre les mains de son amante. En sentant les ongles de cette dernière se planter un peu plus dans sa peau il accéléra encore plus, ignorant les battements frénétiques de son cœur sur le point d’exploser car ça n’était pas important. Si sa compagne n’avait pas eu l’envie de plonger dans son cou ce ne fut pas le cas de Myr’Hennis qui accompagna leur orgasme en allant chercher la jugulaire, mordant pour laisser une marque plus qu’autre chose puis il desserra les mâchoires et se laissa à moitié tomber, le corps de Krish sur son bras l’empêchant de s’éloigner il resta sur le dos, haletant, à contempler une fois de plus le plafond. Pourtant ce dernier n’avait rien de bien particulier, bien qu’il ne soit pas des plus laids non plus.

Comme à chaque fois il restait silencieux, n’ayant rien à dire il préférait se taire et profiter de cet état de bien-être avec sa chère et tendre. Evidemment si cette dernière voulait engager une conversation il ne l’ignorerait pas mais il préférait ne pas prononcer un mot, déjà parce que sa respiration rendait ce processus laborieux, mais surtout parce que le silence était ô combien apaisant et qu’il aimait écouter le souffle de Krish.

Durant un Cycle, elle n'avait eu que ce bref moment d'absolu pour se laisser pleinement aller. L'amour n'était rien de plus que ce bref moment ou n'existait ni le passé, ni le futur. Elle s'y accrochait et le faisait duré autant que possible, toujours agacée d'entendre ses partenaires briser cette délicate absence en parlant, en bougeant ou même simplement en vivant.

Aujourd'hui, il lui arrivait de ressentir un bien-être comparable rien qu'en s'endormant entre les bras de Myr'Hennis. En revanche, ces moment d'éternité avaient peu à peu changés. Si elle dérivait toujours, elle n'avait plus besoin de perdre totalement pied pour attraper quelques secondes de plénitude dans une illusion de sécurité. Au contraire, la conscience de l'homme à ses côtés, de son plaisir et de sa délivrance était primordiale.

La voix de l'eldéenne avait eu une ultime résurgence en sentant les dents de son amant lui offrir une marque violacée, aussi visible sur sa peau d'encre que celle qu'elle lui avait niché sur le côté du cou au début de leurs ébats.

Entièrement à sa merci, le corps lourd et les sens comblés, elle avait laissé ses prises glisser au gré du mouvement que son amant avait fait pour s'allonger près d'elle. La texture de sa peau égale avait filée sous la paume de la noire elfe alanguie. Le bras de Myr'Hennis était encore sous elle. Celui de Krish tomba lâchement sur le ventre cendreux de son aimé, paume vers le ciel, tant renoncer si tôt à son contact lui déplaisait. Sa respiration courte n'était pas aussi extrême que celle du jeune homme et son cœur ralentissait plus vite, plus habitué aux efforts que celui de l'Architecte. D'ailleurs, elle sentait ces battements effrénés sous le revers de sa main. Mêlés à sa respiration. Son odeur sur elle. Même l'air de l'été Vaani semblait froid après la chaleur enfiévrée de sa peau.

Après un moment dont elle aurait été incapable d'analyser la durée, elle roula seulement sur le flanc pour poser sa tête sur l'épaule de Myr'Hennis, les yeux toujours clos. Elle piqua un baiser sur le premier coin de peau qui tomba sous ses lèvres et resta encore là, finissant de récupérer une respiration normale. Ses doigts, posés sur son torse, restèrent sagement à leur place en prenant garde à ne pas trop peser sur lui pour qu'il puisse prendre autant d'air qu'il en avait envie. Seul son majeur suivait en de lents allé-retours, l'un des sillons de ses muscles finement dessinés. Ses paupière tout juste ouvertes admiraient les contours de ce corps sec, si différents des musculatures eldéennes dont les volumes bosselaient la silhouette. Un sourire de satisfaction sereine courrait sur ses traits.

Lorsque son regard remonta, presque par hasard, vers le visage de Myr'Hennis, une pointe d'amusement apparut sournoisement. Sa main quitta son point d'ancrage pour venir caresser les contours de la marque passionnée qui fleurissait sur la gorge de l'Architecte.

Les abdominaux de Myr’Hennis se contractèrent par réflexe lorsque la main de sa chère et tendre tomba avant de retrouver leur position au repos ordinaire et sa main libre alla mêler ses doigts à ceux de Krish ; c’était à elle qu’il avait demandé de prendre sa main dans la soierie mais parfois il aimait le faire, avec le temps s’en était presque devenu un réflexe, quelque chose qu’il faisait sans y réfléchir. Il arrivait que dans son sommeil il cherche la main de la triumvir pour la saisir, refermant ses doigts crispés sur les doigts fins de sa compagne, et comme il ne se souvenait que rarement de ses rêves il suspectait avec un frisson de peur que dans ses songes le pire se produisait. A son réveil il était toujours tourné vers elle et lorsqu’il ne dormait pas elle était toujours dans ses pensées, qu’il le veuille ou non d’ailleurs. En travaillant ce n’était pas un problème, l’inverse serait même inquiétant, vu que la grosse majorité de ce qu’il faisait concernait son amante ; cependant lorsqu’il voulait sculpter, ou plus régulièrement dessiner vu que les blocs de pierre avaient beaucoup plus de mal à lui parvenir, il pouvait toujours retrouver des traces de Krish même lorsqu’il tentait de prendre un autre sujet. Dans ses représentations de l’Oliya il retrouvait la courbure de la joue, son menton ou son nez dans le trait des vagues. Pourtant ça ne le dérangeait pas, au contraire ça l’encourageait. En effet c’était la première fois depuis près de quatre-vingts ans qu’il avait à nouveau une muse, quelqu’un qui le poussait à créer pour autre chose que la gloire des dieux.

Alors il gravait dans sa mémoire les traits fins de son visage comme s’il craignait de les oublier, comme si le nombre incalculable de support sur lesquels il avait immortalisé lesdits traits pouvaient disparaître. Ainsi c’était ce qu’il faisait sur cette vieille table, bien qu’il observait le plafond d’un air songeur il avait toujours Krish dans son champ de vision, qu’il soit périphérique ou non, le principal était qu’il pouvait attester de sa présence via le plus de sens possible ; quatre sur cinq c’était pas si mal et il l’aurait bien embrassé pour ajouter le cinquième à la liste mais pour le moment, et le futur proche, bouger ne faisait pas vraiment partie de ses plans.

A la place Myr’Hennis réfléchissait à ce qu’il lui avait demandé et il devait admettre qu’il était quelque peu déçu de ne pas avoir pu assouvir son fantasme mais cette pointe de déception était contrebalancée par le fait qu’il se serait retrouvé seul avec Uriz et que sans Krish ça n’avait pas de sens. Alors certes il aurait pu étreindre un dieu, une chose dont bien peu pouvaient se vanter, d’ailleurs il aurait été fort probable qu’il en soit mort, c’était d’ailleurs peut-être pour ça que bien peu pouvaient s’en vanter ; mais ç’aurait été écarter Krish et ça il n’en était pas question. D’après elle il n’était pas possible d’avoir les deux en même temps et même s’il lui faisait confiance une partie de Myr’Hennis lui soufflait que ça devait bien être possible et qu’il n’avait qu’à fouiller les bibliothèques du Puy, et notamment les ouvrages sur les avatars pour trouver un précédent. Il balaya l’idée ridicule d’un revers de la main pour se reconcentrer sur le mouvement amorcé par l’avatar en question.

Il plia le bras qui était sous Krish pour ramener sa main sur l’épaule de son amante et la serrer contre lui. Un frisson remonta sa colonne vertébrale en sentant l’ongle passer sur sa peau. Ça l’amusait de voir qu’un geste si simple l’affectait autant. Mais il n’eut pas vraiment le temps d’y réfléchir car l’ongle parcourant sa peau ne le fit pas bien longtemps, la main à laquelle il appartenait préférant visiblement remonter vers sa gorge. Myr’Hennis ne mit pas bien longtemps à deviner ce qui intéressant sa compagne et à son toucher le souvenir d’un délicieuse morsure lui revint en mémoire. Il baissa donc la tête pour regarder le cou de Krish et il ressentit une pointe de déception en remarquant que la marque qu’il avait apposé ne s’était pas encore matérialisé. Un sourire joueur passa tout de même sur ses lèvres car ça n’était qu’une question de temps.

« Ne t’inquiète pas, nous serons bientôt quittes. » Sa respiration s’était calmée, reprenant un rythme plus normal, tout comme son cœur, donnant à sa voix un air plus mélodieux, plus posé, qui n’était pas vraiment celui qu’il avait d’ordinaire.

- J'y compte bien. Ce serait dom... " La voix rauque qui portait le trait d'humour décéda littéralement dans une brève quinte de toux. Tant pis. " Oublie. " Ça n'avait rien d'important. Krish se pelotonna juste un peu plus contre son amant, comme un chat cherchant la place la plus confortable possible contre son flanc.

Machinalement, elle avait gardé sa main dans la sienne. Une attention qui faisait partie de lui. La plupart du temps, lorsqu'elle ne se réveillait pas dans ses bras, elle sentait au moins ses doigts autour des siens. Plus d'une fois, elle s'était même réveiller en s’apercevait qu'elle avait serré sa paume par réflexe durant son sommeil. Les légères irrégularités de ses phalanges déformées par les arts qu'il pratiquait, elle les connaissait par cœur et maintenant qu'elle se complaisait dans le présent, leurs doigts entremêlés ajoutaient à son bien-être.

Contrairement à l'esprit vagabond de son aimé, c'était un calme paisible qui habitait l'esprit de Krish. Plus qu'un calme, c'était même une forme de silence détendu ou les sensations et les émotions existaient bien plus que les idées construites. En temps normal un milliers de causes et de conséquences se bousculaient. Au camps sud encore plus qu'ailleurs étant donné ce qu'elle représentait pour les eldéens depuis quelques années à présent. Elle tentait de cloisonner plusieurs parties d'elle pour les faire cohabiter... Avec plus ou moins de succès. Si en combat, elle arrivait à rester parfaitement concentrer, pour le reste c'était déjà plus chaotiques. Il y avait sa soif de sang et sa vision des choses sur le long terme qui se battaient en permanence. Sa nonchalance et sa misanthropie qui s'amusaient à mettre à mal son sens du devoir. Sa fascination pour les talents encore brute qui lui donner envie de faire des paris par trop dangereux. Et parmi ce fourmillement paradoxal, elle se prenait sans cesse à avoir une pensée pour Myr'Hennis. Même s'il n'était pas présent physiquement à l'état major, que quelqu'un affiche un avis de brute et elle se rendait compte trop tard qu'un sourire s'était frayé un chemin jusqu'à ses lèvres à l'évocation du visage dédaigneux de l'Architecte face à un tel manque de finesse. Lorsqu'elle remarquait un dessin, une peinture ou une sculpture du coin de l’œil, les différences avec le style de son compagnon lui venaient instantanément. Mais à ce moment précis, elle n'avait pas besoin de raison particulière puisqu'elle l'avait tout entier pour elle. Cette journée était décidément parfaite, jusque dans ses défauts.

- Je n'avais pas prévu que ça se passeraient dans cet ordre. " sourit-elle du fin fond de son contentement.

« Ça serait dommage de ne pas être assortis ? »

Il ne savait pas vraiment si c’était ce à quoi elle pensait et c’était bien pour ça qu’il l’avait à moitié dit comme une question. Toutefois elle avait raison, ce n’était pas vraiment important. Il la serra davantage contre lui, il n’avait pas non plus imaginé que ça se passerait ainsi mais en même temps il ne savait pas vraiment quoi imaginer lorsqu’ils étaient sortis leur chambre. Cependant il n’avait pas de quoi se plaindre car la journée se passait très bien et il avait hâte de voir la suite. Du moins sa hâte n’était pas encore plus forte que son envie de rester allongé près de Krish.

Toutefois pendant que les deux amants restaient immobiles, profitant l’un de l’autre, les gardes, eux, n’avaient pas ce loisir. En effet ils devaient faire ce pour quoi ils étaient payés même s’ils préféraient toucher leur salaire sans avoir rien à faire. Le problème étant que s’ils ne faisaient vraiment rien, s’ils n’attrapaient personne alors ils auraient du mal à justifier leur coût à leur employeur alors même s’ils étaient loin de faire du zèle ils se devaient d’agir et d’au moins aller jeter un coup d’œil lorsqu’ils entendaient un cri retentir dans les pièces vides du troisième étage. Ils auraient pu se dépêcher, certes ç’aurait été plus rapide, mais de toute façon il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire et puis il faisait bien trop chaud pour travailler surtout après avoir bu du puulkow, la fameuse boisson au citron d’Imaad. Alors la poignée de gardes chargé d’enquêter sur cet étrange cri qui, d’après ce qu’on leur avait dit, n’avait pas semblé provenir d’une âme en peine, ne se pressait pas trop ; d’ailleurs pour avoir quelque chose à faire plus longtemps et ne pas mourir d’ennui en se tenant sur leurs armes d’hast afin d’être certain de ne pas tomber s’ils finissaient par s’endormir debout, ils avaient aussi fouillé le second étage, sait-on jamais. Toutefois lorsqu’ils arrivèrent au troisième étage Myr’Hennis ne les entendit pas, ses sens encore émoussés, de toute façon il n’avait pas vraiment l’habitude de tendre l’oreille dans l’espoir d’entendre venir des gardes avant que ces derniers ne le prenne par surprise alors même s’il n’était pas alanguis sur la table il ne les aurait probablement pas entendu non plus ; qui plus est la porte semblait épaisse alors les sons avaient d’autant plus de mal à passer.

Le premier garde, un humain dans la vingtaine, une sorte de garde à l’essai, était le premier arrivé à l’étage. Ses collègues plus expérimentés l’avaient envoyé en premier pour pouvoir continuer à trainer et puis parce qu’ils n’avaient pas vraiment envie de réprimander deux serviteurs qui s’étaient éclipsé pour trouver un endroit plus privé ; après tout les gardes n’étaient pas vraiment en position de leur lancer la première pierre pour abandon de poste.

- Puisque nous sommes à ce point raccord cela vaudrait le coup de sortir dans le grand monde. Il y aurait de quoi rendre jaloux les princesses et leurs rivières de diamant. " rit-elle à demi après avoir parlé tout bas histoire de permettre à sa gorge de reprendre ses marques sans forcer. Elle frissonna en le sentant resserrer sa prise. Déjà qu'elle n'était pas vraiment décidé à bouger, mais là, elle avait visiblement oublié toute velléité d'investigation sournoise. " Tu sais... Te voir maîtriser ce garde si facilement... Que tu le fasses pour moi en plus... Tu m'as impressionné... Et je crois bien que c'était la première fois que je me sentais flatter d'une prise de pouvoir aussi... bestiale. " Son sourire matois choisissait avec soin les mots qu'elle murmurait à son oreille. La fameuse Bête de la Sanguette qu'il lui avait présenté un peu plus tôt n'était pas si loin et elle avait finalement décidé de ne pas laisser le manque d'à-propos de son amant lui gâcher cette expérience pour le moins attrayante. " Noble et vif... Un vrai Phish'Oura. " Ses doigts reprenaient leurs caresses répétitives. " Enfin... Pour l'instant tu ne regrettes pas trop notre balade j'espère ? "

Se tortillant un peu, elle vint quémander un baiser du bouts des lèvres sans vouloir se redresser pour autant. Elle en tout cas était plus qu'heureuse d'avoir accepter " l'ultimatum " de son aimé au final. Oublier le Camp Sud, Sol'Dorn, la pression... Non. Tout cela ne méritait pas de figurer une seconde de plus dans les pensées de l'eldéenne.

Une porte la coupa dans son élan pour quelques mots supplémentaires. Derrière elle. Un frisson douloureux lui remonta le long du dos. Elle se redressa d'un coup, l'esprit parfaitement clair. Son cœur battait à grands coups lents... En appuis sur un bras, roulant sur la hanche, son corps nu s'était à demi retourné. Quelques peluches de poussières ornaient sa crinière encore attachée mais à moitié défaite.

Un tout jeune humain était planté sur le seuil, la bouche un peu ballante, fusillé par le regard mécontent d'une femme nue. Vu l'avis de ses doctes aînés, il pensait trouver deux serviteurs en train de se rhabiller. Ou encore mieux, ils auraient eu le temps de filer avant qu'il n'arrive et il n'aurait rien de gênant à mettre dans son rapport de fin de journée. Mais non. Arcam avait voulu qu'il tombe sur deux amants encore enlacés et posé sur une table comme s'ils étaient chez eux... Et avec ça, le regard qui l'avait saisit était encore plus accusateur que celui du capitaine quand il l'avait surpris à fureté du côté des bains des officiers. Par réflexe, il avait rentré la tête dans les épaules et le rouge lui était monté aux joues, avant qu'il ne se reprenne un tant soit peu pour se racler la gorge. Comment pouvait-on prendre son travail à ce point à la légère ?

Avant d'aller voir, les gardes de l'intérieur du palais étaient allé se renseigner à l'extérieur pour savoir s'il devaient aller voir ou si quelqu'un avait eu quelque chose a faire dans les étages qui ne devait pas figurer dans les notes de la journée. Mais non. Il y avait juste Hanz qui râlaient que les deux jeunes drows sensé s'occuper de ses parterres n'étaient toujours pas au travail. Un plus un étant souvent égale à deux, le jeune homme se doutait de l'identité des deux énergumènes qu'il avait sous les yeux. Et puis la dame avait pas l'air d'être capable de la moindre pudeur. C'est donc en essayant de ne pas détourner le regard pour paraitre aussi inquiétant que possible, qu'il carra les épaules, prit un air renfrogné et gonfla la voix.

- Non mais ça va pas ? Hop hop hop. C'est pas un bordel ici. On se rhabille et on va gentiment me suivre. " Il laissa la hampe sa hallebarde claquer dans sa seconde main d'un air menaçant pour ponctuer sa phrase. Il avait vu le capitaine faire ça une fois... mais pas dans l'encadrement d'une porte. Ce fut le plat de la lame qui claqua contre la pierre, lui faisant rentrer un bref instant la tête dans les épaules avant de reprendre péniblement contenance et d'avancer un pas comme si de rien était. " Vous allez voir à quel point le patron aime les tires au flanc !"

Pendant une seconde, Krish s'était demandé si elle ne ferait pas mieux de jouer la carte de la séduction. Un jeune humain en service, il n'y avait pas plus facile à retourner... Mais c'était sûrement se donner trop de peine pour rien et puis ses copains étaient sûrement dans le secteur. Profitant de son monologue assuré, elle s'était penché une fois de plus vers son amant, soufflant en faisant mine de lui poser un baiser sur la joue.

- Tu peux courir ?

La remarque fit rire Myr’Hennis, oui, sortir dans le grand monde pourrait être une bonne idée, il devait bien y avoir régulièrement des fêtes organisées à Thaar alors pourquoi pas ?

« Nous pourrions, oui, malheureusement si tu t’habilles pour une fête tu vas me voler la vedette et je ne suis pas certain d’être prêt pour ça. » Son sourire disparut progressivement alors qu’il l’écoutait et qu’elle semblait sérieuse. Toutefois il ne put s’empêcher un gloussement au choix de mot de son aimée. « Un Phish’Oura… quoi de mieux pour aller avec une fern ? » Comme quoi ils étaient vraiment assortis, il ponctua ensuite sa phrase d’un baiser sur le front avant de poursuivre. « Content que ça t’ait plut en tout car il va falloir t’y habituer, tu es à moi à présent et je dois t’avouer que si tu ne faisais pas la même chose pour moi je serais un peu déçu. Mais pour répondre à ta question : je n’ai pas encore regretté une seule chose à tes côtés, même pas les pires moments. »

Tel le grand prince qu’il était, Myr’Hennis accorda à sa chère et tendre le baiser qu’elle requérait, lui caressant le visage de sa main libre jusqu’à ce que le baiser fut rompu et en voyant ces jolies lèvres il eut envie de l’embrasser à nouveau. Toutefois, en bon gentilhomme qu’il était, il ne put se résoudre à la réduire au silence, fut-ce d’un baiser alors il prit son mal en patience. Un mal qu’il ne pensait pas devoir prendre en patience bien longtemps en réalité mais il semblait que les dieux avaient d’autres plans en tête lorsqu’un humain entra dans la pièce. Du moins il ne sut pas tout de suite que c’était un humain, ce fut la réaction de Krish qui lui indiqua que quelqu’un était rentré, il n’avait pas vraiment fait attention au bruit de la porte, et il fut presque soulagé en voyant qu’il s’agissait là justement d’un humain et non du demi-drow à la tête d’une meute de chiens. Il se rassit donc en grognant, davantage parce que le mouvement avait réveillé son mal de dos que parce qu’ils avaient été interrompus. En réalité ladite interruption pouvait être facilement neutralisée ; bon peut-être pas par Myr’Hennis lui-même mais l’avatar d’Uriz pourrait bien se débrouiller et réussir à se débarrasser d’un jeune garde qui, visiblement, avait du mal à se dépatouiller avec sa hallebarde, du moins quand il arrivait à la garder dans ses mains. L’architecte pourrait bien retenter le même coup qu’avec le demi-drow mais l’humain ne le laisserait sans doute pas approcher aussi près et puis il n’avait pas d’épée, seulement une dague comme arme de secours.

Il poussa un autre grognement, cette fois c’était plus pour protester contre l’idée de son amante qui ne lui plaisait guère, encore engourdis qu’il était. Néanmoins il fallait admettre que ce n’était pas forcément une mauvaise idée, après tout le garde est un animal grégaire alors se débarrasser d’un d’entre eux ne ferait que gagner un peu de temps si ce n’est empirer la situation.

« Je vais essayer... » souffla-t-il comme seule réponse. Il y arriverait, cela dit il ne pouvait promettre de courir plus vite que l’humain, mais il voulait surtout récupérer leurs vêtements au passage.

Le nez de Krish se tordit légèrement. Myr'Hennis n'avait pas l'air convaincu. Bon... Elle se tourna à nouveau vers l'humain.

- Bordel ! Mais vous avez pas fini ? " renifla l'humain en les voyants se bécoter une fois de plus. Cette fois, il serra d'avantage sa hallebarde et la pointa vers eux, menaçant à l'excès.
- ça va. On s'habille. " sourit l'eldéenne en se tournant pour descendre de la table. ELle n'eut même pas le temps de commencer à rassembler ses vêtements épars que l'humain faisait un pas en arrière, le visage soudain chiffonné. " Quoi ? " Suivant son regard, elle arriva à son propre bras gauche. Si l'arc très léger qu'avait pris l'os de l'épaule au coude était devenu imperceptible avec le travail des prêtres, des cicatrice larges et épaisses le quadrillaient toujours comme un filet de pêche. Et pour le coup, s'il n'était pas prévenu, ça faisait pas tout à fait jardinier... Ou alors un jardinier particulièrement aventureux qui s'occupait du jardin de Leetha au cœur du Puy d'Elda. " Ah. Souvenir d'enfance. " éluda-t-elle laconiquement en s'éloignant de quelques pas pour ramasser la tunique de son compagnon tombée sur un meuble voisin. Elle l'envoya à son propriétaire avant d'enfiler son propre pantalon.

Elle était en train de rajuster sa ceinture d'un mouvement vif lorsque claquement de semelle lui firent dresser les oreilles. D'autres. Trois ? Deux. Dans les escaliers. Avant d'avoir mis la main sur sa brassière ou sur sa ceinture glissée sous la table, elle s'approcha de l'humain.

- Oh ! Si tu veux descendre comme ça, pas de soucis. " Il déglutit en dardant résolument les yeux sur le visage de la femme à la peau d'encre. " Mais tu te calmes et tu attends. "
- A vos ordres... " sourit-elle en continuant à s'approcher.

Il tressaillit, comme s'il voulait faire un pas en arrière, mais fronça d'autant plus les sourcils. C'était sa première ennéade, il pouvait s'occuper de deux branleurs désarmés quand même! Dans un mouvement répété un millier de fois à l'entrainement, il porta un cou vers la gorge de l'importune pour la repousser en la prenant au collet entre la pique et la lame... Et ouvrit de grands yeux en voyant la femme esquiver d'un pas et poser la main sur la hampe de l'arme. Un pas pour reprendre possession de son bien et lui frapper dans le tibias avec un mouvement de balancier... Et sentit un chassé faire plier ses genoux par derrière. Une exclamation de douleur lui échappa avant qu'il se retrouve au sol, suspendu à la hallebarde qu'il ne voulait pas lâcher.

- Mehdi ! " eut-il à peine le temps d'appeler avant qu'un second coup de pied lui écrase le diaphragme. Cette fois, le bois fila sous ses doigts sans qu'il puisse le retenir. Une cavalcade arrivait au palier derrière lui lorsque la porte se ferma d'un coup sec. Les double battant avaient ça s'intéressant qu'il suffit de passer la hallebarde entre les poignées pour qu'elle ne puisse plus s'ouvrir. Une poignée de seconde plus tard, alors que le jeune humain était en train de cracher ses poumons et un peu de bile sur le sol, la cavalcade à l'extérieur pris fin contre le bois épais de la porte. Certes, elle ne tiendrait pas indéfiniment, et il y avait bien d'autres accès à cette grande salle, mais c'était déjà ça.

Krish, le sourire aux lèvres, finissait à peine de se rhabiller sans prendre le temps d'ajuster complètement sa tenue. Sans attendre davantage, elle couru ouvrir deux portes, traçant des sillons dans la poussière, avant de s'emparer de la main de Myr'Hennis." Et même pas obligés de courir. " ronronna-t-elle en pressant tout de même le pas.
« Bon j’ai encore deux ou trois choses à t’apprendre mais on va dire que c’était pas trop mal. Tu feras attention à tes appuis. » Il enfila finalement sa tunique, finissant rapidement de se vêtir avant de se lever complétement et de suivre sa chère et tendre en accélérant. Malgré leur fuite relative, elle pris le temps d'incliner la tête avec respect.
" Oui, Maître. " L'illusion était parfaite... jusqu'à ce que le coin de ses lèvres se relève. " Pour ma défense, j'avais les jambes raides. "

Dans leur dos, un gueulard continuait d'enfoncer peu à peu la porte après avoir donner l'ordre à son confrère de passer par un autre chemin. Comme si elle ne l'entendait pas, elle lança à son compagnon sur un ton enjoué " Tu préfères qu'on passe par la bibliothèque, les jardins ou les thermes ? Hmm... Il doit y avoir une galerie d'art encore presque intacte un peu plus haut aussi.
- Va pour la galerie d’art, on descendra visiter le reste plus tard.
- Oh. Monsieur à du goût. "

Aussitôt dit, elle guida son compagnon jusqu'à l'escalier principal menant aux étages supérieurs puis bifurqua dans des passages plus étroits et même un escalier de service. Et ils montaient. Montaient. Montaient. Heureusement, les détours qu'ils faisaient à chaque étage leur permettaient de reprendre leur souffle entre deux interminables volées de marches. Ils entendaient souvent les claquement de bottes et les cris de ceux avec qui ils jouaient à cache-cache. Deux fois, le cœur de Krish rata un battement et ils durent faire volte face précipitamment. Là, ils ne purent éviter de courir un peu, mais jamais bien longtemps. Une porte ou un passage leur tendait toujours les bras.

Ils passèrent par des chambres, un bout de jardin couvert, un hammam hors d'usage mais carrelé de la plus fine mosaïque. Des corridors larges et somptuaires au charme toujours aussi brute. Une porte de plus et ils arrivaient dans une cuisine aux âtres froids. Ici, comme à plusieurs reprise dans les zones des serviteurs, Krish s'accorda un moment de réflexion avant de pointer une autre porte à partir de l'immense salle de préparation. Ils se glissèrent vers la salle de bal... Et s'arrêtèrent au bout de deux pas en entendant le grincement de la porte principale. Arrière toute !

La porte de la cuisine se refermait à peine sur eux lorsqu'une silhouette armurée fit son entrée sur la piste de danse. L'oreille coller au battant, Krish tentait d'estimer sa direction, mais les échos de l'immense salle vide lui rendait la tâche difficile... Jusqu'à ce que le battant sur lequel elle était appuyée vibre. Quelqu'un le poussait de l'autre côté. Elle fit littéralement un bon en arrière.

- Hey ! " Une voix se répercuta dans la salle de bal. La porte s'immobilisa, tout comme l'eldéenne qui ne voulait pas faire un bruit. De là ou elle était, elle voyait deux doigts gantés de cuir dans l'embrasure et elle ne bougerait que si son compagnon l'y poussait. " Les chiens ont trouvé quelque chose dans l'ancien corps de garde. Au sous-sol. Y a un passage qu'on connaissait pas.
- Les soit disant jardiniers tu penses ?
- Peut-être. En tout cas y a un monstre qui sent le choux aussi dans ce tunnel.
- Hein ?
- Pfff... On s'en carre. Moi j'm'en fout. Mais le capitaine veut voir tout le monde en bas.
- Quoi ? Mais on fait quoi pour les deux intrus ?
- On est pas assez nombreux qu'il dit. Ils peuvent aller où ils veulent, on les cueillera quand ils essaieront de partir. A moins de savoir voler, ils pourront pas sortir autrement de toute façon... Ou ils crèveront de faim quelque part dans cette termitière et le job sera fait tout pareil. " Un bruit de cote de maille ponctua ce qui avait tout l'air d'être un haussement d'épaule. L'homme qui tenait la porte soupira... Puis lâcha et s'en retourna d'où il venait. Attendre, c'était décidément ce qu'ils faisaient de mieux.
- ça compte comme une bonne ou une mauvaise nouvelle ? " chuchota l'eldéenne lorsque les échos eurent disparus.

La salle bal donna une idée à Myr’Hennis mais avant qu’il n’ait plus la verbaliser, du moins la proposer à sa chère et tendre, cette dernière l’attira dans une pièce annexe, en voyant que quelqu’un essayait d’entrer l’architecte se mit sur le côté de la porte, prêt à tenter quelque chose, aussi futile que ce soit. Toutefois les dieux semblaient être avec eux vu que le garde fut arrêté par son camarade, l’eldéen retint un soupir de soulagement après leur rapide conversation quand ils s’en allèrent. Il se tourna ensuite vers Krish, un sourire joueur sur les lèvres... Sourire qu'elle surpris en tournant la tête après avoir vérifier que les deux gardes avaient disparus. Un sourire qui avait de quoi faire craindre le pire comme le meilleur.

« Assurément comme une bonne. Tu n’as pas envie de voler ?
- Qu'est-ce que tu mijotes ? » Il lui prit la main et de l’autre il poussa lentement la porte dans l’espoir qu’elle ne fasse pas de bruit. Myr’Hennis attira ensuite sa compagne dans la salle, son sourire illuminant toujours son visage. « Laisses moi donc t’apprendre comment on fait. » Il passa une main dans le creux de ses reins et attrapa l’autre. Ce n’était pas vraiment le moment mais l’occasion se présentait et il lui avait promis qu’il lui réserverait une danse et il comptait tenir sa parole ; alors certes c’était il y a cinq ans mais mieux vaut tard que jamais comme on dit.

La surprise et la suspicion firent place à un sourire joyeux... Et particulièrement touché. « Je n'ai donc plus qu'à me faire ton humble disciple ? » Si l'eldéenne semblait faire de sacrés efforts pour le cacher derrière une expression plus mordante, ses yeux ne parvenaient pas à mentir. Il lui avait dit un jour qu'il était incapable de cacher ses sentiments, mais depuis quelques temps, il pouvait être sûr d'avoir transmis cette maladie à sa compagne. La noblesse grandiloquente de ses gestes l'attendrissait toujours autant. Beaucoup auraient pu y voir un défaut, mais elle ne pouvait s'empêcher de trouver ça charmant.

La main de la noire elfe vint se loger sur l'épaule de son cavalier. En l'absence de musique il n'y avait que le rythme de leurs respirations pour guider leurs pas. Krish tentait de s'appuyer sur la façon dont l'épaule la happait ou la repoussait pour lui donner la distance adéquate. Elle suivait le tempo lent de la main qui tenait la sienne, mais la tache était moins facile qu'il n'y paraissait. Elle manqua de lui marcher sur les pieds et heurta une fois son torse mais parvint finalement à trouver ses marques tout en étant assez à son aise pour le regarder dans les yeux.

- C'est impossible de garder un programme avec toi, tu sais... Moi qui pensait qu'on arriverait facilement au dernier étage, tu arrives toujours à détourner mon attention vers des frivolités. " sourit-elle, en une fausse récrimination. Leurs murmures parfaitement audibles ne se répercutaient pas sur les murs nus, mais qu'ils haussent un tant soit peu le ton et l'écho serait sans pitié. " Mais bon... Si je dois rendre les armes pour apprendre à voler, j'ai besoin de savoir quelque chose de particulièrement important, cher professeur. Combien de temps devrons-nous continuer nos leçons avant que je soit prêtre à faire mes débuts dans le grand monde ? "

« L’humilité te va si bien, mon amour. » Son sourire s’était une seconde teinté de moquerie. « Toutefois ma chère élève, tu n’as qu’à me suivre, je ne doute pas que tu y arrivera sans problème. »

Si Myr’Hennis ne savait pas se battre il savait au moins danser et d’ailleurs bien souvent lors de combats ses mouvements étaient ceux d’un danseur, privilégiant la beauté du geste plus que son efficacité et c’était bien là la raison de ses défaites ; et après chaque défaite il voulait un peu moins se battre, en réalité les seuls fois où il avait battu Vaervy c’était lors de combats rituels. Alors lorsqu’il était question de réellement danser il se trouvait dans son élément. D’une pression de la main dans le dos de sa compagne il raffermit sa posture, alors certes sa main était posée plus basse que c’était normalement le cas pour cette danse mais vu qu’ils étaient seulement deux il pouvait se permettre de ne pas la placer sous l’omoplate de sa chère et tendre. Il prit donc un temps pour s’assurer que leur position soit la bonne : le pied gauche légèrement en arrière et le droit en avant, que l’écart soit parfait que le seul point de contact soit au niveau du bassin.

« Penche toi légèrement en arrière, je dois pouvoir sentir le poids de ton corps dans ma main. »

Sans musique pour les accompagner et surtout donner un rythme l’architecte usa de ses souvenirs et de ses habitudes, n’ayant aucune idée du niveau de sa cavalière il choisit une valse lente et fit, littéralement, le premier pas. Au départ il commença à compter en murmurant, faisant un pas à chaque temps, le troisième temps étant ponctué d’un quart de tour ou d’un demi-tour. Ces premiers gestes étaient raides, plus lents que nécessaire, pour être certains qu’ils soient aisément suivables puis il accéléra pour trouver une allure plus normale, ses mouvements se firent plus fluides, et enfin il arrêta de compter. Alors forcément il y eut des ratés mais l’apprentissage passe toujours par des erreurs.

Il était resté silencieux jusque-là pour éviter de déconcentrer sa compagne mais si c’était elle qui initiait une conversation il n’allait pas se priver, il n’y avait plus qu’à espérer qu’elle était assez concentrée pour discuter ; se faire marcher sur les pieds, bien que ce n’était pas si douloureux que ça, n’était jamais agréable alors autant l’éviter si possible. Le troisième temps coupa au milieu la phrase de Krish lorsqu’il fut temps de faire un demi-tour pour sortir du coin de la salle.

« Je te présente mes excuses, très chère, mais je te devais une danse et je tiens à respecter ma parole. Cependant apprendre à voler n’en vaut-il pas la peine ? Mais soit, vu que ça déplait à ma reine, à partir de maintenant je tempérerais… ma folie. » Un quart de tour ponctua sa phrase et un sourire joueur sur un visage que l’architecte tentait désespérément de garder d’un sérieux mortel accueillit la question. « Ô pupille de mes yeux j’ai bien peur de deux choses. La première c’est qu’il va te falloir une robe pour réellement voler et la seconde c’est qu’il va falloir beaucoup de leçons. Toutefois dans peu de temps nous pourrons danser aux fêtes thaaries sans pour autant nous ridiculiser. » Un nouveau quart de tour acheva sa phrase. « Mais j’ai moi aussi une question : te sens-tu prête pour accélérer ? »

Lui devoir une danse ? Quand lui avait-il promis une danse ? Elle chercha les occasions dans sa mémoire, essayant de trouver un jour, une discussion où il aurait pu lui promettre une danse ou lui en devoir une... A Thaar ? Si C'était au long de leurs vie quotidienne au camp elle aurait été bien en peine de retrouver le moment exacte. A Elda ? Cela faisait bien longtemps pour qu'il ramène aujourd'hui une phrase jetée en l'air ? Un quart de tour complexe vint troubler ses pensées. Malgré le manque de musique, elle parvint à le négocier, non sans poser un pas de trop qu'elle récupéra sur le temps suivant. Au final, elle réfléchissait sans doute pour rien. C'était pour son personnage, pour la beauté du cavalier lui ayant gardé une danse dans une fête bond...

La réception au palais à la fin des Purges.

La surprise passa dans ses iris. Il ne faisait tout de même pas référence à cette soirée là ? Entre Ran'Lyn, Viconia, Urgoll, Valsrik' et cette petite putain grisonne, elle avait à peine pu profiter du temps qui lui restait pour saluer les hauts représentants du Puy qui auraient pu prendre ombrage de son silence. Au bout du compte, mis à part la danse qu'elle avait eu avec Ran'Lyn pour lui expliquer ce qui se passerait s'il s'en prenait à nouveau à un triumvir, elle ne se souvenait pas avoir pu profiter des musiciens. Quand à Myr'Hennis... Elle se souvenait de son impressionnant manteau, mais c'était à peu près tout. Si c'était bien à cela qu'il faisait référence, alors il était réellement fou... Et l'idée qu'il se souvienne de ce genre de petits détails des années avant qu'ils ne se rapprochent lui donnait un tel sentiment de sécurité qu'une joie simple illuminait malgré elle son visage.

- Tu n'as rien à tempérer. Je suis définitivement la plus folle des deux. "

Son regard se fait langoureux, mais elle ne prend pas le risque de briser la fluidité de leurs mouvements lents. Sans la musique c'est décidément autre chose. Elle n'a que ses mouvements à lui pour se synchroniser. C'est presque plus intime qu'une véritable valse.

Danser, elle y avait passé de longues heures. Il s'agissait bien plus de danse de représentation ou de danse libres que de danses de salons réellement codifiées, mais avec le sens du rythme, la musique et de solides bases, elle suivait sans peine les passes à la mode. Elle aimait danser. Elle aimait les regards, les effleurement, la connivence ou l'opposition qui s'installaient entre les questions d'un corps et les réponses de l'autre, les promesses indécentes qui ne s'avouaient que d'un battement de cil et ne duraient que le temps d'une mélodie. Son grain de folie à elle ne pouvait se satisfaire de seulement danser. Lorsqu'elle entrait en piste, elle devait briller. Si ce n'était aux yeux de tous, au moins aux yeux de ses cibles du moment. Alors elle conduisait, elle envoutait, elle aguichait, elle défiait pour prendre le dessus. Mais simplement suivre, c'était une expérience d'autant plus rare qu'elle ne la pratiquait généralement non pour la danse mais pour l'occasion d'échanger quelques mots en privé dans un espace bien trop peuplé.

Hors de l'absence de musique, elle n'avait donc pas de difficulté particulière à suivre Myr'Hennis, mais prendre du plaisir à suivre les pas sans autre but était loin d'être une habitude. Les compliments et les surnoms extravaguent qu'il lui donnait allégeaient toujours plus son humeur. Une part d'elle trouvait ça toujours aussi puéril et idiot mais c'était plus fort qu'elle. Et une robe...

- Et bien j'ai laissé une robe ici la dernière fois que je suis venue, mais je ne pense pas qu'elle y soit encore. Il faudra sûrement que tu en trouve une à la hauteur des t... " Prise de court, elle se reconcentra sur ses pas sous le regard amusé de son amant. "... des talents de ton élève. " Ses lèvres s'arquèrent avec un peu de dédain pour l'erreur qu'elle venait de commettre. Remarque, tant que les leçons étaient avec lui, elle pouvait bien avoir besoin d'un nombre considérable d'entre elles...

- Sans musique ? " Elle releva les yeux lorsqu'il la mis au défi... avant d'être piquée à vif par son sourire. Elle bougea un peu les épaules pour se détendre et s'appuya un peu plus sur la main au creux de son dos, les mains toujours légères au contact de son cavalier. " Je suis prête. " Joueuse, un rictus confiant défia le jeune homme qui n'attendit pas plus pour doubler le pas.

Si la façon de bouger de Krish était généralement instinctive mais approximative, celle de Myr'Hennis était précise et non dépourvu d'une certaine grâce... Et elle le complimenta à voix basse. Deux fois, elle eut le réflexe de résister à à une impulsion, comme pour reprendre la guidance, et deux fois elle finit les jambes emmêlées dans celles de son cavalier et à deux doigts de chuter, si la main dans son dos ne la retenait pas. L'Architecte se faisait alors un malin plaisir de la remettre sur le droit chemin. Savoir que leur possibilité de sortie était bloquée par les gardes ne semblait les inquiéter ni l'un ni l'autre. Ils restèrent dans la salle de bal un moment. Que l'eldéenne se contente de suivre sans opposer de résistance et la danse se déroulait bien mieux, mais elle finit quand même par s'écarter d'un pas. Deux et elle montrait d'un déhanché souple ce dont elle avait davantage l'habitude en soiré, un sourire charmeur aux lèvres. Puis, ses bras passèrent à nouveau autour du cou de son compagnon, ramenée dans son giron pour une danse plus informelle et plus lente, permettant des murmures idiots à partir de sujets capitaux absolument dépourvus d'importance.

- Dit-moi. Il y a encore beaucoup de Vect dans ta branche familiale ? " demanda-t-elle après quelques instants d'un silence détendu, ses doigts peignant distraitement les cheveux d'argent de Myr'Hennis.
- Beaucoup, non. Enfin je ne connais peut-être pas tout le monde et parmi ceux que j’ai le bonheur de connaître, à qui je ne parle pas ; notamment un cousin dans les osts et une autre qui contrôle un bout de la Basse-Fausse. Toutefois je vais peut-être renouer contact avec elle pour m’implanter à Thaar, elle sera peut-être de bon conseil. Si elle est encore en vie.
- Un militaire et une mafieuse... Je devrais pouvoir m'y faire. " Au-dessus de son sourire joueur, ses yeux brillaient d'une lueur bien plus tendre en cherchant ceux de son aimé. " Pas que j'ai des à priori, mais il faut bien que je sache qui sera concerné par notre alliance une fois que nous serons mariés. "

« Je ne savais pas que c’était un concours. » Répondit-il avec un sourire.

Maintenant qu’il y pensait ce n’était pas impossible, ils semblaient en effet rivaliser de folie. Toutefois la question se posait : lequel était le plus fou, celui qui proposait quelque chose ou l’autre qui acceptait sans y réfléchir ? De toute façon à quoi bon tenter d’y répondre ? Il chassa donc la question de son esprit pour se concentrer sur son aimée, il n’avait pas besoin de faire très attention à la danse, avec l’habitude s’en était presque devenue automatique, même sans musique. Il haussa un sourcil avant de se dire qu’elle était sûrement venue ici il y a un moment et pas au cours de l’année. Alors l’erreur de cette dernière le fit sourire.

« Nous trouverons une robe qui t’ira à merveille pour une situation mondaine mais pour les leçons j’ai bien peur que tu devras faire sans. »

Son sourire se fit sardonique, s’agrandissant devant la question mais contrairement à ce qu’il pensait elle ne refusa pas alors il accéléra, graduellement, par plateau, s’assurant qu’elle puisse suivre avant d’aller un peu plus vite. Il accepta le compliment d’un hochement de tête avant d’accélérer encore un peu. La première fois où elle résista Myr’Hennis ne dit rien, même s’il avait l’air agacé, reprenant comme si de rien n’était. Toutefois, la seconde, il ne put s’empêcher de réagir.

« Tu veux qu’on inverse les rôles? »

C’était dit sur un ton moqueur et il aurait sûrement dû se rendre compte que si elle ne voulait pas forcément changer de rôle elle voulait peut-être changer de danse. Le déhanché le fit sourire, lui rappelant de bons souvenirs, et son sourire lui donna envie de l’embrasser. Il déglutit, chassant de ses pensées ses envies, maintenant qu’ils étaient bloqués ici ils allaient devoir être discrets ; au moins un peu. Les mains de Myr’Hennis se posèrent sur les hanches de sa chère et tendre, continuant lentement de danser la tête baissée, même si ce n’était plus une valse, pour avoir le loisir de déposer un baiser sur les lèvres de Krish lorsqu’il le souhaitait.

La question le prit au dépourvu, laissant la surprise se lire sur ses traits une seconde ou deux. Il haussa un sourcil, se demandant bien d’où pouvait venir une telle question avant de répondre. Il y avait encore des Vect au Puy mais son siècle d’isolation l’avait coupé de la grosse majorité d’entre eux ; de toute façon pour beaucoup ce n’était pas une grande perte. Son cousin militaire était… et bien justement : militaire. En réalité c’était par jalousie qu’il avait coupé les ponts avec lui, fatigué alors qu’il n’était même pas encore apprenti du Grand Architecte d’entendre son père se lamenter, demander aux dieux pourquoi est-ce qu’il avait eu Myr’Hennis comme fils et non Velk’Han. Quant à la mafieuse ils étaient proches fut un temps mais durant le siècle d’isolement de l’architecte ils ont fini par se séparer. Il ne posa pas de question, se disant qu’elle allait lui expliquer la raison de cette question et en effet il ne fut pas déçu. Ses yeux s’agrandirent et un grand sourire vint illuminer son visage, reflétant son cœur. Ce n’était, en soit, pas grand-chose, l’officialisation d’une alliance mais, sans vraiment savoir pourquoi, l’idée allumait en Myr’Hennis une joie qu’il n’avait pas ressenti depuis un certain temps.

« Dans ce cas j’espère que tu n’as rien avec les petites bêtes parce que notre mariage risque de faire revenir ma sœur. Et de ton côté : de combien d’Al'Serat vais-je devoir m’occuper ? »

Il était surpris. Elle avait réussit son effet. Mais plus que ce côté inattendu, c'était sa réponse qu'elle guettait, sans grand crainte mais sans certitude non plus. Rien est acquis, la vie s'était chargé de le lui rappeler et elle ne se serait pas hasarder à présumer des volontés de sa moitié dont l'esprit et les envies continuaient de la surprendre. Aussi, le sourire de Myr'Hennis transforma son reflet en une expression parfaitement rayonnante. Ce sourire valait pour elle plus que toutes les réponses grandiloquentes qu'il aurait pu formuler, et son visage le trahissait sans la moindre retenue.

La main dans les cheveux de l'Architecte le caressa plus tendrement. Le bras accroché à ses épaules la ramena plus étroitement contre lui malgré leur danse. Si la Triumvir était connue par beaucoup pour souffler le chaud et le froid au rythme de ses humeurs au point que beaucoup avaient du mal à lire en elle, Myr'Hennis avait pu également constater une franchise étonnamment innocente en matière de sentiment. L'expression qu'il avait sous les yeux en était l'exemple parfait.

Elle ne savait pas qu'il avait une sœur et elle aurait volontiers lancer une réplique sur les petites bêtes en question mais elle avait plus important à l'esprit. Au lieu de répondre tout de suite, elle vint réclamer un baiser particulièrement doux, surtout par rapport à la redécouverte des effets de l’adrénaline par le Grand Architecte. C'était un oui... Sans réflexion. Sans doute. Sans tambour ni trompettes. Une réponse aussi simple et souriante que l'avait été la question. Une évidence.

Elle était heureuse.

- Voyons... Déjà, l'avantage d'épouser une femme plus âgée : tu n'auras pas de beaux parents. Mes tantes ont sûrement eu des enfants mais ils ne sont pas venu me voir avant ma nomination en tant que Triumvir, donc pas besoin de s'en préoccuper, on peut les ignores superbement mis à part un petit cousin éleveur de chauve-souris. " Elle insista sur le dernier adjectif avec une mine de chat devant un canari rondelet. Si des arrivistes ne s'étaient pas encore présenter, nul doute sur le sort qu'elle leur réservait. " Ce qui fait qu'il ne reste que Elghinn, Driz'na et un inavouable secret. " Bien qu'encore légère et détendue, son compagnon la connaissait assez pour voir lorsqu'elle retrouvait un peu de sérieux au travers de leurs jeux. " Je prie pour que tu n'aies jamais à t'en occuper, mais je ne veux pas te le cacher. Mon frère Ren est encore en vie. C'est un hérétique que je suis sensée avoir sacrifier à Uriz pour mon millième anniversaire, mais j'étais en plein doute à cette époque et je l'ai laissé partir en faisant croire à sa mort. J'ai payé cette erreur et je la rectifierait sans doute un jour, mais c'est grâce à lui que nous avons été informé de l'arrivée des sylvains à Naelis. " Elle avait assez expié son faux sacrifice en passant dans les Ombres pour ne plus vraiment s'en vouloir à ce propos. Elle avait tellement changée depuis lors et Myr'Hennis savait à quel point, comme il savait que parmi les informateurs qu'ils avaient en Ithri'Vaan c'était le Chacal qui leur avait donné les informations sur les elfes. " Tu as encore le droit de reculer. " souffla-t-elle comme une boutade.

Désormais ce n’était plus qu’une parodie de danse, il bougeait simplement parce qu’il ne s’était pas arrêté jusque-là et qu’il avait peur que, s’il le faisait maintenant, il allait tout ruiner. Alors il continuait de danser lentement, ça s’approchait plus ou moins d’un slow mais par le rythme mais de toute façon ce n’était pas ce qui importait. Pour le moment il préférait profiter de la nouvelle et surtout de sa présence. L’endroit n’était pas vraiment celui qu’il aurait choisi ni ce à quoi il s’imaginait pour une telle demande mais ça non plus ça n’importait pas ; en réalité, même s’il aurait aimé que ce soit fait en grande pompe maintenant qu’il y réfléchissait davantage il préférait cet intimité qui n’était qu’à eux. Il y aurait bien des gens pour la cérémonie de toute façon alors autant profité du calme de cette salle de bal, sous les yeux des fantômes de danseurs d’autres âges, en supposant que le palais, et la salle en question, soit assez vieille pour être hantée, ce dont il ne doutait pas mais sait-on jamais.

C’était peut-être trop court comme répit mais il avait posé la question donc il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même si Krish parlait à nouveau d’autrui. Pas de beaux parents... c’était sans doute aussi pour ça qu’il aimait tant sa compagne. Ma futur épouse, se corrigea-t-il non sans une certaine fierté. La mention du petit cousin fit sourire Myr’Hennis.

« Il s’entendra bien avec ma sœur. »

Du moins le supposait-il, s’il élevait des chauves-souris ça leur donnerait un sujet de discussion, à condition que ce dernier aime parler de son métier évidemment. Le sourcil de Myr’Hennis s’arqua. Alors certes il n’était pas vraiment à un secret près, surtout que des choses inavouables ils en avaient tous les deux faits mais pour le temple d’Uriz elle n’avait pas dit que c’était inavouable alors il se demandait ce qu’elle avait bien pu faire de pire que ça. Il voulut rire de cette révélation qu’elle avait tant paré de mystère et de tabou mais comme ils devaient être un minimum discret et que la salle résonnait il se contenta de sourire, un sourire un peu moqueur il fallait l’admettre.

« Je ne sais pas si j’arriverai à vivre avec quelqu’un qui a fait ça. » Il fit ensuite mine de réfléchir à la proposition de Krish avant d’acquiescer et de faire un pas en arrière, prenant sa compagne par la main et la lâchant de l’autre. Puis il fit un autre pas en arrière pour l’attirer avec lui vers la porte. « Merci de m’en donner la permission. Maintenant que tout est réglé et que la danse que je te devais est finie, que dirais-tu de continuer notre visite ? » Il se retourna ensuite complétement vers la porte sans lâcher la triumvir, ne lui laissant pas vraiment le choix. Sa démarche était souple, rapide, presque bondissante. Heureux, un sourire presque stupide sur les lèvres, il posa sa main libre sur la poignée de la porte.

Serrant plus étroitement leurs doigts, Krish se laissa entrainer vers la grande porte.

- Après toi. Il parait que nous avons tous les étages supérieurs pour nous tout seuls. " souffla-t-elle, retenant un rire sonore au dernier moment.

Et en guise de visite, ils ne furent pas déçu. L'homme qui avait construit ce lieu l'avait visiblement pensé comme un temple à la gloire de tout ce qui est beau, grand, riche et dénotant la puissance et la prospérité. Après la salle de barre, une autre salle de jeu et la galerie d'art tant attendue. Des traces restaient sur les murs là ou les toiles de maître avaient été retirées, mais les les haut-relief de marbre ou de granite et les sculptures entassées à la limite du bon gout restaient plus raffinées les unes que les autres. La plupart étaient d'origine Thaaries, mais là on pouvait voir une idole péninsulaire couverte de poussière, là un drap était encore jeté une une toile Naelisienne représentant un levé de soleil sur le Orgas en pleine mer Olienne, une galère mythique des légendes Vaanies.

Puis, la poussière prenant de plus en plus ses droits, ils passèrent par les jardins terrassés qui entouraient les murs de la bâtisse à chaque étage. Les fenêtres étaient de plus en plus souvent barricadées de bois mais ils arrivèrent finalement dans une bibliothèque de taille respectable... plus que respectable. Des rayonnages et des rayonnages, tous vides, mettaient à nu les proportions architecturales et les piliers de pierre montant vers des voutes complexes.

Un cabinet de travail aux dimensions régaliennes, dont le bureau était si lourd et si grand qu'il n'avait pas pu être emporté. Une maquette de Miradelphia conçu visiblement pour annoter et déplacer des tracés de routes maritimes, était construite d'un bloque et rivée au sol, entièrement en pierre peinte. La pièce donnait d'un côté sur une large porte menant à un véritable manoir privé, cette fois à taille humaine. Mais  la terrasse conduisaient à des jardins montant entre escaliers et piliers vers une rotonde enchâssée dans la verdure, plus d'une cinquantaine de mètres au-dessus du niveau de la mer.

Arrivant au dernier palier avant le toit du monde, Krish - qui ne s'était pas gênée pour tirer son compagnon avec enthousiasme - passa devant lui et se cala sur son rythme pour grimper quelques marches à reculons, ses mains se glissant dans les siennes.

- Tu vas voir, ça vaut le coup. "

A force de crapahuter dans la ville, les jardins, les étages, le soleil d'été laissait les ombres s'étendre peu à peu. La brise marine lé ébouriffaient lorsqu'ils passaient à découverts des haies et des arbres, amenant une odeur saline plutôt que les mille et unes odeur de la ville de l'autre côté. Et quelle ville...

En arrivant à la terrasse la plus haute du Palais Maritime, sur le côté qui n'était pas bordé d'oliviers et de pins, Krish orienta son futur mari vers la rambarde de pierre plutôt que vers la rotonde elle-même, ne le laissant pas remarquer plus qu'une table sur laquelle était posé un objet oblong. Puis, elle lui lâcha une main pour lui permettre d'admirer une vue qu'il ne devait avoir aucun problème à voir par dessus la tête de l'eldéenne.

Un cyprès essayait vainement d'obstruée une petite part du spectacle, mais c'était peine perdue. Là, après les jardins sauvages tenus par Hans qui baignaient les pieds de pierre du colossal édifice, s'étendait tout un labyrinthe complexe de pierre, de bois, de terre et de tentures. Seul le cri des oiseaux de mer et le ressac des vagues leur parvenait. D'ici, les rues semblaient paisibles, les fourmis des docks s'affairaient. Plus loin, les spécificités de chaque quartier se découvraient d'un seul regard. Le bazar aux ruelles couvertes de draps bigarrés. Les taudis de la rive nord. Le quartier des artisans. Le Mur qui n'était toujours pas terminé et ses circonvolutions improbables. Quelques lumières difficilement identifiables. Magie ? Feux ? Là-bas, les entrées des Mille-Caves. Les clochers de quelques temples. Les coupoles et les chapiteaux de verre, de pierre ou de métal. Le soleil dans leur dos éclairait d'une lueur dorée les toits chamarrés de la Cité des Cinq-Sens. Toute la Cité.

Dans le silence relatif, Krish n'eut pas à parler bien fort pour que sa voix ressorte étrangement.

- C'est le seul endroit duquel on peut embrasser toute la ville d'un seul regard. " sourit-elle, ses propres yeux se perdant dans les détails de cet agencement chaotique. Il y avait d'autre points hauts, bien sûr. La coupole du Joyau pour commencer. Mais ils étaient tous dans la Cité. Le Palais Maritime ayant été construit sur un ilot artificielle en bordure du port, ils n'avaient pas à tourner pour voir les plis et replis de la Cité, comme un plan à l'échelle. La façon qu'elle avait de regarder les lieux était étrangement sereine. Presque... tendre ? Pour peu qu'on puisse avoir de la tendresse pour un tas de cailloux qu'elle décrivait elle même comme un brassage bordélique dépourvu de valeur autre que l'or. " Je voulais te faire ma proposition ici. Je me suis dit que que tu apprécierais la vue... " Métaphoriquement, mettre Thaar à ses pieds était un bon début après tout. " Mais nous nous sommes arrêté et nous avons été dérangés, et dérangés encore. Alors dans la salle tout à l'heure, à danser avec toi... C'était suffisamment parfait. Je n'ai pas pu résister. " s'excusa-t-elle en portant à nouveau son attention sur lui, son sourire tenace toujours sur les lèvres. Elle avait soigneusement pensé cette journée en vérité... Mais l'improvisation lui était visiblement plus facile que le fait de suivre un plan.

Il acquiescça, en effet si les gardes avaient dits vrai les étages supérieurs étaient à eux alors ils n’allaient plus avoir à se cacher comme ce fut le cas lors de leur ascension et c’était particulièrement agréable en vérité car s’il y avait bien une chose que Myr’Hennis détestait c’était bien se cacher, fut-ce pour échapper à des gardes qui lui en voulaient. Alors l’architecte laissa sa chère et tendre le guider dans ce palais dont, sans vraiment s’en rendre compte au départ, l’impressionnait malgré lui. Il en vint même à prendre quelques notes mentales pour s’en inspirer lors de futurs projets car c’était là tout ce qu’il aimait, tout ce qui le fascinait dans l’architecture : la représentation physique, et donc ô combien concrète d’un concept aussi abstrait que le pouvoir et l’influence. De plus la décoration était riche sans pour autant être outrancière ce qui fit supposer à Myr’Hennis que l’endroit appartenait à une vieille famille. De toute façon avec l’agencement labyrinthique de l’endroit il ne pouvait être que très vieux, des pièces s’étant ajoutées au fil des années, des siècles peut-être, alors que les propriétaires s’enrichissaient et ressentaient le besoin de le montrer à tous.

Une fois tout en haut il pressa le pas, poussé à le faire de toute façon par sa compagne, il attrapa l’autre main de cette dernière même s’il ne la tiendrait pas longtemps. Il ne fit attention ni à la table ni à l’objet qui trônait dessus, n’ayant d’yeux que pour l’eldéenne. Il leva ensuite la tête pour admirer le panorama laissa ses yeux glisser sur l’eau puis sur les toits et enfin sur les jardins du palais. Tout à fait silencieux, mis à part pour le souffle régulier de sa respiration, Myr’Hennis resta contemplatif durant un long moment. Il n’aimait pas spécialement Tharr, sûrement parce qu’il n’y avait aucun pouvoir, mais il lui fallait admettre que sous certains angles la ville pouvait être belle. Ça ne voulait pas dire qu’il ne ferait pas pléthore de changements mais tout de même. Myr’Hennis se disait avec un sourire que, finalement, à l’instar de sa chère mère, Thaar pouvait être plaisante à regarder ; à condition de trouver le bon angle évidemment.

« Et tu as raison. La vue est magnifique. » Toujours derrière elle l’architecte baissa la tête pour la regarder alors qu’elle se tournait, il l’enserra dans ses bras. « L’endroit m’importe peu. Ici, dans la salle de bal ou même dans le camp sud... quelle importance ? » Il la serra un peu plus contre lui comme pour transmettre physiquement le trop plein d’amour niché au cœur de son… cœur, justement. « Dans un siècle je ne me souviendrais peut-être pas de l’endroit mais de tes mots, de ton visage, de ton regard. Mais si tu y tiens on pourrait peut-être organiser la cérémonie ici. »

Elle profita de son étreinte, respirant avec toute la décontraction que lui inspirait ce simple contact. « J'espère bien que même dans un siècle tu te souviendras des détails de ce jour ou le grand guerrier que tu es à empêcher une brute perverse de poser la main sur moi. » rit-elle, bien moins moqueuse qu'elle n'aurait sans doute du l'être.

« On verra dans un siècle. » Sa réponse sonna sinistre alors que ce n’était pas ce qu’il désirait mais il n’eut pas à s’y attarder, sa future épouse poursuivant sur la cérémonie.
« Je pensais que tu voudrais faire la cérémonie au Puy ? »
« J’adorerais, j’ai pensé que tu voudrais profiter de la vue pour une occasion spéciale alors… si le Puy te va c’est parfait. » Il se tut ensuite un long moment, profitant du vent et du coucher de soleil. « Pour être tout à fait honnête je ne m’attendais pas du tout à ça et c’est aussi pour ça que je t’aime. »

Elle s'était retourner face au spectacle, le dos contre le torse de son... futur époux. Ses bras restaient autour d'elle l'abritant du vent et du soleil déclinant, lui évoquant un vieux rêve. Étrange qu'il revienne maintenant d'ailleurs. Mais le souvenir n'était pas désagréable. Elle lui glissa simplement que l'occasion actuelle était bien assez spéciale.

- ça fait quelques ennéades que j'y réfléchis. Pour l'instant la guerre est simplement un mot, mais avec ce qui viendra après Sol'Dorn, et ce que je pourrais devenir au contact du Père des Batailles... Je t'aime et je me fiche de ce que les militaires en pensent. " C'était peu ou proue ce qu'elle lui avait dit avant qu'ils n'arrivent au Camp Sud, affichant leur relation sans complexe. Ses mains enlaçaient les bras qui la ceinturaient. " Je ne veux que personne ne puisse ignorer ce que tu représentes pour moi. Ni les eldéens. Ni les dieux. Ni aujourd'hui. Ni dans un Cycle... mais si tu préfères une cérémonie en petit comité pour ne pas voir ta sœur, ça ne me pose pas de soucis, hein. "

Sa tête s'appuya en arrière sur le torse de son amant, levant les yeux vers sa haute figure avant de retomber sur les circonvolutions des bâtiments devant eux. Elle pensa un moment à l'entrainer vers la rotonde, mais elle n'avait pas envie de quitter ses bras. Alors ils restèrent encore là un moment avant qu'elle ne reprenne la parole.

- J'aimerais te demander quelque chose aussi, une sorte de cadeau de mariage... Ou plutôt un cadeau et un caprice, parce que je suis une reine particulièrement tyrannique. " La réflexion qu'elle s'était faite un peu plus tôt dans la journée venait de lui revenir. C'était le moment ou jamais. " Je ne te demande pas de changer ou promettre quoi que ce soit, mais je ne sais pas ce qui m'arriverait si tu mourais. Alors prend soin de toi, d'accord ? " Elle ne se retourna pas. Sérieuse, mais pas sombre pour autant. Il lui avait déjà expliquer qu'il n'avait plus peur depuis bien longtemps et elle avait pu le constater plus d'une fois, mais il était préférable de lui dire. S'il était capable de réclamer le Brasier qui habitait sa compagne à corps et à cris, une petite piqûre de rappel ne faisait pas de mal.

Lorsque le premier sujet fut  terminé, elle aborda le dit cadeau, plus enjouée.

- J'aimerai que tu me fasses un tatouage. " ça aussi avait été sujet a bien des réflexions. " Quand Uriz m'a punie, il a effacé la marque des Maîtres de la Forge de Lave. Une épée flamboyante qui me couvrait tout le dos. J'hésitais à la remplacer mais je suis passé à autre chose. J'aime tes dessins et porter ta marque sur ma peau me ferait plus plaisir qu'aucun bijoux ou aucun objet que je pourrais avoir pour te rappeler à moi. "

La guerre n’était qu’un mot pour lui aussi, il ne l’avait jamais vu, il n’avait jamais voulu la voir de toute façon et il n’allait pas commencer à changer ça maintenant toutefois il risquait de ne pas avoir le choix. Passer du temps au camp sud avait été particulièrement détestable et ce n’était qu’un siège, il n’osait imaginer l’horreur que devait être la vie avec une armée en marche, sa compter les batailles. Et puis que ferait-il en campagne ? Il pouvait donner l’illusion d’être utile lors d’un siège mais lorsque l’adversaire ne se cacherait plus derrière des fortifications, déjà qu’il n’était pas dans son domaine à Sol’Dorn, qui l’écouterait alors ? Il aimait Krish mais il ne savait pas si, même pour elle, il arriverait à balayer d’un revers de la main des siècles d’une haine farouche pour tous ceux qui ont dédiés leurs vie au métier des armes. Il retint un soupir. Il allait devoir faire avec parce qu’il ne se voyait pas demander à l’avatar d’Uriz de se tenir éloigner des militaires pour lui ; en fait si, il se voyait le demander mais il ne pouvait pas décemment le faire et puis même s’il le faisait elle en rirait sûrement. Mais pour le moment ce n’était pas un problème, il aviserait lorsque s’en deviendrait un, se laisser ruiner un tel moment à cause d’un hypothétique soucis était ô combien stupide alors il repoussa l’idée dans un coin sombre de son esprit pour éventuellement y revenir plus tard. A la place il se concentra sur ce qu’elle disait et il lui embrassa le sommet du crâne.

« Ce n’est pas tous les jours qu’une triumvir se marie alors autant voir les choses en grand. Ma sœur est un peu étrange mais elle ne me dérange pas cela dit ma tante... mais bon je suppose qu’il serait mal vu, de ne pas inviter la Ditronw Da’re. »

Il se laissa ensuite happer une fois de plus par la vue jusqu’à ce qu’elle ne parle à nouveau et il baissa la tête vers sa future épouse. Il avait déjà une idée de cadeau, il avait commencé à y réfléchir depuis leur première nuit ensemble, comme quoi parfois les dieux font bien les choses, mais quoi de mieux que d’en faire un cadeau de mariage ? Toutefois si elle voulait autre chose comment pouvait-il refuser ? La demande le prit par surprise, pour un cadeau de mariage il s’était attendu à quelque chose de physique et vu l’importance de l’occasion il pouvait bien lui promettre qu’il ferait attention.

« A condition que tu fasses de même. »

Après tout pour lui c’était simple, du moins plus simple que pour sa chère et tendre vu que s’il se trouvait sur un champ de bataille c’était que la situation était vraiment désespérée. Puis un sourire passa sur ses lèvres alors qu’il comprenait que le cadeau et le caprice étaient deux choses séparées. La demande fit naître en lui un sentiment mitigé. Il savait qu’il devrait se sentir honoré et fier qu’elle lui demande ça mais de l’autre ça voulait dire que son chef d’œuvre, ce qu’il préparait comme le couronnement de sa carrière artistique ne lui plairait pas ; pas autant.

« Je vais y réfléchir... mais le Père ne risqué pas de te l’effacer? »

Ne pas inviter L'Renor... Dans ce cas, elle n'inviterait pas non plus Renor... Ce qui ne serait peut-être pas plus mal en y pensant. Faudrait juste une bonne excuse... Et ça c'était déjà moins évident. Mais la liste d'invité compterait sûrement bien assez de personnes pour noyer la masse des gêneurs et des personnes qu'ils ne voulaient pas voir. Et puis ils seraient au centre de l'attention, même une tante particulièrement acerbe ne devrait pas se mettre le jeune marié à dos le jour de ses épousailles.

- Promis. " sourit-elle avec gratitude avant d'amener sa longue main jusqu'à ses lèvres pour la couvrir de baisers.

La question de Myr'Hennis était à prévoir, et si elle amenait des pensées que l'eldéenne aurait préféré ignorer, elle n'en était pas moins légitime. Sa peau avait été débarrasser de toute trace et si les cicatrices recueillies ces dernières années y tenaient encore, elle ne prétendait pas connaitre les intentions de leur Père. Elle préférait penser qu'il lui laisserait retrouver les décorations qu'elle désirait du moment qu'elle s'en montrait digne, mais Lui seul le savait.

- C'est un risque... Mais comme je disais, c'est un caprice. L'important c'est qu'il n'enlèvera ni les heures que tu auras passé à préparer le dessin, ni le temps passer à l'encrer sur ma peau. " Elle sourit. Le temps durant lequel elle occuperait les pensées de sa moitié, ça il ne pourrait pas l'effacer ou même le minimiser. Le tatouage était un prétexte... Enfin un prétexte qui lui permettrait de l'avoir un peu avec elle, même lorsqu'elle devrait partir les armes à la main. " Un bijou ou un objet pourrait tout aussi bien se perdre ou se briser et vu que tu n'aurais pas travaillé dessus, il ne resterait vraiment rien. " expliqua-t-elle encore, renforçant sa conviction d'un ample mouvement de main. Un sourire passa sur ses lèvres en imaginant sa peau marquée par l'aiguille, très loin d'imaginer qu'il pouvait travailler sur une sculpture qui lui était destinée. Puis, au fil de leur discussion apaisée, elle demanda encore " Tu as soif ? "
- Ne me dis pas que tu as trouvé le moyen de cacher du Sseren ici... »
- Regarde sur la table derrière. "

Au centre de la rotonde, une table de pierre près de laquelle trônait une banquette d'extérieur du même matériau. Une bouteille oblongue caractéristique de la boisson préférée de Myr'Hennis, une de terre cuite contenant de l'eau avaient été posés là. Ainsi qu'une corde et un morceau de plan avec une grosse crois faites à la sanguine, indiquant visiblement l'un des quais du petit port privé qui s'étendait à la base du Palais maritime.

- Il est possible que j'ai demandé à un cambrioleur de ma connaissance de laisser quelques petites choses cette nuit... ce qui pourrait bien nous permettre de repartir sans être vu. "

Ils pouvaient profiter un moment, mais leur situation était des plus précaire au final. Certes, ils ne risquaient pas d'être tuer, mais si ses collègues du Conseil pouvaient continuer à ignorer ses faits et geste et éviter de croire qu'elle rodait dans la ville pour faire des choses louches, Krish en serait maintes fois reconnaissante. Quand ils auraient fini de se complaire dans la vue et la boisson, il faudrait bien qu'ils songent à s’éclipser.

Il fut heureux d’être derrière elle, qu’elle ne puisse voir son visage avant qu’il ne se maîtrise et efface la déception qui le marquait. Que pouvait-il répondre à ça sans gâcher la surprise ? Jouer sur l’idée que le Père n’apprécierait pas et effacerait ce qu’il pourrait faire était son seul espoir. Tant pis, il brûlerait ses dessins en rentrant, ou peut-être qu’il les offrirait en offrande à Tesso, et il travaillerait sur le tatouage. Malgré le pincement au cœur que lui causerait la destruction de ses dessins il avait tout de même déjà des idées pour encrer son amour dans la peau de sa chère et tendre. Evidemment il comptait y réfléchir davantage, ce n’était pas vraiment le genre de choses à décider sur un coup de tête, ce qui valait mieux pour lui d’ailleurs. Il se détourna ensuite de la vue panoramique de Thaar pour deux raisons : la première était qu’évidemment la cité n’était pas très belle et qu’y poser les yeux longtemps n’était pas plaisant. La seconde, et la principale, était que Krish le lui demanda.

Ce fut donc avec une certaine incrédulité qu’il vit la bouteille de Sseren posée sur la table, bouteille à laquelle il n’avait pas fait attention en arrivant, tiré par sa futur épouse pour aller admirer la vue depuis cette terrasse qui surplombait la ville. La vue de cette bouteille trônant fièrement sur la table lui fit oublier en partie l’idée que presque un an de travail était désormais bon à jeter au feu ; ce fut en réalité ce qui le dissuada d’en boire, la réalisation qu’il buvait bien plus que de raison le frappa de plein fouet. Il alla donc s’asseoir sur la banquette, prenant Krish par la main pour qu’elle l’accompagne, il l’écouta raconter comment elle avait réussi l’exploit d’introduire jusqu’ici une bouteille. Ce qui ne l’impressionna pas tant que ça en réalité, Myr’Hennis espérait bien que c’était à la portée de la triumvir, ce qu’il avait apprécié au contraire c’était l’intention.

« Tu es certaine de ne pas vouloir voler pour nous en aller ? » Un sourire aux lèvres il la regarda, faisant ce qu’il pouvait pour ne pas détourner le regard vers la bouteille. Ainsi regarder sa chère et tendre aidait grandement. « J’imagine que ton cambrioleur n’est pas venu par le même passage que nous, laisses-moi deviner : il s’est fait passé pour un jardinier ? »

« J'en doute. » Elle rit en repensant à leur entrée plus qu'improbable. Le rire de sa belle fit sourire l’architecte, il fallait admettre que leur entrée fut insolite mais comme le disait son maître : si c’est stupide et que ça marche ce n’est peut-être pas si stupide que ça. « Soit ils sont demeurés, soit on est meilleurs comédien que ce que je pensais et il faudrait qu'on pense à nous offrir une statue pour ça. Ça, ce serait d'une classe terrible. » Elle changea d'appui sur la banquette, posant le bras sur le haut du dossier, l'autre s'étendant vers l'Architecte avec un air appréciateur, comme pour signifier que sa tête irait parfaitement sur du marbre. Myr’Hennis alla chercher la main de sa chère et tendre pour lui faire un baisemain. « Ce sont tes talents d’actrice évidemment. Le fait qu’ils soient un peu stupide a sûrement aidé cela dit. »

« Mais sinon je ne sais pas par où est passé le type que j'ai embauché. Si tu as une paire d'aile sous la main, je suis preneuse. »

« Et bah ça tombe bien que tu demandes car il se trouve que j’en ai une en effet. » Il s’approcha d’elle pour l’embrasser, il se pourlécha ensuite les lèvres.

« Sinon il y a le grand plongeon ou la chaloupe. »

« Va pour la chaloupe alors, autant que je te prévienne tout de suite : je ne sais pas nager. »

- Oh... " La surprise était palpable. Mais loin d'être condescendante ou amusée, elle était sacrément ennuyée. Parant la remarque ou le déplaisir de son compagnon avant qu'il n'ait eu le temps d'exprimer quoi que ce soit, elle leva la main. " C'est rien... C'est juste que... Je suis pas une championne de natation moi non plus. Me garder en vie je sais faire mais si tu finis à la flotte aussi, je ne pense pas pouvoir gérer. "

Elle détestait l'eau froide... alors elle avait à peu près la grâce d'une enclume si on lui demandait de nager plus de quelques mètres, et aucune technique. Elle ne nageait que dans les sources thermales du Puy, ce qui était assez... limitant. Et même là, elle se déplaçait plus facilement en ondulant sous l'eau ou en clapotant à la surface qu'en nageant véritablement, alors supporter quelqu'un en même temps, dans une mer vaseuse, froide et avec des vagues, ce n'était pas pour ainsi dire une perspective engageante... Surtout quand la personne en question était aussi importante que celle là.

- Je ne préfère pas prendre de risque, mon amour. Va pour les ailes. " Elle vint l'embrasser, mutine. " Sinon on rentre a pied, par la grande porte, et je leur fait le coup de la Princesse Marchande outrée. " Ses très chers camarades du Conseils ne seraient pas des plus heureux et l'image des eldéens risquait d'en prendre un coup dans l'aile niveau étrange trafique de trucs louches dans des endroits improbables, mais mieux valait ça qu'une noyade.

- Mais avant j'ai encore une toute toute petite question... " l'espace entre son pouce et son index se réduit à une mince fenêtre de lumière. " Tu n'as pas l'air emballé par l'idée du tatouage. Pas la peine de nier tu as dit que tu y réfléchirai avant de lancer le joker ultime... Si c'est parce que tu as peur de te mettre en porte à faux avec... Lui " Elle fit un mouvement respectueux vers sa propre poitrine. "... ou même simplement si tu n'en as pas envie. Tu peux simplement me dire non, tu sais. Je t'ai dit que c'était un caprice. J'en ai conscience. Je ne veux pas que ça te coute, ou que ça te déplaise de la moindre façon, même la plus infime... "

Ce n’était pas tout à fait vrai, en réalité Myr’Hennis n’était pas certain de savoir nager ou non. En effet il n’allait que dans le bassin de son atrium ou ses thermes privés, des étendues d’eau qui n’avaient pas été conçues pour lui à l’origine et il se trouvait qu’il avait toujours pied dedans, peu importe où il se trouvait ; alors certes à certains endroits il devait se tenir sur la pointe des pieds mais c’était toujours mieux que de s’agiter dans tous les sens dans l’espoir de rester à la surface. Il ne savait donc pas s’il était capable de nager mais dans le doute il préférait dire non et il n’avait pas envie de vérifier dans l’eau sans doute nauséabonde du port de Thaar. De plus les étendues d’eau profonde le mettaient terriblement mal à l’aise alors s’il n’était pas, à la base, en confiance ça allait être d’autant plus compliqué. Pour ce qui fut de la surprise de sa compagne Myr’Hennis s’en trouva gêné, comme quoi tout arrive un jour, ce qui était stupide d’ailleurs, après toutes les faiblesses qu’il lui avait avouées c’était celle-là qui le mettait mal à l’aise… c’était probablement l’inconfort provoqué par l’eau, sur le bateau pour descendre l’Oliya jusqu’à Thaar l’architecte, sans pour autant être malade, n’avait pas été tout à fait lui-même.

Il lui rendit son baiser du bout des lèvres, cherchant un moyen de sortir. Ça arrivait souvent mais ça n’empêchait pas que c’était toujours aussi désagréable : il avait encore l’impression d’être un boulet. Ce qui n’était pas tout à fait faux mais ça il ne s’y habituerait sans doute jamais. Heureusement que Krish avait une autre solution parce que Myr’Hennis n’arrivait pas à en trouver, du moins aucune qui était physiquement possible. Enfin il avait eu des idées qui pourraient être réalisables mais elles ne concernaient pas leur problème : s’échapper sans être vus.

« Je t’écoute. » Ce contanta-t-il de répondre, se préparant à une question qui, en réalité, se devait d’être importante, il se demandait pourquoi elle cherchait tant à la minimiser. En écoutant il compris pourquoi, il prit quelques secondes avant de répondre, choisissant ses mots, son regard se fit un peu fuyant, il n’arrivait pas à la regarder en face, alors ses yeux convergeaient vers la bouteille qui l’attendait toujours.

« Je te mentirais si je te disais que je ne Le crains pas... mais ce n’est pas Lui le problème. Enfin s’en est une partie. » Serrant les mâchoires il se força à détourner les yeux du Sseren posé sur la table, pour accélérer le processus il se mordit l’intérieur de la joue, la douleur couplée au goût métallique lui fit oublié suffisamment l’alcool pour se concentrer sur Krish. Il poussa ensuite un long soupir. « Si c’est ce que tu veux je le ferais, c’est juste que... » il commença à se tourner vers la bouteille avant de se mordre à nouveau la joue. Les yeux de nouveaux dans ceux de sa future épouse il se racla la gorge. « C’est juste que ça fait plus ou moins un an que je travaille sur mon dernier chef d’œuvre... du moins j’espère que ce sera le cas. Je comptais te l’offrir pour accompagner ma demander en mariage. Disons que ça ne s’est pas passé comme prévu. »