Elle avait froid.
Tellement qu’elle ne pouvait pas contrôler les mouvements de ses membres, grelottant incontrôlablement. La pièce était humide, noire, et un courant d’air glacial emplissait l’endroit où elle se trouvait. Adélina ouvrit difficilement les yeux. Clignotant plusieurs fois de suite avant de laisser s’échapper un léger râle. Sa tête lui faisait atrocement mal. Elle avait l’impression que tout tournait autour d’elle, que sa vue était obstruée par un voile obscur. Que s’était-il passé ? La nordienne tenta de se rappeler ce qui s’était passé et les souvenirs lui revenaient tranquillement. L’attaque ! Oui, un autre navire avait attaqué le Wagyl. Elle se souvenait du tremblement qui avait fait vibrer le navire. Des pirates qu’il l’avait attaqué et son fils, et de la piètre défense qu’elle avait pu faire. Adélina ouvrit de nouveau les yeux, cette fois se redressant difficilement, constatant que ses mains étaient liées dans son dos. Elle laissa ses yeux s’habituer à l’obscurité, avant de s’arrêter à une forme devant elle. Il y avait quelqu’un devant elle.
« J’dois avou’r que j’m’attend’ à mieux…»Adélina se débâtit alors que les cordes se mirent à frotter sur ses poignets, la brûlant au passage.
« T’étais b’en plu’ vorace a Meca… Quand l’aut’e a d’cider d’te chercher. »Adélina s’arrêta net, posant finalement son regard sur l’homme devant elle. Assez grand et surtout très musclé, ce dernier avait le corps recouvert de tatouage qu’il ne se gênait guère pour montrer. Il portait une barbe et ses cheveux étaient retenus par un bandeau rouge. La jeune femme soutint son regard, interdite, ce qui sembla particulièrement amusé l’homme devant elle. Il se laissa tomber contre le dossier de sa chaise en la fixant. À croire ce qu’il disait, ils s’étaient déjà croisés à Meca, probablement dans la taverne où l’avait amené Caleb à leur arrivée. Un silence pesant s’installa dans la pièce, et ce fut finalement Adélina qui le brisa.
« Que voulez-vous ? Qui êtes-vous ? » La jeune femme leva le menton avant de lancer un regard mauvais au forban pour ensuite rajouter ;
« Où est mon fils ? » Le Mécan eut un sourire avant de se mettre à rire à gorge déployée, comme si elle avait dit les choses les plus farfelues du monde. Il se calma finalement avant de faire un vague mouvement dans les airs.
« Une question à fois, ma jolie. » Il se redressa de sa chaise, posant ses coudes sur ses cuisses, non sans lâcher du regard la baronne.
« Ton fils va bien, y’est sur le navire. Quant à s’que j’veux… C’est bien évident c’que j’veux. L’Rok voulait l’même chose… L’argent, la réputation. » Un sourire malsain vint éclairer ses lèvres.
« Par contre, je serais pas aussi facile que l’Rok à manipuler…» Adélina fronça les sourcils, clairement perdue.
« Mais de quoi vous parlez ?»D’un mouvement brusque, l’homme se releva pour rejoindre la baronne en quelques enjambées. Il se mit à son niveau avant de relever le menton de la jeune femme pour planter son regard dans le sien. Étonnamment, il fut particulièrement doux lorsqu’il toucha la baronne, comme s’il ne souhaitait pas l’abîmer plus que nécessaire.
« C’est simple… Comment il t’regardait. Pas une seule fois, il t’a quitté d’yeux dan’l’auberge. Comme l’plus valuable des trésors… » Son sourire sembla s’agrandir alors qu’une certaine lueur brillait dans le regard de ce dernier. Adélina quant à elle, ne bougea pas d’un millimètre, se contentant de soutenir le regard du forban, et écoutant attentivement son discours.
« Même avec une s’les g’noux la seule chose qu’il r’gardait était l’escalier, comme s’il attendait quelqu’un…» Adélina fronça les sourcils, si elle se doutait qu’il parlait de sa première visite à l’auberge, elle eut bien du mal à s’imaginer que le Rok avait réellement eut ce comportement.
« Puis quand on a entendu l’rumeurs… oh oui… Le Rok et la rose…. un Rok qui s’était entiché d’une baronne. Qui voulait l’marier… ça n’a pas ‘té compliqué d’faire l’addition.» Soudainement, son air sembla s’osbcurir alors qu’il relâche finalement son menton avec un air dédaigneux.
« Ça et l’fait qu’il tue trois d’mes hommes qui ont osé t’siffler…» La dernière réplique eut un certain effet sur la baronne, elle haussa un sourcil, l’air perplexe. Elle se souvenait très bien des événements de cette soirée. Là où la dénommer Sarah avait tenté de la battre. Adélina, portée par la colère, s’était défendu bec et ongles, et s’était Rocaille qui avait mit fin à la bataille, entraînant la baronne hors de l’auberge. Elle se souvenait aussi des trois roturiers qui l'avaient insultée, ceux même à qui elle avait lancé une bouteille à la figure.
« Je crois que vous faites erreur…» Elle n’eut même pas le temps de finir la phrase que le forban l’interrompit, approchant son visage encore plus près du sien.
« Eh non, la rose… J’fais pas d’erreur… On les a r’trouver mort dans une ruelle le lendemain… Y’en a même un qu’on pouvait pu reconnaître t’llement y’était d’moli. »La respiration d’Adélina devint de plus en plus profonde devant cette révélation. C’était pour cela que le capitaine était revenu dans la chambre recouvert de sang. Il n’avait pas toléré que quelqu’un ne regarde sa rose. SA rose. Elle pouvait l’entendre encore l'appeler, la caresse qu’il avait laissé sur sa joue, l’envie qui avait brûlé son regard a chaque fois qu’il s’était retrouvé près l’un de l’autre… Il y avait quelque chose. Quelque chose de beaucoup plus profond que les deux êtres avaient tenté de nier. L’azur semblait s’éclaircir alors que ses pensées se bousculaient. Il reviendrait. Il la retrouverait. Cette seule pensée lui redonna espoir, même un certain courage. Il viendrait, elle en était certaine.
« Alors vaut mieux me relâcher, car lorsque l’Rok apprendra qui lui a volé sa rose, il va venir la reprendre et je ne me mettrai pas sur son chemin à ta place… » Le capitaine eut un sourire amusé, avant d’agripper de nouveau la mâchoire de la baronne, son pouce caressant doucement la joue de la captive. Il approcha son visage près du sien, sourire aux lèvres, avant de s’arrêter à un cheveu de cette dernière.
« Alors, certain’ rumeurs sont vraies… Mais t’inquiète pas, il m’fait pa’peur… »Cette fois, ce fut Adélina qui eut un sourire, un sourire défiant alors que son regard devint de plus en plus déterminé ;
« Il ne te fait pas peur… » Commença-t-elle, lui coupant rapidement la parole ;
« Et pourtant, tu as attaqué son navire quand il n’était pas là… Si ce n’est pas de la couardise, je ne sais pas ce que c’est. » Le pirate perdit soudainement son sourire, sa main lâchant son visage avant de revenir pour heurter violemment la joue de la baronne. Sous l’impact, la jeune femme tomba sur le sol, sa tête heurtant le bois humide du navire. Adélina ne put s’empêcher de laisser s’échapper un gémissement avant de serrer la mâchoire, fermant aussi les yeux pour tenter de retrouver ses esprits. Un goût métallique se propagea dans sa bouche et c’est là qu'elle comprit la gravité de sa situation. Caleb n’avait jamais levé la main ainsi sur elle, même lorsqu’elle l’avait particulièrement cherché. Il l’avait vu comme une marchandise certes, mais une marchandise qui valait une fortune et qui ne devait point perdre son éclat. L’homme devant elle n’en avait absolument rien à faire. Ce n’était pas lui qui avait son nom sur son enlèvement… Ce n’était pas lui qui devait être recherché par les Soltaris… Il n’avait que voler le trésor d’un autre et contrairement au Rokvenha, ce pirate-là, ne semblait pas avoir peur d'abîmer la marchandise. La jeune femme n’eut pas le temps de se redresser que le mecan la retourna brutalement sur son dos, avant de refermer sa main sur le cou fin de la jeune femme, se mettant à serrer de plus en plus fort avant de se mettre à la secouer pour ensuite cracher sa colère ;
« Il m’fait pas peur parce qu’y’est mort. Crois moi y’ pourra jamais remettre l’main su’toi … » Adélina tenta de se dégager, mais les liens qui retenaient ses mains dans son dos ne furent d’aucun secours. Mais cela n’empêcha point l’air de la baronne se referma alors qu’elle planta son regard dans celui de son ravisseur, et ce même si le souffle commençait à lui manquer.
« Tu mens… » dit-elle, semblant en parfaite confiance.
« Si tu cherches à me briser ainsi, tu n’y arriveras certainement pas ! »Le pirate relâcha doucement sa prise alors qu’un sourire mauvais revint sur son visage.
« T’briser? C’tait pas l’but… Mais puisque t’le demande… J’vais t’montrer ce que j’peux faire… T’vas prendre ce qu’j’vais t’donner… Sinon c’ton fils qui va écoper… » La jeune femme eut un air horrifié, alors que le pirate la retourna brusquement sur son ventre, pour ensuite la maintenir ainsi. Les cris qui suivirent auraient pu glacer le sang à n’importe quel individu un tant soit peu censé. Peu importe ce qui se passait dans cette pièce froide et humide n’était, en aucun cas, pas joviale et le calvaire de la baronne s’éternisa encore et encore, jusqu’à ce que les cris ne puissent plus traverser ses lèvres. Jusqu’à ce que le capitaine soit satisfait de ses traitements et lorsqu’il la laissa finalement tranquille, la jeune femme put finalement se recroqueviller, fixant le vide devant elle tout en tentant d’oublier autant la douleur que l’humiliation qu’elle venait de subir. Les marques zébraient son corps alors que le sang coulait doucement sur sa peau halée par les ennéades sur le Wagyl. Ennéade de semi-liberté qui lui semblait bien loin.