Que de bonnes nouvelles! [Kerath]

Maintenant que le rituel n’était plus nécessaire, il était temps de donner l’ordre de finalement monter le camp, ordre que reçurent les troupes qui n’étaient pas chargé de la sécurité de leurs camarades selon les instructions des prêtres d’Uriz qui s’étaient occupés, plus tôt, d’arranger le tout. Il ne restait plus qu’aux soldats, aidés par leurs esclaves, à se mettre au travail sauf pour un endroit : l’emplacement alloué à la princesse marchande dont aucun eldéen ne s’occupait et si ses gens ne s’en chargeait pas, elle dormirait à la belle étoile. Toutefois elle n’était tout de même pas loin du centre de l’attention, déjà parce que soldats ne s’attendaient pas forcément à voir une vaanie parmi eux mais aussi, et surtout, parce que l’emplacement qui lui fut alloué n’était pas loin du centre du camp ; pas loin de la quarth ul’mah, la tente de commandement, facilement reconnaissable par sa taille, ses onze côtés et ses cinq piliers intérieurs. L’Etat-Major était tombé d’accord sur une chose : mieux valait la garder à portée de main. Et justement c’était d’une de ces réunions rassemblant les officiers supérieurs des osts, des instances magiques, ou en tout cas celles disponibles, et cléricales que le karliik glenn quitta. Il lança un coup d’œil à l’Aurore en se demandant pourquoi est-ce qu’il tentait d’épargner les vies des naélisiens alors qu’eux-mêmes ne le voulaient visiblement pas. Prenant une dernière inspiration, l’ilythiiri s’étira alors que les autres sortaient pour le laisser seul, il laissa son regard vagabonder entre les tentes et les escouades qui se regroupaient devant leurs tentes pour préparer leur repas.

Il rentra alors dans la sienne, de tente, et fit signe à ses esclaves personnels de se décrocher des pans de ladite tente, d’entre les meubles, pour venir l’aider à retirer son armure bien qu’une fois libéré de sa peau d’onous'delab odelin il remit son manteau rouge, si à l’intérieur le froid n’était pas gênant, il le serait probablement une fois dehors, à la place de son armure de bataille il en mit une autre, plus légère, d’apparat ; composée principalement d’un plastron sur lequel était représenté diverses scènes des exploits de Kiel, Tesso et Meingal bien qu’en y regardant de plus près il était facile devoir que c’était ce dernier qui était plus représenté que les autres. Avant d’aller braver le froid extérieur il attrapa le petit autel de campagne qui l’accompagnait depuis ses débuts dans les osts pour le poser sur la grande table qui était encore l’un des centres de l’attention il y avait de cela quelques instants pour déposer ensuite son anneau d’onyx à l’intérieur du creux formé au centre de l’autel. Il tendit sa main droite sur le côté sans quitter des yeux le symbole de son rang et attrapa la poignée d’une dague que l’un de ses esclaves lui tendait. Il s’entailla la paume de la main au-dessus de l’autel et laissa quelques gouttes de sang s’écraser sur l’anneau avant de former un poing.

« Puisse le Général être le fier témoin de l’ordre que nous instaurons en marchant pour l’Eda Vengeur. »

Avec ces quelques mots il termina sa prière muette il s’autorisa à bouger pour plonger sa main meurtrie dans une bassine d’eau dans laquelle flottaient des pétales grises d'étincelle. Une fois ses mains séchées il sortit une fois de plus mais cette fois il s’éloigna de la quarth ul’mah, rapidement suivit par des gardes draconniques, pour se diriger vers la tente de Maralina. Il accueillit le compliment d’un hochement de tête.

« Méfies-toi de ce que tu souhaites. » Répondit-il avec un ton sérieux mais également avec un sourire en coin. « Surtout si tu n’as pas l’habitude de voir beaucoup de cadavres. »

Sagar suivit alors le regard de la princesse marchande pour tomber sur une eldéenne habillée d’une robe rouge qui la couvrait des pieds à la tête à l’unique et notable exception de son ventre. En effet une ouverture allait de ses hanches jusqu’à sa poitrine laissant visible le tatouage du cercle rouge clair avec son nombril comme centre sur sa peau d’encre. Sans répondre à la vaanie il se tourna vers la grande-prêtresse.

« Un problème, bel’la Zes’surra ? » L’intéressée ne répondit pas tout de suite, ne décollant pas les deux rubis sombres qui lui servaient d’yeux de la princesse marchande, détaillant son torse pendant de longues secondes, les sourcils froncés.
« Non, aucun, au contraire. » La flamme dévouée à Natha avança vers Maralina d’un pas déterminé. « Vous l’avez peut-être déjà remarqué : la Mère vous a accordé sa bénédiction. »

Elle appuya ses dires avec un regard lourd qui tomba sur le ventre de la princesse, qui contrairement à celui de Zes’surra, était recouvert par sa robe.

Qu’elle avait vu bien des choses et ce malgré son jeune âge, ça il voulait bien la croire, après tout c’était l’un des intérêts de l’Ithri’Vaan, tout, ou presque, y était permis et donc tout, ou presque, y était visible. Toutefois Sagar était prêt à parier que, cette fois, ce qu’elle pourrait voir se trouverait être l’exception. Il était prêt à parier que Maralina n’avait jamais vu la deuxième manière qu’avait le Puy de lever une armée bien qu’assembler fut peut-être un terme plus adapté… encore que. De toute façon le karliik glenn était également certain que si la princesse marchande voulait ne pas en être témoin elle était assez grande pour se manifester. Mais en attendant il se contenta d’observer la discussion entre les deux femmes devant lui. Haussant un sourcil aux révélations de la prêtresse, l’ilythiiri se tourna vers Maralina avec un sourire. C’était une bonne nouvelle, du moins pour elle, mais la future mère n’avait pas l’air d’accueillir ladite nouvelle comme il se devait. Le drow se dit que c’était parce que la fertilité humaine faisait que les naissances étaient si courantes que ce n’était même plus digne d’attention. Mais le sourire de Sagar s’évapora bien vite. En l’occurrence redevenir parent n’était pas un problème, ça faisait plus de cinq siècles qu’il l’était, et de ses nombreux enfants il n’en avait connu qu’une poignée. Parmis ceux qui étaient encore vivants, l’une était à Thaar, l’autre probablement quelque part dans la Chambre Magmatique, sûrement à chercher un moyen de se débarrasser de son père, et la troisième était… il n’en savait rien. A vrai dire il ne savait même pas si elle était encore en vie. Toutefois, s’il avait bien des enfants, leurs mères n’étaient pas vaanies. Ou au moins elles étaient drows. En tant qu’eldéen, et d’autant plus maintenant qu’il était un eldéen puissant, Sagar avait remplis un de ses devoirs : il avait fait des enfants, même un certain nombre, mais en faire d’autres avec une autre qu’une ilythiiri ne serait pas forcément bien vu.

Il lança un coup d’œil à la drow à ses côtés , la questionnant du regard, lui demandant pourquoi sa divinité tutélaire avait accordé sa bénédiction à Maralina et non pas l’une des eldéennes, ou même des dorniennes, qu’il avait côtoyé. Il n’eut pas de réponse, évidemment la prêtresse n’étant pas télépathe elle ne pouvait pas répondre à une question qu’on ne lui avait pas posé. L’attention de Sagar se reporta bien vite sur Maralina lorsqu’elle fit part de son état. Le général attrapa un des bras de la vaanie, juste en dessous de son épaule et se pencha en avant pour placer son bras libre derrière ses genoux pour enfin se redresser. Il fut surpris par sa légèreté mais ne s’arrêta pas longtemps sur ce détail, avec la princesse dans ses bras il franchit les quelques mètres qui les séparaient de la tente dont les serviteurs de ladite princesse s’activaient encore à arranger selon ses souhaits.

Si quelqu’un refusait, ou était trop lent, de se pousser, Sagar n’hésitera pas à les bousculer pour se frayer un chemin, chemin qui fut maintenu par ses gardes draconniques qui le suivaient comme son ombre. Une fois à l’intérieur il chercha un lit ou une chaise pour la déposer.

« Allez chercher de l’eau. » Aboya-t-il aux serviteurs en question, ne s’arrêtant pas une seconde pour se demander s’ils parlaient l’eldéen ou non.

Sagar croisa les bras en lançant un regard noir au serviteur qui était bien trop lent à son goût, il se demanda même s’il le faisait exprès. Résistant à l’envie de le pousser pour qu’il se presse, le général se contenta de rester debout, à observer Maralina boire une fois qu’elle reçut enfin sa coupe. Maintenant il fallait qu’elle se calme et pour ça il ne savait pas s’il pouvait faire quoi que ce soit. Et il ne savait pas s’il avait envie de faire quoi que ce soit. Obtenir et maintenir un certain contrôle sur soi-même était important et l’eldéen ne savait comment prendre ce signe de faiblesse. Était-ce une exception, un moment passager qui ne se reproduirait pas, ou bien est-ce que la princesse d’Uldal’Rhiz était un colosse aux pieds d’argile ? Et si c’était bien une faiblesse : est-ce que leurs enfants en souffriraient également ? Il n’y avait plus qu’à espérer que non et si ces derniers devaient survivre, il était hors de question que le général les laissent développer le même trait. Il se retourna pour échanger quelques avec un garde draconnique qui sortit peu de temps après. Puis Sagar attendit.

Lorsqu’enfin Maralina éleva la voix le karliik glenn confirma l’injonction de cette dernière à ses gardes qui allèrent attendre devant la tente, la gardant comme s’il s’agissait de la tente de commandement. Tandis que leur supérieur continuait d’observer la princesse, impassible, mais il haussa un sourcil. Il n’était pas certain de comprendre pourquoi elle lui disait ça.

« Pourquoi es-tu désolée? » La question n’était pas rhétorique, loin de là même, il était réellement surpris bien que l’expression qui naquit sur son visage de cette surprise disparut après avoir posé sa question. « Natha t’as accordé un présent. »

Il voulut ajouter que c’était bien assez rare que les dieux fassent quelque chose pour leurs adorateurs pour se permettre de le voir comme quelque chose de dommageable mais il préféra se taire. C’était d’ordinaire plus aux mortels, ou en tout cas à ceux qui arpentaient Miradelphia, d’offrir, de sacrifier, à leurs divinités.

« Et non, tu n’es pas obligée de garder le secret, je n’ai plus cinquante ans, Mara, je ne vais pas me cacher ; si quelqu’un a un problème avec ça il peut venir me le dire. » Sans doute que les plus conservateurs des eldéens auraient en effet quelque chose à redire mais les vaanis aussi ne respectaient que la force et la princesse marchande avait une place au conseil ce qui, du moins c’est ainsi que Sagar le comprenait, voulait dire qu’elle était parmi la poignée de personnes les plus puissantes d’Ithri’Vaan et lui-même était l’un des plus puissants ilythiiri du Puy. « Si tu es certaine que je suis le père des jumeaux, et que tu ne comptes pas les sacrifier à la Mère, tu peux t’attendre à ce que je m’occupe d’eux. »

« Exact. » Concéda-t-il bien qu’il voyait tout de même la bénédiction de Natha accordée à Maralina plus qu’à lui et ça il ne pouvait pas y faire grand-chose. A moins de changer le culte de la Mère pour y retirer cette exclusivité féminine mais malheureusement il était karliik glenn et non prêtre ou du moins initié vu que les drows ne peuvent être complétement ordonnés. S’il ne s’était jamais demandé pourquoi, l’acceptant simplement parce que c’était ainsi, il était arrivé à un stade de sa vie où il se mettait à se poser des questions sur un peu tout et n’importe quoi ce qui incluait, entre autres, la société dans laquelle il évoluait et surtout : les dieux. Mais poser ce genre de question devrait attendre son retour, au moins à Sol’Dorn, et surtout au Puy. En attendant il devrait garder ses questions sur le sujet pour lui un peu plus longtemps. Quant à la suite de la réponse de la princesse, le général se demanda si elle était complétement honnête.

Après tout mentir était un talent important, aussi bien chez les eldéens, il s’agissait même d’un art cultivé et apprécié par les adeptes de Tesso, que chez les vaanis et Sagar était loin d’être assez naïf pour faire confiance à Maralina. D’autant plus que si les mœurs du Puy et de l’Ithri’Vaan était connues pour être particulièrement ouvertes et si lui avait couché avec d’autres personnes depuis leur dernière rencontre, il se doutait que c’était aussi son cas à elle. Ce qui ne le dérangeait pas, après tout elle pouvait bien faire ce qu’elle voulait, il eut été barbare de demander une quelconque exclusivité, le général s’en moquait mais ça rendait sa déclaration moins… crédible. Il se contenta alors de la regarder, impassible, sondant son regard bleu pour y chercher un quelconque indice quant à sa sincérité, ou son absence. Il serait absurde de penser que c’était un coup prévu de la part de la princesse, il aurait fallu qu’elle trouve une prêtresse de Natha, une grande-prêtresse que Sagar connaissait qui plus était, qui accepte de l’aider ce qui était hautement improbable pour ne pas dire impossible. Toutefois Sagar était prêt à parier qu’on ne devenait pas princesse marchande sans sauter sur des occasions même si la fenêtre de réaction pouvait être particulièrement étroite et Zes’surra lui en avait donné une, d’occasion. Le karliik glenn ne doutait pas du fait que Maralina était enceinte mais s’il était bel et bien le père des jumeaux à naître. Ça il le verrait bien une fois que lesdits jumeaux seraient nés dans il ne savait combien de temps durait la grossesse humaine, la réponse serait alors évidente.

« Sûrement. » Répondit-il en haussant les épaules. « Encore faudrait-il qu’ils osent. »

Et pour ça il savait très bien qui pourrait l’aider, les aider, pour que ça n’arrive pas, du moins pas venant du Puy. Le souci étant qu’il ne savait pas trop ce que ça lui coûterait, si Sordrin était un vieil ami, le karliik glenn savait très bien qu’il ne manquerait pas une occasion d’obtenir une faveur de quelqu’un de puissant. Après tout c’était entre autres comme ça qu’il était devenu le Barra. Sagar, toujours immobile, regarda la princesse s’avancer vers lui.

« Les gens aiment les jeux dangereux. » Souffla-t-il dans un souffle avant de se laisser faire pour embrasser Maralina, décroisant ses bras pour poser ses mains sur la taille de celle-ci. Lorsqu’enfin leurs lèvres se séparèrent il prit une inspiration et sourit pour répondre après leur second baiser. « Qui te dis que je ne comptes pas te tuer quand même ? »

Pour une fois le sérieux avait quitté sa voix alors qu’il poussa la princesse vers le lit qu’elle venait de quitter, la suivant jusqu’à ce que le rebord arrête les jambes de la vaanie puis une dernière poussée forcèrent les genoux à se plier et la faire tomber en arrière. Montant sur le lit en y posant un genou et en plaçant ses mains de chaque côté de la tête de la princesse, Sagar la regarda une seconde avant de reprendre la parole.

« Je pourrais arracher ta jugulaire. »

Pour ajouter le geste à la parole il s’attaqua à son cou mais au lieu de faire usage de ses dents il se contenta de déposer des baisers le long de ladite jugulaire.

Il ne pouvait qu’être d’accord avec elle, ce serait en effet bien dommage de rougir les draps du lit avec du sang artériel bien que s’il ne s’arrêtait pas pour réfléchir aux conséquences d’un tel acte, l’idée était tentante. Mais à la place de mordre à pleine dents il laissa la pointe d’une canine caresser la peau de la princesse dans l’espoir de lui arracher un frisson alors qu’il descendait pour déposer un baiser un peu plus bas, toujours en suivant la carotide. Toutefois il n’en eut pas l’occasion alors qu’une main le ramenait vers le visage de sa victime. Encore une fois il ne pouvait qu’être d’accord bien qu’il n’hocha pas la tête ni ne dit quoi que ce soit, de toute façon le fait qu’il soit là était probablement une preuve suffisante de son assentiment. Quant à son observation, Sagar nota dans un coin de sa tête qu’elle avait au moins eu le temps de faire un petit tour du camp, ou du moins des alentours de sa tente.

« Ser dosst ogglinnar veir lu'dosst abbilen veirs. »
Gardes tes ennemis proches et tes amis encore plus.

Comme le disait un dicton aussi vieux qu’Elda, un dicton qui trainait probablement dans la tête de nombre d’eldéens, surtout ceux qui avaient vécu plus de deux siècles. Il ponctua son murmure d’un baiser court mais passionné, fougueux. Puis la réplique de Maralina le fit sourire.

« En effet je n’ai pas d’ordre à te donner. Que des suggestions. » La frontière entre les deux pouvait être floue, surtout lorsque l’on se trouvait avec une garde particulièrement réduite à l’intérieure du camp fortifiée d’une armée en campagne et c’était justement pour ça que la suite le fit rire. « Je n’ai pas d’ordre à te donner mais toi oui? »

Une des mains de Sagar vint se placer sur le poignet tandis que l’autre forma un poing qui resta contre le lit et dont il se servit pour se relever plus facilement attirant la princesse par le poignet avant de s’assurer qu’elle ne retomberait pas en plaçant sa main libre dans le creux de ses reins une fois de bout. Il en profita pour l’attirer contre lui.

« Que dirais-tu de faire l’inverse? Passes la nuit avec moi. »

« Ta bonté te perdra. » Lâcha-t-il avant de faire un pas en arrière pour se séparer d’elle pour aller à son tour vers la sortie de la tente pour finalement répondre à la question qui survint d’un hochement de tête. « De toute façon tu ne pourrais pas y entrer seule. »

En effet seul les hauts-prêtres d’Uriz et de Teiweon pouvaient y entrer sans l’autorisation préalable du karliik glenn alors pour une princesse marchande c’était évidemment hors de question. Et ce n’était pas plus mal car sous la quarth ul’mah se trouait des informations importantes qu’il valait mieux éviter de mettre sous les yeux de n’importe qui sans un minimum de contrôle. Une fois sortis le général grommela quelque chose à propos de la neige et hocha la tête en direction de ses gardes draconniques qui le saluèrent. Un sourire passa sur les lèvres de Sagar en voyant que Taz’endar regardait la princesse marchande avec envie, ses prunelles rouges s’arrêtant plus que de raison sur sa poitrine.

« Tu baves. » Gronda Shi’niira en lui donnant un coup de coude dans les côtes qui lui aurait sans doute fait très mal s’il ne portait pas son armure. L’intéressé se racla la gorge et rajusta brièvement sa posture avant de lancer un coup d’œil au milicien avec qui Maralina s’entretenait et il ne put entendre, ou du moins écouter, que la dernière moitié de sa phrase ; étant le seul à pouvoir aligner quelques mots d’oliyan il se mordit l’intérieur de la joue pour s’être laissé distrait ainsi.

« Sagar. » Le général abandonna la princesses des yeux pour se retourner vers lui, haussant un sourcil. « Elle... » voyant que la princesse marchande avait fini de parler et c’était retourné vers le colosse, s’arrêta dans son élan et à la place un sourire malicieux passa sur ses lèvres avant qu’il ne reprenne. « Shi’niira veut savoir si elle peut… »
« Si je peux aller faire une offrande à Isten. » Elle le coupa brutalement en lui lançant un regard aussi noir que les profondeurs de la Faille, ayant une idée plus ou moins clair d’où il voulait en venir.
« Si Lirdnol’sorn accepte de prendre ta place, oui. »
« J’irais plus tard. » Conclut-elle et le karliik glenn s’en retourna pour accompagner Maralina vers la quarth ul’mah, dans leurs sillages Shi’niira se pencha légèrement sur le côté pour souffler à l’oreille de son camarade. « Espèce de... »
« La prochaine fois tu frapperas moins fort. »


Si la tente de commandement était imposante, elle n’était pas richement décorée. Le tissu l’était, certes, il était de même pour les cinq piliers intérieurs et ce parce que le karliik glenn en titre n’y pouvait pas grand-chose. En effet les matériaux et sur ceux-là furent décidés il y a de cela des cycles et il n’était même pas venu à l’idée de Sagar d’y changer quoi que ce soit. Toutefois ce n’était pas le cas de l’intérieur qui était meublé de façon très utilitaire : rien n’était fait pour le confort de ceux qui s’en servaient, le maître des lieux refusant toute extravagance. C’était ici que d’ordinaire se réunissaient les officiers supérieurs ainsi que les grands ou hauts-prêtres, ils étaient une armée en campagne et non pas une bande de princes marchands dans leurs palais. Comme Sagar l’avait dit à un prima sanguis lorsqu’il était obok senger du second ost : « si tu veux des divans et des draps en soie d’huil orbb tu peux retourner et rester chez toi. »

Pendant que la vaanie observait l’autel qui était resté sur la table, ses esclaves ayant l’habitude de le laisser là vu que leur maître n’aimait pas qu’ils y touchent, le propriétaire dudit autel fit signe à l’un des esclaves qui se détacha d’un pan de la tente pour aller récupérer à boire tandis que Sagar faisait le tour de la table puis il s’arrêta de l’autre côté, rassemblant plusieurs documents pour former une petite pile.

« Pourtant je ne suis qu’une brute. » Un sourire se dessina brièvement sur ses lèves avant de disparaître aussi vite qu’il était apparu, ne laissant derrière lui que les traces de son fantôme alors que l’eldéen déposait ladite pile sur un coin de la table afin de la ranger un peu, chose qu’il n’aurait pas dû avoir à faire mais il avait congédié les aides de camp plus tôt que prévu ; après tout ils n’étaient pas autorisés à rester seuls et le karliik glenn étaient partis pour rejoindre la princesse marchande qu’il avait invité, ou qui s’était invité, le karliik glenn lui-même n’en était pas certain. « D’abord tu me donnes des ordres et ensuite tu me demandes quels sont mes plans ? Ça me rappel quelqu’un. »

Sa voix s’était refroidie et durcie en mentionnant le triumvir alors que Sagar repensait à sa dernière rencontre avec Istryn. En réalité il n’attendait qu’une chose : que ce dernier daigne sortir du Puy pour le rejoindre mais le général savait pertinemment que ce dernier ne le ferait pas, bien malheureusement. Prenant une inspiration pour se calmer, l’ilythiiri continua de ranger tout ce qui était éparpillé à portée de ses grands bras.

« Il faut croire que je découvre aussi une nouvelle facette de ta personnalité : je ne te savais pas adepte de stratégie militaire. » Il releva les yeux vers Maralina qui se voyait proposer plusieurs coupes sur plateau par l’esclave qui était finalement revenu, lesdites coupes étant remplies d’eau, de shyk’na, de zat’kyr et parmi celles-ci l’une d’elles était pleine de darnab. Le général aurait très bien pu faire venir d’autres breuvages, des boissons qui ne sont pas aussi fortes et qui n’assommeraient pas la princesse marchande en une poignée de gorgées mais cette dernière était venue pour assister à l’armée eldéenne à l’action et il eut été dommage de ne pas lui faire vivre l’expérience pleine et entière. « On a peut-être ça en commun. »

Maintenant que la table était, plus ou moins rangée, si on excluait les quelques cartes qui trainaient encore, Sagar daigna prendre une coupe du plateau qu’on était venu lui proposer. A la chaleur intense qui descendit dans sa gorge il identifia le contenu comme étant du zat’kyr et posa finalement ladite coupe sur la table sans pour autant s’asseoir à son tour. Il retourna vers l’autel qui n’avait toujours pas bouger pour y récupérer son anneau d’onyx tâché de sang séché. Il l’amenea ensuite vers un grand brasero supporté par des représentations de Natha, d’Isten, de Meingal, de Tesso et de Kiel alors que le récipient soutenu par les divinités représentait un soleil dont les nombreux rayons se repliaient vers l’extérieur pour tenir en son sein les braises ardentes dont des flammes tentaient par moment de s’échapper. Une fois l’anneau lâché dans les flammes il se retourna vers la princesse sur le doux grésillement du sang qui retrouvait rapidement son état liquide pour couler le long de la pierre précieuse jusqu’à atteindre la source principale de chaleur et s’évaporer. Il préférait faire ça plutôt que de lui répondre que ce à quoi elle avait participé n’était pas de vraies guerres.

« Tu n’as pas besoin de savoir manier une arme mais tu as besoin de personnes qui en sont capables. » Et il était prêt à parier que c’était justement pour ça qu’elle s’était rapproché de lui, il n’avait plus qu’à trouver quelle place elle lui avait alloué dans ses plans et surtout quand est-ce qu’elle comptait se débarrasser de lui, que cela implique ou non sa mort. Il fit quelques pas en direction de la dague qui était restée à côté de l’autel pour la prendre et retourner vers le brasero. Il passa la pointe de la lame à travers l’anneau pour le soulever, n’ayant pas vraiment envie de se brûler la main, et il plongea le symbole de son rang dans la bassine qu’il avait usé plus tôt pour se laver les mains, l’eau en question siffla au contact de la pierre précieuse chaude.


« Encore faut-il que tu sois capable de répliquer après le premier coup de ton adversaire. » Il ne comptait plus le nombre de personnes qui avaient surestimés leurs capacités à encaisser un coup pour se rendre compte, une fois le coup porté, qu’un coup marteau à deux mains dans la poitrine était mortel, ou qu’en laissant l’ennemi bouger en premier il était trop tard pour faire quoi que ce soit. « Si je peux te donner un conseil : ne laisse pas ton orgueil t’aveugler ou te pousser à sous-estimer ton ennemi. »

Ce qui était évidemment plus difficile à faire qu’à dire mais c’était un principe qu’il était facile de perdre de vue et qui pouvait souvent se révéler fatal alors un rappel ne faisait jamais de mal. Sagar plongea ensuite sa main dans l’eau tiède pour y récupérer l’anneau et il s’en alla ensuite récupérer la chaîne autour duquel il pendait d’ordinaire pour l’y replacer et le remettre à sa place habituelle : autour de son cou.

« Quant à ce que j’ai prévu pour toi, je ne suis pas certain que tes miliciens approuvent. » Il retourna vers la table en défaisant les quelques attaches de son plastron d’apparat. « Si cela t’intéresse je pourrais en faire de vrais soldats mais comme tu le sais peut-être : tous ne survivent pas à l’entraînement eldéen. »

Ce qui était déjà le cas pour les ilythiiris alors pour des humains, le karliik glenn supposait que ce serait pire. Une fois qu’il eut rejoint la princesse, il l’embrassa en posant une main sur sa hanche tandis que l’autre commença sur son cou pour remonter jusqu’au sommet de la nuque de la vaanie.

« Si tu en es certaine. » Se contenta-t-il de répondre sans rien ajouter. Il en avait connu des gens certains que les personnes sous ses ordres ne se retourneraient pas contre elles pour au final finir leur vie d’un coup d’épée dans le dos. Encore une fois, être trop sûr de soit pouvait être dangereux. Puis vint encore la même question. Il pencha la tête sur le côté, se rapprochant ainsi légèrement de son armure qui l’attendait sur la table. Il resta muet alors qu’il sentait les mains de la princesse s’appuyer sur son torse, contractant ses muscles pendant un demi second par réflexe. Il retira sa main de sa hanche pour venir placer sa paume contre sa joue.

« Ne t’inquiète pas, je ne comptes pas te demander la même chose. » Une seule humiliation avait été suffisante, bien que Sagar ne savait pas si elle fut plus cuisante pour lui ou pour Maralina. « Je comptes bien leur envoyer un nouvel émissaire, plusieurs mêmes, mais tu n’en feras pas partie, la… délégation sera naélisienne. Bien que je puisse t’y ajouter si tu insistes. »

Il supposait qu’elle n’insisterait pas et si jamais elle le ferait il s’assurerait que des témoins, eldéens comme vaanis, assistant à la scène car même si l’idée était très amusante, le karliik glenn préférait éviter de ternir les relations entre Thaar et le Puy ; si elle allait avec les naélisiens tous devraient savoir que ce serait de son plein gré et que les ilythiiri ne l’avaient aucunement forcé. Toutefois Sagar était prêt à parier une possible place au nahali que la princesse marchande refuserait, et ce de façon catégorique et explicite, de se joindre à la délégation. Et puis l’eldéen la laissa s’éloigner, retirant ses mains qui retournèrent se nicher dans les replis de ses coudes une fois ses bras croisés sur son torse. Mais il ne resta pas dans cette position bien longtemps, une de ses mains s’en alla récupérer sa coupe pour boire quelques gorgées avant d’aller chercher la dague sacrificielle qui attendait toujours dans la bassine d’eau pendant qu’il écoutait à nouveau Maralina. Il essuya l’arme détrempée sur sa tunique avant de la remettre au-dessus de l’autel qu’elle ne quittait jamais bien longtemps bien que cette fois elle était placée sur un rebord et non pas au centre comme c’était d’ordinaire le cas.

Il hocha doucement la tête en se retournant vers elle, s’il n’avait pas compris toutes les allusions, il devait admettre que l’histoire de l’Ithri’Vaan indépendant ne l’intéressait que bien peu mais il avait compris la dernière. Il devait admettre que Maralina avait peut-être plus de courage qu’il ne l’avait d’abord pensé ; rappeler au karliik glenn l’attaque des princes marchands sur les possessions de l’ancienne reine du Puy alors que Maralina se trouvait elle-même au milieu d’une armée eldéenne, au centre du camp, dans la tente de commandement, était courageux. Ou inconscient, il ne savait pas trop. Il attrapa la pile de documents qu’il avait rassemblé jusqu’à présent et alla la poser sur un meuble avant de faire le tour de la table pour rejoindre la princesse marchands pendant qu’elle énonçait sa proposition.

« Tu as un certain talent avec les mots, peut-être que Tesso aussi t’as offert un présent. »

Que ce fut le cas ou pas, que Sagar le pensait réellement ou pas, tout ça n’avait pas d’importance car Maralina n’eut pas le temps de répondre et même si elle en eut la possibilité l’air aurait du mal à passer sa gorge alors qu’une main à la peau d’ébène attrapa ladite gorge de la princesse pour la soulever et la plaquer contre la table ; le bois grogna sous la maltraitance qui lui fut imposé mais ne céda pas et le choc ébranla tout ce qui se trouvait dessus, y compris les quelques cartes qui étaient restées là et, surtout, l’autel. Usant de son poids pour l’immobiliser et couper sa respiration, la main libre de Sagar s’en alla au-dessus pour attraper la dague sacrificielle qui était tombée de l’autel et il vint la planter juste à côté du visage de la princesse marchande.

« Maintenant utilises sa bénédiction pour me convaincre de ne pas te sacrifier à Uriz. »

Il ne s’était pas arrêté et encore moins retourné pour dire aux gardes draconniques qui entrèrent dans la tente que tout allait bien mais de toute façon ces derniers n’en eurent pas besoin étant donné que leur supérieur n’était visiblement pas en danger. Toutefois Taz’endar et Shi’niira s’approchèrent, la main sur la poignée de leurs armes respectives et virent se mettre de chaque côté du karliik glenn. Ce dernier desserra sa poigne d’acier pour permettre à Maralina de respirer, bien que mal, et de parler si elle le voulait.

« Je t’écoutes. » Gronda-t-il alors qu’il lâcha la dague sacrificielle pour mieux venir frapper sur le pommeau avec sa main nouvellement libre, enfonçant l’acier dans le bois de la table et s’assurant qu’elle resterait plantée là ; à moins que la princesse, dans cette position aussi inconfortable que peu pratique pour utiliser sa force, réussisse à retirer l’arme en luttant contre la force d’un Sagar qui était capable de non seulement déployer la sienne mais également d’ajouter son poids dans la balance pour s’assurer qu’elle ne bougerait que s’il le désirait.

Maralina pu sentir la lame s’enfoncer un peu plus dans sa paume alors que Sagar frappait sur le pommeau de l’arme. La Vaanie ignorait si ce qu’elle s'apprêtait à lui dire la sauverait de cette situation plus qu’inconfortable, mais qu’avait-elle à perdre à ce moment précis? « Deux choses. Mes hommes ont été formés par les officiers de Glenn Hereon. Ils peuvent facilement te donner les stratégies qui leurs ont enseignées.» Elle s’arrêta un moment, tentant tant bien que mal d’avaler sa salive, avant de continuer; « Et les naélisiens ne sont pas les seuls à vous attendre.»
« Continues. » Sa poigne se fit plus légère sur la gorge de la princesse marchande pour lui permettre de respirer plus facilement et, possiblement, lui faire moins mal. Les doigts de son autre main se desserrent autour du pommeau de la dague et il tendit les doigts, touchant le pommeau en question seulement avec sa paume.



« Et qu’est-ce qu’il disait, ce message? »
« Relâche-moi et je te le dirai.» Le ton était sec, cassant même, mais elle ne se laisserait pas intimider par Sagar.

« Si la souveraine l’exige. » Le cou de Maralina fut progressivement libérée tandis qu’Il lâcha rapidement la dague pour en saisir la poignée. « Lâche la lame si tu ne veux pas te blesser, je n’ai pas besoin de ton sang pour redessiner la carte. »

La Princesse ne put s’empêcher de prendre une goulée d’air, avant de tourner la tête sur le côté en toussant. Elle prit quelques secondes pour tenter tant bien que mal de reprendre son souffle. Sa main libre se posa doucement sur la base de son cou, ayant l’impression que les doigts du Karliik Glenn étaient encore bien marqués sur sa peau hâlée.



« Tu peux sortir. » Shi’niira hocha la tête et après avoir lancé un dernier coup d’œil à Maralina, retourna à son poste dehors. Ce fut finalement sur cette dernière que Sagar porta finalement son attention. « C’est regrettable que je sois obligé d’arriver à de telles extrémités pour que tu coopères. J’en viendrais presque à penser que tu n’as aucune envie de nouer une alliance mais que tu es simplement là pour nous espionner. »

La Vaanie serra des dents, mais n'émet aucun son alors qu’elle sentit la lame quitter sa prise. Profitant du fait que Sagar l'ait finalement libérée, elle se redressa à son tour, s'asseyant sur le bord de la table, avant de porter son regard vers sa main ensanglantée. La coupure semblait profonde, et le sang coulait à flot. Serrant une nouvelle fois du poing alors que ses prunelles azurées se tournèrent vers Sagar alors qu’il lui adressait la parole; « Tu ne m’as pas laissé le temps de le faire. » Elle n’avait pas tort. A son arrivée, elle avait été catapultée dans une négociation désastreuse, avant de se faire annoncer qu’elle portait pas un, mais deux enfants - parce qu’une grossesse n’était déjà pas assez difficile - du Karliik Glenn… Elle venait tout juste d’aborder le sujet de la stratégie, mais bon, s’attendre a des excuses du général lui semblait aussi probable qu’une bonne relation entre elle et Diolando Vega.
« Je ne t’en ai pas laissé le temps ? » Haussant un sourcil, le général fit le tour de la table pour aller reposer la dague dans la bassine. « Parce que tu n’aurais pas pu me parler de l’entraînement de tes hommes par ceux du roi de Naélis quand je t’ai parlé d’entraîner tes miliciens ? Quant à la possible présence des marionnettes de Kerhel tu aurais pu me le révéler à tout moment tant l’information est importante, à Thaar comme ici ou même sur le chemin via un messager. Un mensonge par omission reste un mensonge, Mara’. J’ai accepté que tu viennes avec moi, mettant ma crédibilité, et donc ma vie, en jeu. Je prends des risques pour toi, je ne te demandes pas d’en faire autant mais au moins de ne pas te foutre de ma gueule. »

Pendant ce temps le général était allé vers son armure noire, sur son mannequin, qui attendait toujours qu’il la revête, mais il n’était pas allé là pour ça. Il attrapa le ceinturon d’arme qui y pendait pour en décrocher une sacoche puis, toujours pendant qu’il parlait, il alla poser ladite sacoche sur la table, attrapant au passage un linge. Le karliik glenn sortit une fiole. Armé de tissus et d’un flacon il se présenta devant la princesse quand il termina sa phrase.

« Donne-moi ta main. »

La Vaanie tentait tant bien que mal de contrôler sa respiration saccadée. Elle pouvait le nier tant qu’elle le voulait, oui, elle avait eu peur et elle avait toujours peur. Surtout lorsqu’elle le vit revenir avec un flacon. Était-ce le même traitement qu’il réservait aux elfes de Naélis? Maralina releva son regard azuré vers le drow, soudainement bien sérieuse, tentant de lire une quelconque information qui pourrait prédire les intentions de ce dernier. Après tout, il n’avait toujours pas demandé si elle avait répondu à leur appel à l'aide, mais il lui avait mentionné qu’il avait pris des risques pour elle. Ce, à quoi elle doutait particulièrement. Elle tendit finalement la main à Sagar, retournant doucement cette dernière pour finalement dévoiler sa paume ensanglantée. « Quel risque? »

Ses yeux rouges et jaunes regardèrent la blessure et versa un peu du contenu huileux de la fiole sur le tissus coupé en deux au préalable pour l’imbiber avant de reposer le flacon sur la table.

« Comme tu peux t’en douter les princes marchands ne jouissent pas d’une popularité folle auprès du Puy. Ça risque de piquer mais ne bouges pas la main. » Il entreprit de désinfecter la plaie pour ensuite bander la blessure de la princesse pendant qu’il poursuivit sa réponse. « Passer du temps avec toi, demander que tu viennes négocier et même te faire entrer dans la tente de commandement… tout ça sont des signes de rapprochement, surtout si la nouvelle de ta grossesse se répand, que certains risquent de ne pas apprécier, certains risquent d’y voir un, des, signes de faiblesse. Surtout si je te demande quelque chose et que tu échoues. Je suppose que tu peux facilement imaginer à quel point les champs de bataille sont mortels et chaotiques, qui pourrait affirmer avec certitude que ce n’est pas un naélisien qui m’a tué mais un de mes soldats ? Ou bien que ce n’était pas la volonté des dieux si je suis retrouvé mort dans mon lit ? Nous suivons les plus forts et n’avons aucun regret à nous débarrasser d’un maillon faible. »  

Sagar tira un coup sec sur le nœud du bandage pour s’assurer qu’il était correctement serré.
« Et quitte à prendre des risques je préférerais que ce ne soit pas pour rien. Tu comprends ? »

Maralina écouta attentivement Sagar, le fixant de son regard sans l’interrompre. Elle fit une grimace alors qu’il tira sur le bandage, signe qu’elle commençait finalement à ressentir une quelconque douleur. « Je comprends » commença-t-elle avant de mettre sa main sur sa joue. « Sauf qu’il faut que tu comprennes ma position aussi. Je n’ai pas d’armée pour me protéger. Je suis complètement à ta merci.A votre merci. » Et elle n’avait pas tort, si Sagar avait envie de la faire disparaître, il pourrait très bien le faire et aurait a peine a bouger le petit doigt, mais il venait de révéler que ce dernier n’était pas insensible à sa personne. Elle caressa doucement la peau d’ébène du Karliik Glenn de son pouce, avant de continuer; « Si tu veux de l'honnêteté, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais je m’attends à recevoir le même traitement en retour. »

« Traitement que tu reçois déjà. J’ai répondu à certaines de tes questions, je t’ai parlé de mes plans, je t’ai même inclus dedans, je t’ai donné une place, mais cet échange n’a pas été réciproque. Je ne sais toujours pas ce que tu comptes faire et encore moins comment. »

Il retourna prendre sa coupe de zat’kyr dont une partie fut renversée lorsque la table reçut une princesse malmenée. Le karliik glenn vida sa coupe et poussa un soupir.

« J’essaye de t’aider Mara’, je sais qu’Uldal’Rhiz est très proche de Sol’Dorn et je sais aussi que ceux qui veulent se venger sont nombreux et j’ai besoin de leur montrer que les principautés nous sont utiles, qu’elles ne cherchent pas à nous planter un poignard dans le dos. C’est pour ça que j’ai accepté que tu viennes : pour que tu montres aux eldéens les plus méfiants que nous avons tout à gagner à collaborer mais pour le moment tu me donnes tort et nous avons tous deux besoin que ça change. »

Maralina haussa un sourcil alors qu’elle entendit la remarque du général. Quel plan? Il ne lui avait rien dit, et ne lui avait certainement pas mentionné ce qu’il avait l’intention de faire avec elle. « J’ai du mal à voir où est ma place ou la quelconque stratégie que tu as. » Il ne l’avait définitivement pas inclus dans un plan, outre celui de lui donner un mandat qui était perdu d’avance. C’était facile de rejeter le blâme quand le jeu était déjà perdu, mais ça elle ne le dit pas. «  Je t’ai déjà dit ce qu’était mon but, et tu es la première personne a réellement savoir toute mon ambition. » Fini les sourires, et les doubles sens, la Princesse Marchande était définitivement sérieuse. « Jamais je ne viendrais en aide à Naelis, ils peuvent tous crever et cela ne m’empêchera pas de dormir la nuit. Au contraire, c’est l'occasion de rattraper le monopole que j’avais réussi à établir dans la ville.  Quant aux elfes… » Maralina haussa les épaules avant de continuer; « Je veux voir cette forêt brûlée. » Son visage était excessivement sérieux, alors que son regard s’était noirci. Elle se souvenait très bien de l’humiliation qu’elle avait subi lors de son passage, et elle était bien loin de l’avoir pardonné. Elle soupira, avant de porter son regard vers Sagar. Elle descendit doucement de la table, allant rejoindre l’ilythiiri avant de prendre sa main, pour le forcer à la regarder. « J’aimerais t’en dire plus, mais je n’ai pas d’autres informations. Je me méfierais du fait que Nakor n’était pas à l'aurore. Vous avez peut-être des mages puissants, mais il n’est pas complètement fou à ce que l’on raconte. » Elle s’arrêta un moment, tentant une nouvelle fois de lire le général avant d’ajouter; « Qu'as-tu besoin? Que je fasse pour faire tourner la situation. »

Un esclave s’approcha de son maître pour remplir à nouveau sa coupe mais ce dernier n’y toucha pas, tourné de profil pour regarder la princesse marchande. Mais la suite de la réponse de Maralina lui arracha une expression surprise.

« Pourquoi tu veux voir l’Anaëh brûler ? » Il serra la main de la vaanie dans la sienne. Il pouvait imaginer sans mal que Nakor était à Naélis pour s’occuper de la défense, ou du moins l’aider étant donné qu’il y avait peu de chance qu’il commande les troupes de la ville. « Tu m’as dit que tu avais des espions partout alors autant les mettres à profit. Je ne connais pas l’Ithri’Vaan et encore moins Naélis, toi oui ; j’imagine qu’avec ton monopole tu as construit un réseau d’espionnage et tes espions doivent se souvenir de ce qu’ils ont appris sur le royaume, le terrain, la ville et ses secrets. »

Il se tourna à nouveau vers la table, repoussa sa coupe et se pencha en avant pour aller prendre l’une des cartes.



Son regard retourna à l’ouest et sa main suivit ses yeux pour s’arrêter sur un segment de la Route des Sables en face d’Hanning.

« S’ils ne sont pas là-bas, et qu’ils ne restent pas à Naélis il est probable qu’ils s’attaquent à mes lignes de ravitaillement loin de la ligne de front, à l’endroit où elle est la plus fragile. Est-ce que je peux compter sur tes espions pour collaborer avec mes éclaireurs afin qu’aucune mauvaise surprise ne me parvienne ? »



Puis son regard s’arrêta sur Hanning, et la Vaanie ne put s’empêcher de mordiller sa lèvre inférieure, l’air perdue dans ses pensées.« Cela ne me surprendrait pas qu’il y ait des ennuis au nord de la principauté.» Elle pointa du doigt Eofel, Fel’dorn ainsi qu’Hanning. « Il ne faut pas oublier que l’on a éjecté le Prince Marchand il y a quelques ennéades. Forcément la situation politique y est instable. Les marchands vont commencer à se battre du coude pour avoir main mise sur le territoire. Et une fois que le chaos y est, c’est très difficile de s’en séparer.» Elle releva son regard vers Kerath, croisant ses prunelles rougeâtres avant de continuer; « Laisse moi envoyer une missive à mon second à Thaar. J’ai plusieurs troupes de mercenaire à ma disposition. Si il y a des problèmes, ils pourront résoudre le problème assez rapidement sur place. Je demanderais également un rapport détaillé sur Naélis, il a peut-être des détails qui m’ont échappé. Je vais avoir besoin de temps pour m’assurer que nous soyons couverts, donne moi quelques jours pour mettre mes pions en place. » Cela n’était pas la solution la plus rapide, cela prendrait quelques jours pour tout mettre en place, le temps que les mercenaires se rendent à Hanning, mais au moins, c’était déjà un plus.  



Son attention retourna ensuite sur Hanning, Eofel et Feldorn et les mots de Maralina tournèrent quelques instants dans sa tête.

« Si le chaos est un problème je peux m’occuper de ramener l’ordre dans ces principautés. »

Il haussa les épaules et prit une gorgée d’une coupe nouvellement remplie.

« C’est pour ça que je te le propose, pour, si cela doit se faire ce soit avec l’aval du Conseil. Si jamais les choses dégénèrent trop tu sais vers qui te tourner. » Il savait très bien qu’envoyer des troupes sans l’accord des princes marchands serait vu comme une invasion, et probablement à juste titre, or ce n’était pas l’objectif. Etant un fervent fidèle de Meingal, le karliik glenn préférait l’ordre au chaos, ce dernier le mettait mal à l’aise et avoir des lignes de ravitaillement qui passaient par un épicentre chaotique ne lui plaisait guère. « Si la zone devient trop instable au point de menacer mes drows je ne peux pas te promettre de rester un simple spectateur. Une triumvir est déjà morte dans la région, si d’autres eldéens venaient à se faire attaquer là-bas je ne sais »

Il eut envie de lui dire que sa protection ne l’incluait pas, lui, mais là-dessus il semblait que la princesse marchande n’appréciait guère les plaisanteries. Il hocha à nouveau la tête pour confirmer qu’il en serait fait ainsi si ça pouvait la rassurer. Il verrait avec Ria’las pour que des gardes draconniques s’occupe de sa sécurité bien que la commandante ne pourrait probablement pas lui en donner plus que deux ou trois. De plus ça permettrait de confirmer, pour ceux qui en doutaient encore, que la princesse marchande était sous sa protection et que quiconque s’en prenait à elle s’en prenait également à lui.

Lorsque Maralina lui prit la main, Sagar releva ses yeux rouges et jaunes vers elle et secoua lentement la tête.

« Rien, rien d’important. » Serrant à son tour la main de la vaanie, le général se tourna compéltement vers elle. « Mara’, quels dieux vénères-tu? Et ce n’est pas une question piège, si ce ne sont pas les mêmes que les miens je ne vais pas te tuer. »

Devant la suspicion de la princesse, et après un début de réponse prudente, il posa une main sur son épaule qui se voulait réconfortante pour l’encourager à poursuivre. Restant muet jusqu’à ce qu’elle bute sur un mot.

« Clor d’Beannaighil. » Ce n’était pas vraiment se vouer à une divinité en particulier mais Sagar n’avait pas envie de se lancer dans un cours de théologie. Il hocha une troisième fois la tête en écoutant son explication alors qu’il retirait sa main. Il se mit à marcher dans la tente, faisant le tour de cette dernière, se tenant les mains dans le dos. Après la question de Maralina, le général resta silencieux quelques secondes avant de répondre. « Ce n’est pas important. Tu dis avoir entendu son chant. A quoi ça ressemblait ? »