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 Quand l'étau se resserre [Adriano]

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Adélina
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MessageSujet: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeMar 10 Jan 2023 - 9:40





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Kÿrianos, Ie ennéade de Bàrkios, An XX, Cycle XI
Alonna les-trois-mûrs, Alonna, Péninsule



À son Altesse, Adriano Cortès di Alcacio, Duc de Soltariel et Seigneur di Alcacio,


Votre Altesse,

J’aurais aimé vous écrire de meilleures nouvelles, mais l’heure est grave. Ma nièce, votre fiancée Adélina à disparu il y a de cela deux jours. Son Honneur était à Bransat, l’un de ses fiefs près de la Sirilya pour se préparer à la naissance de son enfant. L’intendant de la seigneurie m’a rapporté qu’elle est partie en balade dans les alentours de la ville, mais qu’elle n’en est jamais revenue.

Après plusieurs heures de recherches nous avons retrouvé son étalon près de la Sirilya ainsi que quelques indices qui nous ont pointé dans une certaine direction quant au culpidre.
Il se trouve que la veille de la disparition un navire pirate se soit arrêté à Bransat pour trouver des soins pour l’un des leurs. Un capitaine appelé apparemment le Rokvenha.

Nous sommes conscient que rien n’a été officialisé jusqu’à maintenant quant à l’union entre vous et ma nièce, mais nous avons définitivement besoin de votre aide, si ce n’est de manière martiale, au moins nous en apprendre plus sur les Mécans est une nécessité. C’est donc le but de cette lettre, de vous supplier de nous accorder votre aide, quelle qu’elle soit. Mon neveu, Aubry de Lourbier est déjà en route vers Soltariel pour vous faire part de notre plan d’action. Il devrait arriver sous peu.

Encore une fois, je sais pertinemment que nous ne pouvons s’attendre à ce que vous fassiez tout. Si une rançon est à payer, cela sera le fardeau d’Alonna pour sa baronne. Mais si l’affection que vous portez pour Adélina est sincère, nous osons espérer que vous pourrez nous aider d’autres façons toute aussi importantes.

Que la Bienveillante veille sur vous,


Charles de Lourbier
Intendant d'Alonna et Seigneur de Mesnu





 






Fin d’Après-Midi, Elenwënas, Il ennéade de Bárkïos, An XX, Cycle XI
Soltariel la ville, Duché de Soltariel






C’était une magnifique journée d’été, le soleil brillait, aucun nuage en vue, et l’air salin de la mer se répandait dans la ville qui, pour une fois, n'empestait pas trop. Les habitants vaquaient paisiblement à leurs occupations, laissant les conflits aux grands de ce monde ou même de la missive que le Duc avait reçue il y a de cela deux jours à peine. Enfin, tout sauf un apparemment. Un aveugle tentait tant bien que mal de se frayer un chemin dans la foule, aidé d’un garçon qui le dirigeait à travers les Soltaris. Cela se voyait bien qu’il n’était pas né ainsi, que sa vue avait été que très récemment perdue. L’homme, un tantinet grassouillet, tentait tant bien que mal de ne pas perdre l’équilibre, se retenant sur un bâton de bois qui lui faisait office de canne. Le garçon le guidait tant bien quel mal à travers la foule, jusqu’à ce qu’ils arrivent finalement à leur destination. Deux gardes, armés jusqu’aux dents, arrêtèrent rapidement l'étrange duo.


Le marchand se redressa tant bien que mal, tentant de dégager une certaine prestance malgré ses yeux bandés. « Je dois voir Son Altesse le Duc maintenant !! C’est d’une urgence capitale ! » Voyant que le garde ne bougeait pas, il allongea le bras, tentant de s'agripper à ce dernier, mais le Soltarii réussissait à éviter l’homme aux yeux bandés avant de lui répondre prestement : « Les doléances sont les tahiros de chaque ennéade. Revenez dans deux jours! » L’homme eut un tic, avant de laisser s'échapper ce qui sembla être un sanglot. Il put sentir un mélange de peur et de rage s’emparer de lui alors qu’il se faisait traiter comme un moins que rien. Mais c’est qu’il ne comprenait pas! Ses mains se mirent à trembler alors que la rage vint s'emparer de lui, puis attrapa le garde par le collet, avant d’approcher son visage du sien. « Je n’ai pas survécu à une attaque de pirate, m’être fait crever les yeux pour ensuite me faire traiter comme un moins que rien. » L’aveugle relâcha le garde avant de replacer son pourpoint bordeaux, puis reprit la parole, les dents serrées; « Mon nom est Beniamino Venturini et je suis le capitaine du La madre di Soltar. Il y a quelques jours, je me suis fait attaquer par des pirates, qui m’ont laissé un message pour Son Altesse. Un message d’une importance capitale au sujet de la rose de Lodiaker. » Le garde fronça les sourcil devant cette révélation avant de regarder son confrère qui haussa les épaules, incertain de la marche à suivre. « Mais pardi, dites-lui que sa fiancée est en danger ! Il n’y a pas de temps à perdre ! » Après tout, cela était dans les mains du Duc maintenant. Il avait bien reconnu la jeune femme sur son navire, il se souvenait de l’avoir vu à Soltariel, il y a quelques ennéades, mais jamais il ne s’était imaginé la retrouver dans de telles circonstances…


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Adriano Cortès di Alcacio
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MessageSujet: Re: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeJeu 12 Jan 2023 - 12:52


Le Printemps était déjà bien installé dans le Sud de la Péninsule. Le ciel était d’un bleu magnifique. Les nuages, nombreux, cachaient par moments les rayons d’un soleil chaud, refroidissant alors la terre, la mer, les cités et les demeures. Les ombres dessinaient de formidables formes dans les champs et les terres, à mesure que se mouvaient les nuages par la force des vents. Une douce brise, vent d’azur, sifflait parfois entre les colonnes des jardins du palais Ducal, apportant quelques douceurs dans ce coin du monde qui, contrairement au Nord, ne connaissait la fraicheur que peu de temps dans l’année.

Adriano était attablé dans un jardin privé, d’une aile qui n’était réservée qu’à la famille Ducale et aux domestiques triés sur le volet. Depuis son assise, le Duc pouvait regarder sur ses terres, sur presque 180°. De temps à autres, la brise marine soulevait ses cheveux ondulés et longs, caressait sa barbe taillée, refroidissait son cou pourtant bien protégé par des frusques de velours et de soie. Devant lui, les plaines du Sud, où poussent les vignes, les oliviers et les vergers bercés de soleil. Le bras de mer s’enfonçant à l’intérieur des terres permet les allées et venues des navires à fonds plats, lesquels remontent, depuis les hautes mers, les trouvailles des pêcheurs courageux qui bravent Tyra et les créatures de l’Afflux pour ramener toujours plus de merveilles et de produits de bouches. Au loin, les fameuses rives se dessinent, le temps clair permettant de voir très loin, et de manière très précise.

Le Duc est fier. Fier d’être Suderon, fier d’être un pur produit de la mer. Fier, et reconnaissant aussi, d’avoir eu accès à une telle place grâce aux efforts de son paternel, et grâce à sa propre fortune. Oui, il n’avait rien oublié de ce qu’il avait dû faire pour aider son père à devenir Duc, ni des combats qu’il avait menés alors, devant le conseil de régence… Ou sur le pont de navires de guerres, dans la baie de Merval.

Ses mires se plantèrent ensuite sur le repas qui était le sien, en ce milieu de journée. Quelques fruits de mers, iodés, et quelques mets délicats accompagnant une salade fraîche. Portant un de ces fruits à la bouche, il en aspira le contenu, cette chaire iodée sans contenance, fermant les yeux face à cette saveur marine qu’il affectionnait tant.

Lorsque, doucement, dans son dos, il entendit les bruits des pas sur la pierre taillée. Quelqu’un s’en venait, d’un pas pressé. Certainement pas un domestique chargé de ramener la suite du repas, car tant d’empressement ferait sans doute choir la nourriture. Alors…
« Qu’est-ce ? » Demanda le duc, sans se retourner pour autant.

« Votre Altesse… » Dit alors une voix pressante. « Une missive de haute importance. Elle porte le saut de l’Alonna… »

« Déposez la ici. » Dit alors Adriano. « Et faites revenir l’échanson, qu’il resserve un peu de ce délicieux vin blanc du sud. »

« Bien, Votre Altesse. »

Déposant la lettre, le serviteur s’enquit alors de sa nouvelle mission. Adriano n’eut aucun regard pour la missive, bien qu’en son cœur, une légère augmentation de sa fréquence cardiaque trahissait l’inconfort de la situation, et l’importance qu’il accordait malgré lui aux mots qui provenait de celle qui était sa… Fiancée. Mais, tout manipulateur qu’il était, il s’enquit à contrôler tout cela, ses pensées et ses sensations.

Il termina finalement son repas. Avec le vin vinrent les légumineuses, la viande blanche, les sauces aux épices, et un dessert chocolaté et agrémenté d’orange. Il était alors occupé à boire ce petit digestif licoreux lorsqu’enfin, il ouvrit la lettre. Arrachant le sceau de manière à pouvoir le conserver, il en lit les lignes avec une attention sans cesse augmentée par l’importance des propos tenus… Et la gravité de la situation.

Un enlèvement. L’enlèvement d’une Baronne. La Baronne d’Alonna, mère d’un des héritiers en ligne droite de la lignée des De Langehack, appartenant à une famille liée à d’autres Comtes du Nord… Et fiancée au Duc de Soltariel. A Adriano lui-même. Et tout cela, fomenté par un pirate dont le nom était connu ? Visiblement. Adriano racla alors sa gorge… Et reprit une gorgée de cette puissante liqueur. Déposant la lettre, le Duc souffla longuement…
« Satanés pirates. » Pestait-il. « Bien. »



Quand l'étau se resserre [Adriano] Szopar10



Deux jours plus tard. Les pensées d’Adriano l’empêchèrent presque de dormir. Ses plans, qu’il savait fragile, pouvaient être détruits à tout moment, et non pas par un noble qui aurait la chance ou l’outrecuidance d’apprendre l’étendue des plans du Duc, non. Par un simple pirate. Un simple pirate à l’existence minable, à l’intelligence proche de celle d’un sanglier, et aux capacités de survie proches de l’inexistence. Et dire que ses ambitions sur le Marquisat de Langehack ne tiennent plus qu’à un fil…

Heureusement pour lui, il possède d’autres moyens de prétendre au Langehack. Des moyens qu’il pourrait négocier auprès de la couronne, grâce aux efforts menés contre les sectes, grâce à cette guerre sainte qu’il tente de mener, grâce aux actes répréhensibles et aux réputations qui pèsent sur la lignée Marquisale… et sur celle qui règne aujourd’hui.

Mais voilà. Alors qu’il était enfermé dans son bureau, des gardes se mirent à brailler dans les couloirs du palais. Alors qu’il levait la tête, regardant la porte avec inquiétude autant qu’avec agacement, le chef de la garde entra à peine une seconde après avoir frappé à la porte. Ses mires trahissaient l’inquiétude et l’incompréhension… Et derrière lui, le brouhaha témoignait d’une mauvaise nouvelle qui allait requérir l’attention du Duc.

S’habillant, il emboita le pas de son chef de la garde, ralliant la salle du trône à grands pas. Là, le silence se fit, enfin. Regardant l’homme au bandage sur les yeux et celui qui l’accompagnait, le Duc zyeuta ensuite le capitaine de la garde, d’un regard ardent. D’un geste, il ordonna à tout le monde de sortir, et aux gardes de s’assurer que la salle soit fermée et que personne ne vienne déranger cette audience… Il s’installa sur son trône, alors que les deux invités incongrus regardaient l’homme puissant s’avancer vers eux, les dépassant sans les regarder, avant de leur faire face.
« Qu’y a-t-il ? » Demanda alors le Duc « Pourquoi avoir tant inquiéter le capitaine de ma garde ? Parlez, je vous prie. »
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Adélina
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MessageSujet: Re: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeSam 14 Jan 2023 - 20:39





Les gardes conduisirent rapidement le duo dans la salle du trône, là où, apparemment, le Duc se trouvait. Ils attendirent un bon moment avant que Beniamino entendit finalement la voix de celui qu’il crut être le Duc. « Votre Altesse. » Commença-t-il avant de s’incliner. Puis une fois qu’il fut redressé, il reprit la parole sans plus de frivolité. « Mon nom est Beniamino Venturini, capitaine de La madre di Soltar. Il y a quelques ennéades moi et mon équipage avons quitter Sybrondil pour aller en direction de Thaar avec une cargaison de marbre et autres produits divers et le navire a été attaqué sur les côtes d’Amderran par des pirates. » Il devint soudainement nerveux, commençant à jouer avec ses mains alors que les horrifiques souvenirs lui vinrent en tête. « Nous n’avions que quelques gardes à bord, et ils ont été rapidement neutralisés par les pirates. » Par là, il comprendrait rapidement que les gardes étaient morts. « Celui qui semblait le capitaine a regroupé mon équipage sur le pont avant de demander à un pirate d’aller chercher une donzelle dans sa cabine. On a tenté de le raisonner, de négocier, mais il n'a rien voulu entendre. Par la suite, elle est arrivée, une jeune femme d’environ une vingtaine d’année. Des longs cheveux bruns et des yeux bleus très perçants. Très très bellisima. Juste à la voir, on sait qu’elle est de la haute, vous voyez ? » Il se retint d’en dire plus, se rappelant qu’il parlait apparemment de le fiancé du Duc, avant de continuer. « Le capitaine lui a demandé de choisir l’un d’entre nous, ce qu’elle a refusé de faire plusieurs fois. Le pirate est devenu très en colère et m’a choisi avant de forcer la jeune femme à regarder la scène qui s’ensuivrait. » Sa voix sembla se briser pendant un moment alors qu’il posa sa main sur sa bouche, faisant semblant de lisser sa moustache. Mais Beniamino ne trompait personne, ce dernier souffrait et semblait revivre de nouveau les événements qui l’avaient traumatisé. « Si vous aviez vu ce qu’ils ont fait Votre Altesse… » Sa voix craqua alors qu’il arrêta un sanglot de traverser ses lèvres.


Le marin prit un moment, prenant une grande inspiration, avant de continuer, ses mains tremblantes de peur ; « Ils ont tué mon équipage de la façon la plus cruelle. Certains ont été embrochés sur le pont, d’autres jetés vivant à la mer avec les poings et les pieds liés. Certains ont été égorgés avant d’être pendus sur le pont… Et moi et la Dame avons dû regarder la scène. » Son corps entier semblait trembler à présent, complètement traumatisé par la cruauté qu’il avait vu. « La dame a essayé de s’échapper, mais un des pirates l’a rattrapé avant de la forcer à regarder à nouveau… J’ai vu qu’elle pleurait en se débattant. Puis quand ils eurent fini… Le capitaine est revenu vers moi pour me donner un message. Il m’a dit qu’il était le Rokvenha et qu’il avait un message pour mon suzerain. Qu’il avait votre future épouse et son « chiard » avec lui et que si vous voulez les revoir, que vous devrez payer une rançon. Rançon qu’il vous laissait évaluer la valeur… » Le marin s’arrêta un moment laissant s’installer un silence, il trouvait bien difficile d’analyser la situation ou même la réaction du Duc sans sa vision. Mais il devait aider la pauvre jeune femme, « Il n’a pas dit son nom, il l’a appelé Jolie Rose. J’ai pensé que c’était peut-être la rose de Lodiaker, vous savez, celle qui est venue il y a quelques ennéades… Mais j’ignorais si vous étiez réellement fiancé ou non. » Conclua-t-il. D’une façon ou d’une autre, c’était une noble, et le Duc se devait d’agir, non ?


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Adriano Cortès di Alcacio
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MessageSujet: Re: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeDim 15 Jan 2023 - 14:22


L’espace d’un instant, Adriano vint à se demander pourquoi il avait accordé cette audience de dernière minute. Pourquoi accorder toute son attention à un homme aveugle et son bâton de berger sur patte. Certes, l’on pourrait louer la bienveillance de celui qui aidait le handicaper à se mouvoir, car, après tout, Néera n’enseigne-t-elle pas la bienveillance ? Mais là, tout de suite, dans cette salle du trône Ducal… Adriano aurait presque voulut renvoyer ces deux imbéciles pour pouvoir se replonger dans ses projets, son bureau, ses machinations qu’un pirate menaçait de détruire.

Mais il n’en fit rien. Au lieu de cela, il offrit la parole à celui qui ne pouvait plus voir. Et ce dernier ne se fit point attendre pour débuter son récit…. Lequel était glaçant. D’ordinaire, les pirates ne faisaient pas dans la dentelle. Puissants lorsqu’ils se trouvent en haute mer, ou à proximité de leurs quartiers généraux, ils naviguaient souvent seuls en s’approchant de Thaar ou de la Péninsule. Leurs actions se voulaient donc rapides, éclaires, et brutales. Point aussi… Sophistiquées. Soit ce Rokvenha était à la barre d’un navire imposant et avec un équipage suffisamment puissant, formé, et équipé pour faire face à un ou plusieurs navires Péninsulaires sans être inquiété… Soit il était tout simplement trop sûr de lui, et apprécier la sauvagerie autant qu’il était animé par la folie.

D’ailleurs, Adriano, marin émérite et fils de la mer, fidèle de Tari, n’était point étranger des coutumes maritimes, que celles-ci soient martiales, ou simplement usuelles. Pendre un équipage aux mats d’un navire, était un acte de cruauté régulièrement utilisé en période de guerre navale. Le supplice du carénage était aussi régulier, notamment pour punir les criminels les plus horribles… Car la justice, sur un bateau, est exercée par le capitaine… Et celle-ci se veut plus expéditive que sur terre.

Laisser choir des prisonniers pieds et poings liés et lestés, toutefois, était une cruauté sans nom. Abandonner ces pauvres Souffles à Vari, dans de telles conditions presque sacrificielles, était écœurant. Pourquoi plus qu’un supplice du carénage ? Pourquoi plus qu’une pendaison de masse ? La symbolique, tout simplement. La pendaison est une condamnation à mort souvent utilisée lors de batailles qui bénéficient du « Pas de Quartiers ». Le supplice, est une torture visant à punir les pires criminels sur mer. Jeter des prisonniers à la mer sans possibilité de survie… Voilà une honte pour tout marin. Quitte à mourir noyé et rejoindre Vari directement depuis la surface de ses flots, autant le faire au cours d’une bataille mémorable, ou durant une tempête infernale.

Adriano écoutait, acquiesçant de temps à autres, s’imaginant les scènes grâce à son propre vécu personnel. S’il était effectivement écoeuré, la fin du message de l’individu, lui, fit naître un sentiment de colère oh combien sourd et puissant. Fort heureusement, l’impulsivité n’était point son défaut… Aussi pu-t-il encaisser cette colère mordante et violente, ce feu ardent qui couvait en lui, alimenté par les actes perpétrés par cette bête immonde qui, dorénavant, avait signé son arrêt de mort.

Laisser un homme, un seul, avec les yeux crevés, pour pouvoir raconter ce qui s’était déroulé… Était également écœurant, et frustrant. Et savoir qu’Adélina, et son bébé, étaient entre les mains de cette menace, était encore plus énervant. La colère n’en finirait plus de grandir… Mais tout cela pourrait, un jour – et sans doute très prochainement – servir les dessins du Duc. « Toujours tirer le meilleur de chaque situation » disait Félipé, son paternel… Même les pires situations, les plus tristes, les plus ennuyantes, les plus énervantes, les plus inattendues, offraient leurs lots de savoirs, de connaissances, et de retombées positives… A plus ou moins long terme.

Et il devait estimer la rançon pour sa fiancée, la Rose d’Alonna. Encore un cruel tour de force. Ce genre d’individu ne sera jamais satisfait par un montant quelconque, même si celui-ci correspondait à la fortune d’un royaume entier. A moins que l’esprit soit totalement anarchique, auquel cas, même une seule pièce lui suffirait – car cela aurait été l’estimation de la rançon par Adriano – il est presque impossible de satisfaire un tel esprit démoniaque. Même un millier d’écus et de souverains ne feraient point l’affaire.
« Je vois. » Dit-il, se renfonçant dans son trône, plaçant ses coudes sur les accoudoirs et ses index devant son visage, joints l’un sur l’autre, dans une posture presque méditative. « Le Rokvenha… Pensait-il, répétant en son esprit ce nom qu’il allait ancré en sa mémoire pour les années à venir. « Bien. »

Il se redresse, quittant sa position méditative et contemplative, raclant sa gorge, regardant les deux individus droits dans les yeux et… Les bandages. Soufflant doucement et longuement, le Duc fulminait autant qu’il réfléchissait à vitesse grand « V ».
« En effet… Il s’agit bien de la Dame de Lodiaker : Adélina. Et, en effet… Nous sommes fiancés. » Dit-il, confirmant donc au pauvret l’étendue de la situation. « Mais la chose n’était point connue… J’en déduis qu’elle le lui a dit pour tenter de le faire plier. Visiblement, cela s’est retourner contre elle, et contre nous. » Dit-il, plus dans une réflexion personnelle faite à voix haute qu’autre chose. « Capitaine, je suis profondément attristé de savoir ce que vous, et votre équipage, avez vécu entre les mains de ces malandrins des mers. Ces rats perfides ne s’en sortiront point ainsi… Par Tari, j’en fais la promesse. » Exprimait-il, sans grands gestes, mais avec l’intonation qui était de mise en de telles circonstances. « Vous êtes dorénavant mon hôte. Vous serez ausculté par les guérisseurs du palais, et je ferais venir les mages, si besoin. Un invité de marque va bientôt nous rejoindre. Nous aurons besoin de vous en forme, afin de nous aider dans cette quête, et la libération de la Baronne d’Alonna. Un domestique va vous conduire vers vos appartements. »

Puis, le Duc attendit que l’homme soit mené vers ses appartements. Il resta là, seul, quelques instants. Un plan de bataille se dessinait en son esprit…
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Adélina
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MessageSujet: Re: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeMar 14 Mar 2023 - 19:59




Julas, Troisième ennéade de Barkios,
Soltariel la ville, Duché de Soltariel



En général, les voyages ne le dérangeaient pas. Il avait toujours aimé cette impression de liberté, les découvertes qui apparaissent au passage, mais pas aujourd’hui. Lui, Norian Hartebrot ainsi qu’une vingtaine de chevalier de l’ordre Sanguis Invertere s'étaient mis en route pour Soltariel. Ils avaient chevauché sans arrêt, ne prenant que de petit moment de repos pour les bêtes, tentant de faire le plus de chemin possible, et surtout le plus rapidement possible. Leur premier arrêt devait être Soltariel la ville, question de voir si le Duc avait des informations à leur donner pour retrouver leur suzeraine. Par la suite, ils continueraient leurs route jusqu’à Ydril, pour tenter d’avoir le plus d’information possible sur les pirates. Ce fut d'ailleurs un soulagement de finalement voir la citée suderonne se dresser devant eux. Le voyage avait été long… trop long, et cela n’aidait guère la situation précaire dans laquelle devait se trouver Adélina.


Le groupe d’alonnais fut reçu rapidement par le Duc. On les conduit rapidement dans le palais, les conduisant dans la grande salle du trône. Si ces derniers auraient normalement été étonnés par l'impressionnante pièce, ils n’en laissèrent rien paraître. Fier et surtout l’air grave, le groupe de Nordien entra rapidement dans la salle du trône, Aubry de Lourbier menant les chevaliers lourdement armés. Il s’inclina rapidement devant le Duc, avant de prendre la parole rapidement. « Votre Altesse. » Commença-t-il alors que les chevaliers derrière eux s’inclinaient à leurs tours, ne relevant pas la tête devant le Duc. Aubry reprit rapidement la parole; « J’espère que vous nous pardonnerez ce manque de politesse, mais l’heure n’est guère aux plaisanteries ou à la bienséance. Je suppose que vous avez d’ores et déjà reçu la missive de mon oncle au sujet de la disparition de notre suzeraine. »  Aubry se mordilla l’intérieur de la lèvre, incapable de camoufler sa colère ainsi que son inquiètude. Le nordien n’avait guère le temps de faire dans la dentelle, de toute façon, il était de la famille, non? Le suderon apprendrait bien rapidement comment les choses fonctionnaient dans l’Alonnan. « Avez-vous quelconques informations à nous partager ? »


La nouvelle était arrivée très rapidement aux oreilles du Duc de Soltariel. Outre la missive annonciatrice de l’arrivée d’Aubry de Lourbier, laquelle avait permis à l’hôte de ces lieux de faire autant préparer les coursives et les chambrées que les cuisines et les écuries, le contingent d’Alonnais était passée par les divers points de contrôles du duché. Les officiers douaniers purent donc envoyer quelques oiseaux messagers… Aussi, Adriano s’attendait-il à leur venue.


Et le moins que le Duc puisse dire, c’est que les Nordiens n’étaient point venus pour s’amuser ou pour faire bonne figure. Engoncés dans leurs armures, l’Aubry de Lourbier était décidé à aller plus vite et plus loin, à ne rester à Soltariel qu’un minimum de temps. Même les plus grands protocoles de bienséance n’étaient point suivis une fois la foule entrée dans la salle du trône. Mais Adriano n’en tenait point rigueur… Il savait l’instant critique, et l’affaire importante. Aussi fit-il un signe au serviteur qui se trouvait à proximité de la porte privée menant au grand salon… Pour lui signifier que personne ne viendrait déguster le repas préparé. Du moins, pas pour l’instant… Et cela le décevait. Déjà, parce qu’il avait faim… Et ensuite, parce qu’il savait que négocier ou discuter autour d’un repas donnait une sorte de supériorité à l’hôte, lequel pouvait maîtriser chaque instant de la discussion au travers de l’avancée du repas et de la nourriture. Bien que de la famille de ces Nordiens… Adriano restait un Suderon.


<< En effet. >> Dit-il, sans plus de cérémonie alors qu’il restait sur son trône, dominant l’assemblée. << J’ai reçu votre missive… Et le témoignage d’un pauvre capitaine victime également des affres de ce pirate, le Rokvenha. >> Expliquait-il, introduisant le sujet à son tour et l’importance de ce témoin oculaire martyrisé. << Je n’ai malheureusement que le récit d’une atroce exaction maritime à vous raconter… Exaction à laquelle Adélina a assisté. Ce maudit pirate a en effet attaqué un navire marchand Soltaar, massacrant l’équipage, crevant les yeux du capitaine.. Lequel dû me transmettre un message de cet être affreux. Outre la menace sur la vie d’Adélina et de l’héritier conçu avec Théodoric de Langehack… Le maudit pirate souhaite que je sois celui qui décide du montant de la rançon. Puisqu’Adélina et moi sommes fiancés, je dois décider du montant de la rançon en fonction de nos sentiments… Mais l’être semble… Eh bien… Prompt à l’anarchie. >>


En expliquant cela, Adriano voulait informer le Lourbier d’une chose : le Rokvenha menait la danse, même à distance. Bien qu’il n’ait point détaillé toutes les atrocités perpétrées par le pirate sanguinaire, Aubry avait largement de quoi comprendre que la situation était difficilement tenable. Et qu’un esprit comme celui du Rokvenha… Ne serait jamais satisfait. Toutefois, il avait de bonnes nouvelles… Ou, du moins, quelques pistes pour aider Adélina.


Le visage d’Aubry sembla se décomposer alors qu’il entendit ce que venait de lui dire le Duc. Il échangea un regard avec l’énorme chevalier à sa droite. Ce dernier semblait tout aussi tourmenté que le cousin de la baronne. L’alonnais retourna son regard vers le Duc, alors que ce dernier reprenait la parole.
<< Le capitaine martyr est ici, en mon palais. Mais avant de vous l’amener… >> Il claque des doigts, les serviteurs et les gardes quittent alors la salle, fermant toutes les portes derrière eux. << J’ai fait venir quelques-uns de mes mages pour fouiller l’esprit de ce témoin. Avec bien du mal, nous avons réussi à dessiner un portrait de ce à quoi ressemblerait le Rokvenha. Bien-sûr, le portrait tiré des souvenirs du capitaine martyrisé, et le rendu sur vélin, ne sont point similaires puisqu’alors que le mage lisait l’esprit, un artiste devait reproduire ce qui était vu. Toutefois, voici quelque chose qui pourrait nous aider dans notre recherche. >> Dit-il, présentant ledit portrait devant lui, le laissant ensuite aux mains d’Aubry. << J’ai d’ores-et-déjà fait faire des centaines de copies et ordonné que chaque capitainerie en possède plusieurs exemplaires. Responsables de quais, officiers de capitaineries, fonctionnaires maritimes et collecteurs, possèderont bientôt un exemplaire de ce portrait… Mais ce n’est pas tout. >> Expliquait-il avant de reprendre à nouveau. << J’ai également fait enregistrer tous les navires battant pavillon Soltaar et qui naviguent légalement. Outre les registres, ceux-ci sont numérotés avec un numéro unique, et reçoivent un fanion avec ledit numéro qu’ils doivent porter en permanence sur le navire. Les navires étrangers subissent le même sort, afin que tout soit comptabilisé. Des navires de l’armada patrouillent et contrôlent les bâtiments en mer. Quiconque ne portera ni fanion ni ne sera enregistré, sera arrêté sur le champ. >>


Le chevalier semblait difficilement cacher son impatience, et se mit à marcher de long en large dans la pièce en écoutant le Duc. Au moins, une pièce du puzzle venait de se dévoiler. C’était bel et bien le pirate qui était derrière tout cela et non pas la Marquise de Langehack. Puis, lorsque le Duc termina ses explications, le chevalier se retourna finalement vers ce dernier, avant de s’approcher de l’homme qui deviendrait bientôt son suzerain. « Montrez-nous ce portrait. Moi-même et Norian étaient à Bransat lorsque le pirate est arrivé. J’ai même croisé plusieurs membres de leurs équipages. Si vos mages ont besoin de dessiner leurs visages, nous les rencontrerons maintenant. » Dit-il en désignant l’énorme chevalier qui n’avait toujours pas bougé. « Cette raclure… » murmura-t-il avant de recommencer à marcher de long en large. Ouvrant et fermant sa main ganté de fer. « Je lui avais dit qu’il était dangereux… » Le dénommé Norian se racla la gorge, ce qui sembla faire sortir Aubry de ses pensées. Le regard perçant de l’alonnais se posa de nouveau sur le Duc avant de reprendre la parole, sa respiration se fit un peu plus profonde, comme si il mesurait le poids de ses mots.« Au moins, nous savons qu’Adélina et son fils sont en vie. C’est déjà une information importante. »  S’il se serait normalement réjoui de l'arrivée de son neveu, il devait avouer que le fait que sa cousine ait donné naissance sur un navire mecan ne lui donnait aucun enthousiasme…« Est-ce que le marin a mentionné où il amenait la baronne? Nous avons supposé que la Meca était l’endroit le plus probable pour ce dernier. Mais si vous me dites que cet homme est autant anarchique, peut-être qu’il aurait amené la baronne ailleurs. »


Le fait que plusieurs hommes parmi les Alonnais présents aient vus d’autres membres d’équipages, pouvait être un moyen supplémentaire d’identifier ceux qui entourent le Rokvenha. Mais Adriano avait un doute : l’homme semblait ne point être prompt à faire confiance à ses hommes, et surtout, prompt à changer quiconque serait dans son entourage, si l’envie le lui prenait… Ainsi, peut-être même que l’entièreté de son équipage aura changer, d’ici à la prochaine fois qu’il se trouvera dans les eaux péninsulaires… Mais l’idée devait être creusée.
<< Je vais faire venir les mages sur l’instant. >>


Dit-il, promettant ainsi de donner une chance à cette initiative qui pourrait toutefois ne pas marcher. Toutefois, l’esprit du Duc était satisfait : les témoins qu’étaient les Alonnais, avaient reconnu le pirate à la seconde où ils posèrent les yeux sur le portrait vélin. Ainsi donc, les mages, et l’artiste, firent du bon travail. Bien. Une bonne chose de faite.


<< Malheureusement, non. Je n’ai aucune information sur où ils se rendent. Mais je ne peux imaginer autre endroit que Méca. >> Confessait-il. << Avoir de tels otages si hauts placés, est une grande menace, surtout pour un pirate évoluant seul sur les eaux Péninsulaires. Bien que l’Alonna et Arétria n’aient point de réelle armada, Soltariel possède la plus puissante du royaume. Cette armada, couplée aux capacités militaires des Nordiens, est une menace bien trop grande pour un navire seul. Il doit aller se faire oublier là où il peut contrôler les menaces pesant sur lui : Méca. Même si j’imagine mal les puissants de là-bas, essayer de ne rien faire face à capitaine possédant autant d’otages de hauts rangs… >> Dit-il, réfléchissant en même temps qu’il parlait, qu’il décrivait, afin de prendre le dessus sur tout cela. << Pour le moment, nous avons trop de retard… Nous ne pouvons que patrouiller, et espérer. J’ai d’ores-et-déjà mit l’armada en batterie, et ordonné la construction de navires supplémentaires… >>[i] Dit-il, alors qu’il avait profité de l’état d’urgence pour pouvoir financer l’augmentation de l’armada via augmentation des taxes et de la participation des vassaux. Bien que divisée, la société féodale se rassemblait sur un point : une noble, de haute lignée, enlevée par un des plus grands ennemis des marins… Voilà de quoi unifier tous les seigneurs et dames qui pouvaient s’identifier à la menace. Encore une fois, Adriano venait de tirer profit d’une situation désagréable. << Peut-être voudriez-vous vous restaurer ? >>


L’alonnais écoutait avec attention le Duc. À croire que ce dernier avait au moins lancé quelques recherches à son tour. « Je ne crois pas que…» Un toussotement arrêta net le chevalier qui de retourna vers Norian. Le chevalier, voyant qu’il avait l’attention d’Aubry, se décida finalement à prendre la parole. « Aubry, cela fait des jours que nous voyageons . Les hommes et les montures ont besoin de repos. Je crois que ce repas permettrait de mettre en commun les informations que nous avons. Qui plus est, nous pourrons probablement rencontrer ce marchand soltari.» Le géant lâcha un coup d'œil vers le Duc, attendant son approbation silencieuse avant de se retourner vers Aubry qui le regardait, l’air pensif. Ce dernier soupira avant d'acquiescer. « Tu as raison.» Aubry reporta son attention vers le Duc avant de finalement introduire le chevalier au Soltari; « Permettez moi de vous présenter Sir Norian Hartebrot. Il est au service de notre famille depuis bien des années. » Le géant à la mine sérieuse s’inclina finalement devant le Duc, attendant la suite.


Le Duc détourne le regard vers le géant engoncé dans son armure. Là où Aubry fait preuve d’emportement et d’émotion, même après tout ce temps à voyager, lui, montre une certaine capacité de réflexion et une propension à réfléchir, au lieu de réagir. Le sieur Norian Hartebrot devait être un allié de poids en bien des circonstances : fort comme un taureau, malin comme un furet… Adriano devait s’en méfier.

Car là où il pourrait, encore une fois, sortir de la situation par le haut en usant et en abusant des émotions et autres émois du Lourbier, le Sieur, lui, saurait sans doute lire entre les lignes, et avertir Aubry des machinations du Duc. Oui, il fallait faire attention…
<< Fort bien. Suivez-moi. Tous. >>


Ni une, ni deux, il se leva de son trône pour rejoindre le salon privatif où chaque chevalier avait sa place. La tablée était grande, très grande, et chaque place disposait d’un fauteuil confortable en cuir de vachon, une sous-espèce de bovidé au cuir incroyablement confortable et doux. Plusieurs assiettes - une par plat - et des couverts en or et en argent, entouraient des verres en cristal. Au bout de la table, côté salle du trône, se trouvait l’assise du Duc. En face, à l’autre bout de la tablée, celle d’Aubry. Alors qu’entraient les nobles, les serviteurs firent de même par une autre porte, amenant quelques alcools de réconfort… Puis le repas, pour gonfler les coeurs et remplir les estomacs.


Le repas se passa relativement sans tracas. Les chevaliers de l’ordre des Invertebre Sanguis - peu habitués à ce genre d'accueil - mangèrent et burent avec entrain. Seuls Aubry ainsi que Norian furent un peu plus raisonnables, répondant à quelques banalités sans plus. Ce ne fut qu’une fois que les gardes se retirèrent, que Norian se racla la gorge attirant l’attention des deux hommes. « Peut-être avez -vous des questions pour nous, Votre Altesse? Après tout, mettre nos informations en commun nous permettras de mettre un plan en place. Surtout si vous désirez vous joindre à notre cause. » À la réplique, Aubry haussa un sourcil avant de retourner son regard vers le Duc. Il est vrai que ce dernier n’avait théoriquement aucune obligation de les aider…


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Adriano Cortès di Alcacio
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MessageSujet: Re: Quand l'étau se resserre [Adriano]   Quand l'étau se resserre [Adriano] I_icon_minitimeDim 19 Mar 2023 - 17:24

A la question du chevalier aux dimensions dantesques, Adriano… Arqua lui aussi un sourcil. Sa stupeur lisible s’expliquait tout aussi facilement : l’on attendrait point telle question franche et directe de la part d’un simple chevalier… Et pourtant, c’était bel et bien lui qui ce fit critique et curieux, et non le cousin, pourtant plus à même de questionner le Pair du Royaume.

Regardant l’immense chevalier, le Duc - frêle en comparaison - posa une main sur un verre de cristal, lequel gardait une liqueur précieuse, un cognac parmi les plus fins de ce monde. Buvant une gorgée, il prit la parole, tant pour répondre que pour connaître lui aussi les intentions de ses deux invités.
<< Des questions ? >> Demanda-t-il, le ton inquisiteur et le faciès curieux. Ses yeux dévisageaient le chevalier, à la recherche d’une intention belliqueuse ou mauvaise. << Insinuez-vous que vous pourriez me cacher quelque chose, pour autant que je ne pose de bonnes questions ? >> Manda-t-il. << Ou alors, me croyez-vous si peu intéressé par l’avenir de ma fiancée, pour que je ne cherche point à savoir ce que vous savez concernant cette tragédie ? >> Ajoutait-il, reprenant une gorgée qu’il savourait intérieurement. << Vous, et moi, devons être dans une relation de confiance afin qu’Adélina et son enfant puissent survivre aux abominables ruffians qui souillent nos magnifiques eaux. Ce que vous savez, vous devez me le dire. Et non attendre que je vous tire les vers du nez. >>

Le géant eut un air quelque peu satisfait, avant de tourner la tête vers Aubry. Ce dernier observa silencieusement Norian, il savait très bien pourquoi son frère d’armes avait piqué le Duc. Tout cela lui semblait tout aussi surréaliste. Comment pouvait-il faire un banquet semblable alors que sa fiancée était dans les mains d’un scélérat? Le champion de Néera se tourna finalement vers Adriano avant de prendre la parole. « Adélina, comme vous le savez déjà avait besoin de faire son deuil. Loin de la cour, loin de ceux qui ne sont pas au courant de votre union prochaine. Bien qu’Adélina ait accepté votre demande de discrétion, elle souffrait particulièrement de l’attention qu’on lui donnait. C’est pourquoi elle avait décidé de se retirer à Bransat, l’un de ses fiefs pour donner naissance à son enfant en paix, et pour aussi terminer son deuil.» Aubry avança la main vers son verre avant d’en prendre une gorgée, puis, il reprit rapidement la parole; « Bransat est une seigneurie particulièrement petite. Un petit château fort entouré d’un village assez rustique qui borde la Sirilya. Nous venions à peine d’arriver qu’un navire a accosté sur le quai du village. Une elfe et un prêtre en sont descendu, portant un homme blessé. Le Rokvenha…» Le regard du chevalier sembla se durcir pendant un moment, avant de reprendre; « En bonne pentienne, Adélina est venue à son secours. L’amenant dans une chambre de l’auberge avant de faire venir un guérisseur. Elle resta même à son chevet jusqu’à ce que ce dernier ne se réveille pour l’interroger. Elle voulait savoir pourquoi il était là, et surtout qu’est-ce qu’il était arrivé…» Aubry soupira avant de se laisser tomber contre sa chaise. « Il a accepté de coopérer. En autant qu’il soit seul avec Adélina. Vu que ce dernier était blessé, et seul, je suis sorti pour ramener une des pirate elfe sur le boutre. Adélina doit être rester une vingtaine de minutes avec ce dernier. Il lui a dit qu’il avait été attaqué par des brigands. Ce qui, ne devrait pas être un mensonge vu les problèmes que nous avons avec les drossiens. Apparemment, il était de passage pour ramener deux thaari en Alonna… » Aubry fit un mouvement de main alors que Norian reprit finalement la parole: « Thaaris, que nous avons d’ailleurs attrapé. » Aubry acquiesça avant de continuer; « Adélina à accepter que le boutre reste pour la nuit. Permettre au Rokvenha de reprendre des forces avant de partir. Puis, ils sont tous retournés sur leurs navires. Quelques-uns ont fait des aller et retour à l’auberge pour des vives, mais le Capitaine n’est pas sorti du navire avant le lendemain matin. » Norian prit la parole à son tour; « Il est en effet sorti de son navire pendant que je montais la garde pour aller à l’extérieur du village se faire un brin de toilette. Il est revenu après environ une heure, s’est arrêté au château pour dire au revoir à Adélina, qui était absente, à demander qu’on lui transmette sa gratitude à la baronne et est repartie… Pendant ce temps, son navire était sous haute surveillance. Personne d’autre y est entrée ou sortie. »

Le Duc écoutait avec une attention renouvelée, les propos tenus par ses deux vis-à-vis. Encore courroucé par cette attitude typique de celui qui tente, pour voir ce qui couve sous le lit calme d’une rivière, Adriano retiendrait longtemps l’attitude de ce chevalier qui, par une espièglerie mal aboutie, avait tenté de mettre le Duc mal à l’aise. Nul doute qu’un jour, quelque chose de grave pourrait arriver à celui qui, après tout… N’était qu’un simple chevalier.

Il écoutait, donc, et comprit. Adélina était trop gentille et trop bonne pour l’équipage de pirates. Pourquoi ? Visiblement pour comprendre comment des pirates avaient pu se trouver en si mauvaise posture, loin des côtes. Une chose, après, finement calculée… Mais qui s’était retournée contre elle, malheureusement…
<< A quel moment avez-vous su qu’ils étaient des pirates ? >> Demanda-t-il, l’air fermé et l’oeil acéré. << Et, bien que vous ayiez dépeint la dangerosité de l’environnement entourant Bransiat, comment ce fait-il qu’une jeune baronne enceinte soit sortie seule de l’enceinte du château ? >> Rajoutait-il. << Vous dites que lorsque l’outrecuidant s’est représenté aux portes du château, Adélina était absente. J’en conclus qu’elle était absente, sans vous… Ni vous… >> Dit-il, fléchant du nez les deux individus cités. << … Pour la protéger. Comment expliquer alors qu’Adélina ai pu être enlevée si le navire était sous haute surveillance ? >>


L’air des deux chevaliers semblèrent s’obscurcir alors que le Duc les accusait d’avoir manqué à leurs devoirs. En effet, sa remarque eut l’effet de les rendre furieux. Si la mine de Norian sembla se renfermer, Aubry, lui, laissa s’échapper un claquement de langue qui ne cachait guère ses sentiments. « Parce que nous respectons les ordres de notre suzeraine et personne d’autres.. » Aubry se cala dans son fauteuil non sans dévisager le Duc. Il prit quelques secondes pour ravaler sa colère, avant de reprendre la parole; « Puisque les pirates devaient partir le matin même; Adélina à donner la responsabilité à Sire Hartebrot de veiller à ce que ces derniers partent ce matin là sans causer d’émoi. Tandis qu’elle m’a envoyé à Alonna-les-trois-mûrs pour avertir notre oncle de ce qui s’était passé sur la Sirilya et ramener des soldats pour sécuriser nos côtes. Si elle n’en n’avait que cure des navires pirates, la sécurité des navires commerçants est notre responsabilité. Adélina est sortie de son propre chef sans avertir personne d’autres que le palefrenier. » Aubry tapota sur les accoudoirs de sa chaise pendant un moment avant de reprendre. « Comprenez que la raison pour laquelle Adélina s’est rendu à Bransat était pour avoir un peu de paix après les tragiques événements qui se sont produits. Bransat est une bourgade relativement tranquille où tout le monde se connaît et se respecte. C’est extrêmement petit. Rien de comparable à Alonna-les-trois-murs par exemple. D’où elle a décidé de partir puisque le navire était sous haute surveillance. » Aubry leva le doigt avant de reprendre la parole: « Adélina l’a su rapidement qu’ils étaient des pirates. Le capitaine était couvert d’innombrables tatouages en tout genre tandis que sa seconde était une demi-elfe. Cela ne lui a pas pris de temps pour comprendre ce qu’ils étaient. » Norian se racla finalement la gorge, semblant être un peu plus calme qu’Aubry. « Si je peux me permettre de reprendre la suite, puisqu’Aubry n’était pas à Bransat à ce moment… » Il tourna la tête vers le Duc avant de continuer; « Nous ne croyons pas que l’enlèvement s’est produit alors qu’ils étaient amarrés à Bransat, mais plutôt lorsqu’ils sont repartis. Son honneur à un endroit près de la rivière qu’elle affectionne particulièrement, à une vingtaine de minutes à cheval du village, c’est là qu’elle va lorsqu’elle a besoin d’un moment, et c’est aussi là que j’ai retrouvé sa monture. Il y avait des traces dans le sable près de la rivière d’une barque qu’on a tirée avec une paire de bottes. Sans compter des liens près d’un arbre. Nous croyons qu’ils l’ont aperçu sur le bord de la rivière, se sont arrêtés et l’ont forcé à embarquer. Qui plus est, ils ont laissé deux thaaris derrière que nous avons arrêtés et interrogés… Ces derniers ont payé un certain Viliam, un thaari, pour sortir de l’estrévent, il n’avait connaissance d’aucun plan pour enlever son Honneur.»

Les explications des deux Alonnais eurent l’effet d’une explosion en l’esprit du Duc. Lorsqu’ils mentionnèrent le fait que l’identité des pirates étaient connus de tous, lors de leur sauvetage par Adélina, il se leva brusquement de son assise, et quitta les abords de la table. Le verre presque vide dans ses mains, Adriano se positionna à proximité d’une immense tapisserie représentant le palais Soltaar, et une famille Ducale se trouvant devant, recevant les honneurs d’une population en liesse. Sa main libre massa ses tampes…
<< Vous saviez… Vous saviez, et pourtant, vous les avez aidés… >>

En son esprit, il se voyait déjà condamner ces deux Alonnais à une peine violente, pour avoir manqué à leurs devoirs face à la guerre contre les pirates. Mais, bien que tous les seigneurs et dames de Péninsule soient au courant de la guerre contre les pirates Mécans, la plupart n’étaient que peu impliqués. Seuls les seigneurs côtiers faisaient une guerre active contre ceux qui pillent les côtes et les mers.
<< Hum… >> Soufflait-il, se retournant vers les deux Alonnais. << Ils ont donc profité de la faiblesse d’une femme dans le deuil, qui leur a pourtant montré bonté de souffle et de coeur. Ces animaux… >> Pestait-il. << Qui sait où se trouve Adélina aujourd’hui… >>

La tension ne pouvait être plus palpable dans la salle. Aubry n’était guère du genre à se faire faire la morale et le suderon, même si ce dernier était Duc, commençait franchement à l’énerver. Ce n’était guère par plaisir qu’il les avaient laissé partir. Aubry avait été très clair avec sa cousine; ils auraient dû finir aux cachots. Mais Adélina n’avait pas voulu céder à sa requête, lui mentionnant que ces derniers n’avaient rien fait, et ne méritaient guère un tel traitement. Adriano lui semblait un homme très ancré sur ses positions, et soyons honnête, un peu trop manipulateur a son gout. Mais le nordien n’était pas là pour juger le fiancé de sa cousine, mais pour lui demander son aide. «Nous les avons laissés partir puisque nous avons reçu l’ordre de le faire. »  Au moins, cela serait clair… Le visage fermé, Aubry ne se laissa guère impressionner par la réaction du Duc, il reprit rapidement la parole. « Il y a quelques minutes, vous aviez la certitude qu’Adélina était à Meca… Alors il n’y a qu’une question qui se pose…Comment contactons-nous les pirates? »

S’approchant à nouveau de la tablée, le Duc prit entre ses doigts une petite clochette qu’il fit sonner d’un son cristallin. Deux secondes plus tard, un domestique entra et, sans qu’aucun mot ne fut échanger, Adriano lui fit passer un ordre en levant le majeur et l’index droit. Une commande, en quelque sorte. S’inclinant, le domestique disparut aussitôt.

Adriano, lui, reprit place à la tablée. Soufflant par moments, il transpirait l’inconfort et la frustration. Tout cela ne lui plaisait point. Mais le pirate avait forcé la main. Et, maintenant, les deux Alonnais se montraient à la fois fermes sur leurs positions, et, même, quelque peu autoritaire face au maître des lieux.
<< Je vois… >> Dit-il, lorsqu’il apprend que le sauf-conduit des pirates n’était dû qu’à la magnanimité Pentienne d’Adélina. << Je n’ai aucune idée de comment contacter les pirates. Je ne vois… >> Il réfléchit. << Je ne vois qu’une seule solution : relâcher tout un équipage… Leur fournir un navire… Et leur demander de transmettre un message au maudit Rokvenha. >>

« Alors il n’y a pas de temps à perdre. Je ne laisserais pas ma cousine et son enfant dans les mains d’un tel individu plus longtemps! Qui sait les ignominies qu’il est en train de lui imposer…» L’alonnais sembla encore plus dégoûté alors qu’il venait de proposer ses mots. C’était dès pensées difficiles à chasser. Sa pauvre cousine forcer à endurer sévices et torture en tout genre. Qui plus est, le récit qu’avait brièvement mentionné le Soltarii n’aidait aucunement à le rassurer. « Alonna est près à payer sept milles souverains pour ravoir leur baronne et son enfant.» C’était une somme non négligeable , assez pour acheter deux nouveaux navires au pirate. C’était aussi une somme relativement importante, qui demanderait bien des sacrifices pour l’alonnan.

Le Duc recommença alors à se racler la gorge. Alors que l’individu face à lui, semblait à nouveau emporté par l’émotion, un serviteur entra à nouveau, une assiette à la main. Un léger fumet s’échappa de son assiette, mêlé de volutes tourbillonnantes. Un homard, pour satisfaire l’appétit de l’homme qui régnait sur la région la plus au Sud du royaume. Manger, et boire, étaient pour lui un moyen de concentration et un plaisir, doublé du moyen subtile de demeurer maître de la situation. Tant qu’il mange, il ne parle pas… Et donc, personne n’avance sans lui. L’outrecuidant qui oserait quitter le palais sans sa permission s’en retrouverait poursuivie en justice pour insulte envers son Altesse… En plus de la trahison des convenances nobiliaires.
<< Soit. >> Dit-il, reposant alors l’assiette blanche avec laquelle il s’était essuyé le coin de la bouche. << J’ai, dans mes geôles, quelques équipages de ruffians qui ne mériteraient que la mort. J’accepte de les libérer, et de leur rendre leur navire capturé. Je les paierais, même, s’il le faut, pour m’assurer de la transmission du message. >> Dit-il, abordant la partie finance qui lui déplaisait tant. << J’ajouterais également 12 500 souverains pour récupérer la baronne et son fils. >>

Les deux alonnais échangèrent un regard surpris après la proposition du Duc. Disons qu’ils ne s’étaient guère attendu à ce que le Soltarii ne verse un tel montant pour retrouver Adélina. Aubry se racla la gorge, avant de finalement prendre la parole; « Je crois que nous pouvons augmenter de 500 souverains pour donner un total de 20 milles souverains. J’ose croire que cela sera assez pour le pirate.» Il devrait envoyer une missive à son oncle pour lui dire d’envoyer les fonds le plus rapidement possible a Soltariel. « Alors, c’est réglé… Envoyons un message à cette raclure, que l’on en finisse le plus rapidement possible. » Aubry resta silencieux un moment, l’air interdit. La relation qu’il avait avec Adriano était bien différente de celle qu’il avait eu avec Théodoric. Théodoric, bien que langecin, avait un souffle, un caractère presque nordien. Comme s’il était né dans la mauvaise partie de la péninsule. Adriano, lui, était tout ce qui exaspérait chez les suderons. Cette attitude hautaine, comme si le chevalier était un moins que rien. Dans leur famille, ils avaient toujours été proches, il avait toujours considéré Adélina comme sa jeune soeur, ne l'appelait que très rarement pas son titre, mais il avait l’impression qu’après son mariage avec le Duc cela changerait drastiquement. Aubry soupira, laissant ses sentiments de côté avant de reprendre la parole; «Néanmoins, je vous remercie au nom de ma maison pour votre généreuse donation. Les Lourbier n’oublieront jamais un tel acte envers notre maison.»

Acquiesçant de signes de tête, Adriano ne pouvait s’empêcher de pester intérieurement. Une telle somme était… Gigantesque, même pour le plus gros duché du Sud de la Péninsule. Les impôts et les taxes avaient beau être prolifiques, les marchés avaient beau être pleins de produits frais, les caravanes et les boutres avaient beau aller et venir sur les routes du Sud… Dépenser une telle somme, pour la remettre entre les mains gorgées de sang d’un être infâme… Voilà qui énervait copieusement le Duc. Oh, il trouverait un moyen de se renflouer… Après tout, une partie de la dépense serait prise dans la fortune personnelle du Duc, tandis que, de l’autre côté, il saurait faire peser des taxes sur les produits des Nains, qui s’installent encore et encore dans les comptoirs disposés par la couronne. Mais savoir qu’un pirate serait à la tête d’une telle fortune… C'était rageant.
<< Bien. Je vous remercie pour votre aide dans cette terrible histoire. A nous tous, nous réussirons à sauver Adélina, quel qu’en soit le cout. >> Dit-il, avant de se lever, passant ses doigts dans un napperon. << Suivez-moi. >>

Il se dirigea vers une des portes où se trouvait un garde. A l'oreille il lui chuchota quelques ordres, que le garde s’empressa d’aller exaucer. En tête de colonne, Adriano, Aubry et le chevalier Alonnais, se rendirent jusque dans les geôles du palais, très en profondeur. Là, les gardes de la Guardia Soltaari se tenaient, entourant des corsaires mis à genoux. Ils étaient 13, exactements. Plusieurs d’entre eux avaient servi sur le même boutre corsaire, d’autres, étaient dans les geôles depuis plus ou moins longtemps, survivants d’équipages attaqués par la flotte Soltaar, ou pauvres âmes échoués par la mer, pour finir aux fers. Se plantant devant eux, les gardes leur firent relever le museau.
<< Priez. Priez, car aujourd’hui, vous êtes chanceux. >> Dit-il, l’air grave, la mine sombre, les mots acérés. << Tyra aura sans doute entendue vos prières. Ou sans doute est-elle avide de vous, pauvres loques sans vie. Car aujourd’hui… Je vous libère. >> Dit-il. Soudainement, les visages se firent éclairés, étonnés. Les plus naïfs s’apprêtaient déjà à sourire… Les plus sceptiques, eux, s’attendaient déjà à voir le retour de bâton. << Mais, en échange, j’attends de vous la réalisation d’une mission… >> Il jette, devant lui, une bourse de cuir dans laquelle trônent et s’échappent cinquante souverains. << Voici, pour acheter votre équipage le temps de cette mission. Et celle-ci est simple : vous devez vous rendre en Méca, prendre contact avec un capitaine des vôtres, nommé le “Rokvenha.” Vous lui donnerez ceci… >> Il tend une missive roulée sur elle-même, poinçonnée du sceau du Soltaar, le tout enroulé dans un tube de fer lui aussi scellé. Un garde s’en saisit, et le donne à celui qui était capitaine du navire capturé. << Ceci… Est vôtre laissé passer, si tant est que vous réalisiez votre mission. Échouez, ou trahissez notre contrat… >>

Un garde donne un coup de pied dans le dos d’un des treize pirates, le poussant devant les pieds du Duc. Un second garde tend une dague, que le Duc place devant la gorge du pauvre, avant de donner un coup vers le côté, et l’intérieur, tranchant la gorge avec une certaine efficacité, détruisant trachée, paquets de nerfs et vaisseaux importants, d’un coup sec. L’homme s’anime alors de spasmes et de gargouillis, tandis qu’un flot sanguin s’échappe de la plaie béante. Les mains pleines de sang, le Duc laisse tomber la carcasse… Avant de pointer de l’estoc, le capitaine pirate face à lui.
<< Et la trêve n’aura plus lieu d’être. >>

Aubry et Norian regardaient le spectacle qui se déroulait devant eux sans interrompre le Duc. Si le géant semblait de marbre, le champion de Néera, quant à lui, semblait quelque peu déranger par ce spectacle macabre. Oh, il avait pris la vie de plusieurs personnes lui-même. Les guerres s’étaient enchainées pendant sa jeunesse, et il avait volontiers suivi son père en tant que page puis son oncle en tant qu’écuyer. Mais quelque chose le dérangeait dans l’attitude du Duc. Il s’approcha un moment de ce dernier, avant de murmurer à l'oreille, pour que seul ce dernier l’entende. « Peut-être pourriez-vous les convaincre d’emmener un de nos hommes avec eux. Un espion en quelque sorte…» Chose qui ne devrait guère être compliquée à mettre en place, puisque les hommes devant eux venaient de différents horizons. Le nordien jetta un regard aux corsaires avant de rajouter; « Ou ne rien leur dire et faire en sorte que l’un des nôtres soit avec eux… » Aubry fit quelques pas de reculons, laissant le Duc prendre l’attention de nouveau.

Détournant le visage vers celui qui susurrait à son oreille, le Duc resta silencieux, sans jamais cesser de faire face aux pirates. Il acquiesça, à sa manière, se retournant cette fois un peu plus afin de répondre au creux de l’oreille d’Aubry :
<< Si vous le désirez. Mais sachez une chose : vous êtes plus pâles que les forbans qui vivent sur la mer. >>

Sous-entendu : l’homme choisi, s’il était Alonnan, risquerait fort bien de se faire découvrir fort rapidement. Car les pirates étaient, pour beaucoup, originaires du Sud, ou des côtes, et naviguaient depuis des années sur les mers de ce monde. Le soleil reflétant l’eau était un formidable accélérateur de bronzage. Et les Nordiens… Etaient bien pâles de peau, en comparaison. Le Duc se retourna face aux pirates.
<< Ce soir, vous serez sortis de vos cachots, et logerez dans une chambrée décente. D’autres… Corsaires… Se joindront à vous. Vous n’êtes plus assez pour manoeuvrer votre navire, et j’ai trop de pirates dans mes geôles. Et, comme je le disais… La trêve est en cours. >>

Le Duc mentait, bien-sûr, et tentait de manipuler ces pirates assoiffés, déshydratés et frigorifiés.
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