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 Oh la galère [Alanya et Louis] - PV

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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeMar 6 Aoû 2019 - 12:12

HRP:

« M'sire Robert ? » S'enquit le jeune garde du nom de Phileas dont les yeux fixaient l'horizon.
Le-dit Robert - vieux de la vieille et garde de Cantharel - piquait un roupillon comme à son habitude après la ripaille de midi. Ses boyaux chantaient encore à cause des flagellés de pépé Riton. D'où la raison pour laquelle Robert prit les paroles du jouvenceau qu'on lui avait flanqué comme d'énièmes bruyantes flatulences.
« M'sire Robert, il y a des cavaliers en approche là-bas ».
Le vieux se frotta le nez dans un geste désespéré pour écraser une mouche qui le harcelait depuis quelques minutes, ou quelques heures...
« Ça sera pas les derniers de la journée gamin, fous-moi la paix.
– Ceux-là portent des bannières, m'sire Robert ».
D'un coup, le vieux père dégringola de son tabouret pour jeter un œil par dessus  le créneau. Le gamin avait raison. Une dizaine de cavaliers s'approchaient à grand train, faisant par ailleurs un nuage de poussière visible à des lieux à la ronde. Les cavaliers étaient encore des petits points grisonnants, mais il crut reconnaître l'une des bannières qui flottaient au vent à côté du premier gredin harnaché.
« C'est quoi que tu vois sur la bannière, gamin ?
– Un... ah... c'est dur... je suis pas sûr...si ! C'est un ours, m'sire Robert ».
Son cœur s'emballa. V'là qu'un revenant se pointait à la cité. Robert faillit gober la mouche qui l'assaillait à tel point sa gueule resta grande ouverte.
« Ça va pas, m'sire Robert ?
– Je le croyais claqué celui-là...
– C'est qui ?
– Quoi donc, gamin, t'as pas appris tes leçons ? Ce gars, là-bas, c'est le cauchemar incarné. Je le pensais mort, mais même la Voilée doit pas en vouloir pour garder la paix.... Kelbourg, qu'on l'appelle. La dixième plaie du Royaume !
– Oh, c'est le boucher, c'est ça ?
– Oui da, gamin. Le boucher de Kelbourg qu'on l'appelle. Le fardeau du Médian... et du Royaume tout entier... Des années qu'on la pas vu nom de la Sainte-Mère ! La dernière fois que j'en ai entendu parlé, l'escogriffe s'en allait chasser le gobelin dans les Monts-Corbeaux. Il y en a eu de la peau verte d'exterminée, mais je l'avais cru trépassé...et c'était très bien comme ça.  
– Un homme bon alors ! en conclut Phileas.
– Quoi ? Un homme bon, le Kelbourg ? On a pas la même notion de ce qui est bon, gamin ».
Il s'était murmuré tout un tas de choses depuis les dernières fois qu'on avait vu ce dément dans la citadelle. Il s'était dit que l'homme avait vacillé dans l'occulte et la paranoïa ; qu'il passait le plus clair de son temps à se défoncer à coup d'herbes d'estrévent ; qu'il avait emmené dans ses prisons des dizaines de prisonniers et qu'on ne les avait jamais revu. C'était peut-être que des rumeurs après tout. Mais pour Robert qui l'avait connu durant la campagne du Médian, ces ragots étaient fondés. Kelbourg était bien le mal incarné.
« Vas donc prévenir les gardes de la citadelle que l'ours de Kelbourg s'en vient. Leurs altesses de Saint-Aimé seront sûrement ravis de sa visite ».
Le gamin opina avant de disparaître à grandes foulées dans les escaliers qui menaient aux premières venelles de la cité.
« Puisse la Sainte-Mère nous protéger de celui-là », souffla le vieux Robert en se risquant une dernière fois à jeter un coup d'œil de l'autre côté.



Dernière édition par Thibaud de Kelbourg le Jeu 5 Déc 2019 - 7:25, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeJeu 8 Aoû 2019 - 12:13


« Il n’en est pas question ! ». La voix tonitruante habilla les murs esseulés. Les mains appuyées contre un bureau, les sourcils froncés, elle s’était levée d’un seul bond. Face à elle, le facétieux conseiller avait perdu sa bouille réjouit. A vrai dire, il semblait si livide qu’on croyait voir un cadavre. Ah ! On disait les femmes terribles, mais c’était pire encore lorsqu’elles devenaient mères. En proie à des humeurs terrifiantes, elles en oublieraient presque le bon sens. Bien sûr, il se gardait bien de l’ouvrir : l’animal avait assez de croc pour lui passer la corde au cou si l’envie lui prenait. Se pensant bien malin, il réfléchissait à un subtil moyen d’approche, une idée qui la ferait sûrement flancher à coup sûr. Avec lenteur – pour ne pas effrayé la bête acculée – il se gratta le crâne. Son teint retrouvait peu à peu des couleurs, tandis qu’elle campait sur ses positions.
« Mais votre époux… »
« N’est pas ici. Le sujet est clos Messire, je ne partirai pas tant qu’il ne sera pas de retour ».

Et d’un geste de la main, le congédia. Il n’hésita guère longtemps pour débarrasser le plancher : l’idée de retrouver la chaleur de la belle Clairette était bien plus tentante que celle du bûcher. Ainsi seule, la pièce retrouva son calme et son immobilisme. Elle se laissa retomber dans son siège, fatiguée. Jamais la vie ne lui avait paru si dure que ces dernières années. Loin des siens, de la terre qui l’avait vu grandir, elle avait été obligé d’asseoir son nom et son rang, prouver sa valeur et sa légitimité face au peuple et aux nobliaux de tout le marquisat. Mince affaire que celle-ci ! Car les vilains Berthildois auraient bien préférée une chèvre qu’une fille. On disait bien du mal d’elle, tentant vainement de lui soustraire son pouvoir par quelques ronds de jambes et jolis minois. Elle ne cèderait pas. N’avait-elle pas menée elle-même trois guerres ? N’avait-elle pas gouverné l’Alonnan avec justesse ? Elle, la flamme du Nord qui se voyait remise en doute par quelques bonhommes ridicules. Et puis, bien qu’elle recevait le soutien de Louis – qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer comme au premier jour -, ce dernier était trop pris par ses tâches. Il s’en allait à l’aube pour ne revenir que plusieurs jours plus tard ; et si fait, il était tant exténué qu’elle ne le croisait qu’endormit dans leur lit. Le pauvre garçon se démenait comme un beau diable pour entretenir ces terres qu’il chérissait.

Alors de son côté, elle s’ennuyait de lui. Elle devait composer avec ses absences, ses petits mots déposés à la hâte dans leur quartier qui disaient presque tous « je reviens vite ». Et comme piégée, elle n’avait d’autre choix que de l’attendre patiemment. Et puis il y avait les enfants qui grandissaient un peu plus chaque jour et qui languissait de ce père qu’il ne voyait pas assez. Alors, se forçant à sourire elle leur assurait : « Votre père vous aime, il s’en reviendra bientôt ». « Vous savez, il a beaucoup de devoirs mais il ne vous oublie pas ». Et les yeux implorants des enfants se muaient en tristesse et regrets. Cela lui fendait le cœur chaque jour un peu plus, d’autant qu’elle était persuadée que le turbulent Jean Othar tentait simplement par ses bêtises d’attirer l’attention de son géniteur – en vain. Charles Louis de Saint-Aimé, lui, était bien plus timide et peu sûr de lui. Il osait à peine souper lors des réceptions à Cantharel. Néera Lys, parlait peu, même à sa mère. Bref, tous ces marmots avaient simplement besoin de leur père. Elle espérait simplement que ces voyages se terminent bientôt, afin d’arrêter d’éconduire tous ces malheureux qui tentaient de lui soustraire le pouvoir.
« Eh bien ! Même après plus de six ans, on vous tient encore tête votre Excellence ? ».
La voix ne la trompa guère, et lui tira même un sourire lorsque la silhouette enrobée franchit le seuil de la porte. Toujours engoncé dans des habits trop petits et bien trop coloré, Hugues se tenait droit et poli, un air mutin sur le visage. Le curieux intendant l’avait suivi et travaillé dans son ombre depuis bien des années maintenant. Il l’avait toujours fidèlement servi sans qu’elle n’en sache la raison réelle mais elle s’en accommodait bien. Il était toujours plaisant de voir une figure familière lorsque tout semblait étranger. « Oui-da. J’ai bien peur qu’on ne le fasse jusqu’à mon trépas ». Elle haussa brièvement les épaules en plantant ses prunelles grises sur sa silhouette difforme. « Mais là, que veux-tu ? ».
« Je viens annoncer l’arrivée du Connétable, Madame ».
Ses muscles se crispèrent d’un coup d’un seul. Avait-elle bien entendu ? Impossible. Sa journée était définitivement gâchée. Une moue de dégoût s’installa sur son visage, et elle n’essaya même pas de la camoufler d’une quelconque façon : elle exécrait cet homme. « Bon sang, il n’a pas trouvé bon de mourir, lui ?! ».
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeJeu 8 Aoû 2019 - 20:05

Les dix cavaliers arborant l'ours de Kelbourg entrèrent dans la cité tels des oiseaux de mauvais augures. Les badauds de l'allée centrale menant à la citadelle marquisale durent se pousser en toute hâte devant la brusquerie de ces hommes n'ayant cure de s'annoncer pour éviter les collisions. De fait, un vieux croûton qui mendiait au bas d'une porte se fit recouvrir de gadoue  de la tête aux pieds. Le pauvre hère beugla à tout va, injuriant au passage les cavaliers qui poursuivirent leur route sans s'en soucier un seul instant. Ils durent néanmoins tirer les rênes de leurs montures en vue de l'entrée gardée par les égides. Le premier homme de la colonne, tête recouverte, n'eut pas le besoin de décliner son identité lorsque les gardes le virent. Les hallebardes se levèrent et les premières salutations fusèrent. Là enfin, les cavaliers délaissèrent leurs chevaux fatigués par la course et s'en remirent aux palefreniers venus en nombre les aider.

Thibaud zyeuta la citadelle un bref instant avant de cracher la salive qu'il avait laissé mijoter depuis leur entrée dans la ville. Le regard toujours aussi ingrat, le connétable ignora les freluquets et autres  godelureaux qui s'agglutinèrent dans la cour afin de voir de leurs propres yeux celui que l'on avait sans doute tant décrié depuis leur petite enfance. A leurs fausses salutations puant l'hypocrisie noblionne, Thibaud ne daigna leur répondre. Il enleva seulement ses gants et gratta ses pieds plein de merde sur les marches immaculées menant à l'intérieur de l'antre des Saint-Aimé.
« Messire de Kelbourg, quelle joie de vous voir », entendit-il derrière lui.
Un grand dadet à la peau glabre et puant les fleurs débarqua devant lui avant de tendre une main bien molle qu'il ne voulut serrer.
« Où est Louis ? C'est lui que je suis venu voir ; non l'un de ses mignons.
Le jeune sire ne se montra guère offusqué par l'hardiesse du connétable. Pis encore, ce dernier lui répondit tout d'abord par un sourire radieux.
-Son altesse Louis n'est pas à Cantharel, messire.
Thibaud se vida les narines sur les bottes du damoiseau.
-Bien ma veine... Des années que nous nous sommes vus et ce saint Louis trouve le moyen de briller par son absence.
-Peut-être auriez-vous du prévenir, messire. Je suis persuadé que son altesse Louis se serait fait une joie de vous accueillir en personne.
Le connétable fronça les sourcils.
-Fermez-là gamin avant que je ne vous arrache la langue, pesta-t-il. Où est votre maîtresse ? La Broissieux a finie d'être grosse, elle doit sûrement être disposée à pouvoir me recevoir.
Nulle réponse ne vint du damoiseau.
-Parlez tudieu !
-Pardonnez moi, je tiens à ma langue, messire.
Son arrogance commençait à l'agacer. N'y avait-il donc point de têtes connues dans ce foutu palais pour le recevoir ?
-Emmenez-moi à la Broissieux !
-Son altesse Alanya de Saint-Aimé, messire ?
-Je vais réellement vous démonter la gueule ».
Une frêle silhouette féminine fit soudainement son interruption avant qu'il ne prenne le jeune homme par le col de sa tunique propre et parfumée. Il eut le regard dédaigneux de l'homme devant bientôt s'agenouiller devant sa suzeraine. Point d'accolades franche et virile pour cette bonne femme alonnaise, ni même un baise-main à la mode suderonne. Il n'y eut qu'un raclement de gorge et une tête qui s'inclina douloureusement.
« Je vous pensais plus grosse, Saint-Aimé, mais je constate que vos enfants n'ont eu trop de prises sur vous ».  

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeVen 9 Aoû 2019 - 13:44

Sa vilaine frimousse lui donna presque un haut-le-cœur. Voilà quelqu’un qui ne lui avait pas manqué, malgré les années passées. Il avait toujours le même air mauvais et l’odeur des morts. Et plus encore : il était toujours aussi agréable. Elle maudissait les Cinq de cette pénible journée qui voyait son calvaire s’allonger à chaque minute. Puis, avant même d’entrouvrir ses lèvres, l’image de son corps nu près du sien finit de la dégoûter. Comment avait-elle pu, à l’époque, tomber si bas ? La solitude, sûrement. Le chagrin aussi un peu. Autant d’excuses sans valeur qui ce jourd’hui appuyait sa culpabilité ; elle avait fauté avec le Boucher et devait dès lors porter le poids de son erreur. Et si elle n’avait que les souvenirs amers, ils lui étaient assez insupportables pour qu’elle veuille s’en aller séance tenante faire trempette pour enlever la crasse de ses mains grasses sur son corps. Grands Dieux, pourvu que Louis ne l’apprenne jamais ! Une brève œillade sur le corps agenouillé avant de reporter sa pleine attention sur l’objet de ses cauchemars.

« Et je constate, cher Thibault, que Tyra ne vous a pas encore pris. Vous me voyez soulagée ». Elle mentait, et l’ironie transperçait si bien sous son visage neutre. Alanya n’allait pas se complaire en quelques flatteries avec ce mufle : lui-même ne s’en encombrait guère. Toutefois elle dû lui reconnaître un semblant de compliment. Sûrement une hallucination, ou une ruse de la part du Connétable. Elle le connaissait assez pour savoir que la moindre amabilité relevait de l’exploit. « Mais là ! J’avoue être surprise ; qu’est-ce qui est si pressant pour vous sortir de votre trou ? ». Si elle ne l’aimait point, la Marquise savait cependant que le bougre ne se serait pas déplacé pour le plaisir. Il n’aimait pas Cantharel, pas plus qu’il n’aimait les gens d’ailleurs. Et toujours agenouillé, le freluquet écoutait l’échange avec curiosité. Le pauvre petit ignorait sans doute qu’il venait d’échapper à l’alitement. Ah ! Comme quoi, les vieilles choses ne changeaient jamais.
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeVen 9 Aoû 2019 - 14:45

L’entendre jacter fut une rude épreuve pour ses nerfs. Tout ce qui pouvait bien sortir de sa bouche avait d'ailleurs été l'une des raison qui lui avait fait éviter Cantharel durant tout ce temps. Il l'avait préféré, de loin, lorsqu’il l'avait chevauché comme une jument bien dressée lors d'une nuit froide et avinée. La belle époque ! Il se revit, un court instant, encore en train de la pénétrer jusqu’à l’aube avant d’avoir longuement hésité à l’étouffer. Sans doute aurait-il fait des heureux par la suite. Mais le destin en avait néanmoins décidé autrement. Il devait à présent se la coltiner comme suzeraine et épouse du cervidé qu’il avait juré de servir. Autant dire, dès lors, que s’il ne l’aimait guère, il ne la haïssait plus au point de la préférer morte (peut-être seulement muette).
« N’ai-je donc pas le droit de venir visiter mes suzerains par simple politesse ? Où est-ce là l’honneur réservé seulement à vos plus fervents chiens ? sourit-il. Si tel était le cas, je crois savoir que votre chenil est bien vide en ce moment madame ».
S’il avait délaissé la vie de cour berthildoise depuis bien longtemps, pour ne pas dire qu’il y avait un jour pris part. Il ne lui était guère inconnu que la matronne alonnaise n’était point dépourvue de détracteurs. Des bruits de couloirs somme toute, pour ne point offusquer le seigneur aimé de tous. Mais il savait que la louve devait encore se battre bec et ongles pour asseoir sa légitimité auprès des notables du pays. Chose bien compliquée lorsqu'on était considéré comme un étranger.
« Allons-nous rester sur ces marches indéfiniment ? Où me proposerez-vous enfin de quoi me désaltérer ? C’est que je ne suis point là pour vous rappeler les règles d’hospitalité non plus; et que la vue de ce clébard parfumé commence à me donner la nausée… »

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeVen 9 Aoû 2019 - 15:16


Si elle avait été un homme, elle lui aurait bien volontiers envoyé son poing dans la figure. Mais ces choses-là ne se faisait guère lorsqu’on était une dame, et qui plus est une suzeraine. Tout de même, il y avait de quoi se demander ce que trouvait son cher époux à un rustre de la sorte ! Il n’avait rien pour lui, sinon l’horrible habitude de lui tordre les boyaux – tantôt sous la rage, tantôt sous le dégoût. En vérité, on pouvait même se questionner quant à la nature de son sang ; pour être si teigneux, sa daronne avait dû s’accoupler avec un blaireau, pour sûr ! Et la pauvrette s’était retrouvé grosse d’un petit puant et véhément. La légende racontait même que sa première victime fût sa mère, morte raide à la vue de ce marmot braillard. Un petit sourire torve caressa ses lippes restées sagement inertes. Voilà une histoire qui ferait bel effet à sa cour : ici personne n’aimait le Boucher. On lui prêtait volontiers toute sorte de malheurs, mais d’aucun n’était assez courageux pour lui tenir tête en face. Non, pour cela on préféra toujours envoyer la maudite Marquise. La témérité des hommes la surprendrait toujours. Pour autant, elle avait survécu au perfide Corbac – maudit soit-il ! -, elle survivrait encore un peu au Kelbourg.

Elle se tourna enfin vers le jeune homme à ses pieds, et lui intima de se relever. Le pauvre jeta un regard fier au Limier, dernier affront du Bellâtre avant de faire face avec respect à sa maîtresse. Là, elle aurait bien ri devant la bouille rageuse du Thibault, mais elle se contenta de préserver son rictus intact. Qu’il était satisfaisant de rappeler aux chiens leur place de temps à autres. « Merci Léandre, tu peux disposer ».
« Mais Mad… ».
Elle leva la main lentement. Son ordre ne pouvait souffrir d’aucune rebuffade. Elle ne craignait plus le Connétable depuis bien longtemps. Dans un sens, elle soupçonnait le plus gueux des nobles de ces terres de lui vouer une sorte d’affection malsaine. Voilà qui ne serait guère étonnant au regard de l’inimitié qui subsistait. « Je ne me perdrais point dans ma demeure, Léandre. Si tu tiens à te rendre utile, va plutôt quérir de quoi abreuver notre si inestimable visiteur. Va maintenant ». Et il disparut. La Saint-Aimé avait bien été tenté de proposer l’eau de la mangeoire, mais elle n’avait pas envie de voir mourir ses chevaux. Finalement, elle soupira. « L’idée de vous laisser ici sur le perron ne m’est pas désagréable mais je crois que Louis me le reprocherait ». Alors, sans attendre, elle se détourna pour s’enfoncer dans le dédalle du castel. « Et puisque nous savons tous deux que vous n’êtes pas ici pour courtoisie, puis-je m’enquérir de ce qui me vaut une si agréable visite ? ».
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeDim 11 Aoû 2019 - 9:51

L’attente lui sembla interminable. Le petit roquet rechignait sans doute à l’idée de laisser sa maîtresse seule avec un homme tel que lui. Sa naïveté le fit sourire, car si le damoiseau pensait sa marquise en danger, c’est qu’il ne la connaissait finalement pas. Ce dernier devait la penser faible et fragile sous ses apparences trompeuses de femme dévouée au bien-être de ses enfants et à la tenue de son foyer. Il se mettait le doigt dans l’œil allégrement. S’il était bien une femme dans ce foutu royaume capable de tenir tête aux plus viles, c’était bien elle,  la Broissieux bouffeuse d’homme. Certains comme le Brochant s’étaient essayés à la mettre au pas, mais tous croupissaient aujourd’hui sous terre. L’on pouvait donc être certain d’une chose : Cette mère au joli minois et au fessier alléchant obtenait toujours ce qu’elle souhaitait, dont le cœur des hommes. Pour cette raison, Thibaud devait bien reconnaître qu’elle était probablement la seule à lui foutre encore la trique malgré la haine qu’il lui vouait.
« Des bruits de couloirs, des rumeurs, des ragots de ménagères, confessa-t-il en accompagnant la Broissieux à travers les couloirs du castel. Du venin de vipère, somme toute. Voilà ce qui m’amène, madame. Et bien que je ne vous porte guère dans mon cœur comme vous le savez fort bien, j’ai juré de servir votre époux qui doit être le seul homme de ce Royaume à avoir obtenu ma… considération »
Il continua de la suivre jusque dans une pièce plus intime et appropriée à la discussion. Il la connaissait fort bien pour y être venu à plusieurs reprises lorsqu’il était question de parler du conflit dans le Médian des années auparavant. Rien n’avait changé, tout était resté à la même place comme si le temps s’était figé durant plus de cinq années.
« Les commérages ne sont rien lorsqu’ils viennent de la bouche d’ivrognes, Saint-Aimé. Ceux-là deviennent bien plus inquiétants lorsqu’ils sont entendus dans les gueules de personnes plus importantes. Vous le savez plus que quiconque, car les ignorer serait une monumentale erreur ».
Il savait la Broissieux suffisamment bien informée de la situation pour ne pas jouer la carte de l’ignorance. Lui qui était réputé pour sa sauvagerie et son absence totale d’humanité, la marquise se sentirait sans nul doute bien étonnée de le voir préoccupé par l’image que pourrait avoir celle qu’il s’astreignait à ignorer. C’eut été pourtant mal le connaître que de ne jamais réaliser à quel point, malgré ses apparences, lui aussi avait œuvré pour le bien être de son pays.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeVen 16 Aoû 2019 - 21:15


La pièce, quoique sobre, avait tout le charme qu’on souhaita pour cette entrevue : au mur aucune décoration. Pas même un tapis pour réchauffer la pierre. Seuls les meubles habillaient le paysage maigrement, de la plus sommaire des façons. Qu’importait les petits salons douillés ! Le Boucher en avait certainement une sainte horreur. Voilà bien l’un des seuls traits qu’il partageait. Elle n’avait jamais eu le goût de l’Art, de la décoration, de toute ces choses qu’on attendait d’une femme. A cela elle préférait les ouvrages et les heures de sommeil gâchées par de lourdes réflexions. Elle avait été éduquée pour être à la place qu’elle occupait, ni plus ni moins. Et si fait, elle ne laisserait personne en douter. Pourtant, force était de constater que le Vilain avait raison ; ses efforts quoique louables n’avaient eu d’autres effets qu’un clapotis à la surface d’une mer calme. Alanya de Broissieux, la Flamme du Nord, s’était-elle éteinte avec l’âge ? Surtout, son confort actuel n’était-il pas un frein à la femme qu’elle avait toujours été ? Pour toute réponse, elle n’eut que le silence de ses propres réflexions. Bien sûr que son amour pour Louis, ses enfants et toutes ces choses de la vie étouffaient son plein potentiel puisqu’à présent, elle avait peur. Elle était même terrifiée à l’idée même de les perdre.

Pourtant, pas tressaillement ne vint perturber le joli minois interdit. Face à ses démons, face à ses erreurs, elle se sentait forte. Invincible. Elle avait réussi à se hisser, à faire ployer le genou à tant d’hommes qu’aujourd’hui le simple regard de son vassal faisait naître en elle ses plus bas instincts. Quoi qu’elle en pense, Thibault de Kelbourg était le dernier à lui tenir encore tête – assez du moins pour qu’elle sorte ses serres. Alors, comme un dernier hommage à ce qu’elle fût, elle demeurait droite et infaillible. C’était ici chez elle, et elle ne laisserait pas les cœurs se gangréner si facilement. Puis, si jamais elle le devait, elle se débarrasserait volontiers des souches maudites. La Marquise profiterait certainement de la naïveté de son époux, une fois encore. Que Néera lui pardonne un jour ; si elle faisait tout ça, c’était pour les préserver un peu.

Elle pouvait bien se mentir à elle-même. Les choses demeuraient identiques au passé. Elle n’était pas plus la maîtresse de ces lieux et de ces gens que cinq années en arrière.  S’ils savaient tous les sacrifices qu’elle avait fait pour en arriver là, peut-être se montrerait-il plus clément ? Las, elle s’installa sur la chauffeuse, les mirettes collées à la bouille dégueulasse de son invité. « C’est bien là le lot de toute femme avec plus de couilles que ces Chiens ». Elle se frotta la tempe en souriant. « Je n’ignore rien des rumeurs, plus encore quand elles touchent le cœur de mon foyer. Mais je ne donnerai pas du grain à moudre à leurs jacasseries ». Elle les écraserait un jour. Un à un. « Plutôt, Boucher, qu’avez-vous ouïe de votre trou ? Je ne connais à coup sûr que la moitié de ce qui se raconte à ma cour ».
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeSam 17 Aoû 2019 - 8:09

Même acculée, la Broissieux montrait les crocs et sortait les griffes. Il n'en avait pas attendu moins d'elle, pour sûr. Cette femme du nord n'avait point l'habitude, certainement, qu'on la mette avec tant d'aisance au pied du mur. Il était pourtant devenu notoire qu'elle n'avait jamais su quérir le cœur de ses ouailles, hormis celui du Saint-Aimé. Ainsi était faite Sainte-Berthilde ; terre fière aux gens orgueilleux et aux tempéraments trompeurs. Ils revendiquaient leur appartenance au nord, mais agissaient pour la plupart comme de véritables suderons dont les intentions étaient parfois ignobles. Lui-même était bien placé pour en témoigner !
« Plusieurs choses, madame, dit-il sobrement devant la marquise restée désespérément droite. De complot, d'assassinat et de mort. De la votre et de celle de vos enfants pour être plus précis ».
Elle n'aurait su le traiter de bonimenteur en cet instant, puisque ses yeux heurtaient les siens avec une gravité sans précédent. Ce n'était clairement point tous les jours que le boucher de Kelbourg agissait avec une telle sincérité. La chose aurait été perturbante pour n'importe qui d'autre l'aurait connu.
« Je tiens cela de mes limiers, qui contrairement aux vôtres, ratissent nos contrées et celles voisines au lieu de passer leur temps dans les tavernes. Ces derniers, indépendamment des autres, m'ont tous rapportés qu'une machination se préparait à votre encontre ici même et de manière imminente... Dès lors que plusieurs rumeurs sont concomitantes, ce ne sont plus de simples potins, marquise ; c'est ce que l'on appelle une information. J'ignore néanmoins qui ils sont, leur nombre et comment ils veulent procéder ».
S'était-elle attendue à cela ? Mentait-il ou disait-il la vérité ? Pour l'heure, elle n'avait pas les moyens de le savoir. Seul le doute et la peur commenceraient à s'immiscer en elle.
« Saint-Aimé, regardez-moi ! héla-t-il avec autorité. Il est quasiment sûr qu'en ce moment-même votre cour soit infestée de ces rats. Vos égides, vos serviteurs, vos conseillers et même vos amis. C'est la raison de ma présence ici, je suis venu vous chercher pour vous escorter jusqu'à chez moi où vos ennemis ne viendront pas vous trouver. C'est à prendre ou à laisser, je ne vous le proposerai pas une seconde fois ».  

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeSam 17 Aoû 2019 - 21:17


« Pardon ? »
Elle avait parfaitement entendu. Chaque syllabe avait raisonné dans sa tête comme autant de coups portés à son cœur. Et le Connétable ne cillait pas. Derrière ses yeux ne se cachait aucune once de malice. Même son affreuse bouille avait perdu de ses traits terribles pour ne laisser apparaitre qu’une mine profondément sérieuse. A bout de souffle, elle cherchait désespérément à emplir sa poitrine. Il n’avait nul besoin de se répéter. Ses doigts picotaient, lissant un pli de sa robe ; elle tentait de se raccrocher à la réalité, à ces mots envoyés sans préambule. Pourtant ce qui lui faisait le plus mal ici n’était guère que l’on en veuille à sa vie. C’était là une chose dont elle se doutait depuis longtemps déjà. On l’avait fait chanté une fois, deux peut-être. Mais que l’on s’en prenne aux petits Saint-Aimé, ça, elle ne s’y attendait guère. Ce qui la glaçait plus que tout, n’avait rien à voir avec cela. Non en vérité, ce qui la terrifiait c’est qu’elle ne broncha pas plus. Quand la panique aurait dû l’envahir, la marquise ne se retrouvait que face à un abime immense. Un vide. Un Néant.

Elle perdit l’envie de sourire. Ses lèvres s’entrouvrirent une première fois pour mieux se fermer aussitôt. Alanya laissa le silence se faire, ami fidèle. Non pas qu’elle ne trouvait pas les mots pour lui répondre : de prime abord, elle aurait refusé sans hésiter. Mais il semblait si sûr, si convaincu qu’elle en parvenait à douter. Et si elle sous-estimait l’ennemi ? C’était là une erreur souvent fatale. Elle ne pouvait se permettre de faire mal, sans quoi elle perdrait la seule chose qui comptait encore. Et Louis, avait-il été informé ? Lui qui courrait la campagne, loin de son château, avait dû s’entendre colporter quelques brides des déboires de son épouse. Elle s’en voulait de lui avoir mentit dans chacune de ses missives, lorsque l’attente était trop longue. Ne te soucis guère de moi, je me plais ici. Les choses changeront. Le Cerf, toujours pétris de bonnes choses, n’avait rien vu. Ni la détresse de sa femme, ni la haine de ses gens.

Elle soupira. « Non ». Sa voix n’avait pas failli. Pas une seule seconde. « Faites emmener mes enfants Thibaud. Mais moi je ne fuirais pas. Pas ainsi ». Elle se releva et vint s’appuyer sur le dossier de son siège à présent vidé. « Et si vous êtes fidèle à mon époux tel que je le pense, aidez-moi plutôt. Je n’ai pas ployé le genou devant Serramire. Je n’ai pas ployé le genou devant les Puysards. J’ai mené trois guerres à leur terme, alors je ne perdrai pas celle-ci. Et si je dois en mourir, Boucher, alors qu’il en soit ainsi ». Elle brûlait, irradiait. La Flamme du Nord n’avait rien perdu. Ses prunelles de grisaille brillaient d’un éclat oublié. Enfouit. La Marquise du Berthildois avait faim du Monde, et le Monde elle ferait plier, qu’importait les moyens. « Ils regretteront tous d’un jour s’être mis sur mon chemin ».
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeDim 18 Aoû 2019 - 14:24

L’excès de témérité de la Broissieux l’indigna. Trop fière pour fuir, trop belliqueuse pour accepter de perdre la première manche afin de mieux appréhender la seconde. Elle agissait comme elle l’avait toujours faite. Toutes les complications auxquelles elle avait été confrontée n’avaient été que de piètres embuches à sa vie troublée. Etait-il là pour lui faire entendre raison ? Que nenni. Si la belle voulait se faire planter une dague en plein cœur dans la journée, c’eut été bien là son seul problème. Toujours est-il que lui-même y était à présent mêlé jusqu’à l’os et que Louis n’aurait su lui pardonner d’avoir laissé crever sa donzelle comme une vulgaire volaille de basse-cour. Le boucher grinça des dents en entendant la suite. Adonc escomptait elle leur faire regretter leur envie de régicide. S’était-elle avinée la trogne avant qu’il ne vienne ? Pour sûr que les vapeurs d’alcool l’avaient privé de jugement.
« Si vous voulez que je vous aide, Saint-Aimé, vous devrez m’écouter et faire ce que je vous dis au lieu de cracher toute votre verve à l’encontre de celles et ceux dont vous ignorez encore l’identité », lâcha-t-il une fois qu’il put enfin en placer une. « Vous n’obtiendrez rien d’autre que votre mort et celle de vos enfants si vous restez ici pour les affronter, réfléchissez ! ».
Il se leva brusquement après avoir entendu des bruits de pas dans le couloir qu’ils avaient emprunté avant de pénétrer dans la pièce.
« Chez moi, vous ne risquerez pas de crever en buvant votre potage du soir, Saint-Aimé », mentit-il à moitié en pensant, après-coup, à l’infâme soupe de madame Rolande. « Je traquerai ces charognards et les amènerai à vous. Mais pas ici ! Pas en pouvant être fait comme un rat après avoir ouvert la porte des latrines ! ».
Le bruit se fit plus clair. Il ouvrit la porte d’un coup brusque et tomba nez à nez avec le fameux Léandre rencontré un peu plus tôt. Le jeune homme était également accompagné d’un Egide qu’il n’avait jamais vu.
« Vous écoutez aux portes maintenant ?
-- Oh non, messire, confessa le bellâtre. Je viens seulement informer son altesse que l’intendant souhaite s’entretenir avec elle de toute urgence.
-- Je viens avec elle.
-- Ca ne sera pas utile, messire, nous sommes venus l’escorter nous-même.
Thibaud jeta un œil à la marquise qui attendait à l’autre bout de la salle.
-- Comment se fait-il que je ne vous connaisse pas ? s’enquit-il auprès de l’égide inconnu.
-- Vous ne venez plus assez à Cantharel pour ça, messire. L’explication est évidente.
-- Ah… sa main gagna la paume de sa dague qui se trouvait en bas de son dos. J’ignorais néanmoins que l’on recrutait les égides parmi les manchots ».
Il n’en fallut pas plus pour que l’imposteur aux couleurs de la garde d’élite berthildoise ne dégaine son épée. Son geste, beaucoup trop lent, fut arrêté subitement par la pointe de sa dague qui se ficha en plein dans sa carotide. L’égide se mit à pisser le sang comme un porc que l’on aurait égorgé. Le jouvenceau, que l’on aurait pensé bien hagard devant une telle scène, n’en montra rien. Pis encore, le gredin à la mèche parfaite s’élança contre la Saint-Aimé, dague au poing. Un croche patte le fit valdinguer et s’échouer sur le sol pavé. Et bientôt, le boucher s’en allait l’égorger à son tour d’un coup de dague sous la gorge comme le premier. Il aurait pu le maintenir en vie dans l’espoir de le faire parler pour connaître celui qui était à l’origine de ce régicide. Mais il savait fort bien que les murs de Cantharel étaient encore sûrement pourvus de ces drôles. L’idée n’était donc pas de les affronter, mais de partir pour préparer la riposte.
« Allez chercher vos enfants, Saint-Aimé ! A plus tard les beaux discours, lâcha-t-il. Ravalez votre orgueil et laissez-moi vous aider à ma manière ! ».
Il était prêt à décamper. Partir seul le condamnerait très probablement au meurtre d’un égide et d’un gentilhomme de la cour. Il n’était donc voué plus qu’à une seule chose : quitter cette infâme cité. Avec ou sans marquise !

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeMer 2 Oct 2019 - 21:38

Ses yeux s’écarquillèrent à mesure que le liquide rougeâtre s’étendait là, sur le sol devant elle. Le corps était inerte et elle respirait bien pour deux. Sa poitrine se soulevait de manière erratique alors que ses pensées fusaient çà et là, laissant balader son minois sur le chaos ambiant. L’Egide au sol, Thibaud à son devant. Jamais il ne lui avait paru si sérieux et terrifiant mais pour une raison étrange bien différemment qu’à son habitude. Il semblait préoccupé, assez en tout cas pour qu’elle doute un instant de son jugement ; et s’il avait raison ? Elle connaissait suffisamment le Boucher. C’était un chien fidèle, et le revoir revenir à son chenil n’était point anodin. Et par le Saint Con de Néera, il y avait à ses pieds deux cadavres encore chauds ! Ah pour sûr, elle n’avait eu l’occasion de faire bonne justice, en demandant aux trouble-fêtes la raison de leur geste – le Clébard ayant plus que largement lancé les hostilités. Pour autant, elle le félicitait silencieusement de n’avoir pas laisser l’opportunité aux Rats de finir la mission induite. Elle avait connu l’horreur des combats, de la guerre. Ce n’était pas les premiers morts qu’elle côtoyait et pourtant ils avaient une odeur âpre. En vérité, à travers leurs yeux vitreux, c’était sa propre vie qu’elle voyait chanceler.

Et les mots durs de l’homme la ramenèrent à la réalité. La Marquise fronça les sourcils avant de se précipiter non loin de là. Les ouvrages déposés soigneusement sur une étagère volèrent dans un fracas terrible. Il avait raison ; ses enfants étaient en danger à présent. Une peur intestine l’assaillait, celle d’une mère, qui à chaque inspiration imaginait déjà le pire. Elle tira tant bien que mal un petit coffret qu’elle ouvrit à la hâte. Son contenu tinta sous la précipitation mais ses doigts habiles ne tardèrent pas à se saisir de la seule fiole qui l’intéressait. Sa main se serra sur le verre dans l’espoir que cela calmerait ses tremblements. Sans attendre son reste, elle saisit les pans de tissu et s’avança à pas vif vers la porte. Comment en étaient-ils arrivés là ? Qu’avait-elle fait cette fois-là ? Payait-elle pour ses crimes passés ? Tant de questions qui se bousculaient, se heurtaient, déchiraient la psyché. Finalement, elle fit volte-face, faisant taire du même coup les terribles souvenirs. « Je me fie en vous, Boucher. Conduisez mes enfants et moi en lieu sûr et je saurais m’en rappeler ». Elle ne riait plus. Il ne lui inspirait même plus le même dégoût. Alanya de Saint-Aimé était bien trop préoccupée pour s’en soucier davantage.
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeLun 14 Oct 2019 - 8:49

Seule la ruse leur permis de s'extirper de la fosse à latrines qu'était devenue Cantharel. Chaque homme, chaque femme, chaque enfant pouvant incarner le bras de la trahison, ils durent se méfier de tous sans pour autant éveiller les soupçons. Adonc les éclaboussures de sang qu'il avait reçu au col et sur sa brigandine devinrent des tâches de confitures après une malencontreuse ouverture s'étant soldée par une giclée faciale. Adonc les soubresauts de la marquise venant ravir ses propres enfants des bras des nourrices devinrent une envie irrépressible de maternité possessive que l'on attribua sûrement à ses menstruations épisodiques. Là enfin, lorsque les badauds du palais les virent monter dans le carrosse, on pensa très certainement à une petite ballade bucolique dans les environs verdoyants et crottés de la cité.
Son plan avait fonctionné. Les berthildois n'étaient vraiment que des jambons.
Voilà qu'une colonne s'en alla en direction de Kelbourg avec pour seuls bagages, la marquise, ses enfants et ses gens de confiance ; et pour seules armes, Thibaud et ses ouailles. L'un d'eux avait pris la direction du bled dans lequel Louis avait posé ses malles. L'idée principale étant d'avertir le marquis au plus vite de l'envolée séditieuse de sa propre cité.
Bientôt, Cantharel disparut derrière eux dès que les derniers rayons journaliers s'évanouirent. Il n'avait revu la marquise depuis leur départ en toute hâte, préférant cavaler en tête comme à son habitude. Pourtant dès qu'il sut que la prestigieuse enseigne de Pépé Roger approchait, il se résolut à réduire la voilure pour venir se mettre à flanc de carrosse. Sa main leva le voilage et il découvrit la marquise enlaçant ses enfants endormis.
– Nous arrivons non loin de l'auberge de Pépé Roger, lança-t-il. Mon estomac réclame son rôti et vos petits voudraient sûrement dormir sur une vraie paillasse, mais je suis d'avis de continuer notre route jusqu'à Villeroy où mon fils Charles nous accueillera.
Il jeta un œil derrière lui, là où l'obscurité commençait à gagner la plaine.
– Un cavalier nous suit depuis notre départ, il reste à deux ou trois cents pas en aval, confia-t-il. Il tâche de se faire discret, mais mes hommes n'ont eu de mal à le trouver. Avez-vous une idée de qui il pourrait s'agir ou devons-nous y voir un espion ne connaissant pas l'art de la discrétion ?  

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeLun 14 Oct 2019 - 18:23


« Où va-t-on Mère ? »
Les yeux émeraudes du jeune Charles-Louis ne quittaient pas les paysages qui défilaient. Un sourire flanqué sur ses lèvres enfantines, il s’extasiait d’un rien. Jean, lui, était bien plus renfrogné. Boudant dans son coin depuis le départ, c’était à peine s’il avait décroché un mot à ses parents. Il se concentrait plutôt à maintenir un mutisme parfait, lâchant quelques fois de longs soupirs exaspérés aux remarques béates de son aîné. Voilà bien deux rejetons dont on doutât même de la jumelée, tant ils divergeaient par leur caractère. Même la marquise ne parvenait à les concilier lorsqu’ils étaient dans une même pièce. Le premier était gentil et doux – nul doute qu’il tenait cela de son père -, tandis que le cadet lui, semblait être un enfant turbulent et bagarreur. Jamais d’accord sur rien, les garçons menaient la vie pénible à tous ceux qui les côtoyaient de longue date. Fort heureusement pour l’Alonnaise, il demeurait endormi sur ses genoux certainement la petite dernière. Néera Lys rêvait paisiblement depuis leur départ. De trois ans plus jeune que ses frères, elle était l’enfant du miracle ; et chaque jour qui passait confortait les aspirations de ses parents. Espiègle et maline, elle menait son monde à la baguette – et surtout le pauvre Louis.

« A Kelbourg, chez le seigneur Thibaud »

« Pourquoi on doit quitter le château sans prévenir Père ? »

La curiosité maladive du petit irritait passablement la Saint-Aimé qui se serait bien passée d’expliquer à sa progéniture leur fuite prématurée. Mais là ! Ils étaient assez grands pour comprendre tous deux se qu’impliquait être au pouvoir. Un jour, ils devraient occuper la place de leurs aïeux ; dès lors elle refusait qu’ils agissent comme des gamins que l’on aurait trop choyés. Ils apprendraient tous les rouages, et s’endurciraient avec le temps.
« Parce que certains de nos vassaux ne veulent pas d’une étrangère comme marquise »

« Mais tu n’es pas une étrangère, tu es notre maman ».

Le garçonnet tourna sa bouille aux yeux ronds, décontenancé. Si la réflexion lui tira un sourire, la naïveté, elle, lui rappela douloureusement qu’il faudrait les éduquer mieux que cela plus tôt que tard. « Vous savez que je ne suis pas née ici. C’est là ce que l’on me reproche ; et ce que l’on vous reprochera toute votre vie ».

« Mais, on n’y est pour rien nous ! »

Elle rit doucement en caressant les cheveux bruns de la petite. « Sachez les garçons que dehors, peu importe ce qui est vrai ou pas, ce qui est de votre fait ou non ». Et avant qu’il ne puisse répondre, l’on toqua au carreaux. La tronche du Boucher en mire, il lui fallut un effort considérable pour ne pas l’éconduire ; après tout, il l’avait tiré d’un bien mauvais pas mais il la dégoûtait toujours autant. Le jeune Louis se blottit contre sa mère tandis que Jean daigna enfin lever son museau peu aimable. Les enfants n’avaient pas – ou peu – eu à faire à ce drôle, si bien qu’il les intimidait avec sa trogne embourbée et ses habits salit par le sang. Pour autant, le sénéchal ne s’attarda guère sur la marmaille. Il venait quérir des informations, et elle était toute prête à les lui donner si cela le faisait déguerpir plus vite.
« Poussons jusqu’à Villeroy. Votre ventre tiendra bien jusque là-bas, quant aux enfants ils n’en apprécieront que mieux l’accueil ». Louis ne masqua pas sa déception, mais n’ajouta rien. « Et si je devais vous dresser une liste de tous mes ennemis capables de monter sur un cheval, nous en aurions au moins pour l’énnéade. Si ce chevalier a décidé de coller à nos talons, invitez-le à notre table ».


Dernière édition par Alanya de Saint-Aimé le Sam 19 Oct 2019 - 21:12, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeJeu 17 Oct 2019 - 11:08

Advienne que pourra ! Ils continuèrent à bonne allure et Thibaud n’eut que l’odeur du rôti en guise de consolation. La Saint-Aimé ne savait pas ce qu’elle ratait. Le rôti du père Roger était parmi les meilleures carnes qu’il avait eu le plaisir et le privilège de déguster. Le jus était un nectar rivalisant avec les plus somptueux crus que la péninsule ait connus. Au lieu de ca... ils arrivèrent finalement à Villeroy avant que l’aube ne se lève. Son fils, prévenu de la manœuvre, les accueilli  tous de bon cœur aux côtés de son épouse et de leur jeune progéniture. La relève du  Boucher ! Les serviteurs de Charles leur offrit plats et boissons chaudes  pour  que la Marquise et ses enfants puissent se remettre de leur nuit passée dans le froid berthildois. Thibaud  ne resta pas avec eux, nul ne le vit vraiment pendant quelque temps. Ayant perdu toute amitié  avec son aîné depuis  la mort de sa rustaude d’épouse, il préféra passer le reste de la nuitée entouré de ses hommes dans une taverne sentant bien plus le purin que la bonne odeur de rôti qui l’avait enivré pendant le voyage.
Là alors, une fois remis, le connétable vint rechercher  sa nouvelle « protégée » et tous reprirent la route  dans le plus grand silence. La question de rester à Villeroy  s’était bien posée, mais dans sa grande mansuétude, Thibaud avait préféré laisser son fils en dehors de cela. Adonc la folle équipée s’en alla toujours plus au sud pour  gagner Kelbourg, la plus belle cité berthildoise existante en ce jour. Il eut toujours durant tout le reste du trajet un œil vagabond sur leurs arrières pour  s’assurer que le peigne-cul de Cantharel les suivait toujours. Il vit des fois une tête sortir d’un fourré ; une autre fois un bras s’extirper d’un tronc d’arbre. Pour sûr  qu’on avait mis sur leur trace le bouffon des conjurés ou pis encore, l’admirateur indiscret de l’alonnaise. Son étoile protectrice que diantre !
A la vue de l’épaisse cité fortifiée plongée dans une brume opaque et inhospitalière, Thibaud  cessa enfin son mutisme pour en informer ses futurs invités.
– Nous sommes arrivés, beugla-t-il comme s’il avait voulu  réveiller toute la jeune coterie. Ma demeure sera la vôtre jusqu’à ce que  nous trouvions le fin mot de cette histoire.
Et il espérait cette fin proche. Assez pour ne pas avoir à se coltiner la mégère de Louis jusqu’aux premières gelées. Le convoi entra par la porte principale – laquelle avait eu sa herse et son pont-levis tous deux levés. Ils traversèrent les ruelles désertées par les badauds après avoir appris l’arrivée de leur bon et juste seigneur. Enfin, ils gagnèrent sa forteresse surplombant la cité comme un monumental bloc de pierre noire bouffée par le temps. Des serviteurs – SES serviteurs – sortirent un à un du logis seigneurial. L’on eut dit une véritable cour des miracles composée de borgnes, d’éclopés et d’un bossu à la gueule cassée nommé Casimir – son Vallet personnel. Cette joyeuse compagnie travaillait à son service depuis quelques années maintenant. Trouvé pour la plupart dans les endroits les plus malfamés du berthildois, il les avait pris à son service comme l’aurait fait un collectionneur passionné d’objets curieux.
– CASIMIR ! héla-t-il à l’adresse de son bossu. Tu seras en charge de mener la marquise et ses enfants dans leurs appartements.
– Oh oui messire, Oh oui, vous êtes trop bon ! répondit l’affreux en se mouvant tel un gros crapaud en direction du carrosse.
– Ferme ta vilaine gueule !
Quelle horreur cela dut  être pour ces enfants guère habitués à contempler de si laids faciès. Thibaud  s’en délecta d’avance avant de poser pieds dans la grosse bouillasse qui recouvrait le sol. Il n’accorda dès  lors plus la moindre attention aux nouveaux venus, préférant aller se réfugier dans son antre. De son côté, une fois les présentations faites, le bossu mena la mère  et sa marmaille dans les anciens appartements de son épouse se trouvant à l’extrême opposé des siens. Ils durent alors passer quelques couloirs et autres corridors tous plus charmants les uns que les autres. Pour sûr qu’aux vues de la décoration lugubre qui régnait dans ces lieux contés dans les plus sinistres légendes, les enfants de Louis n’auraient pas fini d’en faire des cauchemars jusqu’à la fin de leur existence. Cette impression n’en fut que  plus  décuplée lorsque le jour céda la place à la nuit. Comment ne pas s’inquiéter dans ces pièces immenses lorsqu’on connaissait la réputation du Boucher ?
Pour le dîner, le bossu vint les chercher pour les installer à la grande tablée utilisée pour les rares festins. Et le seigneur  des lieux  repointa de nouveau le bout de son nez.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeSam 19 Oct 2019 - 13:34

Cramponnés à ses jupes, ses enfants tentaient vainement de masquer leurs frimousses innocentes dans les pans de tissus ; et pour cause ! Le Vilain s’était assuré de transformer sa maison en véritable cours des miracles. Il fallait bien lui concéder ceci : le drôle s’était assuré de trouver les créatures les plus repoussantes pour composer sa suite, et certainement même se délectait-il de l’incommodant accueil. Elle savait que trop que le Kelbourg s’amusait de cela, de la laideur et de la terreur, et si d’aventure cela ne la dérangeait point c’était surtout car il tenait ses monstres en laisse. Aussi, quoique toujours stoïque, elle eut bien du mal à ne pas grimacer quand le valet s’en vint. La pauvre bête avait les pattes arquées, le ventre difforme, le dos tordu et c’était sans causer de sa trogne abjecte. Chaque pas semblait douloureux, claudiquant vaille que vaille à travers les allées austères du château. Il était pour sûr bien différent de Cantharel : dépourvu de toiles et tapisseries, seuls certains dédalles s’habillaient d’un mobilier sommaire et de quelques gargouilles presque aussi laides que les laquais. Pour autant, cette sobriété ne lui fit pas grand mal. Alonna les Trois-Murs avait cette même allure simpliste. Cela avait pour avantage d’éviter les distractions.

Et les petites mimines silencieuses eurent bien du mal à se décrocher. Même Jean ne faisait pas le fier en ces lieux. Pourtant plus turbulent – et la tête emplie de trop d’épopées guerrières -, il s’était prostré dans un coin des appartements point trop rassuré. Là, la triste nuit qu’elle risquait de passer ici ! D’autant que son hôte, fort prévenant, n’avait jugé bon de nommer une nourrice, pas même que la marquise n’avait vu la trogne de sa femme. Pour peu, et cela ne l’étonnerait qu’à moitié, les domestiques l’avaient copieusement goulotés ; ou pire ! Le connétable serait bien capable de la lui faire bouffer, juste pour se marrer un coup. Grands Dieux, elle se demandait encore ce qui lui avait pris d’accepter d’entrer dans la tanière du Loup. D’ailleurs son brave Louis s’était toujours montré avare en parole lorsqu’il causait de son subordonné. Non pas qu’elle aimât particulièrement aborder la question mais cela faisait partie de leurs prérogatives, surtout quand le ladre avait la fâcheuse tendance à éveiller la colère tantôt des autres nobles, tantôt des petites gens ou même des cultes.

Et sans surprise que la Saint-Aimé jura de tordre le cou à ses enfants. La marmaille n’avait eu de cesse de l’empêcher de se reposer correctement, tantôt en pleurant, d’autres en cauchemardant. Et bien qu’elle eut espéré un peu d’aide – même de la part d’une des bestioles de compagnie -, rien de vint A croire que le seigneur du castel l’avait sciemment fait. Puis, quand on s’en vint à sa porte, elle fût d’autant plus déçue que ce n’était que pour la conduire auprès du Boucher. On ne pouvait faire pire journée ; plus encore ! Pire énnéade. Bloquée dans une véritable foire aux monstruosités, avec leur Roi pour hôte, elle n’avait pu rêver plus belles vacances. Elle se demandait quand Louis viendrait la tirer de là. Elle ne savait même pas où il se trouvait d’ailleurs. Mais ça n’avait aucune espèce d’importance. Bien obligée de faire honneur à celui qui l’avait sauvé, embarquant la famille à sa suite, elle s’installa aussi confortablement que possible dans la salle de réception. D’ailleurs l’endroit lui tira un sourire mauvais ; elle devait fort bien prendre la poussière au vu de l’amour de Thibaud pour les choses de la cour. Et c’est presque aussitôt que son cul toucha la cathèdre que le Berthildois fit son apparition. Un peu moins sale que la veille, il avait pourtant toujours la même vilaine mine. Bien à contre cœur, la marquise se releva pour saluer l’homme.

« Ah Thibaud ! Vous resplendissez ! Ma journée ne pourrait être plus belle qu’en voyant votre frimousse à notre souper. Mais où est votre épouse ? Je n’ai eu le plaisir de la remercier elle aussi de votre charmant accueil ». Dans ton assiette.
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeSam 19 Oct 2019 - 14:12

Thibaud était déjà assis à la grande tablée lorsque vint l’Alonnaise et ses petits cervidés. Depuis combien de temps ce castel n’avait plus reçu la présence de chiard ? Une ou deux décennies pour sûr. Et cela ne lui avait point manqué, préférant laisser ses propres enfants vivre à Villeroy plutôt qu’avec lui. Ah non ! Il y avait Hector, ce fils bâtard devenu un homme, un vrai. De tous ses fils, il était celui qui lui ressemblait le plus  physiquement. Il n’était malheureusement pas pourvu  du même intellect… le rendant parfois trop penaud et inapte à la conversation. Ce dernier n’était pas à table avec eux. Thibaud l’avait envoyé battre la campagne pour ramener les impôts de ses vassaux, à coup de triques s’il le fallait. Pour cette raison, ses invités étaient les seuls présents et c’eut été bien assez.
Et puis l’Alonnaise se mit à le remercier grassement comme une potiche de basse-cour, remerciant au passage son épouse absente. Thibaud resta de marbre et leva son verre en direction de la femme.
– Mon épouse a préféré mettre fin à ses jours il y a quelques  années de ça lorsque je m’en étais allé guerroyer au côté de votre époux pour reprendre Diantra des vilaines mains liguarde. Dans sa grande clairvoyance, mon épouse préféra s’ôter la vie elle-même plutôt que  d’attendre mon retour, se sachant sans-doute condamnée à une mort plus effroyable. Et pour cause, ce fut le jour où ma fille fut prise par des bandits de mauvais aloi que je fis rôtir à mon retour dans l’Argonnois. Buvons à leur honneur, ma Dame ! Buvons à ma défunte femme !
Ses sarcasmes résonnèrent dans toute la grande salle du  castel kelbourgeois.
– Mais avant, laissez-moi vous présenter un autre invité, voulez-vous.
Il tendit la main et un homme accompagné de quelques-uns de ses limiers pénétrèrent armes à la main. Le premier arrivé n’était  point de Kelbourg, mais  présentait tout l’attirail d’un malandrin. Il n’était guère répugnant de prime abord, mais se mit  à empester la merdasse en se rapprochant de leur table.
– Voici l’homme qui nous suivait, ma Dame. Je m’en suis fait un ami lorsque vous dormiez chez mon fils… et… Je crois que son offre m’a fortement émue. Voyez-vous, cet homme que vous pouvez voir et même sentir, m’a offert de vous livrer à ses maîtres contre une somme colossale et la promesse d’un titre de Baron de Kelbourg si jamais je les aidais  à prendre le trône. Ma foi, vous me connaissez suffisamment pour savoir de quel côté mon cœur balance lorsque je suis exposé à tant de promesses.
Il leva de nouveau son verre, le visage radieux.
– Mangez ma Dame, mangez autant que vous le pouvez. Dans deux jours je vous livrerai à votre funèbre destin.
Le discret espion des conjurés n’eut aucun mal à ne pas cacher sa joie. Il avait atteint bien plus d’objectifs qu’on ne lui avait demandé. Demain, il serait probablement riche ! celui-ci, bien débonnaire, s’avança bien plus près de lui, le faisant ainsi grimacer d’un profond dégoût.
– Est-ce que je pourrais envoyer un message, messire Connétable.
– Mes oiseaux sont à vous, gentilhomme. Et vous ma Dame, est-ce que la viande est à votre goût ?
Ses gardes étaient arrivés derrière ses invités et s’étaient déjà saisis d’eux sans la moindre gêne. Thibaud jubila intérieurement en la voyant se faire prendre ainsi. Il jubilait de la savoir enfermée à son bon vouloir sans qu’elle ne puisse user de sa langue pour  l’abreuvoir de douces grossièretés.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeSam 19 Oct 2019 - 14:59


Fou. Il était fou. Tout s’enchaîna si vite qu’elle n’avait pas même eu le temps d’écarter ses petits, les voyants du coin de l’œil se débattre dans un concert de cris étouffés. Le cœur lui remonta presque jusqu’aux lèvres. Tirée vers l’arrière par d’épaisses poignes, elle ne douta pas qu’il ne pouvait s’agir que de deux choses : soit le Kelbourg attirait à son antre les instigateurs afin de régler le souci à la racine au moment de l’échange, soit le bougre était encore plus foldingue qu’elle ne l’aurait pensé. Dans les deux cas, la pauvre Marquise était bien en peine ; pas assez forte pour rivaliser un homme, loin des siens, elle n’avait que d’autres choix que celui d’accepter son sort. Quoi qu’il eut décidé, le Boucher avait bel et bien réussit son coup d’éclat. Isolée dans un endroit devenu encore plus hostile, elle ne pouvait plus qu’espérer que les minutes s’égrènent promptement. Son instinct la forçait à se débattre, et pourtant son frêle corps ne parvenait même pas à écarter un peu les bras de son geôlier. Les larmes coulaient abondamment sur les joues de ses enfants. Elle voyait la détresse dans leurs yeux embués, et les rires gras des hommes de mains ne galvanisèrent que sa haine. Alanya de Broissieux lança un regard glacial au Vilain, sans même prendre le temps de dévisager le Puant. Il le regretterait un jour, dans ce monde ou dans le prochain.

Malmenée, maltraitée, elle sentait les doigts du rustre s’enfoncer dans sa chair à mesure qu’il la reconduisait à ses quartiers. Elle fût bien attristée de voir que Thibauld n’était point encore assez sot pour ne s’entourer que d’estropiés ; cela lui aurait certainement été bien plus utile. Mais tout au contraire, les chiens sentaient forts, étaient peu prévenants, et semblaient oubliés qu’à défaut de pouvoir leur causer, la Marquise pouvait toujours entendre leurs comiques de caserne. Et même leur franches marrades ne parvenait à couvrir le sanglot des trois petits, trimballés aussi habilement que leur génitrice. Là, ouvrant le battant à la volée, on les lâcha comme on jetterai des animaux, avant de le clore définitivement. Presque aussitôt, la femme se rua sur le portant de bois qu’elle frappa mollement de ses poings tremblant, faisant même fi des marmots qui animaient la pièce de la mélopée de leurs cris. Posant son front contre le cèdre, elle sera les dents une longue minute.

« SILENCE ». Sa voix ne tressaillit pas, pas plus que son corps certainement marqué par les affreux. Presque aussitôt, les petits s’arrêtèrent, bondissant de peur sous l’ordre impérieux de la mère. Jamais elle ne leur avait parlé de la sorte, mais elle était exténuée. Et pire encore ; leur chouinerie l’empêchait de réfléchir convenablement. Elle aurait tout le temps de se faire pardonner et d’être bonne pour eux quand ils se trouveraient à mille lieues de là. En attendant, ils devraient se contenter de la boucler assez longtemps pour qu’elle puisse trouver une solution. Avait-on placé quelqu’un au-devant de la chambre ? Sûrement, et qui plus est armé jusqu’aux dents. Le Boucher était prévenant. La Saint-Aimé battit des paupières et se redressant. « Charles, Jean, emmenez votre sœur dans le petit dortoir, là-bas. Reposez-vous. Je viendrais vous voir dans peu, je vous le promets ». En revanche, elle se garda bien de leur promettre que cela allait s’arranger, car elle n’en savait rien. Il y avait peu de chance d’ailleurs que cela se finisse bien. Mais devait-elle pour autant bercer ces gosses d’illusions ? Si jamais ils s’en sortaient, voilà qui aurait tôt fait de forger leurs caractères à tous.
« Eh là ! Derrière la porte ! Je sais que vous m’entendez ! Allez dire à votre maître que je voudrais le voir, SEULE ». Personne ne répondit. « Lui fais-je aussi peur pour qu’il refuse de m’affronter alors que je suis chez lui et désarmé ? Nous avons un repas à finir. Allez, je vous prie. Trouvez-le, par pitié ». Sa main s’abattit une nouvelle fois sur la porte.
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeDim 20 Oct 2019 - 11:07

Les aboiements de l’Alonnaise durent se perdre dans les limbes pour que nulle bonne âme ne vienne à son secours. On la laissa bramer comme une bête aux abois sur le point d’être servie. Au mieux, sa colère ne fit qu’alimenter un peu plus les murs de ce castel qui en avait connu  bien d’autre. Car les légendes et autres ragots rapportaient que ce château était vivant et que son ombre grandissait à chaque nouvelle souffrance rapportée par son maître. C’eut été sûrement pour  cette raison que la sorte de suie coulant des pierres faisait dire qu’il s’agissait du sang de toutes les victimes qui n’étaient jamais  réapparues. Pour ces raisons, nuls ne s’y  approchaient jamais de trop près et nuls non plus n’y venaient seul lors des séances de doléance. C’est donc dans ce climat particulièrement jouasse que des gardes vinrent chercher la marquise au petit matin pour la tirer des bras de ses enfants. La bonne dame fut forcée de revêtir  une robe de chambre déchirée et sale que l’on eut préparé spécialement pour l’occasion. Celle-ci fut aussi  conduite sans explications dans l’une des cellules de la citadelle fortifiée. L’endroit n’était point le lieu le plus  charmant du monde pour  sûr. La cohabitation avec les rats et autres joyeusetés de Kelbourg serait une réalité, tout comme le manque  de chaleur et les innombrables courants d’air s’engouffrant par les petites meurtrières.
De toute évidence, le standing n’était clairement point le même que celui des douillets appartements de Cantharel. Ce fut dans ces conditions que le bon seigneur de Kelbourg vint rendre visite à la Dame accompagné de son nouvel ami prénommé Philippe Dussac. Il en avait  appris  beaucoup sur cet homme ; notamment qu’il n’était guère un espion, mais l’homme de main d’un puissant berthildois dont il n’avait point encore lâché l’identité. Le conspirateur lui  avait seulement demandé d’attendre que ce roi  des conjurés vienne avec sa meute en sa propre cité pour  assister en personne à la mort de la belle alonnaise.
L’allure triomphale, le visage grimé d’un sourire déconcertant, Kelbourg vint ouvrir la porte de la cellule pour  découvrir enfin dans quelle joyeuse posture se tenait la dame. Au regard qu’elle lui  donna, Thibaud  comprit  qu’elle n’appréciait point sa nouvelle condition. Cela ne le troubla pas plus  que  ça, pour ne pas dire aucunement.
– Madame, j’ai  là  une bien triste nouvelle à vous annoncer je le crains… avoua-t-il. Louis est mort, assassiné par ce même homme que je  lui  avais  envoyé pour  le prévenir d’un danger vous souvenez-vous !? Cantharel sera bientôt prise par vos détracteurs, faute de marquise  pour la défendre.
Il n’attendait  aucune réponse. Pis, il s’en cognait  éperdument de ce qu’elle aurait  pu lui balancer en cet instant qu’il voulait  sien.  
– Votre tour sera pour demain, affirma-t-il. Vos amis seront là  pour assister à votre exécution après le déjeuner. Je leur ai promis  un royal festin à la hauteur de l’événement auquel vous ne serez pas invitée, vous vous doutez.  
Son nouvel ami  Philippe arriva à ses côtés, fier comme un paon. Il  empestait toujours autant, mais le boucher avait trouvé une parade en se glissant du baume tonifiant sous les narines. Ce que la dame n’avait pas !
– Vous serez châtiée pour vos méfaits, Dame de Saint-Aimé ! Nous savons tout de vous, votre…
– Casimir vous apportera votre dernier repas, coupa-t-il sèchement. Et, rassurez-vous, vos enfants n’assisteront pas à votre mort, ils resteront entre de bonnes mains croyez-moi.
Son sourire carnassier laissa sans doute présager le pire pour la belle Alanya. Le moment fut  à savourer, Thibaud  n’en perdit pas une miette. Il aimait voir les visages se défaire  au  fur et à  mesure qu’il annonçait aux suppliciés l'imminence de leur mort et plus exactement la façon.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeDim 20 Oct 2019 - 12:09

Les genoux repliés, elle serrait dans ses bras les derniers pans de sa dignité. Elle n’avait pas eu le courage de verser une larme lorsqu’on l’avait conduite ici. Et puis le froid, l’odeur et les puces l’empêchaient de s’épancher de trop. Enfin, c’était là ce qu’elle croyait. La petite meurtrière ne laissait passer qu’un maigre filet de lumière, si bien qu’il lui était difficile de sentir le temps s’écouler. Depuis combien d’heures, de jours, était-elle prostrée là ? Elle l’ignorait. Et ses ongles inquiets gratouillaient çà et là ses chairs piquées tandis qu’elle s’obligeait à garder les yeux ouverts. La fatigue s’était ancré sur son visage livide, et elle peinait à ne point somnoler. Quelques fois, lorsqu’elle arrivait à bout, son esprit se mettait à divaguer. Alors elle revoyait face à elle l’intransigeant Philippe.
« Qu’as-tu fait cette fois ? »
« Rien, je vous l’assure mon oncle »
« Regarde-toi ». Alors elle s’empressait de cacher ses mains tremblantes et sales derrière son dos, comme l’aurait sûrement fait un enfant. Penaude, elle n’osait rien lui rétorquer ; cela ne servait à rien de toute manière, il avait toujours eu le dernier mot.
« Où ai-je fauté mon oncle… Dîtes le moi, je vous en conjure ».
Et là, dans un geste presque tendre, il posait sa large main sur son crâne en silence. Quoique toujours farouchement fermé, elle aimait à voir derrière ses yeux gris de la compassion. Avait-il jamais été capable d’en éprouver, avec elle ou même avec son fils ? « Desm… ». Mais il lui intima le silence. Les choses auraient certainement été bien différentes si ce soir-là elle n’avait pas rejoint son cousin. Elle s’en voulait certainement assez pour quatre vies encore. Et Tyra la Damnée jamais ne l’accepterait en son sein. Elle errerait alors pour l’éternité dans les limbes du Néant. Un sanglot lui échappa peut-être, ou deux. « J’ai si peur mon oncle ». Et c’était bien là toute la vérité nue. Alanya était terrifiée non pas de mourir, mais de ce qu’il y avait après. Jamais elle n’avait fait preuve d’assez de bonté dans sa vie. Elle avait triché, usurpé, tué. C’était bien là le moindre mal qu’elle mérita ; pour autant elle ne pouvait se résigner à son sort. Pas depuis qu’elle avait connu le bonheur – le vrai – avec Louis. Pas même depuis qu’elle avait la responsabilité d’une mère. Qu’adviendrait-il de ses petits, si jamais le Boucher ne mentait guère ?

Son cœur manqua de se déchirer quand le bruit des énormes clefs résonna dans le verrou de sa geôle. Elle n’avait même pas entendu les ladres parvenir jusqu’ici, certainement plongée dans un demi-sommeil. L’image du Broissieux s’en était allé lorsqu’elle se releva d’un bond, le dos collé contre la paroi froide et humide. Pas de doute : elle était ici une bête acculée face à de bien mauvais loups. Pour autant, la trogne du Kelbourg lui souleva les boyaux, rappelant avec violence à quel point elle détesta l’affreux. Si d’aventure il ne s’agissait ici que d’une ruse, le bougre s’en délectait de trop. Il lui payerait un jour – oh oui pour sûr ! Mais en attendant, craintive, elle ne pouvait qu’affronter mollement son petit air vicelard. Et puis il y avait l’autre dont les effluves ne manquèrent pas de lui filer la gerbe. Etait-il humainement possible de sentir si fort ? Là peut être qu’elle s’en soucia moins lorsque le vilain seigneur ouvrit sa gueule. Les mots. Ils la frappèrent avec une telle violence. Son diaphragme se contracta, l’air lui manquait. Un bourdonnement sourd masqua presque les déblatérations de l’oiseau de mauvaise augure. La pièce tourna et ses mires se noyèrent bientôt, la gorge lui piqua et s’appuyant encore plus contre la pierre, elle crut défaillir. Elle tenta de se maîtriser. Elle ne voulait donner au Boucher ce qu’il voulait, quand bien même il venait de la tuer avant l’heure : la marquise ne pleurerait pas. Pas devant l’homme qui venait de tout lui arracher pour son bon plaisir. Malgré tous ses efforts, une perle saline dévala ses joues rosies par l’émotion.

« Vous mentez ». Ses jambes tremblèrent un peu, prête à céder sous le poids. Sa voix elle, n’avait plus rien de l’assurance d’antan, et vibrait de peine. La Saint-Aimé refusait d’y croire, pourtant au fond d’elle elle se refuser d’espérer. Il était assez fol pour ça. Il l’avait toujours été. « VOUS MENTEZ ! ». Elle se fichait bien à présent de mourir ; une vie sans Louis ne valait plus la peine. Autant qu’il la tue céans. De toute façon, elle était déjà morte.
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeLun 21 Oct 2019 - 8:55

On fit tourner trois cochons à la broche ce matin-là. Une douce odeur de cochonnaille se répandit dès lors dans tout le castel, que dis-je, dans toute la cité au point que les mômes jouant sur la Grand-Place en eurent l'eau à la bouche. Pour sûr que l'on se préparait à la bonne ripaille dans le castel sans même savoir pour quelle saugrenue raison. Alors quand on vit des cavaliers arriver en nombre aux abords de la cité, l'on sut que les invités s'en étaient arrivés. Et du gosier à nourrir il y en aurait foutre diantre ! C'est que la Dame d'Alonna n'y était point allée de main leste avec ses ennemis et lui coûterait probablement une petite fortune en bouffe et en alcool.
      Thibaud accueillit les visiteurs dans la cour de la citadelle, vêtu d'habits toujours aussi sobres et d'un manteau fait avec la fourrure d'un ours tué des années auparavant. Cela le rendait plus imposant et toujours aussi peu avenant. Au côté de Philippe, il se laissa guider par ce dernier pour faire les présentations. Enfin, il découvrit quels genres de joyeux lurons se cachaient derrière les masques de la conspiration. Il n'en connaissait à peine que la moitié. Quelques-uns étaient des familiers de la cour de Cantharel, quand d'autres étaient des notables du Berthildois. Il y avait là quelques vavasseurs de Saint-Aimé et d'autres grands bourgeois connus de filandreuses corporations. Pour le reste, les têtes ne lui disaient rien. Mais à voir leurs faciès difformes de consanguins dégénérés, il comprit qu'ils ne pouvaient provenir que d'Alonna.
      – Mes seigneurs, bienvenue à Kelbourg ! Lança-t-il, haut et fort, les bras levés en guise d'amitié.
      Pour ceux qu'il connaissait, il avait déjà dû les côtoyer lorsque Godfroy de Saint-Aimé s'en était allé, laissant le jeune cervidé entouré par cette même bande de prédateurs souhaitant goûter au pouvoir. Charles était parvenu à les museler en bon chef d'orchestre, mais la fragilité du début du règne de Louis n'avait eu de cesse de leur donner du poids. En ce jour pourtant, nul d'entre eux ne sembla vouloir sortir du lot pour reprendre la succession du vieux Charles. L'un d'eux, d'Alonna vue la trogne qu'il se payait, lui tendit une main qu'il serra fort.
      – Pouvons-nous voir la putain ?  
      – Ne vous inquiétez pas, messire, l'échafaud est prêt regardez ! Vous la verrez bientôt et deux fois plutôt qu'une même.
      Les conspirateurs, dont lui même faisait partie dès lors, furent conduits par Casimir dans la grande salle préparée pour l'occasion. Dans la cheminée, six grandes bûches crépitaient et projetaient leurs flammes ; trois ménestrels, manchots, cul de jatte et aveugle avaient troqué tabliers contre luth et tambourins. Le beau tableau que cela faisait ! Casimir enfila tant bien que mal sur sa tête un chapeau à clochettes et eut pour mission de divertir les invités. Sa démarche maladroite et son hideuse tête ne manqua pas de les faire hurler de rire sans même avoir commencé ses jeux de saltimbanque.
Assis au centre de la table, en bon maître des lieux, Thibaud leva son verre plusieurs fois en l'honneur de ces gens et de la Marquise bientôt séparée de sa tête.
      – Je lève encore mon verre en votre honneur mes seigneurs ! Vous qui avez eu le courage de mettre un terme à la vie de cette insupportable bonne femme ! Vous qui m'avez ouvert les yeux à temps pour accomplir votre œuvre ! C'est à vous que Sainte-Berthilde.... et qu'Alonna devront rendre les honneurs ! Merci à vous d'être venus.
Les cochons furent terminés plus vite qu'il n'aurait pu l'imaginer. Tellement qu'il n'eut même point le temps d'enfourner une fourchée à force de palabres, de remerciements et de récits narrant le bon vieux temps.
      – Nous voulons voir la putain sans sa tête, messire Thibaud !
      L'alonnais était saoul et l'avait apostrophé en lui postillonnant dessus. Casimir arriva aussitôt pour lui prêter un bout de sa manche afin de se nettoyer.
      – Que les gardes amènent la Dame dans la cour, Casimir !
      – Oui, maître, répondit l'affreux en s'affaissant ridiculement devant lui.
      – Allons donc dehors, il est temps ! Allons dévisser la vilaine tête de la Marquise !

      Dehors avait été installé, comme mentionné précédemment, un échafaud dans la cour de la citadelle. Le spectacle se jouerait donc à guichet fermé et la Dame se retrouverait privée de jets de tomates et autres légumes pourris. Les conspirateurs s'installèrent donc en face de la petite scène, les estomacs bien remplis et la haine toujours aussi farouche. A leurs côtés, encore, Thibaud présiderait l'assemblée et dut lever une main ferme pour que les gardes débarquent en tenant l'objet de toutes les discordes. Alanya de Saint-Aimé, née Broissieux, s'en alla jouer sa dernière pièce les yeux bandés. C'eut été là sûrement la plus grande cruauté qu'il lui administrerait. Mourir sans même connaître les visages de ses ennemis. Par simple envie d'enfoncer le couteau dans la plaie, Thibaud partit rejoindre la belle qui avait enfin appris à fermer sa vilaine bouche. En arrivant près d'elle, il sentit sa peur qu'elle peinait à camoufler. Il sentit sa détresse et son envie d'en finir une bonne fois pour toute. Mais elle ne partirait pas tout de suite, du moins, pas tant qu'il n'en aurait pas donné l'ordre !
Il vint alors se mettre dans son dos et se mit à susurrer quelques mots à son oreille.
      – Ne sentez-vous pas quelque chose, Altesse ?
      Il est vrai qu'une odeur de merde s'était mise peu à peu à recouvrir la cour. Cette déconvenue fut à rajouter au concert de boyaux des invités qui n'en finirent plus de chanter. Ses nouveaux amis souffraient sûrement d'avoir trop mangé. Ceux qu'ils pensèrent pourtant n'être que de vilains maux d'estomacs se transformèrent bien vite en véritables tortures. Assez pour qu'on en voit deux ou trois, puis cinq et six, chuter à terre tout en se pliant de douleur.  Et puis, ils se mirent tous à déféquer un à un devant l'estrade, hurlant bientôt leur désespoir tout en suppliant leur mère qu'elle vienne les tirer de leur méchante diarrhée virulente. Suite à toute cette merde qu'ils expulsèrent de leurs immondes trous de balle, ce fut autour de leurs bouches de recracher des jets continus de tout ce qui pouvait bien encore rester dans leurs entrailles. Finalement, le spectacle n'était pas là où on l'avait attendu !
Thibaud profita de cet odorant moment pour retirer le bandeau des yeux de la Marquise.
      – Ils sont à vous, Saint-Aimé, murmura-t-il. D'Argonne en Alonna, pourra-t-on entendre que vous les aurez fait chier jusqu'au bout.



Dernière édition par Thibaud de Kelbourg le Mar 22 Oct 2019 - 9:45, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeLun 21 Oct 2019 - 22:02

Les premiers rayons du soleil percèrent au travers la mince lucarne. Les yeux gonflés de fatigue, assise contre sa paillasse, elle n’avait même plus la force de penser. Il était bientôt l’heure, à en croire l’agitation qui régnait au bas de la tourelle. Ah ça, l’on beuglait avec force dans l’arrière-cour, parfois même à grand renfort de jurons dans un patois qu’elle ne connaissait pas. Etait-ce le moment où elle devait prier ? Pour quoi faire ? Les Cinq s’étaient détournés d’elle depuis longtemps, et les hypocrites jérémiades n’y changeraient rien. Puis même, ils se gausseraient de l’Arachnide démembrée. Peut-être que tout cela était pour le mieux, finalement. Ses enfants n’auraient à souffrir d’une mauvaise mère, vivant paisiblement à l’abris des yeux avides. Elle espéra encore un peu leur manquer, qu’ils se souviennent d’elle avec nostalgie plutôt qu’avec haine. Ils seraient bientôt orphelins, et mille fois elle aurait demandé juste de quoi écrire une ultime lettre pour ses chers petits. Mais qu’y aurait-elle mis ? D’être brave comme leur père pour sûr, et bon aussi. Elle aurait insisté pour qu’aucun ne se déchire, car il avait pour force d’être trois. Alors une larme dévala sa joue crade, la gorge nouée. Ils n’auraient de tout ça que le terrifiant silence, et le souvenir des hourras que l’on clamerait sitôt sa tête tombée. La Saint-Aimé aurait, en vérité, voulu leur dire dans une dernière étreinte de ne pas détester ces gens pour ce qu’ils s’apprêtaient à faire ; que c’était l’inimité qui l’avait conduite là. Qu’au contraire d’elle-même, Charles, Jean et Néera devraient être justes et aimables.

Elle ne toucha même pas au dernier repas. La bouillie empestait le mauvais grain et se noyait dans des grumeaux peu ragoûtant. Et puis ses tripes ne l’auraient pas supporté. Pour sûr, l’heure approchait. Sa conscience oscillait mollement d’un espoir à l’avide vérité : elle allait mourir ce jourd’hui. De toute les manières, le cœur en miette, elle n’aurait supporté la perte de son époux. Au-delà de l’amour qu’elle porta à leurs enfants, elle éprouvait pour Louis bien plus encore. Les années s’effilaient et jamais pourtant la flamme ne s’était étouffé ; pire encore, à croire que le Faon avait réussi à la conquérir chaque jour un peu plus. Qu’importait à présent ses absences et ses silences ! Qu’importait de n’avoir su lui dire, de lui avoir mentit – une fois ou deux -, de l’avoir maudit même dans leurs disputes qu’elle aurait préféré plus rare. Ce que la marquise avait perdu, elle ne le retrouverait jamais. Oh elle avait aimé une fois ! Et ça n’avait rien de cela. La peine qui étreignait sa poitrine valait bien toutes les morts. Alanya ne souhaitait plus vivre dans un monde où il n’existait plus. Cette fois-ci, ses mires s’embuèrent pour de bon, laissant une rivière humide qu’elle ne parvenait à interrompre. On lui avait ouvert le corps et extrait son âme.

« On y va ». Sans la moindre douceur, alors qu’elle essuyait péniblement son visage du revers de la main, on la souleva de son assise. Les gros doigts pénétraient son muscle, mais elle se garda bien de couiner ; elle n’offrirait plus rien à ces chiens, ni maintenant ni jamais. Un tissu rêche vint abîmer sa tronche noircie si bien qu’il lui fallut presque être portée pour ne pas choir dans les escaliers étroits de la citadelle. Elle manqua d’ailleurs de se tordre les chevilles plus d’une fois ; on se foutait bien d’un pied cassé quand on mourrait ! Le bruit, l’animation, lui parvenait sans mal. Elle ne reconnaissait aucune voix dans ce flot continu, et à quoi bon chercher après tout ? Qui pourrait bien la venger un jour ? Plutôt, elle s’astreint à oublier tout cela, les fumets de la cochonnaille, les rires gras, les va et vient. Ses doigts serrèrent les pans de son haillon, pour que ses mains cessent de trembler. La Flamme du Nord était terrifiée ; il ne faudrait plus que quelques minutes pour qu’en vienne son supplice. D’ailleurs on la menait déjà à l’échafaud dans un concert abject. La tête haute, elle avait pourtant la gerbe. Qu’ils rient, ah oui, qu’ils se marrent ! Elle n’aurait assez d’une vie – ou d’une mort – pour les retrouver tous, et les faire payer. Puissent-ils, ces seigneurs, dormir une dernière fois en Paix ; car après ce jour, ils ne pourraient prétendre à aucun repos.

L’Alonnaise n’eut de cesse de se tendre lorsqu’au derrière d’elle, elle sentit la présence du Kelbourg. Le Vilain, quoi qu’elle le haïssait assez à présent, lui faisait toujours aussi peur. Elle avait été imprudente en suivant son hôte, en croyant encore à la fidélité d’un homme qui n’avait plus de cœur depuis des lustres. Il lui avait tout enlevé, de sa dignité à son mari, à sa propre vie. Lui aussi, il pouvait bien se marrer. Puis lorsque ses immondes lippes s’approchèrent de son oreille, il lui fallut faire un effort remarquable pour ne pas se dégager. Elle ne voulait pas qu’il l’approche, elle ne voulait pas qu’il la touche. Qu’il en finisse s’il y tenait tant que ça, à son titre ! Mais plutôt, un relent de merdasse lui revint aux naseaux. Le parfum lui retourna l’estomac un peu plus, et peut-être même qu’il se contracta mais elle n’avait rien à rendre, elle.
Ce n’est que lorsqu’il lui ôta le bandeau qu’elle comprit. Un frisson lui parcouru l’échine tandis que ses yeux d’acier se posaient avec mépris sur le spectacle. Reprenant un peu contenance – mais rien qu’un peu -, elle s’accorda une minute dans un silence religieux, à peine troublé par les cris d’agonie. Le Boucher était toujours là, si près d’elle que son odeur de musc se mêlait à celle de ses invités. Elle lui en aurait volontiers mis une, mais après tout, il n’avait fait que ce qu’elle demandait. Elle les aurait, même au prix de sa propre vie.
« Enfermez-les. Ils sont à vous jusqu’à l’arrivée de Louis ». Sa voix perçait à peine dans la cohue. Elle ne s’inquiétait plus de leur sort : la dixième Plaie du Berthildois n’avait point usurper son titre. Il saurait s’amuser de toute cette barbaque, juste assez du moins pour patienter. Une dernière œillade et elle se détourna de la scène coulante. Là, elle faisait face à l’homme. S’il la dépassait d’une bonne tête, elle ne se démonta guère ; la haine accrochée à ses prunelles, ils étaient si proches que l’air en devenait presque irrespirable. « Vous me le paierez Thibaud. Un jour ou l’autre ». Et il n’eut pas de quoi en douter. Elle rira bien à son tour, lorsque l’on découpera le Boucher.
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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeMar 22 Oct 2019 - 21:34





Depuis maintes journées au sien du prieuré de Saint-Aimé, une liesse comme il s’en était peu vécue au paravent illuminait les faciès de tous ses pieux résidents. C’est qu’une ennéade plus tôt, un corbeau troqua son statut d’oiseau de malheur pour celui de bon aloi, se voyant confié par les bonnes genses de Cantharel message de leur venue prochaine. Enracinée dans un perpétuel état de dormance, les tranquilles pénates de Saint-Aimé renaquirent  sitôt la nouvelle reçue et s’affairèrent à recevoir leur Marquis en bon et due forme. Pour la peine, ils rapatrièrent les services des palefreniers avoisinants, s’assurèrent que la pitance abonde et suffise aux grivetons qui accompagneront Louis et libérèrent des appartements prompts à sa venue. Dans tous les cas, le petit peuple était dans un émoi des plus totaux. Pour cause, la présence du Marquis n’eut été relevée que quelques années plus tôt, lors de la grande duperie d’Arcam en l’an 13. Mal-en-point et à moitié dans ta tombe, Louis s’était relevé de la maladie ici même en Saint-Aimé et, depuis sa rémission, n’eut guère plus temps pour ceux qui avaient priés nuit et jour en son nom.

Le jour de son arrivée, le tintamarre d’allégresse des clochers s’apparia gaillardement avec les hourras du petit peuple, de même qu’à l’ovation des dévots sur place. Débordant de contentement face à ce sémillant accueil, un sourire bien véritable s’installa en tout confort sur le faciès clairsemé d’éreintement du Cerf. Il lui était bon non seulement de revoir ces terres qui l’avaient vu naître, mais aussi ces bonnes genses qui considéraient la position du Marquis sur le trône de Sainte-Berthilde comme une époque à perdurer. Une fois le calme plutôt revenu, c’est sans grand heurt que Louis put s’adresser aux siens en s’annonçant à eux comme s’ils furent tous et chacun de proches comparses. De surcroît, le Marquis put profiter de cet heureux moment pour annoncer le véritable pourquoi de sa venue.

« De tristes et affligeantes années de souffrances sont maintenant derrière nous. Le Berthildois, non content d’avoir essuyé une invasion gobeline, dût affronter l’affliction du Dieu menteur et colmater tous les dégâts engendrés par la furie d’Othar durant La Faille. Fort heureusement pour nous, ces malheurs, bien qu’ils nous mirent à l’épreuve, ont laissés dans leur sillage une richesse capable de nous donner les moyens de se relever. La mine d’opale et de marbre bat ce jourd’hui à son plein potentiel et, l’export nous apporte des fonds en suffisance pour amenuir  le calvaire des Berthildois. Voilà pourquoi je vous annonce ici aujourd’hui, l’édification de la plus grandiose Cathédrale du Berthildois dans le prieuré de Saint-Aimé! »

Nul besoin de vous convaincre sur le fait qu’après l’énonciation d’une telle nouvelle, le paroxysme des réjouissances fût atteint sans grand mal. Louis aperçut même quelques bonnes femmes chouiner de joie! Vu son arrivée soulignée de la sorte, le Saint-Aimé s’imaginât bien que son séjour serait ici fort bien engageant.

Et ce fût le cas. Du moins, jusqu’à ce qu’une patrouille ne débarque en toute hâte dans le Prieuré, labourant la terre des fers de leurs canassons lorsqu’ils freinèrent leur course folle à quelques mètres à de leur maître. C’est donc sous la désagréable chanson des piétinements et des hennissements qu’on interpella Louis, qui jusqu’alors discutait avec l’un des notables dévots du coin. En tout, ils formaient à eux un joyeux quatuor de cavalier harnachés à la légère, parés à dévaler la route au grand galop. Au travers de la formation, l’un sortait du lot : une mine moins avenante, plus … sale, et au visage vilain. Un laideron, quoi.

« Monseigneur, nous vous conjurons de faire atteler au plus preste l’un de vos plus vaillants palefroi : votre femme la Marquise court un immense danger. » Dit le coursier Kelbourgeois à Louis, sans autres ambages.



Avant de piéter dans les enceintes de Kelbourg, l’on compta le passage de trois lunes dans les cieux et ce fût bien la course la plus folle que Louis battit. La nuit dernière fût blanche du début à la fin, car c’est peu avant le chant des coqs qu’une dizaine de cavaliers donnèrent enfin congé à leurs destriers à moitié crevés. Arrivé sur place, bien qu’icelle fût presqu’en totalité purgée des impuretés de la veille, une odeur nauséabonde (un heureux mélange de basse-cour et de latrines fangeuses) planait dans l’air. Ici, autrement que la poignée de bleusaille à moitié endormie qui tenait la cour, Louis ne se gêna guère pour prendre les devants et s’annoncer lui-même dans le castel de son « fidèle » connétable.

Heureusement pour Thibaud, qui devait probablement encore faire des bulles avec son pif, vautré dans le stupre de la bonne compagnie de quelques femmes à prix modique, un garde précéda le grand Louis et s’en alla réveiller dare-dare le maître des lieux en cognant à deux mains s’il le fallait à la porte du boucher.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeJeu 24 Oct 2019 - 18:00

Oncques ne revit nul minois aux traits de l'Alonnaise reparaître après son simulacre d'exécution. Elle et ses petits faons restèrent tapis dans leurs appartements et durent prier pour qu'une mort douloureuse l'emporte. Elle dut  aussi profiter, pour sûr, de ses mômes qu'elle manqua presque de ne plus jamais revoir un jour plus tôt. Elle lui en voulait la garce ! La puterelle ! La ribaude ! Lui qui l'avait sauvé des griffes d'immondes faquins qu'elle avait su, des années durant, se mettre à dos pour qu'ils aillent jusqu'à vouloir intenter à sa vie. Qu'importe ce que l'on fasse pour elles, ces mégères n'étaient jamais heureuses pour peu qu'elles soient en plus mal baisées.
     Pour autant, Thibaud ne s'en vexa pas plus longuement pour ne pas dire qu'il en oublia même l'existence de la Marquise dès le soir venu. D'autres au contraire, accaparèrent toute son attention et le mirent dans un état frôlant l'excitation d'un jouvenceau devant sa première putain. Ce fut à cet instant, véritablement, qu'il dut s'avouer à lui-même que la seule raison de son aide inopinée avait résidé dans la joie qu'il avait éprouvé en traquant ses proies tout en devant user de ses talents pour paraître comme un noble-cœur, puis comme un immonde salopard, et enfin comme la plus géniale des ordures !
     – Maître, maître ?!
     Casimir venait brusquement de l'interrompre en pleine séance de saucissonnage de l'un des conspirateurs. Le sang lui avait giclé à la tête dès lors qu'il s'était mis à faire de sa jambe une pièce de boucher de premier choix. Une fois amputé et une fois son souffle à court de hurlement, l'homme s'était peu à peu assoupi et se réveillerait tantôt sans l'ombre d'un membre ! Un homme tronc, voilà ce qu'il adviendrait de lui !
     – Quelques instants, je te prie, mon bon Casimir.
     Un énième mouvement de scie plus tard, l'os finit par se couper. Thibaud leva alors ses mirettes en direction des autres candidats à la Question. Il eut pour eux un sourire narquois afin de les remplir d'une terreur indescriptible. L'un d'eux eut d'ailleurs encore de quoi faire pour chier à nouveau dans ses braies.
     – M'sire de Saint-Aimé, mon bon maître, l'interrompit de nouveau le ladre bossu. Il est arrivé !
Son visage s'illumina.
     – Mon bon Louis, souffla-t-il. Et vous mes braves amis, il vous faudra être plus bavards dans les prochaines heures.
     Le boucher enleva ses gants et remit son tablier sur sa table de cuisine avant de reprendre les chemins de l'escalier menant à la cour de la citadelle. Ce fut ainsi le visage clairsemé de gouttelettes de sang qui ne lui appartenait point qu'il accueillit à bras ouverts son vieil ami.
     – Louis ! lança-t-il comme un ivrogne sortant d'une taverne. Vous avez donc eu mon message ; rassurez-vous, votre femme et vos enfants se portent bien.

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MessageSujet: Re: Oh la galère [Alanya et Louis] - PV   Oh la galère [Alanya et Louis] - PV I_icon_minitimeMar 29 Oct 2019 - 16:31




Il n’eut guère temps de conquérir les premières marches du castel que vint se présenter devant lui son éminent sénéchal. Les timides rayons de soleil vinrent illuminer sa vilaine trogne de soudard, mettant en valeur son faciès zébré de sang. Dans un vague moment d’égarement, sous l’effet duuuuu … Il en perdit ses repères. La gueule de son Sénéchal, barbouillée et zébrée de sang lui rappela cet âpre constat : Thibaud n’arborait guère le galant sobriquet de boucher pour rien. La coquette rumeur qui circulait ici à Kelbourg lui revint même à l’esprit : le briscard revêtait plus souvent qu’autrement le sang au visage, tant son odeur que sa vue lui plaisait. Qu’à cela ne tienne, qu’importe les fantaisies auxquelles il s’adonnait avant son arrivée, Thibaud devait maintenant répondre de son homme de main et même s’il lui en coûtait de tout déballer ici, sans autres ambages.

« Thibaud, dis-moi tout. » Demanda le cerf du tac au tac, sans la moindre forme de salutation. Même qu’en place de cette formalité usuelle, sa paluche vint instinctivement se poser contre le sommet de son pommeau d’arme. Depuis leurs aventures par-delà les terres du milieu, malgré les absences prolongées de son Sénéchal, de même que les médisances populaires à son propos, jamais il ne douta un instant de sa fidélité envers lui. Naif, fort probablement qu’il l’était. Et pas qu’un peu. Mais défaire à ses côtés les félons du Médian, tuer et guerroyer, lui laissait croire qu’ils avaient tous deux –malgré leurs très cuisantes différences-, bâti une relation de confiance.

Ce matin-là, quand bien même que ces deux bougres cumulaient à leur actif quelques années d’amitié, une pointe de suspicion envers son vassal persistait et cautionnait le geste de sa main à son acier. « Et sois concis. La cavale vers tes pénates m'a privé de toute patience. » L’éreintement bien posé contre les traits de son visage velu, témoignait autant de son impatience que de son sérieux. Le grand cerf, désormais muni des plus grands bois du Berthildois, n’entendait plus rire lorsque sa famille était en jeu.
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