Oui, la taille c'est important

2ème ennéade de Verimios,
Calimehtarus
17ème année du 11ème cycle
Non loin d'Alëandir...

Un jour magnifique s’était levé sur Alëandir. Le soleil brillait sur un ciel bleu clair sans le moindre nuage. L’air était vif et sentait bon l’hiver. Zaahrian inspira à plein poumon; il était bien loin des rues poussiéreuses de Thaar. « On a choisi une bonne journée pour quitter Alëandir. » Fit remarquer l’assassin à Léonie ainsi qu’à leur escorte alors qu’ils empruntaient le sentier qui devait les mener à leur prochaine destination. « Nous devrions être épargnés par la pluie, en effet. Comment te vont tes nouveaux vêtements? » Demanda le prêtre qui marchait derrière eux. La température n’étant pas la même à Thaar qu’en Anaeh, Zaahrian s’était permis d’agrémenter sa garde-robe afin d’être mieux préparé à affronter l’hiver. Il portait une cape épaisse ainsi que des gants et des bottes doublées, le tout à la mode des elfes. « Ils sont parfaits, merci. »

Il avait pris la décision de passer tout l’hiver en Anaeh. Parvenir jusqu’ici fut déjà assez éprouvant et il ne voulait pas risquer de se compliquer la tâche plus encore en tentant le voyage de retour pendant la saison froide. Il n’avait pas d’obligation qui l’attendait à Thaar. Ça lui laissait donc tout le temps nécessaire pour explorer les lieux, en apprendre plus sur ses racines et prouver à tous ces elfes que ce n’est pas parce que tu viens de Thaar que tu es forcément un dégénérer.

En faisant part de sa décision, on avait été très clair avec lui : toutes les portes ne lui sont pas ouvertes ici. Il y avait des régions très dangereuses où sa vie serait très certainement en danger s’il y mettait les pieds. Zaahrian était téméraire, mais n’avait aucune envie de passer outre l’avertissement. Il se souvenait encore trop bien de sa rencontre avec le serpent géant quelques années plus tôt, mais le danger en Anaeh ne prenait pas toujours la forme d’une bête gigantesque. Il y avait des clans d’elfes particulièrement hostiles qui rejetaient tous les étrangers, même les elfes citadins. Zaahrian aurait aimé savoir pourquoi, mais les explications étaient, semblait-il, complexes. Il lui faudrait étudier l’histoire et comme il en avait déjà plein les bras avec la langue, il se contentera d’écouter les mises en garde. C’était plus simple et lui ça lui évitait un plus gros mal de tête.

« Donc, quel genre de délicieuses créatures risquons-nous de rencontrer en chemin? » Demanda Zaahrian après un moment de silence.

Le prêtre réfléchi un instant avant de répondre. « Les environs sont assez sécuritaires. Il y a des patrouilles qui veillent à ce que les créatures n’approchent pas trop de la ville. Cela étant dit, il y a effectivement une foule de créatures qui ont fait de ces lieux leur habitat. Certaines vont préférer la forêt, d’autres les paysages montagneux ou encore les marais. Le Mirguna ou Tatzelworm me vient immédiatement en tête. C’est une sorte de serpent pourvu de deux pattes griffues et d’une tête de chat. »

« Je sais, il y en a aussi en Ithri’Vaan. Ce n’est pas tellement dangereux à condition de se tenir loin de son venin. »

« En effet… Sinon, j’ai entendu une patrouille parler d’un Nieläv ou Kerkand, si tu préfères. Ils sont nettement plus dangereux et agressifs, mais comme la patrouille n’a rien trouvé, il n’y a probablement aucune raison de s’inquiéter. »

Un grand sourire illumina le visage de Zaahrian.

« Peut-être, mais j’ai un don pour attirer les ennuis, alors je vais garder l’œil ouvert… au cas où. »

 « Tu sais très bien que je n’ai pas envie de le donner au Poing de Kÿria. »
« Alors qui, Calemirhel? » Tu continues à regarder devant toi, elle passe d’un côté de l’arbre qui se dresse sur votre chemin tandis que tu passes à gauche avant de vous retrouver. « Tu ne vas quand même pas l’utiliser, si ? »
« Ne dit pas de bêtises Elhina. » Tu secoues la tête. « Tu me vois tirer sur quelqu’un? »
« Non, c’est bien pour ça qu’il faudra le confier à quelqu’un qui le ferait. »
« Dans ce cas autant le donner au hestingamor. » Tu tournes légèrement la tête pour observer plus facilement l’expression de la Guide et tu n’es pas déçu. Elle s’arrête.
« Tu n’es pas sérieuse? » Tu ne lui réponds pas parce que tu n’arrives pas à contenir ton rire.
« Non, bien sûr que non, mais tu aurais dû voir ta tête. » Elle grommèle quelque chose que tu ne comprends pas et que, de toute façon, tu n’es pas certaine de vouloir comprendre. « C’est juste que je n’aime pas l’idée de donner davantage d’importance au Poing. »
« Si I Emël a... »
« Si Hiril Lothren a fait cet arc c’est bien pour qu’on s’en serve. » Tu la coupes et répètes pour la énième fois cette phrase avec une voix lasse sauf que tu la corriges au passage, tu doutes grandement que ce soit la Mère qui ait fait cette arme. « Je sais, je sais, ça doit faire la quinzième fois que tu me le dis depuis qu’on est partis d’Alëandir mais je ne veux pas légitimer leur vue de l’enseignement de Kÿria en leur offrant son arc. »
« Alors qu’est-ce que tu vas faire, le laisse prendre la poussière dans un sanctuaire ? »
« C’est une idée. Au moins il ne sera pas la cause d’une recrudescence de prêtres belliqueux. De toute façon je ne sais pas pourquoi nous avons cette discussion, avant de décider quoi faire avec, il faudrait peut-être le trouver, tu ne penses pas ? »
« Si mais... »

Tu lèves une main pour la faire taire, la coupant une fois de plus mais cette fois ce n’est pas parce que tu sais qu’elle va se répéter une fois de plus. C’est parce que tu sens quelque chose. Du moins tu entends quelque chose. Elhina s’arrête et t’imites, elle tend l’oreille mais elle met une seconde à se rendre compte que ce n’est pas les alentours que tu écoutes mais bien la Symphonie. Après quelques secondes elle se tourne vers toi avec le même air soucieux que tu affiches.

« En pleine journée ? Comment ça se fait ? »
« Je ne sais pas mais si quelque chose à réussit à suffisamment déranger un nieläv pour qu’il sorte de son repaire alors qu’il fait encore jour, ça ne présage rien de bon. Mais avant de trouver ce qui l’a fait sortir il faut le calmer. »

Et pour ça le temps presse, plus tu attends et plus il va ravager son entourage alors vous vous mettez à courir en direction d’Alëandir dans l’espoir de tomber sur une patrouille pour gagner un peu de temps. Vous sortez d’un fourré pour tomber sur un sentier et un groupe de personnes.

« On a... » tu t’arrêtes pour reprendre un peu ton souffle. « On a besoin d’aide pour calmer un nieläv déchaîné. »

En disant à la blague qu’il avait un don pour attirer les ennuis, il ne s’attendait pas à ce que dans les minutes qui suivirent, ça ne soit plus une simple plaisanterie. Deux elfes jaillir des fourrés et s’arrêtèrent devant eux, le souffle court. Zaahrian les observa curieusement. Certes, ils étaient potentiellement une source de problèmes, mais l’assassin s’ennuyait de l’action et du côté imprévisible de Thaar. Aussi fascinants qu’ils pussent être, les elfes étaient un peu trop contemplatifs à son goût.

« Nieläv... » Il se tourna vers son guide. « Ce n’est pas la bestiole que tu mentionnais? Finalement, elle était bien là... »

Zaahrian sentait l’excitation monter en lui tel de petit fourmillement dans ses jambes et dans ses mains. Chasser une grosse bestiole… On pouvait difficilement être plus loin de l’expertise de l’assassin mais, malgré le danger apparent, ça semblait terriblement amusant.

« Je veux bien aider! » Déclara-t-il joyeusement, s’attirant le regard désapprobateur du prêtre. « Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, Zaahrian. Nos compagnons ici peuvent très bien suffire à la tâche. » En effet, ils ne faisaient pas le voyage seuls. Un petit groupe d’elfes armés les accompagnait et si Zaahrian ne mettait absolument pas en doute leurs aptitudes au combat, ils n’étaient pas non plus une dizaine et à la réaction des nouveaux venus, la situation semblait grave.

« Je peux aider. Je ne suis pas une petite créature fragile malgré ce que vous pouvez penser. Je suis entraîné à me battre et j’aime croire que j’ai de bons réflexes. Nous ne sommes pas beaucoup et si cette chose est aussi dangereuse que vous le laisser croire, des bras supplémentaires ne seront pas de trop et ça tombe bien, j'en ai deux. »

Il regarda ensuite les nouveaux venus. « Maintenant, j’ai besoin que vous clarifiiez un détail pour moi : quand vous dites calmer, vous voulez dire tuer? Car bon, si un truc essaie de me bouffer, mon premier réflexe ne sera pas de lui chanter une berceuse. »

Tu lances un regard à Elhina et elle te le renvois. Tu as eu le temps de de reprendre ton souffle pendant que les deux personnes devant toi discutaient alors, que, non loin, le nieläv continuait à s’attaquer à tout ce qui avait la malchance de se trouver sur son chemin. Alors tu reportes ton attention sur le groupe que vous avez trouvé et tu remercies I Emël qu’il y ait des guerriers dans ledit groupe. Peut-être devrais-tu remercier Hiril Lothren mais ce n’est pas vraiment le moment pour lancer un débat théologique. Tu n’as pas non plus de temps à perdre en discussions inutiles car si tu les ravages de l’animal sauvage ne sont pas de ton ressort, c’est bien ce qui l’a poussé à sortir de sa tanière en pleine journée qui t’inquiète réellement. Comme l’étranger, tous les bras sont les bienvenus et les volontaires le sont d’autant plus. Alors cette fois tu te tournes vers le prêtre.

« Maïcaril est-ce que tu peux accompagner Elhina à Alëandir pour chercher du renfort s’il-te-plaît ? »

Sans pour autant être autoritaire, tu es ferme et ton ordre n’est que vaguement dissimulé sous ta demande. Quant à la Guide qui t’accompagne, elle ne bronche pas, l’idée de se retrouver face à un nieläv ne l’intéresse que peu et surtout : elle te fait confiance pour prendre soin des elfes que tu accompagneras. Maïcaril acquiesce et s’en va avec sa collègue mais tu n’as pas le loisir de les regarder partir bien longtemps. Alors tu regardes l’étranger en haussant un sourcil.

« Non, quand je dis calmer, je veux dire calmer, pas tuer. Peut-être que vous devriez essayer de lui chanter une berceuse, d’ordinaire les nieläv dorment le jour. »

Ta voix douce reste basse, pas au point d’avoir à tendre l’oreille pour t’entendre mais il faut tout de même faire attention.

Maïcaril fronça les sourcils. Il ne tenait pas particulièrement à laisser son protégé seul. « Ne t’inquiète pas pour moi. » Le rassura l’assassin en voyant le doute sur le beau visage de l’elfe. Il ne sembla pas convaincu, mais il savait sa présence ici inutile. Il était tout sauf un guerrier et la ville devait être alertée. « Très bien, nous ferons au plus vite. » À ses mots, Maïcaril s’en alla avec Elhina. Zaahrian le suivit des yeux, mais il eut tôt fait de disparaître parmi la végétation. Le blond rapporta alors son attention sur l’autre elfe qui, comme tous les autres, restait parfaitement insensible à son humour.

« Je suis un bien piètre chanteur. » Rétorqua-t-il en empruntant le même ton que la femme. « Et je n’ai clairement pas assez bu pour me convaincre du contraire. » Il commença à examiner ses armes, sentant l’excitation le gagner. Il allait enfin faire quelque chose de ses dix doigts et peut-être les impressionner par la même occasion ce qui serait certainement un exploit. On lui avait laissé son épée ainsi que sa dague en lui faisant promettre de ne pas les brandir au nez d’un elfe. On lui avait reconnu son droit à se défendre en cas de problèmes, mais il n’avait pas eu à les utiliser depuis le début de son séjour. « Du coup, si ces nieläv dorment le jour, ce n’est pas tant de lui dont on devrait s’inquiéter, mais plutôt la chose qui l’a dérangé. Question probablement stupide, mais je vais la poser quand même : quelle autre bestiole traînant potentiellement dans les environs est assez menaçante pour s’en approcher et l’énerver de la sorte? » Il eut également envie de demander c’était quoi l’idée de vivre dans un endroit pareil, mais l’Anaëh n’avait pas le monopole des grosses bestioles. Il y en avait partout, mais on pouvait difficilement nier leur tendance à être plus grosse ici et peut-être même plus entreprenante. Sans être un expert, le fait que les elfes préfèrent calmer les créatures plutôt que de les détruire contribuait probablement à leur comportement.

« Mais ce n’est pas mon cas. Il se trouve que je ne chante pas trop mal, vous n’aurez qu’à me suivre. »

Un fin sourire se forme sur tes lèvres. Ce n’était pas vraiment pour ça que tu avais appris à chanter mais après tout, si ça pouvait servir à autre chose qu’à accompagner Eryvïnn alors autant en profiter. Cela dit, au moins, l’homme belliqueux en est venu à la même conclusion que toi, il y a peut-être un espoir. Tu hausses les épaules pour lui répondre, tu n’en sais strictement rien. Des créatures suffisamment puissantes et dangereuses pour déranger un nieläv le jour, ce n’est pas ce qui manque. Un golem, par exemple, aurait pu mais cela ne répond pas vraiment à la question et puis si Turmambal s‘est réveillé, tu l’aurais entendu dans la Symphonie et vous l’auriez sans doute vu s’il était apparu si proche de la capitale ; sans compter qu’à moins d’être aveugle et sourds, vous auriez sans doute su si une menace suffisamment importante pour solliciter le Gardien s’était manifestée. Après tout il ne s’est levé qu’une seule fois. Toutefois il n’est pas non plus impossible que ce soit là l’œuvre de Carpacelva. Peut-être un mauvais rêve de l’Indomptable aura excité le nieläv furieux.

Des Medrinil, peut-être, tu ne sais pas s’il y en a dans les monts du Telion et tu sais encore moins ce qu’aurait pu faire l’une d’elles pour réveiller et forcer un nieläv à sortir de sa tanière en journée. Il ne faut pas non plus écarter la possibilité d’un dragon mais c’est bien à tes yeux la pire option possible. Y réfléchir davantage n’a que bien peu d’intérêt.

« Il y en a une poignée mais nous ferions mieux de nous mettre en route. »

En voilà une qui comprend quelque chose à mon humour. Pensa Zaahrian, ravi. Il ne comptait plus le nombre d’elfes qui avait simplement froncé les sourcils à ses remarques pourtant pleines d’esprit. « Je suis juste derrière toi. » Sur ces mots, ils s’enfoncèrent plus profondément dans la forêt.

La progression était lente. Ralenti par la forêt, ils devaient également garder l’oreille tendue, à l’affût du moindre bruit suspect. Zaahrian s’était gardé de dire qu’il n’avait pas un très bon sens de l’orientation en forêt et qu’il n’était pas très doué non plus pour traquer les bêtes. Il ne saurait identifier une créature par son empreinte et se limiterait à dire si c’est une grosse ou une petite bête. Cela dit, qu’on ne vienne pas lui reprocher son manque de précision, car la taille, ça compte! Pour l’instant, il n’y avait rien à signaler. Aucun signe visible de saccage, aucune empreinte non plus. Loin d’être silencieuse, la forêt était remplie des bruits habituels. Entre le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles, rien n’indiquait la présence d’une grosse bestiole bien énervée. Peut-être que les elfes avaient mal vu, mais Zaahrian en doutait. Ils n’auraient pas demandé à ce que l’on demande de l’aide en ville s’ils n’avaient pas été certains du danger.

Le poing serré sur le manche de sa dague, l’assassin avançait précautionneusement. Il avait le pied bien moins assuré en forêt. Autant il pouvait se mouvoir sans faire de bruit en ville où à l’intérieur d’une demeure, autant le terrain inégal de l’Anaëh lui donnait du fil à retordre. Plus d’une fois, sa compagne elfe se retourna vers lui en le foudroyant du regard après qu’il ait accidentellement posé le pied sur une branche. Disons que s’il voulait l’impressionner, ça commençait bien mal. Ils avancèrent ainsi pendant un moment encore lorsque l’agitation de la forêt s’évanouit et qu’un silence pesant tomba sur eux. C’est comme si la forêt retenait maintenant son souffle. « Qu’est-ce que... » Commença Zaahrian avant d’être interrompu par un grondement sourd à pas plus de vingt mètres sur leur droite.

Là où il allait, j'allais ! Certes il ne restait de moi que la contemplation, l'admiration, et l'appréhension.

J'étais par la force des choses redevenu enfant, trempant dans une jouvence propre à l'éternité de ces êtres centenaires. Si l'on m'expliquait cent usages et mille anecdotes, que l'on me tartinait de savoir, je savais rester à ma place de tendre marmot, étranger de surcroît d'où mon zèle.
Puis il y avait plus turbulent que moi, hein, oui, Zaahrian ! Où il allait, j'allais ! Parfois à contre cœur préférant le calme de ma prompte irréelle retraite. Bien malgré moi, je n'avais plus de pulsions assaillant en outre ma volonté, que nenni, or je devais assouvir celles de mon compagnon lorsque l'envie lui prenait de faire parmi ses semblables, ses preuves, son apprentissage que sais-je encore ! L'aventure, la découverte, le danger ! Que n'était-il pas ce que nous étions hélas ensemble, aujourd'hui en lui décuplée cette folie – peut-être était-ce seulement de la joie –, en moi tapie dans l'ombre, je ne faisais que suivre, la folie ma douce folie n'étant plus. Je ne me langussais toutefois point des pays Vaani.

C'est effrayé par leurs propos ignobles de serpents géants aux têtes de chats, que je poursuivais ma route à leur côtés, bien engoncé, bien déçu par ce que le soleil éclatant et l'agréable balade promettaient. Ma gorge nouée à outrance me faisant l'effet d'un étau invisible à mesure que l'hybride échangeait avec le prêtre, semblait trop puissant pour que je puisse l'affronter. Enfin je manquai l'étranglement ultime lorsque deux êtres sylvains jaillirent précipitamment des frondaisons. Ce n'est que grâce au fameux étau que l'on ne m'entendit pas hurler mes affres à l'ouïe de tous. Je ne repris ma respiration qu'ultérieurement, juste un instant, puis Zaahrian de rajouter une couche en se portant volontaire pour je ne sais quelle imprudence ! Comment survécu-je par la suite à tant d'apnée, je ne saurais l'expliquer, toujours est-il que lorsque l'elfe cheffe de la petite escouade demanda au prêtre d'escorter une homologue à Alëandir dans le but de quérir un peu d'aide, je me portais à mon tour volontaire, toujours fidèle à moi-même, finalement.

« M-moi ! Vous aurez peut-être besoin de mon aide pour rejoindre Alëandir hein eh on sait jamais ! J'ai une arme moi aussi ! » dis-je d'un ton qui laissait largement présager en ces lieux mon retour en enfance.

Ils le savaient aussi bien que moi, ce n'était qu'un subterfuge élémentaire et puéril et si sage à la fois, que nous en rîmes en route tandis que j'expliquais au religieit comment en terres sylvaines tout me faisait peur et combien je me sentais fragile et éphémère... La crainte de perdre Zaahrian et les remords de l'avoir lâchement abandonné ne vinrent que plus tard. C'était sans compter – et je l'ignorais – la présence d'une puissante Haute-Prêtresse qui saurait en tirer un enseignement à l'attention du fougueux demi-elfe, indubitablement.

T’aidant de ton sceptre pour avancer, parfois pour gentiment pousser une branche de ton chemin, il fallait dire que, parfois, tu aurais aimé être un peu plus petite. Un peu comme tes oreilles d’ailleurs, si Eryvïnn a beau te répéter qu’elles sont très bien, il n’empêche que dans le grand miroir de la chambre de ton époux, décoré en l’honneur d’Arcamenel, tu trouverais ton reflet plus séduisant si elles n’étaient pas aussi longues. Au moins on ne s’en moquait plus, tu ne comptais plus les blagues expliquant pourquoi tu entendais si bien la Symphonie et si aujourd’hui tu t’en servirais comme d’une source de fierté, l’enfant que tu étais à l’époque en fut bien incapable. C’était justement grâce à la Symphonie que tu menais le petit groupe en direction du nieläv, inutile alors de chercher des traces sur le sol. Jusqu’à ce que vous soyez très proche de la bête. En tout cas vous n’êtes plus très loin mais tu n’entends plus rien à son sujet. Peut-être la zone que vous traversez est habituée à la violence animale même si tu en doutes un peu.

Tu tends un peu plus tes grandes oreilles dans l’espoir cette fois d’entendre un son et tu n’es pas déçue. Un peu comme l’étranger tu es surprise par le grondement mais ce ne fut pas le cas des soldats qui vous accompagnent et pour ça tu remercies I Emël. C’est à ce moment que tu te rends compte qu’il vous a tendu un piège. Le nieläv charge dans votre direction, se servant autant de ses bras que de ses jambes pour dévorer la distance que vous sépare et un mélange de peur et de fascination te paralyse, tu tiens ton sceptre contre toi ; peut-être est-ce la quantité impressionnante de muscles que tu peux voir rouler sous sa fourrure, ses longues griffes ensanglantée ou bien les bouts de chairs encore perdus entre ses crocs avec des filets de salive qui sortent de sa gueule pour se perdre dans le vent. Ou bien encore son pelage en lui-même composé d’une robe noire avec des extrémités blanches, tu vois également des touches d’argent autour de sa gueule et de ses yeux. Malheureusement, ou heureusement, tu n’as pas le temps de le détailler davantage car si tu n’arrives pas à bouger, c’est le cas d’autrui et tu te retrouves plaquée au sol. Le choc, en plus de te faire mal, chasse l’air de tes poumons et pendant une seconde tu crains de t’étouffer à cause du poids qui t’écrase toujours sur la terre meuble.

Toutefois, à force d’avoir la bouche grande ouverte dans un cri muet tu arrives bien à acheminer un peu d’air glacé jusqu’à tes poumons. Lorsque tu retrouves la force de bouger, tu te rends compte que tu entends les sons alentours comme si tu étais sous l’eau et alors que tu essayes de te relever tu découvres vite pourquoi en voyant une trace de sang sur une racine devant toi. Le monde a beau tourner autour de toi, tu luttes contre tes vertiges et ignores le filet de sang que tu sens couler le long de ta tempe. Difficilement tu avances à quatre pattes pour attraper ton sceptre et tu te retournes tant bien que mal, adossée à un arbre pour commencer à incanter.

Prononcer tes prières à la Mère est plus difficile que prévu et il en va de même pour la maîtrise des flux mais bien vite le blanc de tes yeux se colore de vert et tes tatouages faciaux commencent eux aussi à luire. Ton sort commence à prendre forme alors que de précieuses secondes passent, que tu espères que les guerriers arrivent à esquiver les coups du nieläv déchaîné. Des coups qui commencent à devenir plus lents, plus erratiques alors que tu t’attaques à ses articulations, à ses muscles, pour tétaniser.

Il y eut une seconde de flottement entre le moment où il entendit le rugissement et celui où la créature jaillit entre les branches, fonçant droit sur eux gueule béante. Zaahrian fut étonné de voir comment cette chose avait réussi à les prendre ainsi au piège. Elle était résolue à se mettre l’un d’eux sous la dent même si elle semblait avoir déjà réussi à attraper quelque chose comme le démontrait le sang qui barbouillait sa gueule et maculait ses griffes acérées. Résolu à ce que ça ne soit pas lui, Zaahrian plongea au sol hors du chemin de la bête. Il tomba à travers les branches et les feuillages pour atterrir sur quelque chose de visqueux et malodorant. Zaahrian se redressa en catastrophe pour réaliser qu’il était tombé sur les restants du repas. Pas étonnant qu’il ait décidé de charger si on le dérangeait pendant qu’il mangeait. Impossible d’identifier la carcasse, mais ses entrailles maculaient le sol ainsi que l’assassin. L’odeur sera impossible à faire partir, mais dans l’immédiat, il avait quelque chose de plus important sur les bras.

Zaahrian pouvait entendre des cris et des interjections en langue elfique qui se mélangeaient aux rugissements du niëlav. Il força son chemin à travers les branchages et s’empara de sa dague. Elle faillit lui échapper des mains tellement elle était poisseuse. Jurant entre ses dents, il suivit le vacarme et arriva juste à temps pour voir la créature faisant face aux soldats qui les accompagnaient. Ces derniers semblaient avoir du mal. Ils faisaient tout pour ne pas le tuer, mais dans leur volonté à ne pas vouloir lui faire du mal, leurs coups étaient forcément moins efficaces et ils se mettaient à risque. L’un d’eux reçut un sale coup de ses griffes acérées, mais ses mouvements semblaient moins fluides comme si quelque chose d’invisible entravait ses gestes. Zaahrian regarda autour de lui pour trouver une explication et vit l’elfe assis contre un arbre. Magie. Il roula les yeux. Pourquoi faire autrement? Pourquoi le tuer quand on peut le laisser en vie même si ça implique de mettre tout le monde en danger. Certes, le tuer n’était pas forcément plus facile, mais une fois que c’est fait, il y a au moins la certitude qu’il ne fera plus jamais de mal à qui que ce soit. Bon, maintenant qu’il était là, il n’allait pas rester à l’écart sans rien faire. L’elfe avait besoin de temps pour jeter son sort, alors il allait lui en donner. Le nieläv lui tournait le dos. Il n’avait probablement pas conscience de sa présence, trop occupée par les soldats. Il n’y avait aucun doute que ce qu’il allait faire était incroyablement stupide. Il s’élança sur la créature… et lui donna un magistral coup de pied au derrière. « Hey! Regarde par ici, l’affreux. » Zaahrian y mit toutes ses forces et l’effet fut immédiat. La bête détourna aussitôt son attention des soldats pour se jeter sur lui.

Si la magie n’avait pas commencé à faire son effet, jamais il n’aurait réussi à esquiver le coup. « C’est ça, gros tas de poils, vient jouer avec tonton Zaahrian. » Cet animal était puissant et surpassait tous les adversaires que Zaahrian avait pu avoir dans sa vie. Ce combat lui demandait toute sa concentration, car non seulement il devait rester en vie, mais il devait aussi veiller à ne pas le blesser. Honnêtement, il espérait que l’autre ne traîne pas trop avec son sort, car le nieläv semblait plus affolé encore maintenant qu’il se battait contre lui. C’était peut-être l’odeur qu’il dégageait qui le mettait dans cet état...

Au fur et à mesure que le combat se poursuit ton sort enserre de plus en plus son emprise sur les muscles de l’animal, grippant les articulations. Il en devient plus lent et tu en profites pour augmenter l’intensité de son ressentit de la fatigue. Le nieläv ne mets pas longtemps avant de se rendre compte que dans son état, tout artificiel qu’il est, il ne réussira pas à vaincre la poignée d’adversaires qu’il a en face de lui et que, même s’il y arrivait, il aurait besoin de bien plus de nourriture que ça pour s’en remettre. Toutefois il continue de se battre un moment, surtout pour se frayer un chemin en dehors du cercle de soldats qui l’entoure. Ce qu’il fait sans trop de problèmes étant donné qu’aucun n’a envie de rester sur sun passage même s’il est ralenti ; même s’il est moins fort il reste un animal à la force terrifiante et recevoir un coup, même dans son état affaiblis, ne tente personne. De toute façon c’est bien là l’objectif : qu’il rentre dans son antre au lieu de continuer à ravager la forêt.

Tu maintiens ton sort pendant quelques instants alors qu’il s’en va avant de le relâcher et de t’affaisser une seconde ou deux contre l’arbre auquel tu t’étais adossé. Mais tu n’as pas le loisir de te reposer plus que ça, quelqu’un a souffert de ton choix. Tu affirmes ta prise sur ton sceptre avant de t’en servir pour t’aider à te relever et tu boitilles jusqu’au soldat blessé. Ses compagnons étant déjà en train de retirer son plastron malmené tu mets un genou à terre à côté de lui, il n’y a pas de sang mais tu sais bien que ça ne veut pas dire qu’il n’a pas été blessé, surtout face à un adversaire aussi fort ; tu as eu le loisir d’observer pendant très peu de temps, mais c’était tout de même suffisant, ses muscles rouler sous sa peau et ça ne t’a pas donné envie de te prendre un coup.

Une prière passe à nouveau tes lèvres alors que tu fermes les yeux et que tu poses une main sur le torse nu du soldat après qu’un de ses camarades ait retiré les couches de protections matelassées sensées amortir les chocs. Et tu remercies I Emël qu’il les ait portés, ces protections, sinon tu n’oses imaginer l’état de ses blessures. Tu prends une vingtaine de secondes pour former ton sort avant de le lancer dans le corps du guerrier pour résorber un gros hématome. Tu te relèves en faisant une grimace, autant à cause de la douleur qu’à cause de votre situation. Les soldats te regardent en attendant des instructions et tu pousses un soupire.

« Rentrons. » Ça n’en vaut plus la peine, tu es blessée, un soldat a eu de la chance de ne pas l’être plus gravement et vous n’êtes probablement pas assez pour poursuivre. Tu as déjà mis assez de monde en danger comme ça, inutile de continuer. Le blessé qui souffre encore, tu n’as guéri que le principal, se relève avec l’aide des autres. « Merci de votre aide. »

C’est sans doute trop peu, surtout pour lui.

« Rentrez vous reposer, j’en parlerais à heru Aegden. » Tu te tournes ensuite en direction de l’étranger. « Je vous remercie également pour votre aide. Comment vous appelez-vous? »

Ce fut terminé presque aussi vite que ça a commencé. Alors que Zaahrian pensait avoir un peu d’action, il avait tout juste eu le temps de s’échauffer un peu que la créature abandonnait le combat, comprenant probablement qu’elle ne pourrait pas venir à bout du groupe armé. Voilà une fin décevante. Enfin, personne n’était mort, du coup c’était probablement une bonne chose, mais l’assassin aurait pu rester à l’écart pour les encourager que ça n’aurait rien changé. Il sortait de là avec un pied endolori et les vêtements couverts par les restants du précédent repas du Nielav. Comme il n’allait probablement pas retourner à Alëandir juste pour se changer, il ne tarderait pas à sentir très mauvais.

« Eh bien, ce n’est pas comme si j’avais été très utile. » Fit remarquer Zaahrian sans pour autant se départir de son sourire. « C’est vrai. Avec tout ça nous n’avons même pas eu le temps de faire les présentations. Je m’appelle Zaahrian Las’Danir. Enchanté » Il tendit la main pour serrer celle de la jeune femme pour se rendre compte au dernier moment qu’elle était couverte de sang, de poils et ce qui ressemblait à des bouts de tripes. « Hum… Il se trouve qu’en voulant éviter cette chose, je suis atterri directement sur les restants de son repas. Ça explique probablement son agressivité. Moi aussi, quand je suis affamé, j’ai tendance à vouloir mordre. » Zaahrian essuya sa main sur ses braies. Elles étaient déjà dans un état déplorable, alors un peu plus ou un peu moins ça ne ferait pas une grande différence. Le regard de Zaahrian glissa vers le soldat blessé, encore ébranlé par ce qui venait de lui arrivé, mais toujours en un seul morceau. « C’est passé tout près. Sans cette cuirasse et ta magie, ça n’aurait pas été joli. » Il sourit au soldat et sans savoir s’il pouvait le comprendre, il lui dit. « Tu mérites certainement une double ration d’alcool ou de peu importe ce qui te fera plaisir ce soir. » Il rapporta son attention sur la femme qui, à bien y regarder, ne semblait pas en très grande forme. « Sans vouloir être méchant, tu as une sale tête. Vaudrait peut-être mieux que tu t’assoies un moment. J’ai l’impression que tu as reçu un coup sur le crâne. Il faut se méfier. J’ai vu des hommes se relever sans problème après avoir reçu un choc pour s’écrouler raide mort quelques heures plus tard. »