Pour ce que ça vaut... Pardon | Viliam & Fantôme

Lorsque Fantôme admit être parfois pris de certaine…visions, Viliam eut l’air quelque peu mal à l’aise. Il ne retira pas sa main de celle de son compagnon mais son regard évita celui de la chimère l’espace de quelques secondes et il se tortilla un peu sur sa chaise. Il comprenait le phénomène dont il parlait pour l’avoir vécu aussi, autrefois. Une seconde s’écoula durant laquelle il se revit repoussant brusquement un Rénalt maladroit qui commençait doucement à comprendre ce qui clochait mais qui peinait à savoir comment aider l’adolescent terrifié et surtout refusant totalement de s’expliquer qu’il était à l'époque. Il revoyait ses mains qui tremblaient parfois de manière incontrôlées. Et il se souvenait de la rage vaine qui lui serrait le cœur à en avoir la nausée. De la même manière, même si les circonstances n’étaient pas du tout similaires, il avait adopté un comportement brusque voir sanguin, et contrôlait difficilement ses réactions devant les quelques visions qui venaient aléatoirement le saisir à la gorge. A chaque fois elles le laissaient un peu plus mort de peur et fatigué jusqu’à ce que complètement brisé, il n’en puisse plus. A la fin, il n’y avait eu que le temps, pour que sa mémoire ne cesse ce petit jeu atroce. Parfois encore, probablement pour le restant de sa vie, il se surprenait à redouter un nouveau flash.

Il s'en voulais terriblement de faire subir cela à son compagnon. Heureusement pour Fantôme, ses souvenirs à lui étaient nettement moins dérangeants puisque le contexte était nettement plus agréable malgré tout. Alors, Viliam culpabilisait certes, mais d’une manière un peu différente, plus douce amère. 

N’ayant pas vraiment la force ni le cœur de briser l’atmosphère paisible qui régnait à peu près entre eux pour exprimer ce regret, le bandit se contenta alors de camoufler tout cela sous un sourire mi-figue-mi-raisin.

-J’imagine que la situation devait être particulièrement étrange oui…Il pencha un peu la tête. C’est pas le genre de souvenirs que je laisse d’habitude. Je suis plus alcool sur les pompes et disparition avant les emmerdes... Mais, quoi qu'il en soit…C’est réel. Ajouta-t-il un peu plus sérieusement. Cet aspect-là peut rester du passé si tu ne te sens pas à l’aise. Mais le "nous"…Il retendit son verre de sa main libre. Il est là et…Je suis heureux qu’il soit là avoua-t-il.

Fantôme étire un sourire chargé de tant de sens différents... Il est amusé par certaines phrases de Viliam, attendrit par sa déclaration et en même temps rendu triste par les expériences passées de son amant qu'il ne peut que deviner à travers ces quelques mots. Cependant, il se contente de le regarder avec douceur avant de venir trinquer une seconde fois, sans lâcher sa main.

L'ambiance change un peu par la suite. Les deux hommes retrouvent leur gaieté : ils plaisantent, ils rient, ils se charment aussi... Le mercenaire est tour à tour joyeux, tendre et gêné... Comme il l'a sans douté été lors de sa première relation avec une femme. Maintenant que leur nuit arrosée lui a ouvert les yeux, il réalise de plus en plus que Liam lui plaît... En fait, ça a toujours été le cas mais il prenait cela pour une simple affinité particulière. Celle-là même qui les avait poussé à se statuer en faveur d'une relation amicale.
Tandis que la soirée s'écoule, que le plateau se vide jusqu'à laisser place à une corbeille de fruits et de gâteaux, Fantôme ne commandera jamais plus fort que du cidre en terme d'alcool. Il veut garder les idées claires cette fois et, surtout, il a peur de perdre à nouveau le contrôle et de ne pas se souvenir de ce qu'il a fait au réveil. Une fois, pas deux...

Lorsque la soirée s'achève, l'éclaireur propose de raccompagner son amant. Au moins jusqu'à ce qu'ils soient dans un quartier dans lequel ce dernier se sentira plus à son aise. Cette fois, les rues sont pratiquement désertes, même si l'activité des commerces encore ouverts laisse un peu de vie subsister par endroit. Les escaliers sont bien plus faciles à descendre qu'à grimper mais, si Viliam fait mine de s'intéresser à nouveau aux ornementations des murs, il ralentira le pas pour lui en laisser tout le loisir.
Alors qu'ils quittent ce quartier s'enfoncer à nouveau dans la ville qui semble si morne en bas maintenant, Fantôme finit par briser le silence qui n'avait pourtant rien de gênant à ses yeux.

-Est-ce que... tu avais déjà un pré-sentiment nous concernant ? Avant le nouvel an ? Tu avais les idées assez claires ce jour-là alors je suppose... que m'embrasser c'était pas uniquement sur l'envie du moment ?

Oui, il se souvient de ça aussi. Le contexte est assez flou mais il revoit très nettement le visage de son ami s'éloigner du sien et sa main quitter sa mâchoire. Alors il n'a pas de doute sur ce que ça signifie. Il pose la question sans la moindre gravité. Il est juste curieux de savoir comment les choses se sont passées du côté de Viliam. Le fait que le mercenaire le dragouille sans trop s'en rendre compte a-t-il influencé ce qu'il s'est passé entre eux ? Est-ce qu'il avait déjà des sentiments pour lui ou compris son attirance avant de se lancer ce soir-là ? Il attend sa réponse avec une petite étincelle dans le regard.

-Pour tout t’avouer, la première fois que tu m’as proposé un verre, je n’étais pas sûr de ce que tu proposais vraiment.

Viliam souriait, satisfait de la façon dont la soirée s’était déroulée. Il ne faisait plus attention aux alentours, profitant plutôt de la présence de la Chimère à ses côtés. Sa question l'avait un peu pris au dépourvu mais il n'avait pas de raison de ne pas être honnête.  

-Mais je me suis dit qu’à l’occasion, je jouerais le jeu. Il eut un rictus franchement amusé. Je m’attendais pas à ce que tu débarque chez moi quelques jours plus tard. Au fil des heures, tu donnais quelques signes à droite à gauche mais t’avais pas l’air de t’en rendre compte alors j’ai continué à faire comme d’habitude. Comme si ce n’était pas assez clair, il rajouta, faussement mine de rien. Tu me plaisais déjà à ce moment-là, et c’était relativement évident pour Clarisse. Je ne te parle même pas de Ren… Ils m'ont confronté tour à tour chacun à leur manière mais j'avais pas spécialement besoin d'eux pour savoir ce que je ressentait. J’avais juste pas envie de te brusquer vu que t’avais pas spécialement l’air prêt... Alors finalement, j’avais pas l’esprit si clair que ça l’autre soir parce que c’était un sacré coup de tête quand même. Il lui lança un nouveau regard empli d’un franche espièglerie. Je regrette peut être la suite, mais ça…J’crois pas que je puisse dire ça.

-Sérieux ?

Fantôme est surpris. Viliam a cru qu'il le draguait à leur rencontre. C'était plutôt inattendu. Il aurait pensé que son attirance était née lors de la tempête, alors qu'ils ont dû se côtoyer plus étroitement pendant trois longues journées. Il y aurait pu y avoir plus d'un malaise d'ailleurs car le mercenaire n'est pas vraiment pudique. Il se souvient même de ce matin où il s'est levé et qu'il s'est mis à s'entraîner dans la salle principale. Torse nu et en sueur, il s'est retrouvé seul avec le bandit qui en pinçait déjà pour lui...
Il écoute la suite de son histoire, un peu pensif.

-Donc, là... On pourrait toujours en être à se tourner autour... Toi à attendre que je sois prêt. Et moi qui voit rien de ce qu'il se passe. Dit-il sur un ton un peu morose. Ce serait une situation très décevante... Cela dit, Djen aurait peut-être fini par comprendre et m'aurait ouvert les yeux. Elle a juste eu besoin de nous voir ensemble au nouvel an pour savoir aussitôt ce qu'il se passait entre nous. Et on était juste au bar, au début de la soirée. Apparemment, je te dévorais déjà des yeux...

Il le dit avec humour mais son attirance se lit encore dans son regard en cet instant. Peut-être moins charnelle que ce soir-là mais elle est présente malgré tout.
Cette soirée est géniale. Ils ont eu besoin d'exprimer certaines choses mais ce qu'il en a retenu c'est qu'ils veulent autant l'un que l'autre que tout cela ne prenne pas fin si vite. Ils souhaitent se donner une chance, malgré tout ce qui les oppose. Parce qu'il y a quelque chose entre eux... Quelque chose de sincère et d'unique qu'ils craignent de perdre.

Tandis que seul le bruit de leurs bottes sur le sol résonne entre les murs de la cité endormie, Fantôme marche tout près de Liam. Sa main frôle la sienne. Cela fait longtemps que leurs doigts ce sont lâchés. Il a bien fallu pour pouvoir manger et boire. Alors, lentement, ses phalanges glissent sur la peau de son compagnon, caressent sa paume et viennent se mêler aux siennes. Le mercenaire lâche un léger soupir un peu tremblant alors qu'ils avancent désormais main dans la main comme deux amoureux. C'est étrange, effrayant et à la fois... loin d'être désagréable.

-Tu crois que tu aurais fini par essayer de me faire comprendre tout ça au bout d'un moment ? Pour toi... Pour moi.

Alors qu’il leva les yeux vers le ciel, pensif, Viliam sentit les doigts du mercenaire frôler sa paume, et serrer sa main. Son air s’attendrit un peu. La Chimère veut tellement bien faire. Il est sincère dans ses démarches, et c’est tout ce que Viliam lui demande. La sincérité.

-Je l’ignore…Admet-il. Peut-être qu’à un moment j’aurais finit par prendre mon courage à deux mains, oui.

Parce qu’il avait aussi s’agit de ça au fond. Il était comme tout le monde, il avait eu peur de la réaction potentielle de son compagnon. Après tout, n’avait-il pas réprimé ses envies de tout lui dire une fois pour toute lorsqu’il était venu s’excuser l’autre jour ?

-On ne saura jamais. Il haussa les épaules. J’ai tendance à penser que c’est pour le mieux et qu’on ne devrait pas se torturer l’esprit avec ça. Par contre, fit-il avec légèreté, pour montrer qu’il n’y avait rien de bien sérieux dans ce qui allait suivre. Tu peux dire à djena d’arrêter de nous espionner. Il étira un grand sourire. Je ne vais pas te manger, les chimères très peu pour moi.

Fantôme rit doucement. C'est vrai qu'entre sa jalousie et le fait qu'elle se soit mêlée de leurs affaires, cela pourrait passer pour une réaction excessive. Bien que Viliam ait compris qu'il n'en est rien, le mercenaire se sent obligé de lui expliquer le comportement de son amie. Alors, il reprend, toujours léger mais un peu plus sérieux tout de même.

-Elle avait juste besoin de comprendre ce qu'il se passait. Elle a longtemps été la personne la plus importante de ma vie, elle pouvait pas accepter que je la délaisse sans raison.

C'est étrange de dire cela alors qu'il tient la main de son compagnon dans la sienne. Encore une fois, il en dit plus qu'il ne le voudrait en quelques mots... Il vient d'avouer à demi-mot que le bandit compte pour lui au point qu'il le privilégie parfois aux dépends de sa meilleure amie. C'est naturel quand une relation s'installe entre deux êtres pouvant mener à quelque chose de plus grand encore. Mais c'était assez difficile à deviner alors que, jusque là, Fantôme ne s'était intéressé qu'aux femmes.

-Et puis ça n'a pas été inutile ! Depuis, plus aucun signe de jalousie. Au contraire, elle m'a plutôt mis un coup de pied au cul pour que j'arrête mes conneries et que je vienne te voir. Rit-il de nouveau, un peu nerveusement.

L'éclaireur étire un sourire tendre bien qu'hésitant et gêné. Tout est encore très compliqué dans sa tête et sa situation est loin d'être très sécurisante en sortant avec un hors-la-loi mais il ne peut pas vraiment dire qu'il regrette. Ce petit moment d'insouciance où il marche avec lui dans la rue comme si tout était simple suffit à son bonheur... Il ne sait pas quand il parviendra à accepter tout ça et vivre pleinement cette relation mais il se contente des quelques instants que les Dieux acceptent de lui accorder.

Sur le moment, Viliam ne répondit rien et raffermit sa prise sur la main de son compagnon. Il aurait pu, enchainer, rajouter quelque chose. Mais au fond, il n’en avait pas envie. Il voulait profiter de ces instants qui touchaient lentement à leur fin. Ils n'auraient probablement pas le loisir de souvent se voir ainsi.

Les minutes passèrent doucement avant que, voyant le chemin devenir de plus en plus familier, Viliam soupire et finisse par faire face à son compagnon, l’air un peu attristé. Sa main n’avait pas lâché celle du mercenaire.

-On est de retour dans le meilleur quartier de la ville. Ironisa-t-il en désignant du menton la rue derrière lui. Y a encore un peu de chemin mais j’aimerais avoir l’occasion de te dire au revoir proprement. Je ne veux pas être obligé de partir comme un voleur.

Bien loin du calme de l'endroit dans lequel il avaient passé la soirée, ici chaque coin de rue était une menace potentielle. Fantôme prenait un risque de l'accompagner ici et ils devraient certainement faire mine de bien plus de retenu à présent. Viliam s'attendait presque à devoir rapidement se cacher vu l'agitation grandissante des garde ces derniers temps, et il ne voulait pas laisser croire au mercenaire qu'il le laisser tomber maintenant qu'ils s’étaient rapprochés.

-C'était une soirée magnifique. Merci.

La respiration du mercenaire se coupe brièvement lorsque son compagnon parle de "se dire au revoir". Et... Comment vont-ils le faire exactement ? Est-ce qu'ils vont... s'embrasser ? Est-ce qu'il est prêt à ça ? Il sait qu'ils ont fait bien pire, il s'en souvient désormais, mais l'alcool rend ces souvenirs irréels et il a du mal à s'imaginer faire ne serait-ce qu'une fraction de tout ça en vrai. Il ne s'est jamais imaginé se rapprocher d'un homme de cette façon. Et, ce soir, il n'a pas l'ivresse pour l'aider à faire céder ses barrières.

Fantôme étire finalement un sourire alors que Viliam le complimente et le remercie pour la soirée. Il est un peu gêné et se frotte brièvement l'arrière du crâne avec sa main libre. Enfin... Il va pour le faire mais s'arrête en sentant son poignet lui tirer douloureusement en levant le bras. Mauvaise idée...

-Bah... Il fallait bien ça pour que je me rattrape. Plaisante-t-il à moitié pour essayer de faire passer son trouble. Et puis je pense... que ça nous a permis de vérifier si on était bien sur la même longueur d'ondes. Et je crois que c'est le cas ?

La discussion en début de soirée a mis carte sur table. Et la suite n'a fait que révéler chaque minute un peu plus de ce qu'ils ressentent l'un pour l'autre. Dans leur façon de se garder, dans leurs attentions, jusque dans cette envie de se toucher par un geste aussi simple et symbolique que de se tenir par la main. Ce n'est pas une simple attirance charnelle... Fantôme est convaincu que Liam et lui ont envie de vivre cette histoire, aussi compliquée soit-elle.

-Serait-on encore là si ce n’était pas le cas ? Viliam se mit à rire doucement.

Il s’approcha un peu, n’ayant pas idée de la nature des doutes qui traversaient l’esprit de son compagnon malgré le trouble qui semblait l'agiter. Il y avait un petit flottement entre eux dont il profita avec douceur. Après une ou deux seconde, le bandit vint joindre leurs lèvres dans un baiser simple et doux, qui n'avait rien a voir avec la passion brûlante de l'autre soirée. Ils n'en étaient pas là et il ne voulait pas le brusquer encore, mais cet élan lui avait soudain paru si naturel qu'il n'avait presque pas su y résister.

-Et peut être…Qu’on pourrait recommencer, un jour prochain ? Ajouta-t-il à mi-voix.

C’était difficile de savoir lorsqu’ils pourraient se revoir sereinement. Mais s’ils en avaient tout les deux l’envie, ils finiraient bien pas s’en sortir…

Fantôme ne bouge pas alors que Viliam se tient tout près de lui. Il est comme paralysé, incapable de choisir entre toutes les craintes qu'il a exprimé au début de la soirée et cette agitation bienheureuse qui se fait en lui alors qu'il sent autant l'odeur de son ami que la chaleur de son corps rayonner sur le sien. Et tandis qu'il ne sait quoi faire, le bandit lui vole un baiser, bref mais doux et sincère, qui laisse une trace invisible sur ses lèvres. Le mercenaire est un peu surpris... Par le geste mais aussi par ce qu'il provoque en lui. Il sent depuis son ventre une vague se répandre dans tout son être tandis que son cœur a accéléré l'espace de quelques instants. A la proposition de son amant d'une nuit, il lui faut deux secondes de plus pour se reprendre, secouant un peu la tête.

-Ouais. J'espère bien ! Fait-il, enjoué mais hésitant à la fois. Je crois que ça va être nécessaire... Pour me faire à l'idée que j'adore quand tu m'embrasses. Plaisante-t-il à moitié.

Il a du mal à croire qu'il a dit une chose pareille mais c'est la réalité. Autant il appréhende que Viliam s'approche encore... Autant il trouve que ses baisers, aussi courts soient-ils, ont une saveur particulière. Au-delà du désir qui les a déjà submergé, au-delà de l'attirance qu'ils ont toujours eu l'un pour l'autre, ce geste -pourtant anodin- prend une toute autre dimension avec lui.
A son tour, Fantôme se rapproche de son compagnon avec la lenteur de l'appréhension et vient goûter lui-même à ses lèvres dans un tendre baiser. Son visage reste tout près de sien et il se libère d'un soupir tout en étirant un sourire. Il a du mal à réaliser qu'il l'a réellement fait... Et que, malgré tout ce qui peut encombrer son esprit quant à ses préférences en matière d'amour, il aime ça...

Fantôme estimer qu'il peut être fier de ce qu'il a accomplit pour cette première soirée. Il ne pensait pas qu'il serait capable d'aller aussi loin. Il s'attendait à avoir besoin de plusieurs rendez-vous ou rencontres avant de parvenir à l'embrasser. Viliam lui a donné l'opportunité de passer ce cap un peu plus vite... Il s'est contenté de la saisir. Mais ce sera suffisant pour le moment. Ils sont ensemble désormais. Il doit l'intégrer. Ils ont le temps de faire progresser leur relation à un rythme bien différent de cette nuit qui lui semble déjà bien loin...