Comment ça fonctionne en péninsule? [Zofia, Clémence & Andran]

Andran observa Zofia examiner Clémence à l'aide de ses pouvoirs et de son médaillon qui devait certainement en être le véhicule. Il tenait fermement la main de sa fiancée, priant les Dieux pour que cela ne prenne le moins de temps possible parce qu'il ne supportait cette attente interminable. À l'intérieur de ses entrailles, son cœur battait à tout rompre, et sa gorge était si nouée qu'il s'en demanderait presque si cela ne le tuerait pas. Le chevalier s'efforçait de rester impassible en contractant sa mâchoire, comme il le faisait pour contenir la douleur lorsqu'il affrontait une épreuve physique. Pourtant, même la plus affreuse des marques au fer rouge était un moindre mal comparé à l'hypothèse de ne pouvoir fonder une famille avec celle qu'il aimait. Après avoir subi de plein fouet une violente fausse couche, il était nécessaire que la prêtresse trouve une solution pour que cela ne se reproduise plus.

Après de longues minutes comparables à des heures, Zofia acheva enfin son examen. Andran lui portait un regard lourd et insistant, comme s'il s'apprêtait à lui sauter dessus pour qu'elle parle plus vite encore. Au lieu de le détendre, ou même, au contraire de l'agiter, le diagnostic de Zofia le laissa de marbre. Malgré le fait que Clémence ne présentait aucun mal, le couple n'avait pas plus de certitudes qu'à l'accoutumée. Ni celle de pouvoir donner la vie, ni celle de ne pas y parvenir. Andran avait bien trop espéré que l'intervention de la prêtresse leur apporte des réponses pour ne repartir qu'avec un peu d'espoir supplémentaire. Il y avait forcément quelque chose qui clochait.

« En tant que guérisseuse, est-ce que vous pensez que les fausses couches peuvent être dues à un surplus d'activité ? »

Andran n'apprécierait pas de rendre infernale la vie de Clémence dans le seul dessein de pouvoir donner la vie Elle avait suffisamment vécu l'esclavage pour que le chevalier ne lui inflige pareil sort, même si ce n'était pas pour son plaisir mais pour le bien d'un enfant. Mais, si Clémence entendait de la bouche d'un guérisseur qu'il fallait qu'elle se ménage lorsqu'elle tombait enceinte, peut-être réaliserait-elle encore plus qu'elle devait faire attention. Son corps ne présentant aucune malformation ou fragilité, il y avait forcément une cause extérieure qui causait ces fausses couches… et le surmenage lui était tombée sous le sens, pour elle comme pour Andran. Ce dernier aida d'ailleurs la jeune femme à se lever du lit, pour se mettre à côté de lui.

« Merci pour votre intervention, en tout cas, Mère Zofia. » remercia Andran qui ne pouvait pas dédaigner le temps qu'elle leur avait consacré. Il regarda tour à tour les deux femmes avec un léger sourire. « Nous ferions peut-être mieux d'en discuter en bas, autour d'une boisson chaude et de quelques biscuits ? »

Voyant Zofia chanceler, Clémence se redressa, faisant mine de vouloir la rattraper. Mais la prêtresse se reprit toute seule et l'estrevine s'arrêta dans son geste. Elle acheva de s'asseoir, replaçant ses jupons sur elle afin de se rendre plus décente.
Sur le bord du lit, à côté de la religieuse, elle attendit, attentive à son état alors qu'elle s'était mise à mal pour elle. Puis vint le moment de verdict et l'espoir se mourut dans le regard de la belle lorsqu'elle leur annonça la nouvelle. Ses traits rayonnants s'assombrirent et les étincelles dans ses yeux s'éteignirent. Elle avait cru qu'elle était parvenu à faire quelque chose puisqu'elle avait ressenti chaleur et picotements... Mais non, il n'y avait rien selon elle... Ainsi, elle n'avait vu aucune raison pour qu'elle ne parvienne pas à conserver un enfant dans son ventre... Pourtant, aucun n'était jamais resté. Jamais. Andran émit une hypothèse et elle baissa les yeux. Ce serait sa faute si elle avait perdu leur enfant ? Mais c'était à peine si elle s'était essoufflée ce jour-là...

La prêtresse tenta de la rassurer mais en vain. Et si elle hocha la tête, c'était plus par politesse que parce qu'elle y croyait vraiment. Mais elle s'en cacha pour le moment. Et elle s'en cacherait jusqu'à ce que Zofia décide de partir. Elle ne voulait pas s'épancher devant elle au risque de la culpabiliser de n'avoir pas pu l'aider. Elle rendit son sourire à Andran qui proposa de redescendre et elle accepta silencieusement. Elle se leva et se joignit au petit groupe pour retourner au salon. Marjolaine avait justement le plateau dans les mains, hésitant manifestement où servir le thé. Tous s'installèrent autour de la table basse où reposa bien vite théière, tasses, lait, sucre et assiette de biscuits au miel. Clémence usa de toutes les leçons de son compagnon sur la bienséance pour tâcher de faire bonne figure et dissiper les pensées qui assombrissaient son humeur et noyaient son esprit. Elle devait faire l'effort de se montrer agréable en tant qu'hôtesse et patiente reconnaissante.

Elle sent son cœur se serrer lorsqu’elle voit la tristesse qui s’empare du visage du couple. Elle a tenté de les rassurer du mieux qu’elle l’a pu, mais sait combien cela peut tout de même être difficile à entendre. Et, malgré la situation qui aura sans doute une jolie issue, il peut être difficile sur le coup de ne pas se décourager. Elle respecte donc leur sentiment et comprend. La prêtresse se lève doucement, retenant la culpabilité l’envahir puisqu’ils n’ont point besoin de cela pour l’instant et regarde Sir Straggen lorsque ce dernier lui demande si c’est parce qu’elle devrait se ménager davantage. Peut-être, mais l’Estrevine lui a bien dit que ce n’est pas le premier qu’elle a perdu. Il y a quelque chose d’autre et la prêtresse trouve bien dommage qu’elle n’a pas pu être là lorsqu’elle était enceinte. Elle aurait sans doute trouvé quelque chose qui aurait expliqué cette fausse couche.

-Il est vrai qu’il est toujours plus prudent que, lorsqu’elle est enceinte, la femme se ménage un peu de ce qui demande beaucoup d’efforts physiques, mais elle peut tout de même vaquer à des occupations normales.

Le chevalier propose ensuite de descendre pour en parler davantage et la prêtresse ne peut refuser. Elle sait qu’un thé chaud l’attend et elle a besoin de cette énergie. Elle ne s’est pas encore totalement remise du long voyage qu’elle a fait jusqu’à Sainte-Berthilde malgré sa nuit de repos au temple et aura sans doute besoin d’énergie pour la suite de la journée. Il y a peut-être d’autres soins qu’elle devra procurer lorsqu’elle sera de nouveau au temple et sait que son don n’est pas infini. Elle ne regrette toutefois pas d’avoir fait tout ce qu’elle a pu pour le moment pour ce couple dont elle ne souhaite que du bonheur pour la suite. Elle espère simplement qu’ils ne se décourageront pas trop, certaine qu’un autre guérisseur pourra les aider.

Elle suit donc le couple jusqu’en bas, même si elle peut sentir que leur moral est bien bas. La prêtresse compte seulement prendre quelques nouvelles du Nord et de Sir Straggen en sirotant son thé, histoire de leur changer les idées pour quelques minutes, mais ne compte pas s’attarder davantage, désireuse de leur laisser un petit moment d’intimité après cette dure annonce. Ils s’installent donc au rez-de-chaussée et après avoir remercié la jeune femme qui a apporté le plateau, Zofia trempe ses lèvres dans le liquide chaud et s’en délecte. Elle tente ensuite d’égayer un peu l’atmosphère du mieux qu’elle le peut, posant quelques questions au passage sur les coutumes nordiennes qui lui seraient inconnues.

Les minutes s’égrainent et Zofia termine finalement son thé et le deuxième biscuit dans lequel elle a croqué. Elle se laisse diriger vers la sortie, mais ne voulant pas les laisser ainsi, elle se permet de leur dire quelque chose :

-Merci beaucoup pour le thé et les biscuits. Je suis désolé de ne pas avoir pu vous aider davantage, mais ne baissez pas les bras. Un guérisseur de Néera saura vous tendre la main à nouveau.

Elle serre sa cape contre elle et, avec un dernier sourire, elle les saluent en n’oubliant pas de les invités à passer la voir si jamais ils voyagent jusqu’au Sud. Zofia aimerait aussi connaître la suite de cette histoire dont elle espère un dénouement heureux.

-Et si vous êtes de passage à Chiard, n’hésitez pas à venir me voir au monastère de Sainte Aliénor.

Andran emmena sa compagne et Zofia jusqu'au salon où ils purent déguster les quelques biscuits et un thé chaud promis, préparés par leur servante. Cela leur permit de légèrement se ressourcer après une journée plus ou moins éprouvante physiquement et psychologiquement. Malgré tous les efforts pour mettre de côté un sujet si important que la fondation d'une famille, Andran répondit aux diverses interrogations de Zofia qu'elle avait bien pu lui soumettre sur lui ou n'importe quel sujet qu'elle pouvait évoquer. Cela ne faisait pas si longtemps qu'ils étaient retournés à leurs occupations, néanmoins il s'était passé beaucoup de choses, ici comme ailleurs. Sainte-Berthilde était calme, mais ses voisins ne l'étaient pas nécessairement, et Zofia ferait mieux de le savoir, elle qui s'en allait en Arétria. Quoi qu'il en soit, les deux fiancés avaient fait en sorte de ne pas rejaillir leur mauvaise humeur passagère sur la prêtresse qui n'y pouvait rien.

Passées plusieurs minutes, chacun termina sa tasse et ses biscuits. Zofia avait compris que le couple avait désormais besoin d'intimité pour discuter. Elle avait fait tout ce qu'elle pouvait, et, même si cela ne s'était pas avéré être suffisant, Andran et Clémence ne pouvaient l'en blâmer. Tout n'était pas encore perdu, et c'est peut-être ce qu'il fallait retenir. Ils auraient voulu des réponses, qui plus est les bonnes. Celles qui leur auraient permis d'anticiper leur future avec soulagement.

« Merci à vous de nous avoir accordé du temps. Faites bien attention à vous durant votre voyage. Toutes les routes ne sont pas sûres, dans le Nord. » répondit Andran en accompagnant Zofia jusqu'à leur portail. « Je vous renvois l'invitation si jamais vous repassez à Cantharel. »

Le chevalier lui adressa une révérence courtoise lorsque la prêtresse quitta enfin leur demeure, l'observant s'éloigner avant de se retourner vers Clémence, demeurée silencieuse. Il lui prit la main et l'emmena à l'intérieur de leur maison, loin des oreilles même de leur servante. Devant l'inutilité que représentaient les mots à cet instant précis, Andran prit simplement sa fiancée dans ses bras afin de lui prodiguer un semblant de réconfort. Il ne se contenta pas d'une étreinte superflue mais l'enlaça longuement, sous un silence de plomb. Puis, après quelques dizaines de seconde, il mit un terme à leur étreinte pour regarder Clémence dans les yeux, lui prenant le visage à deux mains.

« Nous trouverons une solution. » lui dit-il comme une promesse, bien qu'elle n'avait rien de novatrice puisqu'ils s'étaient déjà promis de faire de leur mieux pour parvenir à avoir un enfant. Andran baissa le regard en même temps que ses mains. « Je… Je ne veux pas que cette occasion manquée ne mette en cause notre mariage, Clémence. Saches-le. »

C'était même pour cela que la jeune femme était partie au temple pour quérir un prêtre. Mais, l'intervention de Zofia n'avait pas été sans effet, en espérant que ce ne soit pas qu'une baisse de morale passagère. Andran savait que Clémence craignait qu'il ne l'abandonne pour cela, et il ne souhaitait pas que cette peur ne rejaillisse. Pas si près de ce jour supposé être plus le beau et le plus heureux de toute leur vie.

« Zofia t'a-t-elle au moins donné les réponses que tu voulais sur… ce que tu voulais savoir sur le mariage ? » finit-il par lui demander en relevant le regard sur le sien. Il passa une main dans ses cheveux, un sourire timide aux lèvres même s'il n'était pas moins craintif qu'elle. « Pour l'heure, cela m'importe autant que les enfants. »

Clémence était restée extrêmement silencieuse jusqu'au départ de la prêtresse. Cela ne l'avait pas empêché d'afficher un sourire de circonstance, non pas par politesse mais cela lui aurait paru injuste de lui offrir une mine triste après ce qu'elle venait de faire pour eux. Cependant, Zofia n'était probablement pas dupe et, après la collation dont elle avait besoin pour se ragaillardir, avait rapidement pris la décision de prendre congés d'eux. Ils l'avaient donc raccompagnée pour lui dire dignement au revoir puis Andran -loin d'être dupe devant son silence- les avait reconduit à l'intérieur et dans l'intimité d'une pièce fermée. Avant de dire quoi que ce soit, il la prit dans ses bras et elle ne refusa pas l'étreinte, loin de là. Elle se blottit tout contre lui, le serrant avec sa faible force. Il lui laissa le temps d'en profiter un moment avant de l'amener à retrouver son regard, cherchant à la rassurer quant à ses intentions.

-Curieusement... Je n'ai plus aussi peur que tu me quittes qu'avant...

Elle ne saurait pas vraiment se l'expliquer. Mais elle avait compris qu'il avait toujours été à ses côtés et que cela ne changerait plus désormais. Est-ce que c'était dû au fait d'avoir connu la perte de leur premier enfant ? D'avoir constaté comment il prenait la chose ? Toute l'attention qu'il lui avait portée durant sa convalescence ? La façon dont il leur avait permis de retrouver leur complicité ? Ou encore l'amour qu'ils avaient partagé ce jour-là ainsi que les suivants qui était plus fort encore que jamais ? Elle n'en savait strictement rien. Mais elle ne doutait plus de son dévouement envers elle à présent.
Clémence sourit à la question de son compagnon qui, à défaut de savoir qu'ils pourront engendrer un enfant bientôt, reportait son attention sur leur mariage.

-Elle n'avait pas beaucoup de réponses à m'apporter, hélas. Les mariages ne sont pas sa spécialité. Et... la conversation a rapidement déviée. Nous avons parlé de la couleur de la robe et de sa signification... Je me suis inquiétée de savoir si la DameDieu approuverait notre union étant donné que je n'étais... plus... pure. Elle m'a répondue en parlant du libre choix de chacun et...

La belle estrevine baissa la tête. Elle n'avait pas pu la laisser penser qu'elle avait choisi de son plein gré de sauter ce pas avec un homme. Elle voulait savoir si cela impliquait quelque chose pour eux et pour leur mariage. Il était hors de question que deux personnes aussi pieuses qu'eux aillent à l'encontre de la volonté de Néera.

-Apparemment, ma situation n'est pas un obstacle pour nous présenter devant la Bienveillante et demander sa bénédiction. Et c'est là que j'ai parlé... de mes difficultés à... avoir un enfant.

Cela résumait assez bien leur échange qui n'avait finalement pas été très long. Elle n'avait pas parlé du fait qu'elles se retrouvaient toutes deux amoureuses d'un noble car Zofia lui avait probablement fait cette confidence dans le but d'attirer sa confiance et il n'était pas nécessaire qu'elle en parle à Andran. Peut-être pourra-t-elle un jour lui avouer qu'elle était au courant lorsqu'ils apprendront son mariage avec ce fameux compagnon pour l'instant anonyme. Mais Clémence préféra en revenir au sujet que son amant avait décidé d'initier.

-Nous pouvons prendre quelques libertés avec la cérémonie. Par exemple, je peux arriver sans cape ou bien lui donner l'ornementation de mon choix. Je prendrais bien quelque chose qui reflète mes origines que tu m'ôteras pour me passer ta cape mais j'ai peur que ce soit mal perçu...

Andran écouta le compte-rendu de Clémence sur son entrevue avec Zofia, mais il n'eut pas autant de réponses qu'il l'aurait certainement souhaité. D'un autre côté, Zofia n'était pas une prêtresse de Temple mais elle était dans un Ordre autonome, qui n'était probablement pas appelé pour officier des mariages. Certaines choses étaient immuables d'une cérémonie à l'autre, tels que l'habillement, les vœux et certaines étapes. Andran savait que la robe devait être blanche, et que lui devrait s'habiller de rouge sinon d'une armure d'apparat.

« J'ai l'impression qu'il s'agit d'une règle qui peut s'avérer plus stricte à certains égards, et plus souple à d'autres. » commenta-t-il au sujet de la robe blanche et de la virginité de l'épouse. Clémence ne l'était plus depuis très longtemps maintenant, mais ce n'était pas un choix comme celui auquel était très attachée la DameDieu. « J'ai toujours pensé que ce sont les nobles, plus que les prêtres eux-mêmes, qui s'attachent à cela… »

Comme l'avait dit Zofia à Clémence, il y avait là la question de la liberté, le creuset du culte Néerite, qui protégeait le Choix de tous les pentiens. Si elle ne la jugeait pas pour cela, qui pls est alors qu'il ne s'agissait pas d'un Choix comme cela pouvait l'être pour d'autres, pourquoi d'autres le feraient ? Andran craignait plus le jugement divin que celui de ses semblables. Si Néera acceptait Clémence telle qu'elle était, alors il serait comblé. Pour ce qui est des autres… leur avis ne lui importait guère.

« Cela serait d'autant plus mal perçu que, officiellement, tu as adopté un nom à consonnance suderonne. Même si cela ne change rien au fait que tu porteras mon nom à l'issue de la cérémonie, ceux qui ne savent pas ne comprendraient pas. » ajouta le chevalier, même si peu de personnes de leur entourage ne connaissaient pas la vérité sur ses origines. « Mais… ce n'est pas seulement pour cela que je réprouve cette idée. Je… en te demandant ta main… et même avant, j'ai… j'ai accepté tes origines. Elles sont présentes dans ta voix, dans ton cœur et même dans notre maison, parce que je ne voulais pas t'imposer un tel sacrifice pour te garder auprès de moi. »

Clémence était trop attachée à sa famille pour qu'Andran lui refuse quoi que ce soit à ce sujet. C'est bien pour cela qu'il lui avait promis qu'elle pourrait les revoir à sa guise, parce qu'elle avait besoin de ses frères et sœurs autant qu'elle avait besoin de son futur époux. C'est pour cela qu'ils iraient au mariage de Sauveur, et qu'ils trouveraient l'occasion de retourner en Estrevent à l'avenir. Puis, même lorsque le chevalier doit s'absenter, elle peut très bien en profiter pour repartir vers l'Est.

« Alors… ce n'est certainement pas à l'occasion de notre mariage que je souhaiterais te les retirer. Je préfère encore que tu viennes sans aucune cape, pour que toute ta personne devienne ma femme, plutôt que de devoir t'ôter une partie de toi. »

La voix douce et un sourire timide aux lèvres, Andran savait que la cape symbolisait une appartenance à la famille. La femme le laissait tomber pour se séparer de sa famille, et l'époux passait la sienne par dessus. Ce n'était qu'un symbole, mais le chevalier tenait tant à ce qu'elle se sente libre qu'il ne voulait pas lui imposer une nouvelle concession. Clémence était ce qu'elle était, il n'en avait cure, et mieux, il l'assumait.

« Nous pourrons toujours demander conseil à Reold, ou même à Anne-Lise pour en savoir un peu plus. »

Ne pensant plus aux enfants pour l'instant, Clémence semblait un peu plus sereine. Le mariage était déjà un bel objectif à atteindre qui occuperait beaucoup de son temps dans les ennéades à venir. Il fallait informer sa famille, s'occuper des invitations, trouver comment loger les estrevins, sans parler du lieu de la cérémonie et de la fête, du choix du cuisinier, du menu, des tenues, des décorations... Il y avait de quoi oublier pour un temps toutes ces difficultés qui l'empêchaient d'avoir un enfant. Elle se hissa sur la pointe de ses pieds et vint déposer un baiser sur les lèvres de son compagnon.

-Père Otheron saura sans doute m'apporter plus de réponses aussi. Il n'était pas là aujourd'hui, c'est pourquoi Mère Zofia s'est proposée. Mais... Nous avons encore du temps.

La date de leur mariage n'était pas encore déterminée parce qu'ils attendaient de l'annoncer aux Hadjaoui. Elle aurait pu le leur écrire mais, peu de temps après leurs fiançailles, elle avait appris celles de Sauveur. Ses noces étaient l'occasion rêvée de leur faire cette annonce de vive voix. En chemin, ils pourraient essayer d'avancer un peu sur certaines prises de décision, ce serait une bonne façon d'optimiser leur trajet.

-D'ailleurs, nous devrions commencer à préparer nos affaires pour notre voyage...

Le départ était pour très bientôt et rien n'était encore prêt. Le trajet, il le connaissait mais il fallait emporter des vêtements, quelques équipements d'Andran, un peu de provision pour la route, passer les consignes à Marjolaine, ressortir et soigner selles et filets d'équitation... Cela prenait un peu de temps à organiser et, si Clémence devait se ménager un minimum, ils ne pourraient pas tout faire dans la précipitation. Il leur fallait donc s'y mettre.
Doucement, la belle glissa sa main dans celle de son amant pour la lui serrer. Ensemble, ils retournèrent dans leur chambre dans le but de commencer à mettre de côté ce qu'ils voulaient emporter. Mais, une fois la porte fermée, la jeune femme étreignit le chevalier, préférant prendre un peu plus de réconfort et chasser définitivement les souvenirs de cette dernière heure avant de passer à autre chose.