Au milieu du rêve... | Viliam & Alicia

Le sourire qui s'esquisse sur les lèvres de Fantôme est loin d'être triste. C'est plutôt un mélange de bonheur et de soulagement... Comme s'il pouvait douter un instant du fait que ses sentiments soient partagés. Mais l'entendre de sa bouche, surtout pour la première fois, revêt une saveur particulière. Cependant, il note rapidement l'air tourmenté de son compagnon et fronce à demi les sourcils.

-Hey... Liam ? Fait-il avec douceur.

Les mains du bandit sur son visage l'empêchent de faire de même pour lui mais ce n'est pas l'envie qui lui manque alors qu'il voit le trouble qui hante son amant. Ils viennent de s'avouer leurs sentiments, il devrait plutôt être heureux, non ? Alors qu'est-ce qui lui passe par la tête pour tirer une mine pareille ?
Finalement, Viliam s'excuse... de sa réaction peut-être ? Mais le baiser chasse sa question. Pourquoi sa concentration vacille si vite tout à coup ? La fatigue peut-être ? L'aveu de son compagnon lui arrache un bref sourire en voyant que tous ce qu'il ressent est réciproque.

-Toi aussi...

Il l'embrasse à son tour, plus longuement cette fois, bien décidé à profiter un peu de ces retrouvailles et de cet amour partagé pour se redonner du courage afin de terminer cette soirée et laisser la nuit prendre véritablement sa place... Mais après quelques instants, Fantôme se recule légèrement, exerçant une légère pression sur le buste de son compagnon pour lui faire comprendre qu'il veut arrêter. Toujours dans ses bras, les yeux fermés, il cherche à reprendre son souffle.
Depuis le début de leur relation, il est déjà arrivé à quelques reprises que le désir finisse par poindre au contact de son amant. Mais jamais aussi vite... ni aussi fort. D'habitude, ça s'insinue doucement, lui laissant le temps de le voir venir et de le jauger. Levant son regard vers Liam, il plonge dans ses iris, un peu perdu lui-même, bien que ce qu'il vient de se passer peut lui paraître limpide... Il ne s'est encore jamais senti capable de franchir le pas en étant sobre. Pas jusqu'à aujourd'hui. Est-ce le fait de s'être déclaré ? Ou d'avoir frôlé la mort à quelques reprises ce soir-là ? Peu importe car le moment est aussi mal choisi que l'endroit de toute façon.

-Hm... On ferait mieux de retourner à côté... Finit-il par dire. Il n'en avait pas la moindre envie mais c'était la meilleure chose à faire pour le moment selon lui. Alicia et toi devez avoir pas mal de questions et j'ai un certain nombre de réponses.

-Alors, laisse-moi juste une minute. Il pinça l’arrête de son nez entre ses doigts, s’arrêta une seconde, souffla, avant de reprendre, plus serein. Je n’ai pas envie qu’elles me voient comme ça. Un sourire osa finalement refranchir ses lèvres au bout de quelques secondes. Alicia est déjà assez perturbée comme ça.

Malgré tout, il avait acquiescé à la demande de son compagnon et s’était un peu reculé.

Il semblait faire de son mieux pour reprendre un peu contenance, comme cherchant à effacer les troubles qui avaient pu l’agiter dans ce recoin privé. La journée avait été sacrément longue et la tension semblait soudain lui être tombée dessus alors que son amant s'était abandonné à ses propres sentiments.

Fantôme ne l’avait jamais connu qu’ainsi, assumant facilement ses sentiments auprès de lui mais Viliam n’aimait pas faire étalage d’une certaine façade plus sombre de sa personnalité. Il était chef d’une bande de voyous dont l’espoir était parfois la seule chose qu’ils avaient dans le ventre. Il était trop facile de le briser d’un regard morne ou d’un soupir trop lourd. Alors il riait. Il gardait la tête haute. Parfois il grognait et s’agaçait. Mais se montrer bouleversé comme cela…non. Pas devant les gamins. L’ancien esclave était un homme secret, même lorsqu’il n’y avait dans la salle qu’une frêle inconnue et sa meilleure amie. Alors si le mercenaire faisait mine de retourner avec elles, il ne voulait pas que ça soit dans cet état. De la même façon qu’il gardait souvent ses manches longues et en quasi permanence un foulard autour du cou, même en la seule présence de ses propres hommes.

-On est tous épuisés et je doute que de toute façon, qu’on discute maintenant ou demain change la donne. Machinalement, il eut l'air de chercher quelques chose dans ses poches qu'il ne trouva pas et cela lui tira un bref rictus. Peut-être qu’on devrait tous prendre un temps de repos avant d’aborder les sujets qui fâchent. De l'autre...au moins j'imagine que ça sera fait.


Pourtant, il lui désigna la porte, comme indiquant qu’il était prêt à retourner près des deux jeunes femmes si Fantôme le désirait.

Fantôme prend un peu ses distances pour laisser son compagnon respirer. La soirée a été forte en émotions. Les combats, l'attente, la peur, la tristesse, l'amour et maintenant ce dernier baiser... Il peut le comprendre et lui-même a hâte de pouvoir aller se reposer quelques instants. Aux côtés de Viliam, cela lui ferait du bien.
Le bandit reprend finalement la parole après quelques instants, abordant la possibilité de reporter cela à demain. Il hoche la tête d'un air pensif. D'un côté, Alicia doit sans doute être inquiète et se poser mille questions. De l'autre, il n'a pas forcément de bonnes nouvelles à lui apporter. Alors... il est assez délicat finalement de décider ce qu'il convient de faire. Et après s'être retrouvé confronté à une décision qui a failli coûter la vie à Djena, il a d'autant plus de mal à faire un choix...

-T'as peut-être raison. Finit-il par dire pour se ranger à l'avis de son amant.

Et puis, au moins, ils iraient se reposer plus vite et, rien qu'à cette pensée, il sent déjà la chape de plomb lui tomber dessus. Mais avant de sortir, il s'avance de nouveau vers son compagnon. Il lui prend la main pour la serrer un instant, cependant, quelque chose se trouve entre leurs doigts et les empêche de se toucher totalement. Lorsque Fantôme se retire, il laisse à Viliam l'objet qu'il tenait pour le laisser découvrir de quoi il s'agit. Quelque chose qui s'est perdu dans l'agitation des combats et la tentative d'enlèvement d'Alicia. Quelque chose que le mercenaire a trouvé dans le Temple et a aussitôt reconnu. Il adresse alors un sourire en coin au bandit avant de finalement retourner dans la pièce principale.
Entrant d'un pas assez vigoureux, Fantôme ralentit jusqu'à s'arrêter lorsqu'il croise mon regard. Il est rempli de larmes qui ne demandent qu'à couler... Pendant leur absence, j'ai questionné Clarisse sur ce qu'il s'est passé dans le Temple. Qui avait fait cela, pourquoi et s'il n'y avait pas trop de blessés. Elle a fait de son mieux pour tempérer la nouvelle mais je ne m'attendais certainement pas à cela...

Lentement, je me lève de ma chaise pour pouvoir faire face à mon interlocuteur dont je vois la mine se déconfire. Lui qui pensait pouvoir faire une pause de quelques heures, le voilà qui va devoir faire fi de la fatigue qui l'assaille pour me répondre. Et je lis dans ses yeux qu'il s'y résignera malgré tout.

-Où sont-ils ?
-Je n'en sais rien... Répond-il après un instant, haussant des épaules désolées.
-Pourquoi les ont-ils emmenés ? Il ne répond pas. Il cherche sans doute ses mots alors que j'aborde un sujet délicat dans une langue qui n'est pas la sienne. C'est un double exercice assez complexe, surtout lorsqu'on est épuisé. Cependant, je n'ai pas la patience... Y a-t-il une chance... pour que... ?
-Non. Me dit-il enfin avec autant de douceur qu'il le peut. Cette... secte est connu pour s'en prendre aux étrangers... et le résultat est toujours le même. Personne ne sait qui ils sont, ni pourquoi ils font ça.
-Qui ?...

Ma question désigne clairement les victimes et non les assaillants. Fantôme fouille dans sa mémoire et me donne trois noms. Un prêtre et deux apprenties... Un autre prêtre est mort et il omet volontairement de me signaler qu'ils ont malgré tout tenté d'emporter le corps. Je sens ma respiration se faire difficile et ma gorge se nouer...

-Et quand... ils m'ont emmenée... ?
-Oui... Répond-il simplement.

Je devais être leur quatrième victime. J'allais disparaître moi aussi et mourir juste avant d'être sauvée in extremis... Encore...
Je sens soudain mes jambes flancher. Je prends appui sur la table et la chaise pour me rasseoir avant de tomber et mon geste inquiète Fantôme qui s'avance rapidement vers moi. Il ne dit rien, ne sachant comment m'aider, et moi j'essaie de tenir le choc pour ne pas m'effondrer.

Viliam laissa échapper un bref soupir à l’air désemparé de la jeune femme. Il n’était pas certain de savoir comment s’y prendre pour ne pas briser son moral plus qu’il ne l’était et il s’était volontairement tenu en retrait devant l’interrogatoire que subissait Fantôme. Visiblement, c’était prévisible, la prévenance de la Chimère n’avait pas suffi face à la réalité.

-Vous vous avez survécu et c’est important. Finit-il malgré tout par lâcher.

Appuyé contre le chambranle de la porte, il jouait machinalement avec la broche qu’on lui avait rendue. Il ne s’y attendait pas et il était plutôt content de la revoir entre ses doigts. L’objet était vieux, peut être était-ce même le plus vieux qu'il possède encore et il avait fini par avoir une petite valeur sentimentale à ses yeux.

-Prenez le temps de pleurer vos compagnons, mais ne vous torturez pas l’esprit à penser à ce qui aurait pu arriver ou non. Vous êtes hors de leur atteinte désormais. Vous avez ma parole qu'ici il ne vous arrivera rien.

Comme il l’avait dit plus tôt dans la soirée, ici personne ne viendrait leur faire de mal. Ils étaient loin de toute l’agitation malsaine de la ville.Quand à la suite lorsqu'elle sortirait d'ici...Le bandit ne doutait pas que ses protecteurs redoubleraient de vigilance à l'avenir.

Il se doutait bien qu’il s’agissait là d’une maigre consolation pour la jeune étrangère, mais parfois, tendre une main à un homme à terre avait bien plus d’effet que se démener corps et âme à tenter de lui faire oublier qu’il était tombé…

Fantôme se tourne vers son compagnon tandis qu'il reprend la parole quelques instants, puis il m'adresse un hochement de tête, comme pour m'assurer, lui aussi, que je suis en sécurité. Il faut bien avouer qu'il est mieux placé que moi pour en juger et j'imagine qu'ils ont pris toutes les précautions, Clarisse et lui, pour ne pas être suivis. Il a veillé sur moi depuis mon arrivée, je me sens presque obligée de lui faire confiance.

Durant un instant, je les regarde. Tour à tour. Tous les trois. Et puis, ma gorge me serre. Ma vue se trouble. Et quelques sanglots presque silencieux me secouent. Je ferme les yeux et des larmes coulent sur mes joues. Tant d'émotions se heurtent en moi que je ne saurais même pas définir avec précision pour quelle raison je pleure. Cela ne dure pas longtemps mais j'en ai besoin... Pour évacuer au moins en partie cette atroce soirée. Ils me laissent faire sans rien dire. Et c'est Fantôme qui rompt finalement le silence lorsque je commence à m'apaiser.

-Vous avez besoin de vous reposer. Puis il se tourne vers Clarisse. Tu veux bien rester avec elle cette nuit ?

Le mercenaire ne peut pas l'expliciter mais il a de bonnes raisons de solliciter une femme plutôt que de se désigner lui-même. Il a remarqué la façon dont j'ai regardé Djenaba lorsqu'elle m'a été présentée comme l'une de mes protectrices. J'ai apprécié l'idée de ne pas être gardée uniquement par des hommes. Il ignore pourquoi mais il a vu que cela me rassurait. Et il semblerait que nous pouvons bien nous entendre, Clarisse et moi. Alors le choix est assez judicieux.
Elle accepte et je l'en remercie d'un sourire rendu triste par l'expression de mon visage. Je me sens soudain comme écrasée par une chape de plomb, rattrapée par la fatigue qui m'avait emportée un peu plus tôt dans la soirée. Je me sens épuisée...

Fantôme prend mes mains pour m'aider à me lever. Une fois debout, je prends un instant avant de m'avancer vers l'escalier, d'un pas lent et plus mal assuré que tout à l'heure. Accompagnée de la jeune blonde, je m'engage sur les premières marches. J'ai hâte de retrouver mon lit...

Une fois que je suis sortie et hors de portée d'oreilles, l'éclaireur se libère d'un lourd soupir puis porte ses mains aux sangles qui maintiennent ses armes dans son dos. D'un geste, il les défait et les pose sur la table. Puis il commence à s'attaquer aux attaches de sa cuirasse.

-T'aurais pas une chemise propre, des fois ? Demande-t-il alors qu'il a remarqué les vêtements d'Alicia.

Tandis qu'il dit cela, son haut apparaît entre deux couches de cuir, tâché d'un sang qui n'est visiblement pas le sien et qu'il dissimulait jusque là. Jusqu'à présent, il a toujours dormi avec Viliam, vêtu d'une tenue de nuit deux pièces. Même si ce n'est pas son habitude chez les Chimères.

-Quoi que... Se ravise-t-il. Laisse tomber. Je m'en passerai cette nuit.

Il n'y a pas de sous-entendus dans sa phrase. Il a tellement eu besoin de le sentir contre lui toute la soirée qu'il se passera très bien d'un séparation supplémentaire entre eux. C'est même un besoin presque vital selon ses sens actuels. Et au diable la pudeur de leurs débuts. Elle a de toute façon déjà commencé à s'estomper depuis tout à l'heure.

-C’est toi qui voit. Le bandit esquissa un sourire amusé. Si tu changes d’avis, oui j’ai d’autres vêtement propres. Le pli malicieux de ses yeux s’accentua alors qu’il ajouta : Quoi qu’il en soit, si tu t’en passe, c’est pas moi qui vais m’en plaindre…

Retrouvant ensuite un peu de sérieux il vint doucement prendre les mains de son amant, histoire qu’ils ne restent pas plantés là. Il veilla à ne pas appuyer sur celle enserrée dans un épais bandage.

-Si tu as besoin de te laver, il y a une salle d’eau. Et un puits à l’extérieur. C’est encore moins le grand luxe que la taverne, mais ç’est fonctionnel. Viens je vais te montrer.

Tout en lui parlant, il recula et fit mine de vouloir l’entrainer dans les escaliers. Pourtant, il ajouta une dernière chose, peut-être moins amusante.

-Tu m’a pas répondu tout à l’heure. Je voudrais être sûr que tu vas bien 'Tom. S’il faut, j’ai de quoi t’aider pour ça aussi.

Il en connaissait trop, des hommes qui camouflaient leurs maux coute que coute, et pas extension ne se mettaient que plus en danger et il avait remarqué la fatigue et le malaise qui semblait tenailler le mercenaire. Pourtant, maintenant qu'ils étaient seuls, Fantôme savait qu'il pouvait faire confiance à son partenaire.

Malgré la fatigue, les paroles de Viliam arrachent un sourire au mercenaire et lui adresse un regard à la fois tendre et amusé. Même si leur relation dure depuis un bon mois maintenant, son compagnon n'a jamais fait quoi que ce soit pour le presser. Il accepte de se contenter d'une simple étreinte pour s'endormir dans les bras l'un de l'autre, découvrant à peine sa peau. Ce n'est pas de la pudeur, le bandit le sait bien, mais plutôt de l'appréhension. Même si son affection ne fait aucun doute, avant même qu'il se déclare ce soir-là, il avait besoin de temps pour se faire à leur relation et à tout ce qu'elle change pour lui. Car, même s'il s'en cache et que nombre de choses le retiennent, Liam lui fait beaucoup d'effets. Une caresse ou un baiser de sa part a bien plus de valeur que tous ceux qu'il a partagé avec celles qui l'ont précédé. Même Djenaba... Non seulement il ne veut pas gâcher ça en commettant la même erreur que la dernière fois mais toutes ces sensations nouvelles l'effraient un peu aussi. Et, même si Viliam ne cache pas son propre état d'esprit, il respecte son besoin d'y aller doucement. Le voir franchir une nouvelle étape après plusieurs ennéades de stagnation doit forcément lui faire plaisir.

Fantôme serre lui aussi les doigts de son compagnon, bien que l'une d'elles le presse un peu moins que l'autre. Si des petites tâches de sang devaient apparaître, ce serait sur le dos et non sur la paume cette fois. Quelqu'un a cherché à lui faire lâcher son arme et il a presque réussi. Il était moins efficace de ce côté après ça mais au moins il n'était pas à moitié désarmé.

-Tu lis dans mes pensées.

Après une soirée comme celle-ci, le mercenaire ne rêve que d'une chose : retirer toutes les odeurs qui lui collent à la peau pour les remplacer par le parfum d'un savon, même bon marché. Et cela lui permettrait d'enlever ses vêtements tâchés. Si c'est très discret sur son pantalon du fait de sa couleur, lui voit les endroits où du sang l'a aspergé. Il a encore l'odeur imprégné dans ses narines après les combats et les soins qu'il a donné. Il a besoin de se débarrasser de tous ces souvenirs comme on se déleste d'un manteau trop pesant.
Mais Fantôme va devoir attendre avant d'avoir droit à ce moment de quiétude. Viliam revient sur son état à lui. Il pourrait lui répéter que tout va bien, que les dernières heures ont été éprouvantes et lui parler de cette sensation amer d'être la cause de l'état de sa meilleure amie... Mais il comprend que ce n'est pas de cela qu'il veut parler. Et il ne pourra pas le lui cacher de toute façon. Alors, il soupire et, reprenant possession de l'une de ses mains, il soulève un pan de sa chemise. Là, au niveau des dernières côtes, un large hématome presque noir orne sa peau.

-C'est moins grave que ça en a l'air. Dit-il rapidement. Mes côtes ont tenu le choc, c'est juste un gros bleu. C'est impressionnant et ça tire un peu mais ça va. C'est ce qui arrive quand un grand balaise prend un banc pour une massue et qu'on a une seconde d'inattention. J'étais encore à moitié sonné quand Djen a été blessée. Conclut-il en laissant le vêtement retomber.

Le ton qu'il emploie et lourd de sens... Un sens qui se veut caché, certes, mais Viliam le connaît sans doute assez maintenant pour voir qu'il en dit bien moins qu'il n'en pense. Car Fantôme s’apitoie toujours en silence, un verre dans une main et des cartes dans l'autre...

-Arrête de t’en vouloir tu n’y peux rien. Viliam avait saisit l’ombre du tracas dans le regard du mercenaire. Ses doigts passèrent sous son menton de manière à ce que la Chimère le regarde dans les yeux sans le fuir. Il semblait contrarié mais conservait la même douceur un peu maladroite dont il faisait toujours preuve avec lui. Il n'était pas question de le brusquer. Tu as fait ce que tu as pu, rentre-toi ça dans la tête. Djenaba et toi avez sauvé la vie de la plupart des gens coincés dans ce sombre bordel et c’est pas rien.

A nouveau, comme pour empêcher toute protestation, le bandit se rapprocha, capturant les lèvres de son amant l’espace d’un instant fugace avant de reculer de nouveau et de l’entrainer à l’étage. L’aveu de Fantôme et surtout le constat par ses propres yeux de l’état stable du mercenaire semblait l’avoir suffisamment rassuré pour que satisfait il fasse mine de continuer leur chemin.

-On a aussi un semblant d’infirmerie. Enchaina-t-il comme si de rien n’était en lui désignant une porte entrouverte sur ce qui était sans aucun doute la fameuse salle d'eau. Tu devrais pouvoir trouver un baume ou deux dans les armoires. Tu peux fouiller t’inquiète pas. Mais...dans tous les cas tu devrais vraiment prendre ce bain. Il pencha la tête sur le côté. Tu empestes le sang séché...

Fantôme esquisse un sourire. Sa culpabilité l'habite encore, autant que les paroles de son compagnon. Cependant, il ne peut pas ne pas réagir face à sa tendresse et ses marques d'attention.

-Je vais tâcher de m'en débarrasser mais le bain attendra demain. J'ai qu'une envie là, c'est d'être près de toi alors, je vais juste faire en sorte que ma compagnie soit moins désagréable et te retrouver au plus vite...

Viliam se mit à doucement rire devant l’impatience presque candide de son amant.

-Alors dépêche-toi. Lui répondit-il. Ma chambre est au bout du couloir.

Il lui offrit un dernier sourire joueur avant qu’ils ne finissent par se séparer.

La chambre du chef de l’Aile blanche n’était pas plus grande que celle de sa taverne. Un lit, un coffre, une chaise et une table d’appoint faisaient office de mobilier. L’un des murs plus abimé que le reste était tapissés de petit graffiti qu’on avait tenté de recouvrir de peinture blanche à l'image d'un oiseau stylisé. Ça et là plusieurs bougies avaient pour fonction d'illuminer l'endroit de façon sûre. 'Tom l'avait sans doute déjà remarqué, le bandit semblait fuir l’obscurité avec une certaine ferveur...Même lorsqu'ils dormaient ensembles, il lui demandait toujours de garder au moins une chandelle vaciller doucement dans la nuit ou bien laisser la lumière des lunes doucement baigner l'endroit entre des volets entre-ouverts.

En attendant que son compagnon ne réapparaisse, Viliam soupira en se laissant tomber sur la chaise qui protesta un peu. Il tira machinalement sur le foulard qu'il portait encore autour du cou pour l'ôter enfin puis joua avec une mine de charbon comme celle lui ayant permis de dessiner Alicia plus tôt. Il y avait quelques papiers sur la table, dont un message laissé là par Ren dans la journée, rien de digne d’intérêt, d’autres parchemin, des cartes et des plans un peu éparpillés. Seul un carnet de cuir y demeurait scellé. Lorsque le mercenaire reviendrait, sans doute le verrait-il encore occupé à terminer d'écrire quelques lettres dont les destinataires étaient pourtant anonymes.

Fantôme renifle sa propre peau, juste pour vérifier qu'il s'est bien débarrassé de l'odeur. Cela fait trois bassines qu'il vide par la fenêtre, une pour chaque rinçage, parfois au savon, parfois à l'eau claire. Il voulait juste être certain que plus rien n'incommoderait son compagnon. Ceci fait, il fouille dans les placards sans en éprouver la moindre gêne. Ne pas être chez lui ne l'a jamais empêché de faire comme si... Et puis, Viliam l'y a autorisé.
Se faisant, il trouve un baume qui, à l'odeur, doit contenir de l'arnica. Il s'en applique sur le bleu avec autant de délicatesse que possible. Cependant, même avec toute la douceur du monde, ce geste répété finit par lui tirer la peau et il décide de faire une pause. Le temps de trouver de quoi désinfecter ses deux plaies et une bande propre pour refaire son bandage à la main et il retente de soigner son flanc pour faire pénétrer complètement la pommade avant de finalement abandonner. Alors, il enfile un pantalon propre, passe une chemise et entasse ses vêtements sales dans un coin de la pièce avant de sortir. Il se dirige vers la porte que son amant lui a indiquée et frappe deux coups sur le pan de bois avant d'entrer sans attendre de réponse.

Fantôme étire un sourire en coin tandis qu'il trouve son compagnon en train d'écrire sur la seule surface disponible de la pièce. Il referme derrière lui avant d'étudier les lieux. Il apprécie la luminosité sans y attacher une grande importance pour autant. Il a déjà remarqué que Viliam ne reste jamais dans le noir mais il ne l'a jamais questionné à ce sujet. S'enfonçant dans la pièce, il se dirige droit vers le lit avant de s’y laisser tomber dans un lourd soupir. Allongé sur le dos, les pieds encore sur le sol, il se passe une main sur le visage, remontant jusqu'à ses cheveux qu'il ébouriffe un instant. Puis il reste simplement là, les bras étendus au-dessus de la tête.
Entendant la chaise de son amant, Fantôme tourne la tête dans sa direction et le voit approcher de la couche. Comprenant qu’il a terminé ce qu’il faisait, le mercenaire se redresse un peu pour se mettre dans le bon sens puis attend que son compagnon le rejoigne pour le prendre dans ses bras.

Lorsque le mercenaire revient, Viliam se contente de simplement terminer ses quelques lignes rapidement avant de faire mine de le rejoindre. Il ne souhaite pas le faire attendre, ni se torturer non plus à vrai dire. La journée a été suffisamment pénible comme cela. Il souffle simplement une ou deux bougies, conservant une luminosité douce mais qui ne gênera pas non plus le sommeil de la Chimère avant de s’en approcher.

-Tu l’as gardé finalement…

Le rejoignant, il pose un doigt contre le torse du mercenaire, sur le tissu de sa chemise, histoire de lui faire comprendre de quoi il parle. A l’éclat malicieux qui brille dans ses yeux sombres et au ton de sa voix, si cela est encore nécessaire, le mercenaire peut comprendre qu’il ne s’agit de rien d’autre que d’une remarque légère et bien entendu sans reproche ni moquerie. Par moment, le semblant de timidité dont peut faire preuve le mercenaire l’amuse. Il trouve à cette quasi candeur d'un début de relation quelque chose de presque...attendrissant, et de neuf aussi à bien y réfléchir. C'est une forme d'innocence à laquelle il ne s'était pas attendue avant qu'il n'apprennent à réellement se connaitre.

Fantôme redresse la tête pour voir sa chemise, comme s'il ne comprenait pas ce que Viliam lui montrait. Puis il la laisse subitement retomber sur l'oreiller dans un soupir.

-Réflexe... Avoue-t-il. J'avais sorti de quoi m'habiller et je l'ai enfilée sans réfléchir.

Puis il regarde son compagnon. Faisant disparaître sa lèvre inférieure sous sa comparse, il semble réfléchir, hésiter, avant de finalement se redresser suffisamment pour venir embrasser le bandit quelques instants puis de les interrompre et de retrouver son regard.

-Mais tu peux m'aider à l'enlever si tu veux... Murmure-t-il.
-Ah, voilà qui est intéressant.

Le contact de sa main s’est fait légèrement plus appuyé sur le torse de la chimère, ses doigts se glissant timidement jusqu’à l’encolure du vêtement. Leur baiser les avait d’autant plus rapprochés et à son tour il s’étire un peu pour goûter à nouveau aux lèvres de son amant. Tom n’a pas été le seul dont les étreintes successives avaient fini par éveiller tout un tas de sentiments. Mais ça n’a pas été le bon moment pour les exprimer…Jusqu’à cet instant privé.

Le regard de Fantôme brille un léger instant d'un éclat presque oublié tandis que Viliam lui emboîte le pas sur le chemin qu'il leur a proposé. Il retrouve ses baisers, assuré mais avec une infime timidité. Il se sent prêt à franchir cette étape, il en a envie, mais comment ne pas appréhender encore un tout petit peu ? Il se souvient vaguement de leur première fois, ils en ont reparlé aussi. Il sait que c'était très différent pour lui de lorsqu'il s'y essayait avec des femmes mais cela lui plaît-il vraiment plus ? Il ne veut pas décevoir son compagnon et redoute d'être déçu lui-même de découvrir que c'est le sexe qui ne l'attire pas plus que le genre de son partenaire.
Le mercenaire finit par se mettre une claque mentale pour arrêter de réfléchir à tout cela. Il n'y a qu'une seule façon d'avoir la réponse et ses tergiversations ne feraient que l'entraver. Alors il embrasse son amant de plus belle tandis qu'un bras l'enlace et que sa main libre vise sa joue avant de finalement redescendre sur son épaule afin de le pas entraver ses gestes auquel il goûte autant qu'à ses baisers plus appuyés.

L’espace de quelques secondes, le bandit capte l’hésitation de son amant et sans rien dire il lui laisse le temps de prendre ou non son assurance et de décider de la suite. Il peut continuer ou arrêter comme bon lui semble. Au-delà du désir purement charnel, ce que Viliam désire surtout c’est que son compagnon vive cette expérience en toute sérénité. Il n’est pas question de le brusquer, ni d’imposer ses envies. S’il faut encore le prouver une fois de plus, ce ne sont pas des paroles vaines pour l'ancien esclave…  Mais de toute façon, l'hésitation ne dure pas. De son plein grès, c’est le soldat qui revient lui-même à la charge.

De son côté, Viliam aussi vit quelques appréhensions de ces instants qu'ils cherchent tous les deux. Ce n’est clairement pas sa première fois, mais sans l’alcool pour embrumer son cerveau, il reste toujours un fond de peur dont son compagnon n'est pas responsable. C'est ainsi et Fantôme n’y pourra jamais rien. Au fond, Viliam n’a pas envie qu’il change quoi que ce soit à sa façon de faire, alors, il met sa peur tout au fond de son esprit sans rien en exprimer. 

A la place, il laisse échapper un soupir d’aise. Parce qu’il sait aussi qu’il ne craint rien au creux de ces bras là. 
Sans laisser à leur lèvres le temps de se séparer, sa main continue alors son exploration, cherchant à découvrir un peu plus la peau de la chimère. Ses doigts parcourent le haut de son torse, le creux de sa clavicule, son épaules déjà presque mise à nu…Après tout, sa proposition première était bien de l’aider à lui ôter le léger vêtement qu’il porte, malgré leurs corps dangereusement rapprochés.

Le contact des doigts de Viliam sur sa peau produit un effet sur Fantôme qui le surprend un peu. Déjà, son souffle a tendance à vouloir s'accélérer et ses baisers se font nettement plus langoureux. Ses mains se pressent contre ce corps si près du sien, comme une invitation à continuer. Parce que c'est ce qu'il veut... Qu'il continue... Et même qu'il aille plus loin, son appréhension semblant être repoussée en même temps que sa chemise qui s'ajoure un peu plus à chaque seconde.
Tandis que son épaule se dénude et qu'un bouton mal fixé cède sous les caresses de son amant, les doigts du mercenaire se referment sur le haut de son compagnon puis, quelques instants plus tard, tire légèrement dessus. Puis ils descendent jusqu'à trouver cet espace qu'ils ont dégagé et qui leur permettent d'entrer à leurs tours en contact avec la peau du bandit. Ainsi, sa main s'immisce sous le tissu dans un geste tendre et sensuel à la fois. Il soupire à son tour... de plaisir. Pourtant, c'est si simple... Mais après tout ce temps passer à hésiter, c'est une petite victoire que de parvenir à se lancer enfin vers la réalisation de cette envie qui le tenaille depuis un certain temps mais qu'il n'avait pas osé accomplir jusque là. Parce que changer est difficile... mais accepter sa véritable nature l'est plus encore parfois.

A force de caresses et de baisers, la position qu’ils ont naturellement adopté l’un et l’autre ne semble plus tout à fait convenir au bandit. Au lieu de se retrouver sur le côté, il vient doucement se glisser au-dessus du mercenaire a demi allongé. 

-Tom…

Il ne souffle rien si ce n’est ce petit surnom. Si court, pourtant enfermant dans un souffle une infinité de sentiments. Il sent les mains de son amant sur son propre corps qui imitent les siennes et ça le rend dingue. Finalement, comme pris d’une certaine forme d’impatience, il se redresse un peu et vient lui-même l’aider à retirer son propre haut. En quelques gestes, le tissu est perdu quelque part dans la petite pièce et le bandit s’attaque à  terminer ce qu'ils ont commencés et à nouveau vouer le même sort à la chemise de son amant comme il le lui a promis, en dénouant petit à petit chaque attaches sous de nouvelles caresses. 
 La peur ? L’appréhension ? Elles se sont tues, rendues muettes face à ce qu’il ressent pour cet homme.

Fantôme est presque surpris de voir Viliam retirer son haut. Il n'en demandait pas tant, même si c'était bien son but final. Alors il ne proteste pas et l'accueille de nouveau dans ses bras, libre à présent d'explorer chaque parcelle de son buste, chose qu'il ne tarde pas à faire. Ce contact l'enivre autant que celui des doigts qui défont les boutons de sa chemise un à un. Ses baisers se font de plus en plus langoureux à mesure que le désir emporte sa conscience. 
Lorsque la dernière attache cède, le mercenaire soulève légèrement le haut de son corps sans chercher à interrompre le contact de leurs lèvres. Il retire lui-même les manches du vêtement puis, sans même prendre la peine de le mettre à l'écart, il allonge son dos sur le lit et attire son amant contre lui afin que leurs torses reposent l'un contre l'autre. Cette sensation nouvelle l'électrise et il ne peut empêcher un soupir de s'échapper d'entre ses lèvres. Il le serre de plus belle dans ses bras, ses mains caressantes étreignant son dos avec sensualité jusqu'à ce que l'une d'elles se perde dans la chevelure sombre de Liam.

Leurs corps se tendent petit à petit. Leurs peaux nues s’effleurent, se frôlent, apprennent à se connaître d'une manière toute naturelle. Viliam sent la main de son amant contre son dos. Il tique à peine lorsque les doigts effleurent une cicatrice sur son épaule avant de partir de perdre dans ses boucles. Mis à part ses récentes blessures, la peau du mercenaire est bien plus soignée que celle du bandit. L’un à accès à de meilleures condition de vie et de meilleurs soins et cela se voit. 

Seulement à présent le bandit ne peut de toute façon plus vraiment y déposer de caresses. L'une de ses mains est venue, en miroir, serrer la chimère contre lui mais guère plus. A la place, il joue le jeu de son amant qui veut visiblement les voir se rapprocher encore. Bien qu’encore séparés par une frustrante fine couche de tissus, il joue légèrement des hanches, juste ce qu’il faut pour attiser un peu plus le brasier des envies de son compagnon dont il n'a que peu de doutes à présent…et le sien avec. Quant à ses lèvres, elles se lassent et rompent petit à petit l’échange langoureux de leurs jumelles. Elles cherchent à découvrir autrement ce visage, le coin de cette bouche qui soupire, le creux d’une joue, puis l’angle d’une mâchoire.

Alors que Fantôme a l'impression de presque perdre la tête, le jeu de hanche de son compagnon bouleverse tout. Dans un gémissement étouffé, il se redresse légèrement, saisissant le bandit pour le serrer un peu plus fort contre lui. C'est une partie de leurs premiers ébats dont il ne se souvient pas, ou trop peu. Il croit avoir lui-même fait quelque chose de beaucoup plus osé mais, enivré jusqu'à la moelle, il pouvait tout tenter. Cette fois, le mercenaire est à la fois fiévreux et réservé. Ses baisers et les mouvements de son corps qui répondent à ceux de Viliam ne laissent pas le moindre doute quant à son désir -comme si le contact de leurs hanches pouvait encore le laisser planer- mais les mains qui parcourent le bandit restent encore relativement sages. Pourtant, l'envie le submerge à tel point qu'il a du mal à retenir sa voix à chaque pression de bassin sur le sien.
Soudain, Fantôme bascule sur le côté, entraînant Viliam avec lui afin d'inverser leurs positions. Mais pas pour continuer... En appui sur ses mains et ses genoux, le mercenaire a mis de l'espace entre eux pour essayer de reprendre son souffle. Cependant, il grimace presque aussitôt en portant la main à son flanc.

-Le con... S'injure-t-il lui-même alors que son hématome le lance. Mais ses traits se décrispent assez vite tandis que la douleur passe rapidement, et il revient vers son amant. Désolé... J'ai juste besoin d'une minute. J'ai... J'ai jamais eu autant envie de quelqu'un. Il en semble surpris lui-même et même un peu perdu. J'ai vraiment l'impression de tout reprendre à zéro depuis nos débuts, c'est perturbant. Lui lance-t-il sur un faux ton de reproche, une étincelle de malice brillant dans ses yeux.

-On a tout notre temps.

Viliam se redresse un peu, reprenant aussi son souffle. C’est une façon de redescendre assez brutale mais son partenaire semble avoir besoin de se reprendre. Quelque part il est plus surpris par le fait que ce soit Tom’ à l’origine de cela plutôt que lui-même. Est-il allé trop loin ?  Alors il replie un peu ses jambes et avec une douceur nouvelle il pose sa main sur la joue de son amant. 

-Jamais je ne te forcerais à quoi que ce soit Tom, sache-le. Assène-t-il avec un sérieux qui peut paraitre un peu étrange pour la situation. Bien entendu que tu pars de zéro et y a rien de honteux à ça. Tu apprendras à te connaitre au fil du temps. Petit à petit. Son pouce caresse lentement sa joue. Tu n’imagines pas à quel point c’est précieux, de prendre son temps…

Il lui offre un sourire qui se veut rassurant. S’il a choisi de sortir avec la Chimère, ce n’est pas pour ce genre de chose. Elles font partie de la vie, mais Fantôme est encore jeune et probablement un peu plus ingénu que lui dans ce domaine. Il est naturel qu’il ait besoin de temps.

-On a déjà franchi une étape ce soir. Ajouta-t-il. Contentons-nous de dormir ensembles cette nuit, c’est déjà bien…

Un éclair de malice ose tout de même répondre à celui qui éclaire les prunelles de la Chimère.
-D’autant que ça nous évitera d’expliquer certaines choses à ta protégée en étant pas assez discrets…

Fantôme fronce légèrement le sourcils aux premières paroles de son compagnon. Cette notion de liberté et d'absence de contrainte lui semble bien plus personnelle que la cause qu'il défend avec son groupe. Il ne l'a jamais questionné sur son passé, attendant que cela vienne de lui, mais il arrive parfois qu'il puisse en deviner les contours. Comme maintenant.

-Liam... Avec douceur et tendresse, le mercenaire imite son amant et une main vient se pauser sur sa joue. Moi non plus, je te forcerai jamais.

La proposition de Viliam provoque une moue déçue tandis que la plaisanterie le fait pouffer de rire. Il est vrai que les péninsulaires savent se montrer très prudes, surtout les jeunes femmes. Et Alicia n'a pas l'air de faire exception à la règle vu son malaise en portant les vêtements de Clarisse.

-J'ai pas dit ça pour qu'on s'arrête, tu sais.

Sa main descend dans une caresse depuis sa joue, passant dans son cou puis, profitant de la distance qu'il a précédemment mis entre eux, sur son torse. Il avance ensuite vers lui, ses lèvres semblant vouloir retrouver celles de Viliam pour finalement bifurquer et se diriger jusqu'à son oreille afin de lui souffler quelques mots.

-Et puis, je sais être très discret...

A ces mots, la main sur le buste du bandit pivote jusqu'à ce que la pointe de ses doigts soient orientés vers le bas. Elle reprend alors sa progression le long du corps de Viliam vers cette seule partir encore couverte, visiblement bien décidé à l'explorer. Pendant ce temps, les lèvres de Fantôme se glissent dans le cou de son amant afin d'y déposer des baisers langoureux et passionnés et pourtant un peu moins empressé que tantôt. Cette petite pause a visiblement eu l'effet escompté.

Mais alors que les les doigts du mercenaire font seulement mine de vouloir se glisser sous le pantalon de Liam, un cri les interrompt et Tom relève immédiatement la tête. Le cri est bien vite suivi de pleurs puis de la voix murmurée de Clarisse. Ses muscles se détendent alors aussitôt dans un soupir soulagé et terriblement déçu.

-Sauvé par le gong... Lance-t-il à Viliam avec humour, comme s'il pouvait se sentir heureux d'avoir obtenu ce qu'il voulait. Il l'embrasse alors avant de reprendre sa chemise et de se lever. La nuit promet d'être longue, mais pas comme il l'aurait espéré...

~~~~~~~~~~~~

Le mercenaire descend dans la salle principale au petit matin, le goût des lèvres de son compagnon sur les siennes. L'envie qui l'a habité la veille le tenaille encore, et d'autant plus lorsque Viliam le touche... Mais il a dû se relever trois fois au cours de la nuit et a décidé de ne pas se recoucher à la dernière alors que l'aube commençait à poindre à l'horizon. En silence, il s'est préparé. Fatigué, il a regardé son amant dormir quelques instants avant de le réveiller en douceur pour le prévenir de son départ, l'assurant qu'il reviendrait rapidement. Et à présent, il disparaît dans la pénombre.
Finalement, il n'est peut-être pas plus mal qu'ils n'aient pas pu aller plus loin la veille... Alors qu'il a l'impression de partir comme un voleur.

Le jour est bien plus avancé lorsque je me lève à mon tour. A ma vitesse, je descends les marches, une à une. Clarisse a à peine bougé tandis que je me préparais pour quitter la chambre. La pauvre, je ne l'ai pas aidée à se reposer cette nuit... Elle n'est pas la seule d'ailleurs.
Une fois en bas, je ne tarde pas à trouver Viliam qui est déjà levé. Je suis un peu honteuse tout à coup... Pour lui non plus la nuit n'a pas dû être de tout repos. Par ma faute. Je les admire tous de parvenir à se détacher ainsi des évènements douloureux ou de les gérer de telle sorte qu'ils parviennent à accuser le coup sans en être aussi perturbé que moi.

-Bonjour. Je dis timidement. Je ne pense pas le surprendre, il a dû m'entendre arriver à des lieues...

-Bonjour Alicia. Viliam lui répondit avec son mélange d’accent d’itrhi vaan et de péninsulaire du nord.

Il semblait bien plus détendu que la veille ou alors peut être cachait-il bien son jeu, difficile à dire pour la jeune femme. Quoi qu’il en soit, il souriait avec douceur.

-Dites, puisque vous êtes là, vous voudriez venir m’aider ? Il lui désigna d’un geste un seau empli de grains qu’il finissait visiblement de remplir et des petites bagues métalliques. Un de mes amis vient de nous apporter quelques nouvelles pensionnaires, mais il ne sait pas s’en occuper. Il lâche un soupir faussement agacé. Alors c’est moi qui m’en charge. Je doit au moins vérifier qu’elles sont en bonne santé.

Une fois qu’elle fit mine d’accepter, il attrapa le seau et lui confia les quelques bagues.

-Vous croiserez certainement d’autres de mes amis ici d'ailleurs. Fit-il mine de rien. Mais je pense être l’un des rares à parler votre langue je m’en excuse.

En même temps qu’il parlait, ils étaient sortis de l’épais bâtiment principal, et se dirigeaient vers le second, plus petit. Maintenant qu'il faisait jour, il était simple de constater que ce dernier avait plus l’air d’une grange et en moins bon état que l'endroit où ils avaient dormis. Il semblait même que ce qui avait dû faire office d’étable ou d’écurie était en pleine construction. Il y avait des planches, et d’autres matériaux posés ça et là.

Viliam faisait en sorte de marcher lentement, donnant le temps à la jeune péninsulaire de suivre sans trop de difficulté. Derrière son air nonchalant, il lui jetait tout de même quelques coup d’œil discret et plus attentif de temps à autre. Mine de rien, il voulait s’assurer qu’elle aussi, elle aille bien après la nuit difficile qu’elle avait passé.

Finalement, ils atteignirent un coin un peu plus reculé de l’endroit. Autour d’eux et surtout perchés sur les roches formant un mur protecteur, s’ébattaient alors quelques gros oiseaux multicolores. A l’apparition des deux humain, certain firent osciller leur plumage, avant de sembler se fondre parmi les roches brunies, tandis que ceux au sol conservaient leur aspect terreux. Pourtant ce n'était pas vraiment eux qui accaparaient l'attention du vaani pour le moment.

-Bien.

Le bandit posa le grain sur le sol et désigna une cage, dans lequel s’ébattaient des oiseaux plus petits et aux couleurs plus pales qui roucoulaient doucement.

-Vous avez déjà pris un oiseau dans vos mains ?

Alors que je m'apprêtais à m'excuser pour l'avoir probablement dérangé aussi cette nuit, Viliam ne me laisse pas le temps d'ouvrir la bouche et sollicite aussitôt mon aide. Je ne cache pas un certain étonnement même s'il me semble comprendre un peu mieux lorsqu'il parle de pensionnaires à soigner.

-Oui, bien sûr.

Il serait très impoli de ma part de ne pas apporter ma contribution alors que je loge ici de bonne grâce après un sauvetage périlleux. Cependant, je ne suis pas au bout de mes surprises et j'écarquille un peu plus les yeux alors que le bandit me confie de minuscules anneaux dont je ne comprends pas l'utilité.
Claudiquant, j'arrive à suivre mon hôte à mon rythme et sans broncher. Je suis surprise d'arriver à marcher autant sans en souffrir mais il est vrai que je passe beaucoup de mon temps debout depuis mon arrivée, mes jambes se sont certainement renforcées un peu plus que je ne le pensais. Nous entrons finalement dans le second bâtiment et mes interrogations semblent soudainement trouver réponses alors que les locataires de cet endroit sont tous pourvus de plumes.

-Eh bien... J'ai deux mériales, dans mon pays. Je commençais seulement à les attirer vers mes mains lorsque je suis partie de chez moi.

Enfin... Quand j'ai dû quitter Terrefière. Magnus m'a contrainte à partir précipitamment si bien que je n'ai pas pu les prendre avec moi. Mon unique distraction... Sans doute la seule chose qui m'ait permise de penser à autre chose pendant un mois, ne serait-ce qu'un bref instant. Si je décide de rester à Odélian quelques temps, il faudra que je les fasse venir. Mais cela éveillerait l'attention de mon frère, non ? Dans ce cas, je devrais sans doute les laisser où ils sont pour le moment. Je ne veux pas me rappeler à lui, ni lui laisser penser que je m'installe ailleurs ou il me fera rentrer aussitôt.

-Mais, pour vous répondre : non, pas vraiment.

-Des Mériales ? Je ne sais pas ce que c’est. Ou peut-être que ça à un autre nom ici. Le mot ne m’est pas familier. Un sourire amusé apparu sur son visage. Pour être honnête, les oiseaux ne sont pas non plus mon domaine de prédilection à l'origine. Je m’occupe beaucoup mieux des bêtes à quatre pattes en fait.

Pour autant, il avait déjà dû s’occuper d’oiseaux et la chose ne lui était largement pas inconnue tant qu’il s’agissait d’espèce communes à son pays.

Avec douceur, il ouvrit alors la cage et attrapa gentiment l’un des oiseaux entre ses deux mains. L’extrême délicatesse dont il faisait preuve en ouvrant l’une puis l’autre des ailes du volatile était bien loin de la  violence dont il avait lui même fait preuve, à sa propre terrible surprise, la veille.
L'instant semblait d'autant plus paisible, voir trivial, qu'autour d’eux, quelques un des changes-plumes s’approchaient pour venir piquer quelques grains laissés sans surveillance...

-Ce n’est pas difficile. Pas plus que de s’occuper d’humains en tout cas. Il faut simplement veiller à ne pas les brusquer. Ce sont des êtres fragiles... Il tendit finalement à la jeune femme la créature qui se débattait un peu plus par réflexe que par véritable peur. Ses petit yeux dardaient avec attention tour à tour l'un puis l’autre des deux humanoïdes. Celui-là va bien, il est juste un peu amorphe, sans doute par manque de nourriture correcte. je voudrais que vous le teniez que je lui donne sa bague.

Il y eut un léger silence avant que le bandit n’ajoute quelque chose.

-En revanche...Fit-il, Un jour les messages que transporterons ces oiseaux nous sauverons peut-être la vie ou celles d’autres, mais pour cela, j’aimerais que vous ne parliez pas de ce que voyez ici, Alicia. Que ce soit ces oiseaux, les gens que vous croisez ici... Même la présence de votre protecteur hier, doit rester secrète. Demanda-t-il, une pointe de sérieux contrastant avec la légèreté dont il essayait de faire preuve. Je sais que ça parait étrange, voir effrayant...Mais beaucoup de choses, dont des vies, en dépendent.

-Ce sont des oiseaux chanteurs et d'une grande beauté. Ils ont été ma seule distraction pendant un mois particulièrement difficile. Les seuls à me montrer un peu d'intérêt aussi...

Je me demande qui s'en occupe aujourd'hui. Magnus a fait rapporter tous mes effets... à Terresang ou Arétria, je ne le sais même pas. Mais il n'aurait pas laissé périr ses présents, n'est-ce pas ? D'autant qu'il n'est pas du genre à jeter l'argent par les fenêtres. Le simple fait qu'il m'offre un cadeau aussi futile de son point de vue était une marque d'attention surprenante. Il n'aurait pas l'indélicatesse de ne pas la mener à bien jusqu'au bout ?

J'observe Viliam tandis qu'il cueille la colombe avec délicatesse pour mieux l'examiner. Je n'ai jamais pu tenir mes oiseaux de cette façon et je suis un peu surprise lorsque je le vois me tendre celui-ci afin que je le prenne. Après un petit moment de flottement, j'avance des mains hésitantes vers le volatile. Je les place au niveau de celles du bandit afin qu'il puisse retirer les siennes. C'est un contact inhabituel que celui des plumes mais il est loin d'être désagréable.
Tandis que j'essaie de maintenir la colombe entre mes doigts sans lui faire de mal, j'écoute la demande de mon interlocuteur qui souhaite que je garde le silence sur un certain nombre de choses que je pourrais entendre ou voir. Je comprends alors que c'est un hors-la-loi et je me demande comment cela est possible... Notre échange de la veille m'a laissée une bonne impression et le fait que Fantôme -dont le salaire est conditionné à ma survie- me confie à lui les yeux fermés n'a fait que me le confirmer. Mais alors... pourquoi ? Mais poser la question serait délicat, d'autant que cela exposerait davantage Viliam. Alors je ne peux lui demander. Tout ce que je peux faire, c'est lui assurer ma gratitude pour m'avoir sauvée la vie et mise à l'abris.

-Je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous faites et je ne souhaite pas le savoir. Tout ce que je sais, c'est que vous êtes quelqu'un de bien et cela me suffit. Personne ne saura où j'étais, ni avec qui.

Durant un instant, je reste les yeux plongé dans ceux du bandit. Il ne cille pas et je me montre parfaitement sincère. Je n'ai pas la moindre intention de parler de ceci à qui que ce soit. Et, si leurs activités, bien que bienfaitrices, les condamnent aux yeux de la loi, je comprends que Fantôme ne devrait pas être proche d'eux. J'ignore quels sont les enjeux mais j'imagine qu'ils sont suffisamment élevés pour qu'il me fasse une telle requête et j'en ai conscience.

Soudain, je sens le contact des pattes de l'oiseau qui se débat un peu différemment et je le lâche par pur réflexe, dans un petit cri de surprise. Il s'envole alors, se dirigeant immédiatement vers une poutre pour s'y posée. Le temps de suspend un bref instant puis je me tourne à nouveau vers Viliam et... je pouffe de rire avant de me mettre à rire plus franchement. Je ris de la situation et de moi-même qui me suis faite avoir aussi aisément. Je ris alors que la soirée et la nuit ont été d'une difficulté sans nom et... cela fait du bien.

-Merci Alicia.Le bandit hocha la tête en signe de reconnaissance sincère.

Elle n'imaginait pas à quel point son geste était important pour le chef de l'Aile blanche. Il ne tenait pas à lui cacher le vérité et si elle demandait dans la mesure du possible il serait transparent avec elle, mais il respectait aussi à l'inverse sa volonté de ne pas savoir, alors il n'ajouta rien de plus.

Soudain l’oiseau échappa des mains de la péninsulaire et s’envola vers les hauteurs de la pièce, à l’abri de toutes mains humaines. Alicia se mit à rire de sa maladresse, et doucement Viliam se mit à sourire à son tour, satisfait malgré la bague qui lui était restée dans les mains.

La jeune femme semblait beaucoup plus sereine et c'était surtout pour cela qu'il l'avait amenée ici. Il avait craint qu’elle ne se sente pas à l’aise dans ce lieu dont elle ne connaissait rien. Il Y avait tellement de secrets. Elle avait toute les raisons du monde de se méfier, coincée dans un endroit dont elle ne connaissait même pas le chemin de la sortie, et pourtant elle se tenait là à rire franchement.

Viliam était loin d’être le dernier à savoir apprécier ce genre de moment paisible alors lui aussi sembla bien plus détendu que la veille. Il leva les yeux au plafond, fixant l’oiseau qui roucoulait et penchait sa minuscule tête sur le côté en l’observant en retour.

-Très bien, toi tu as gagné pour cette fois.

Les heures s'écoulent, aussi tranquilles que l'eau d'un ruisseau. J'ai soudain l'impression de vivre une toute autre vie. Une vie pleine de quiétude, où tout semble si naturel. J'ai fini par croiser d'autres personnes, tandis que le soleil se levait de plus en plus haut dans le ciel. Les premiers ont été un peu surpris de me voir de prime abord puis, voyant que Viliam ne disait rien ou faisait les présentations, ils m'ont simplement salué avant de reprendre le cours de leurs activités. J'ai proposé mon aide, dans la mesure de mes capacités, et me voilà rapidement intégrée à ce petit groupe comme si... j'en avais toujours fait partie. C'est étrange... et si agréable en même temps. Personne ne prête attention à ma démarche difficile et peu gracieuse. On ne l'ignore pas et on y prend garde malgré tout mais je ne ressens ni pitié ni aversion quant à mon état. On m'offre simplement une assise mais sans insistance. On me soulage de certaines charges, le plus naturellement du monde. On avance à mon allure tout en discutant de banalités.

Tandis que l'heure du repas approche, je me suis rendue en cuisine pour offrir mon aide. Je ne suis pas une grande cuisinière mais j'ai appris à éplucher et couper des légumes. C'est toujours cela que je peux faire pour apporter ma contribution. Tandis que je pose un tubercule que je ne connais pas avec ceux dont j'ai déjà retiré la peau, mon regard se hasarde par la fenêtre. J'y aperçois alors une silhouette déjà vue qui s'avance vers la maison après que le vigile l'ai laissé passer. Ses armes toujours dans le dos, Fantôme s'avance d'un pas déterminé puis ralentit pour héler quelqu'un et visiblement lui poser une question. Son interlocuteur lui montre une direction, le mercenaire lui adresse encore un mot puis reprend son chemin. Il se dirige alors droit vers la maison, entre puis se dirige là où on lui a manifestement dit de se rendre.

Tom toque deux coups sur la porte pour faire savoir qu'il est là. Il adresse un sourire à Viliam en coin, entre dans la pièce et ferme derrière lui afin de les isoler un instant. Il ne pensait pas qu'il y avait autant de monde dans cet endroit et a été un peu surpris de le découvrir si plein de vie à présent. Dire que, cette nuit, il aurait presque pu les croire seuls au monde...

-Mes ordres sont de garder Alicia à l'écart, le temps que toute cette histoire se tasse. Je peux l'emmener tout à l'heure.

Il préfère lui proposer de partir plutôt que de lui demander de rester. Il est plus facile d'accepter un départ que de refuser de venir en aide à quelqu'un. Et c'est d'autant plus vrai pour son compagnon dont la vie est fondée sur l'assistance envers ceux qui en ont besoin. Il a conscience de s'être déjà beaucoup imposé à lui et à l'Aile Blanche et ne veut pas qu'il se force à continuer si cela va à l'encontre des intérêts de son groupe. Ils se sont toujours arrangés jusque là pour éviter de mêler leurs affaires à celles de l'autre. Hier était un cas de force majeure...

-Pour aller où ?

Viliam avait relevé le menton des cartes qu’il traçait lorsque des pas avaient retentit dans le couloir. S’attendant à voir débarquer l’un des quelques réfugiés arrivés dans la journée, il avait été surpris de revoir Tom revenir si tôt, mais enfin il n’allait pas s’en plaindre… En revanche ce fut ce qu’il annonça qui arracha pour de bon un air surpris au bandit. Doucement il se releva, contournant la table sur laquelle il était penché pour s’y adosser et mieux faire face à son compagnon.

-Je sais pas grand-chose sur cette fille et j’ai pas tellement insisté donc peut être que t’as un truc précis en tête, mais...si tu veux la cacher, je connais pas meilleur endroit qu’ici. Il pencha la tête sur le coté, un léger sourire aux lèvres. J'abrite des fugitif en bien plus grand danger qu'elle tu sais.

Même dans la meilleure cachette du monde, au milieu de Thaar ils risqueraient toujours d’être pris dans de nouveaux conflits, si ce n’était d’être repérés purement et simplement.

-J'ai eut l'impression de la voir de bien meilleur humeur ce matin en tout cas. Si tu décide de la laisser ici, je pense qu'elle s'y fera. Qui plus est, tu sais qu'ici elle aura à manger, boire, de quoi dormir au chaud et au sec, sans aucun soucis...

Fantôme ne peut s'empêcher de sourire en coin à la réponse de son compagnon. Il commence à le connaître suffisamment pour avoir deviné quelle serait sa réponse. C'est en partie pour cela qu'il l'aime aussi. Son grand cœur derrière ce caractère de cochon. Non pas que lui-même soit plus facile à vivre... Mais, ensemble, ils font parfois des étincelles. Même si leur idylle leur laisse un peu de répit pour le moment.

-En fait, je me doutais que tu dirais ça...

Il s'avance vers lui, lentement, décortiquant chacun de ses pas pour les faire rythmer avec ses mots.

-Mais... Tu sais que... je ne peux pas rester loin de ma cliente. Donc... ça veut dire... me faire une place aussi...

Il finit par le rejoindre, s'arrêtant sous près de lui mais sans le toucher pour autant. Joueur, il s'en amuse et se fait un peu séducteur au passage.

-Je voudrais pas déranger... Conclut-il à mi-voix.

En réponse, l’air du bandit se pare de la même espièglerie. Le coin de ses yeux se plisse tandis qu’il soutient le regard de la Chimère. Il ne bouge pas et le laisse s’approcher.

-Ah… Fait-il semblant de réfléchir. En y réfléchissant peut être que je pourrais te trouver un petit coin. Se redressant un peu, il lui souffle à l’oreille. Il parait que tu sais te faire discret.

Il n’a pas oublié la fin avortée de leur nuit précédente et les derniers mots de son amant. Et même si ce n’est pas le moment… il est joueur lui aussi. Pas question que le mercenaire soit le seul à ce petit jeu là.

Cette légère brise chaude à son oreille et ces mots qui glissent dans son creux provoquent une réaction à laquelle le mercenaire ne s'attendait pas... Il a soudainement envie de prendre Liam dans ses bras, de l'embrasser, de sentir sa peau... L'élan est si violent que cela le surprend et il a un mouvement de recul. Levant les mains en signe de forfait, il fait deux pas en arrière.

-Désolé. Dit-il rapidement, conscient que ce n'était peut-être pas ce à quoi Liam s'attendait. Mais je suis à fleur de peau depuis cette nuit, t'as pas idée...

Il le regarde en se pinçant la lèvre inférieure, souriant malgré tout en constatant l'effet que son compagnon produit sur lui. Il a envie de jouer mais il n'est pas certain d'arriver à rester au stade du jeu... Il se détourne finalement de lui, portant ses mains sur les sangles qui maintiennent ses armes dans son dos pour les défaire. Il se racle la gorge.

-Je ferais mieux d'aller voir Alicia pour lui expliquer tout ça. Et puis... je verrais comment m'occuper l'esprit. Mais tu perds rien pour attendre ! Fait-il, semblant réclamer vengeance pour plus tard.

Bien entendu, Viliam le laissa prendre ses distances sans protestation. Il reprit sa position un peu plus sage, croisant ses bras contre son torse et camouflant un peu son propre léger malaise.

-hm…Oui, tu devrais lui annoncer la bonne nouvelle. Renchérit-il dans un sourire, heureux d’avoir un sujet sur lequel rebondir. Elle est dans les cuisines je crois… C'est sur ta droite en entrant. Un silence avant qu’il n’ajoute autre chose, avec une nouvelle pointe d’humour, malgré la véracité de ses propos. Si tu veux te vider la tête, on a le chantier de la grange qui n’attend qu’une paire de bras de plus d’ailleurs…

Tandis que le bandit réordonne ses propres pensées, l'une des armes de Fantôme trouve sa place sur un meuble tandis que l'autre finit à sa ceinture par simple mesure de sécurité. Il s'attaque déjà à sa cuirasse afin de s'en délester lorsque son compagnon lui fait une suggestion.

-J'irais voir ce que je peux faire. Mais je vais essayer de me préserver un peu quand même.

L'armure tombe enfin et finit dans un coin, histoire qu'elle n'apporte pas de désordre et n'encombre pas le passage. Puis le mercenaire se dirige vers Liam.

-Ça serait dommage que je n'ai plus d'énergie pour ce soir.

Il l'embrasse alors, avec amour, certes, mais avec langueur et passion aussi. Cela ne dure que quelques secondes à peine avant que Tom ne se contraigne à se détacher de lui, non sans mal. Souriant malgré tout, il recule vers la porte puis il file dans le couloir et s'éloigne d'un pas rapide. Il s'arrêtera malgré tout devant l'escalier pour reprendre son souffle et expirer deux ou trois fois.

Suivant les conseils de son amant, après avoir parlé à Alicia et mangé, Fantôme se rend à la grange pour aider comme il le peut. Portant des charges, s'armant d'un marteau, encastrant des chevilles, il aide à remettre le bâtiment en état. Tout comme elle, il semble vouloir mettre la main à la pâte pour remercier de l'hospitalité de nos hôtes. Alicie ne doute pas un seul instant que, s'il y met tant d'énergie, c'est aussi parce qu'il essaie d'oublier quelque chose. Elle se dis simplement qu'il s'adapte lui aussi à cette vie paisible...

Alicia trouve elle aussi de quoi s'occuper jusqu'au soir où elle aide à nouveau à la confection du repas. Certains rentrent chez eux pour dormir donc les quantités à prévoir sont moindres et le dîner est rapidement servi. Elle se sens épuisée mais cela ne semble pas être le cas de son protecteur qui monte les escaliers quatre à quatre pour aller se laver avant de passer à table. Il redescend, propre, et je ne capte pas son regard qui s'arrête sur Viliam et l'étincelle qui y brille. Elle rêve plutôt d'aller s'allonger...

Des quelques résidents actuels de la Plaine restant pour la nuit, ils s’étaient tous réunis dans la grande salle du bâtiment principal. Le mobilier n’était pas de grand luxe, comme tout le reste des pièces, mais avec un peu d’effort, ils avaient réussi à trouver assez d’assises pour tous. Comme toujours lorsque l’obscurité commençait à pointer le bout de son nez, il y avait beaucoup de bougies çà et là en plus de l’épaisse cheminée qui crépitait calmement. D’ailleurs un chien blanc ronflait tranquillement devant, ayant visiblement oublié son rôle de gardien…

Viliam tenait à cette forme de frugalité conviviale. Même si chacun vivait à peu près comme il l’entendait, il y avait un principe fondamental qu’il appréciait dans ces instants : l’esprit de communauté. Ici, chacun apportait sa contribution à la hauteur de ses moyens, on mangeait ensemble, partageait les récits de la journée et l’on s’entraidait. D'ailleurs, même s’il était le chef de tout ce petit monde, Viliam n’avait pas de place particulière à cette table. Là, il était comme tout le monde, ni plus ni moins.

-Je tiens à vous remercier. Fit-il lorsque Fantôme termina de s’installer. Vous avez contribué toute la journée aux efforts du camp comme les autres et j’apprécie sachez-le. D’autant ces temps-ci où il y a beaucoup à faire et encore peu de monde, c’est important.

Son regard s’attarda un peu sur son amant, lui adressa un sourire discret de plus puis il désigna les quelques plats très simples déposés sur la table. Ce n’était pas de la grande cuisine, faute d’ingrédients très originaux, mais c’était le prix de leur paix.

-Allez-y, n’attendez pas. Il ajouta en mordant déjà dans un morceau de pain épais, comme surpris qu’il ait à le leur dire. Vous êtes ici chez vous.

D’ailleurs les trois autres vaanis présents ne s’étaient pas gênés et s’étaient servis sans plus trainer, discutant et riant déjà entre eux.

Le repas commence dans la gaieté et sans chichi. Je ne suis pas vraiment habituée à un tel manque de formalisme mais je garde pour moi mon trouble et tend finalement une main timide vers un couvert de service. Je dispose dans mon assiette quelques pommes de terre, un peu de ce légume qui ressemble à une grosse courgette violette, quelques tranches de charcuterie... Puis je commence à manger, un couvert dans chaque main, portant chaque aliment soigneusement découper jusqu'à ma bouche qui reste close tout le temps que je mâche. J'ai conscience d'être un élément à part dans la scène qui se joue là. Avec mes manières de Dame au milieu de la plèbe. Mais comment faire autrement ? Je finirais bien par rentrer... Il le faut...
Devant moi se trouvent Viliam et Fantôme. Ils ont l'air vraiment proches tous les deux et je comprendrais sans doute la nature de leur relation si je voyais comment leurs genoux se touchent et se caressent sous la table. Mais leurs regards ne me suffisent pas pour imaginer l'inimaginable, pas plus que la façon dont ils se glissent parfois un mot à l'oreille.

Viliam ne relève pas le léger temps de malaise, semblant préférer s’atteler à maintenir l’atmosphère chaleureuse qui règne ici-bas. Le repas se déroulant, les discussions se font et se défont naturellement entre les différents protagonistes. Tous semblent accepter les deux nouveaux venus comme s’ils avaient toujours vécus parmi eux, non sans parfois omettre d’expliquer une anecdote nécessaire à la compréhension du sujet…

Mais alors que le chef du petit groupe se penche à l’oreille du mercenaire pour lui expliquer un détail un peu flou, l’un de ses amis claque des doigts pour attirer son attention, riant de bon cœur et sans méchanceté.

-Viliam. L’appela-t-il avec insistance. Reste dont sur terre… ça fait deux fois que je t’appelle.

-Ah que veux-tu, face à l’amour nous ne sommes rien. Exagéra le second. Avec un air théâtral et un bien trop lourd soupir pour la situation, il s'adossa à sa chaise, leva son verre qu’il porta à ses lèvres une demie seconde plus tard.

-Hé bien tant qu’on en parle... comment se porte la fille du boulanger de l’autre jour… Anna je crois ? Répondit-alors le premier intéressé, un air de malice dans ses prunelles. Touché, celui qui avait fait mine de se moquer était devenu écarlate derrière son verre. Parait-il qu’on a jamais vu un homme autant bégayer que lorsqu’elle à décidé de demander de l’aide pour porter les sac de farines jusqu’au moulin…

Le bandit ne semblait pas avoir mal pris la remarque, au contraire. Il savait qu'il n'y avait rien de méchant. Ses hommes connaissaient les limites à ne pas franchir. D’ailleurs, sa main était machinalement venue se poser sur celle de son amant tandis qu’il ne se laissait pas faire par ses camarades.

Les discussions vont bon train et j'ai du mal à suivre. Je ne connais pas tous les mots qu'ils emploient et je ne parviens pas à comprendre lorsqu'ils parlent trop vite ou qu'ils mangent en même temps. Je dois faire une effort supplémentaire de concentration pour parvenir à tenir la distance. Cependant, lorsqu'ils appellent Viliam qui ne semble pas les entendre, le regarde l'intéressé qui chuchote quelque chose à l'oreille de son ami. Je suis amusée par la scène qui se joue devant lui jusqu'à ce que l'un des protagonistes utilise un mot que je reconnais. Je tourne alors subitement ma tête vers lui, sans comprendre. Pourquoi parle-t-il d'amour ?
Un bruit de couverts malmenés attire de nouveau mon attention devant moi. Fantôme a posé lourdement son coude sur la table et vient se pincer l'arrête du nez avec sa main. Pourquoi réagit-il ainsi ? Quelque chose m'échappe... Et puis, Viliam vient lui prendre la main. Le mercenaire la serre... le regarde... me regarde... puis détourne les yeux mais sans lâcher les doigts de son ami.

Son ami... ?

Je...
Non, ce n'est pas...

Mes prunelles bleues se tournent vers le bandit puis alternent entre lui, mon protecteur -qui fait mine d'écouter la conversation voisine- et leurs mains unies. Ils sont... en couple ? Comment cela se peut-il ?

-hé...Tout va bien. Le bandit marmonna à voix basse en serrant un peu les doigts de la Chimère, n’étant pas certain de comprendre les raisons exactes de son malaise.

Les membres de l'Aile blanche savent déjà le lien qui les unit après tout. C'est en partie ce lien qui permet à la Chimère d'être ici..

Et puis il capte le regard de la péninsulaire et il comprend. Son amusement s’atténue un peu et laisse place à un sourire moins joyeux, presque amère. Il sait qu’il peut faire confiance à la jeune femme quant à son silence, mais il n’aime pas l’éclat de désapprobation qui risque malgré tout de poindre dans son regard. Les gens de son pays n’aiment pas ce qu’il représente, il le sait. Pour eux, il n’est qu’une créature débauchée et un suppôt d’arcam, et bien d'autres choses déplaisantes. D’habitude il s’en fiche, mais la jeune fille semble valoir mieux que cela.

-Tout va bien Alicia. Répétât-il plus fort et dans sa langue à elle.

Il a suffit d'un signe de tête à la Chimère pour désigner ce qui le perturbait le plus dans tout cela. Ce n'était pas qu'on parle d'eux de cette manière, ni qu'on clame ouvertement leur relation. Cela ne le mettrait pas dans un tel embarras. Non, ce qui le gêne, c'est moi... Et Viliam s'en rend bien vite compte. Mon prénom dans sa bouche attire mon attention sur des mots que je peux comprendre sans avoir à réfléchir. Mon regard se fixe alors sur lui. Lui qui m'a sauvé la vie... et qui me protège aujourd'hui encore en me permettant de rester ici. Dans ce petit hameau si éloigné du monde que la guerre et la violence ne semble plus exister. Comment pourrais le juger ? Les juger ? Ils ont mis leurs jours en péril pour moi...
Alors, au pris d'un immense effort, je secoue un peu la tête pour me remettre les idées en place. Puis j'esquisse un sourire.

-Oui... Oui, tout va bien.

Mes mots se veulent assurés, même si mon trouble m'habite encore. Pour l'instant, je veux simplement passer à autre chose. Le mercenaire ne semble pas savoir s'il doit vraiment me croire ou si je cherche juste à cacher mon ressentiment. Il sonde le regard de Viliam, comme pour y trouver son avis, serrant un peu plus ses doigts sur les siens.

Viliam n’ajoute rien. Elle ne semble pas vouloir insister et lui non plus. Alors, après un hochement de tête à son compagnon, en apparence il reprend sa bonne humeur et ses conversations légères. Cependant, ses amis aussi ont remarqué l’étrange froid d’un instant, sans comprendre de quoi il ressortait, alors ils font mine de dévier un peu et enchainent sur d’autres banalités.

Malgré tout, la main du bandit ne lâche pas celle de Tom et sans doute peut-il comprendre par ce léger contact qu’il n’est pas aussi à l’aise que ses rires et son ton enjoué ne veulent le laisser croire.

-Bien. Messieurs. Finit-il par lancer quelques temps plus tard, la nuit avançant. Il posa ses mains sur la table et se releva. Demain est une longue journée et pas mal de travail nous attend. Si vous voulez bien m’excuser. Fit-il mine de s’éclipser.

A peine retrouvera-t-il sa propre chambre qu’il abandonne ce jeu. Pensif il vient s’appuyer contre la fenêtre de la petite pièce, observant le ciel étoilé, tandis qu’au loin il entend la voix de ses amis, partir à leur tour se coucher.

Fantôme se contente de suivre Viliam des yeux tandis qu'il s'éloigne. Est-ce parce qu'il ne l'a pas invité à le suivre ? Je ne saurais le dire mais il a probablement ses raisons. Au lieu de cela, il reste pour aider à débarrasser et faire la vaisselle. Comme nous nous y mettons à plusieurs, notre tâche est rapidement terminée et c'est tant mieux. Je ne tiens plus... Le mercenaire semble avoir remarqué mon état de fatigue.

-Vous devriez aller vous coucher. Me conseille-t-il.

Je hoche mollement la tête en guise de réponse et me dirige à mon tour vers l'escalier. Mon protecteur se tient derrière moi, sans doute pour s'assurer que je parviendrai à monter sans encombres. Il m'aide un peu sur la fin, voyant que je peine à gravir les dernières marches. Ma chambre n'est plus très loin et, une fois devant ma porte, Fantôme me dépasse sans un mot.

-Bonne nuit. Lui dis-je.

Je le vois alors s'arrêter tout en se retournant. Il semble un peu étonné... Sans doute ne s'attendait-il pas à cette attention de ma part alors que je sais maintenant quels sont ses penchants. Mais, même si j'ai des milliers de questions, je m'efforce de ne pas le juger. Pas plus que Viliam.
Après une hésitation, il me rend la politesse puis reprend son chemin. Il pénètre dans la chambre qu'il partage avec son compagnon, sans prendre la peine de frapper. Là, il trouve son amant près de la fenêtre avec un air qu'il n'aime pas beaucoup... Il ferme derrière lui, retire son arme pour la poser non loin du lit et se dirige vers lui.

-Je te croyais inébranlable à ce sujet... Lui lance-t-il avec un brin d'humour sur un fond de sérieux et d'inquiétude.

Il s'approche encore et vient s'arrêter devant lui, les mains sur la taille du bandit.