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 Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers

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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeVen 23 Déc 2016 - 16:50

Le 4ème jour de la 2ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle.
Automne. A Dens.
En rapport avec : Des hommes en colère
& Tout a une fin


« C'est selon moi ce qui se rapproche plus de l'amour, » ricana son cousin Guérim en portant son regard dans le dos de Gaston. Celui-ci se retourna et aperçut le spectacle de Lhéry pourléchant le fond d'une marmite où gisaient les reliefs du ragoût servi plus tôt. Sa tête disparaissait dans le chaudron et sa langue râpait avidement et bruyamment les derniers caillots de sauce. On aurait cru qu'il n'avait pas mangé depuis deux semaines. Il avait pourtant pris trois portions de la souplette. Gaston ria sous cape à son tour avant de frapper l'épaule de son cousin.
« Tu te gausses du futur écuyer de mon fils, mauvais bougre ? »
« Foutrecieux non pas ! Il y a longtemps que j'ai vu une telle dévotion. Si ton homme a cette même ferveur au service de ton fils, tu lui as acquis le meilleur protecteur qui se puisse avoir. Je n'ose même imaginer sa technique appliquée aux femmes... » Guérim gloussa derechef. C'est que Lhéry n'avait rien du bellâtre et peu de jouvencelles lui auraient autorisé de pourlécher ainsi leur marmitte. C'était un homme râblé et grisonnant, un visage laid que les cicatrices rendaient apeurant. Cet Assarois était peu loquace, ce qui était tant mieux : son accent rendait sa diction paresseuse pratiquement inintelligible. Le vieux briscard n'aimait pas discourir et ne savait pas lire. Il communiquait par monosyllabes et ça suffisait aux soudards. La femme était pour lui un (voire trois) trou, le jeu lui était passé depuis qu'il y avait perdu sa ferme, sa retraite, et la boisson le rendait suspicieux et renfermé. Le chien de garde parfait, somme toute.
« C'est heureux que Rochefort cherchait à s'en débarrasser, reprit Guérim sur un ton plus sérieux, j'ai vu sa hallebarde garder du trépas l'un des Emérillons quand nous nous éparpillâmes dans Amblère. Quatre piquiers du Puy avaient crevé sa monture et s'apprêtaient à le finir à terre, comme un chien, quand Lhéry leur fit front à tous. Il hurlait à tue-tête 'Fiottrahaut ! Fiottrahaut !' comme nous les prenions sur l'arrière. Le bougre avait même éclopé l'un d'entre eux avant notre irruption. Tu l'honores en le faisant écuyer et il nous honore en joignant notre maison. »
« Que le Guerrier t'entende, Guérim. Par ma foi, je crois que cette affaire n'est pas mauvaise en effet. Hubert voulait que le jeune Coquelet lui servit d'écuyer, mais que Tyra m'aveugle avant que je laisse mon écervelé de fils faire selon ses foucades. Aux jeunes chevaliers les vieux écuyers, aux vieux chevaliers les jeunes écuyers. Ce matois de Lhéry fera un parfait chaperon. »

Le soleil se couchait, l'air sur la terrasse fraîchissait. Le donjon de Dens projetait une langue de noirceur sur le lac à ses pieds. Les eaux d'Hermesond que n'ombrait pas la tour massive se teintaient de couleurs cramoisies et étincelantes. Quand ils eurent rangé leurs épées briquées et contemplé une dernière fois le lac rouge et noir, les seigneurs rentèrent. C'était bientôt l'heure du manger.

« Gaston ! Gaston ! Des nouvelles ! Des nouvelles d'importance ! »
Géraud arrivait à toute berzingue dans leur sens, un homme visiblement essoufflé sur les talons.
« Et quoi, neveu ? C'est bientôt l'heure du manger. »
« Jérôme, il a renoncé à sa baronnie ! »
« Laquelle, mon neveu, il en revendique tant. »
« Etherna, Gaston, il renonce à Etherna ! »
« Foutrecieux, » s'écria Guérin, estomaqué. Tous l'étaient. « Par les divins, les escapades suderones de ce bougre lui auront finalement servi, c'est Néera elle-même qui guide ce mauvais vassal loin de nous, mon cousin. Il a dû voir Sa lumière et a décidé de prendre le chemin honorable, enfin ! A moins que toi-même tu l'ais convaincu, Gaston ? »
« Non... » fit le marquis d'une voix blanche.
« Il y a plus : il a appelé son frère Guillaume à le remplacer. »
« Peuh ! Ce pendard ne sait vraiment pas soigner ses sorties, tout compte fait, cracha Guérim, qu'il aille se faire embrocher par Brochant, il nous a donné plus que sa part de soucis, le ver. Néanmoins, Guillaume pourrait servir, cousin. Il est de bon sang éthernien et un chevalier endurci à présent. Inversement à son frère, il sait ce qu'est l'honneur... »
«Mais l'homme est marié à la dame d'Outremont, un des plus grands partis serramirois, » rappela Géraud.
« Celle-là aussi peut nous être utile... » sous-entendit Guérim. La marquise abdiquée restait un des grands vassaux de Serramire. Liée au marquisat d'Odélian, elle pèserait d'autant plus à la cour d'Aymeric et pourrait devenir le parfait cheval de Troie des Berdevin. L'idée de mettre un peu de merde dans les essieux de son voisin n'était pas pour dégoûter Gaston, qui n'oubliait pas comment Aymeric avait joué Jérôme et sa voracité contre lui.
« Il y a... plus... » hésita Géraud. Un silence de plomb remplaça le brouhaha. Plus encore ? Jérôme avait-il vendu Etherna aux Ligards ? N'avait-il abandonné Etherna que pour se sacrer roi de tout le nord ? Géraud poussa l'homme essoufflé à prendre la parole.
« Saint-Aimé, seigneur... il est mort. »
« Foutreciel. » C'était au tour de Gaston de jurer.
« Comment ? »
« Sa maladie l'a emporté. »
« Ce colosse ? » Gaston n'y croyait pas. La barrique avait la santé d'un elfe, quelle maladie aurait pu renverser cette montagne faite homme ? Les dieux seuls auraient pu décider de son trépas après les effroyables noces de son fils. On disait de plus qu'il tenait le lit depuis qu'il avait reconnu du bout des lèvres mais publiquement Bohémond, envers et contre tout ce qu'il avait pu déclarer jusqu'alors. La malédiction divine l'aurait donc emporté pour le punir de son parjure. Ou bien quelques gouttes de poison aurait aidé la providence... « Tu as bien fait de venir m'en parler avant le manger... » sourit Gaston.

La mort du marquis de Sainte-Berthilde et le remplacement du baron d'Etherna rebattaient toutes les cartes du jeu. « Guérim, prends quelques hommes et trouve mes clercs, je t'envoie en ambassade à Cantharel. Venez ce soir, nous discuterons. FULBERT ! »
« Monseigneur ? » dit son premier clerc en se traînant vers Gaston, la plume déjà décochée.
« Assieds-toi et écris ce que je te dis. En l'an de grâce neuf du onzième Cycle, en ce quatrième jour de la deuxième ennéade de Barkios, Nous, Gaston d'Odélian, fils d'Hubert des Berdevin, et Madeleyne d'Ancenis, fille de Raymond des Ancenis, marquis d'Odélian, vous saluons. Nous vous convoquons, vassaux et arrière-vassaux de nos marches et contrées, à siéger à Odelia au deuxième jour de la troisième ennéade de ce même mois, afin que vous rendiez le conseil que vous devez à votre suzerain sur les affaires du marquisat et du royaume qui y seront soulevées. Prends tous les cavaliers qu'il te faudra, promets de l'or aux plus véloces et le bâton à ceux qui échouent. Je veux que tous les crieurs des pays d'Etherna et d'Odélian s'époumonent à gueuler ces phrases dans les deux jours qui suivent.
« Bien, à Odelia à présent : remettez une fois cet ordre reçu la garde de Christian au chevalier de Buissondieu, et que la garde soit doublée et fournie de nos chiens. Moi, Gaston d'Odélian, donne blanc-seing au chevalier de Buissondieu afin qu'il investigue sur toutes les personnes de Manoy, de Fort-Bélier et de toutes mes autres dépendances en la ville d'Odelia. Qu'il prenne autant d'hommes qu'il le voudra pour inspecter tous les apothicaires et autres détenteurs de poison de la cité, je veux que la moindre goutte de liquides empoisonnés soit couchée sur les feuilles d'inventaires exhaustifs. Il lui est conféré le droit d'encachoter quiconque de mes gens sur lesquels se porte un doute, même moindre, en attendant mon retour et mon jugement. Indique-leur aussi les nouvelles que nous venons d'apprendre. Et qu'il veille particulièrement sur mes queux... » Et puis, tout bas et dans un murmure. « Dis à Buissondieu de cacher Christian au Gatthoron, personne ne pourra l'atteindre dans ce lieu. Fais-le dépêcher une demi-escouade d'Atouts dans chacun des pays qui avoisinent mes fiefs, d'Olysséa à Isgaard, qu'ils y épient et nous renseignent sur tout ce qui leur semblera utile. »


En rapport : Papieren, bitte...
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeMer 18 Jan 2017 - 18:30

Seconde moitié de la 2ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle.
Automne. A Odelia.



La tenue de cette cour plénière avait été un véritable casse-tête.
Gaston avait été beaucoup de choses dans sa vie. Maréchal, architecte, quartier-mestre, urbaniste, il avait souvent apprécié la teneur logique et logistique de ces activités et s'y était même illustré. Organiser, rationaliser et rationner, tout ça donnait du sens à un monde qui se révélait trop souvent illogique et insensé. Il appréciait ces rares moments où les choses étaient bien ordonnées et ressemblaient plus à un échiquier qu'à un vague amas d'atomes confus. Faire les comptes n'était pas trouvé la pierre philosophale ou pénétrer un secret divin, mais chacun de ces exercices partageait une nature similaire et un but identique, celui de faire la lumière sur les choses, repousser un peu plus le chaos et l'ignorance pour mieux saisir l'ordre du monde. Il n'y avait pas de petite levée de voile pour Gaston. Selon lui, prédire combien de temps tiendrait un stock de vivres était aussi satisfaisant que d'entrevoir les intentions d'une divinité. Du moins c'était assez proche, pensait-il, il n'avait jamais percé les plans d'aucun Esprit jusqu'à preuve du contraire.

Néanmoins, cette fois-ci la tâche était exigeante. L'urgence de la situation l'avait contraint à s'activer pendant des jours qui n'en finissaient pas. A peine fut-il arrivé à Odelya qu'un banc de clercs de l'Intendance l'assaillait déjà. Tous demandaient des estimations, des autorisations, des ordres, des préférences au seigneur, souvent dans le désordre. On n'avait pas organisé de cour de plénière depuis des années, la dame marquise était toujours par delà la mer, dans l'Ancenois, tandis que le grand-clerc Fulbert, qui ne dirigeait pas la domesticité mais dont on appréciait les conseils, était auprès du seigneur marquis quand les préparatifs débutèrent. C'était le bordel. Gaston usa de sa grosse voix pour faire taire la cacophonie, et les choses s'organisèrent.

Il fit venir des bœufs de ses domaines de Ferre et de Dens, acheta tous les poissons que les pêcheurs de l'Ohin et du Crochin purent filer, lança ses fourriers dans toutes les fermes alentours pour y acquérir autant de lapins et de poulardes que les habitants pouvaient honnêtement céder. La bouffetaille n'était cependant pas le problème. Les greniers étaient pleins, et Odelya, un mois plus tôt, avait aisément donné l'assiette à des milliers de gens. La difficulté de cette assemblée était d'abriter ces centaines d'hommes qui venaient causer.

Le manoir de Manoy, la demeure des marquis d'Odélian, était beau et ornementé de merveilleux jardins, mais il n'était pas assez ample pour accueillir une telle chiée de seigneurs et de guerriers. Chacun avait de plus sa propre préférence, détestait au moins un voisin, un cousin ou un beau-frère, et se vexerait si son suzerain l'honorait plus que lui. Là résidait le casse-tête. La dernière fois, Gaston avait pu sans souci loger ses puissants ; les guerriers formant encore l'ost avaient dormi chez l'habitant ou sous la tente, comme ils l'avaient fait pendant la campagne dont ils revenaient. Ici, le nombre de seigneurs doublait, et la durée de leur séjour était imprévisible. On palabrerait pendant des jours voire des semaines. Or, leur donner une chambre, c'était leur reconnaître un certain statut. Tous avaient au moins une fois résidé à Manoy et chacun savait quelle chambre valait quoi.

Devant l'ampleur de l'organisation, Gaston maudit Madeleyne d'être loin de son foyer. Il aurait aimé qu'ils marchent sur des œufs ensemble. L'avantage de son absence, c'était qu'un des plus grands appartements du manoir était disponible. A défaut de sa femme, il convoqua Buissondieu, un de ses Atouts, Orengarde, la tante de Madeleyne et la 'reine des putes' d'Odelia comme il l'appelait, Fulbert, bien entendu, ainsi que nombre d'autres. Orengarde tenait son menton pendant qu'elle réfléchissait dur puis dit.
« Oubliez-vous Dens et Odélian ? Il n'y a pas que vos neveux et cousins là bas ; tous les châtelains et chevaliers de ces terres viendront abuser de votre générosité, après tout, vos vavasseurs ne vont pas décliner l'offre faite de manger les bœufs et les bûches de votre maison. »
« Hum, seigneur, laissez leur maître s'occuper de ses affaires, il choisira ceux qu'il voudra dans sa chambre, les autres qui n'auront pas été pris par leurs seigneurs, nous les enverrons chez les habitants ou sous les tentes. »
« Hourra, ironisa Orengarde, envoyez les chiens courir dans le cellier, le beau projet que vous avez là, Fulbert ! Mettez-les dans mes bordels tant qu'on y songe, cela réduira de moitié les efforçages qui souilleront les honnêtes filles de votre trou. »
« L'idée n'est pas mauvaise, Orengarde, mais j'ai besoin de vos putains au manoir. Je veux que le séjour de tous entre mes murs soit confortable... »
« Mais vous ne voulez pas que toutes ces brutes passent sur vos domestiques. »
« Dame Orengarde, je les veux simplement contents. »
« Vous les voulez bavards ! » Le ton agacé d'Orengarde redressa Gaston et ses yeux allèrent accrocher les siens. Magnifique. Il soutenait un regard intense, peut-être furieux, sans savoir si elle condamnait ou non la manœuvre qu'elle avait si aisément deviné. Il n'en avait cure, happé par le bleu autoritaire et courroucé de ces yeux, il se demandait curieusement s'il arriverait un jour à reproduire les expressions de cette femme.
Et oui, il les voulait bavards.
« Je les veux contents. » conclut-il avant que Fulbert lui permette de détourner son regard. Il semblait avoir une requête.
« Seigneur, à propos du... le sire de Prademont... sa chambre pourrait sans mal accueillir cinquante hommes, peut-être... ses fils sont encore dans les donjons du sire de Velteroc et... leurs fidèles sont morts... peut-être... pourrait-on... le sire de Prademont préférerait peut-être des appartements moins vastes... »
« Tu oses, chien? » Le grondement souleva Gaston de son siège. Le marquis était debout, les deux poings appuyés sur la table. Déjà pas à l'aise avec sa proposition, Fulbert se liquéfiait sur sa chaise. « Tu voudrais, chien impudent, que j'humilie le grand père de mes propres enfants ? Tu voudrais que je récompense ainsi le vassal qui donna à Odélian des centaines de chevaliers et deux enfants sur les champs pourpres ? Dois-je également le nourrir de clous rouillés afin que le vieillard me coûte moins en frais de bouche ? Orengarde giflez cet insolent, s'il vous plaît ! » La bonne femme s'exécuta avec un naturel confondant. Le vieillard s'inclina ; le marquis se rassit mais garda la parole.
« Revenons à nos moutons, ou plutôt nos loups... Buissondieu, triplez la garde, je ne veux aucun débordement sur mes terres. On imposera le couvre-feu sur tout le bourg s'il faut, celui qui déshonorera une bourgeoise sans ma bénédiction, jurez-lui cinq années de guet aux forts Béliers, si je ne les envoie pas se faire dévorer dans Aduram. Et vos enquêtes, comment sont-elles ? »
« Elles sont... fructueuses, monseigneur. » Le front de Buissondieu plissa.
« Bien, nous en discuterons à la chasse. Nous partons après midi demain, vous nous accompagnerez avant de rejoindre vos affaires. »
« La chasse, seigneur ? »
« Oui, la chasse. »

Le lendemain, ils partirent à la chasse.


Le 3ème jour de la 3ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle.
Automne. A Odelia. Soir.





Ils revinrent tard, fourbus et crottés. Mais ils étaient fiers, ils n'arrivaient pas les mains vides. Les carcasses de cerfs et de sangliers étaient chargés sur des mulets et des bœufs. Il serpentait sur le sentier d'âne qui les ramenait vers la colline où était Manoy et ses vergers des dizaines de serfs portant les cadavres vers la demeure du marquis. En tête de la queue leu leu, Gaston et son aîné étaient séparés par un bœuf qui souffrait sous le poids de son faix, la gueule ensanglantée d'un dragon de Makrognos. C'était le joyau de tous leurs massacres. La viande de ce monstre était abondante mais sa chair ne valait pas celle d'un bon vieux cerf. Ca avait un goût de poulet, comme la plupart des lézardiens. Bien préparé, ça restait un mets tout à fait acceptable. Cependant, abattre ces colosses était toujours un fait de gloire, et Gaston comme Hubert étaient impatients de clouer le trophée dans les halles d'Odelya.

Passée la muraille des jardins, la troupe du seigneur fut accueillie par les serviteurs et quelques seigneurs. Chacun se sépara pour rejoindre ses quartiers. Un brin de toilette plus tard, ils rejoignirent les halles. Là le marquis, fatigué par la chasse, salua ses vassaux et après une rapide libation leur donna son hospitalité avant de se retirer. Qu'ils se restaurent et prennent du repos avec sa bénédiction, demain on commencerait à parler des affaires.


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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeMer 1 Fév 2017 - 21:00

Le 4ème jour de la 3ème ennéade de Bàrkios, 9ème année du 11ème cycle.
Automne. A Odelia, au manoir de Manoy. Matin.



Gaston et les siens arrivèrent avec un retard patent dans la grand salle de Manoy. Bons derniers et de loin, ils avançaient jusqu'au fond du réfectoire sans l'ombre d'un sentiment de culpabilité. « Messeigneurs ! » dit un des hallebardiers à la porte assez fort pour annoncer à la presse des seigneurs que ceux qu'on attendait arrivaient. Loup de Rochefort, suivi de son neveu l'écuyer Hubert de Dens et habillé d'une tunique sombre frappée des armes de sa maison, marchait au côté de son beau-frère Gaston, vêtu d'un pourpoint d'un rouge tirant sur le pourpre mais sans ses armoiries. Le lourd collier d'or des seigneurs d'Odélian et Accalon, l'espadon que tenait pour lui son écuyer Hadrien de Rochefort, en disaient bien assez sur son rang. Ils se frayèrent un chemin entre les chevaliers et les seigneurs et sur les tapis moelleux qui recouvraient le dallage pour l'occasion. Ils se dirigeaient jusqu'à l'estrade et jusqu'au dais qui surplombait les cinq cathèdres, celles des quatre assesseurs du marquis et son siège propre, dominant l'estrade même avec trois degrés d'escalier. Aux murs, entre les fenêtres étroites des monstres empaillés les toisaient de leur regard sans vie, des bannières et des armes prises aux quatre coins du monde étincelaient sous la lumière matinale. Et des hommes, des hommes par dizaines, donnaient dans la révérence ou saluaient leur seigneur à son passage.

Arrivé à l'estrade où ses quatre assesseurs se levaient pour le recevoir, il les pria de se rasseoir avant de se retourner vers la salle désormais silencieuse. Il embrassa d'un regard les centaines d'hommes réunis dans sa cour.

« Mes seigneurs, mes chevaliers, et mes dames. » dit-il en lançant une main vers un des rares groupes de femmes assemblés. « Je suis fort aise de vous accueillir sous mon toit. Je vous salue tous et je souhaite que ce séjour à ma cour se déroule dans la concorde et la paix de chacun... Cela vaut pour toi aussi, Gonthier. » Quelques ricanements saluèrent le private joke tandis que l'intéressé, loin au fond, répliqua d'un « Je le jure, seigneur ! » « Mais foin de boutades, les troubles qui affligent le royaume comme mes contrées sont nombreux et graves. Ne nous dissipons pas, car je veux entendre votre conseil sur chacun d'eux. Premier Barde. »

L'un des assesseurs se leva quand Gaston lui donna la parole. Tandis que le marquis s'installait sur son siège, lui s'avança au bout de l'estrade et débuta les propos liminaires.

« Moi, Cagmael Asovia, premier barde de la cour d'Odélian, dis que la première séance de la cour plénière de l'an IX du marquisat d'Odélian est ouverte. Que les divins prêtent leur bienveillance à nos palabres et bénissent les entreprises qui seront seront décidées ; et que tous rapportent les propos qui seront tenus de façon honnête et loyale et qu'ils les taisent si ceux-ci portent grief à leur seigneur, à leur pair ou au marquisat.

L'ordre du jour sera décrété par moi-même, car telle est la coutume, et j'entendrais les demandes de chacun des seigneurs qui le désire, car tel est leur droit. La première partie de cette séance sera échue aux affaires extraordinaires qui soulèvent le pays, qu'il s'agisse des phénomènes magiques ou divins, des terribles événements qui secouent la royauté ou encore des guerres et disputes qui prennent pied hors de notre marquisat. La seconde partie traitera des affaires propres à nos pays et nos conflits et se conclura sur les requêtes qui me seront faites et qui me paraîtront recevables, afin que le marquis tranche les différends. Nous clôturerons cette séance en honorant les dieux comme il est dû. Mais d'abord, avant que tout conseil soit rendu en cette cour, j'appelle à ce que chaque homme présent rende l'hommage lige pour les terres et pour les honneurs qu'il tient de Gaston, marquis d'Odélian et baron d'Etherna. »




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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeVen 3 Fév 2017 - 20:31


La chevauchée fut longue mais plus agréable que prévu. Au départ il devait partager ce voyage avec le seul grand seigneur qui n’était pas ravi de le voir succéder à son frère, mais finalement, Guillaume était accompagné de toute une flopée de nobles têtes et notamment le seigneur de Caerlyn, premier à avoir démontré son soutien envers le cadet des Clairssac. Sans doute cette soudaine convocation du Marquis le soulageait un peu mais l’inquiétait également.  Qu’allait donc annoncer ce bon vieux blondinet ? Pourquoi une telle assemblée ? Pourquoi maintenant ? Alors que Jérôme venait à peine d’abdiquer et que la question d’Etherna et de sa succession n’était pas encore abordée...

C’est la tête en proie à un lourd questionnement que Guillaume arriva au manoir des Berdevins. Il avait hâte de rencontrer Gaston et d’en finir une bonne fois pour toute. D’établir quelque chose de durable, de redorer le blason des Clairssac, d’effacer les erreurs de son frère et de rétablir la confiance tant bafouée entre Etherna et Odélian. Pourtant, sans doute était-il trop optimiste quant à l’idée que Gaston partageait cette envie vu que celui-ci était en réalité absent, parti à la chasse. Il devra donc attendre, espérant toutefois une entrevue en privée plutôt qu’une confrontation devant tous ces nobles qui s’amassaient au manoir.


« Il a vraiment convoqué tout le monde. » s’étonna Caerlyn.
« Chaque seigneur fut appelé. Cela fait forcément un paquet de monde. Attendons donc de voir ce qu’il nous réserve mais j’ai un mauvais pressentiment. »
« Tant qu’il nous annonce pas une guerre… »
« Rien n’est moins sûr Albérik. Venez, allons donc nous attablés. Nous avons tant à discuter. »

Guillaume, accompagné de Caerlyn ainsi que d’une flopée d’autres seigneurs, surtout ceux ayant reconnu le frère de Jérôme comme digne successeur, arriva dans les appartements qu’il partagera sans nul doute. Un messager vint le quérir, lui signalent un premier rassemblement, qui se tiendra en soirée, dans la journée de demain.

« Est-il possible de voir le Marquis d’ici là ? »
« Non messire. »
« Très bien, dans ce cas, j’attendrais. »

Il soupira puis reprit place dans l’un des nombreux fauteuils que comptait la pièce, tous prit par d’autres seigneurs Etherniens.

« Je me demande donc ce qu’il va nous réserver. »
« La question d’Etherna sera abordée, il y a nul doute là-dessus. »
« Certes et c’est bien ce qui m’inquiètes. »
« Ne t’inquiètes donc pas gamin. Il y a certes quelques « bonnes femmes » qui sont réticent à ton égard mais une fois que le Marquis leurs clouera le bec ils feront moins les malins. »

Le vin qui venait d’être servit pouvait se targuer de ne point être de la piquette. Guillaume n’avait pas relevé la remarque de Caerlyn car tout cela ne lui disait rien de bon. Sirotant tranquillement, servit par des servantes à la beauté mystérieuse. Guillaume vit plusieurs de ses confrères s'intéresser de plus près à ces jolies dames.

« Dehors. » Finit-il par lâcher, coupant ainsi la scène qui s’offrit à lui. Tous le regardaient, les remerciements de certains pouvaient se sentir aux regards qu'ils lui lançaient alors que d’autres furent tout simplement stupéfait. « Je ne ferais pas de ces appartements un lieu de dépravation, alors, je ne le répéterais pas une troisième fois ; Dehors. »

Il n’en fallut pas plus pour que les jolies cuisses finissent par abandonner les lieux emportant avec eux deux, trois seigneurs au passage.

« Pfouah, ce manoir a bien changé. »
« Certains hommes n’ont décidément plus aucune morale. Si c'est pour courtiser les servantes, autant aller loger directement dans les bordels de la ville. »

Remonté et largement vexé, Guillaume passa le restant de sa soirée à parler d’Etherna et des éventuels projets qu’il mènerait après l'hiver. Caerlyn et quelques autres seigneurs n’hésitèrent pas à donner leurs opinions. Opinions qu’il écoutait, commentait et acceptait. Il prenait le moindre conseil en considération. La discussion continua encore quelques heures avant que les hommes ne rejoignent leurs lits.

La nuit fut courte mais la journée défila vite. Une fois le soir arrivé, les nobles rassemblés, Gaston fit enfin son apparition. Mais telle une starlette qui aimait se faire désirer, celui-ci ne resta que quelques instants, invitant l’assemblée à profiter de son accueil avant de regagner ses appartements, apparemment fatigué. Une nouvelle déception pour Guillaume qui espérait pouvoir le croiser et lui parler. A croire qu’il devait être atteint de peste pour ne pas susciter l’attention qu’il attendait.

Mais soit, il décida de faire abstraction et de profiter de la bonne bouffe qui s’offrait à lui. Échangeant encore quelques paroles avec Caerlyn mais bien moins formel cette fois. Guillaume raconta ses péripéties, en péninsule et en Itri’Vaan avant de revenir au Pays et de servir son frère. Regagnant sa chambre, le seigneur de Seram croisa quelques seigneurs en manque d'amour, occupés à racoler quelques gourgandines vêtues de l'habit du domestique.


Une nouvelle journée commença et enfin, la cour plénière pouvait débuter. Mais, c’était sans compter sur le retard qu’imposait Gaston, comme si ça lui plaisir de se faire désirer, ce blondinet. Guillaume, lui, attendait patiemment mais bien loin de figurer sur la première rangée, il était, en réalité, entouré de tous les nobles et chevaliers d’Etherna. Même ce cher Romeno avait fait l’effort de se trouver à ses côtés, scrutant la moindre occasion où il pourrait couper la parole au Clairssac. Albérik était également près de Guillaume, attendant tout aussi patiemment.

Cagmael Asovia ouvrit la bouche, annonçant les points qui seront traités durant la séance pour finir par annoncer le renouvellement des vœux et ce, à Gaston, Marquis d’Odélian et Baron d’Etherna. L'étonnement gagna la foule, surtout chez les Etherniens. C’était sans doute ce à quoi ils s’attendaient le moins. Devaient-ils prendre cette annonce au sérieux ? Ou n’était-là que de la provocation ?

« Mais comment… »
« Ne dit rien, Albérik. Ne dit rien. »
« Mais… »
« Laisse. » Insista-t-il.

Et même si Caerlyn finit par répondre aux attentes du jeune Clairssac, ce n’était nullement le cas de Romeno qui voyait là, tous ses espoirs s’envoler. Tout aussi surprit que les autres, il adressa un regard qui en disait long à Guillaume.

« Pas maintenant. » s’était-il empressé de chuchoter, souhaitant en entendre d’avantage avant de prendre la parole. Pourtant, au vu des nombreux regards qui étaient tournés vers lui, la plupart des seigneurs d’Etherna attendait une réaction de sa part, réaction qui ne vint pas, pas maintenant. Il préféra dans un premier temps regarder les nobles d’Odélian venir renouveler leurs vœux auprès du Marquis, car eux-seuls avaient, pour le moment, avaient accepté de le faire.
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeSam 4 Fév 2017 - 13:31




L'étonnement était double dans l'assemblée. Pour surprenante qu'était la prétention du marquis au fief d'Etherna, l'agitation des Odélians venait avant tout de l'hommage lige qui était demandé par le Premier Barde. Les chevaliers et bannerets d'Assar et de Prademont interrogeaient du regard leur suzerain respectif, Loup de Rochefort ou le vieux Foulques de Prademont. Eux opinaient gravement du chef, pas jouasses mais pas surpris. Ils étaient du secret. L'écho de l'hommage-lige de Clairssac au marquis de Serramire se réverbérait soudain dans les esprits de tous. Les cous se tournaient vers le parti éthernien, regroupé en rangs resserrés.

Les premiers à monter sur l'estrade furent les hommes des seigneuries de Dens et d'Odélian. Chacun à leur tour, ils confiaient leur couvre-chef et leur baudrier à celui qui les suivrait pour être tête nue et désarmé devant le marquis. De loin les plus nombreux, ils occupèrent une grande partie de la matinée. Et quand le flot densois et odélian se tarit, Loup de Rochefort prit pied sous le dais, suivi par ses chevaliers et vassaux dans l'ordre de leur prééminence. A mesure que la matinée s'attardait, les guerriers qui avaient juré leur soumission aux marquis avaient tendance à s'écarter du centre de la pièce pour prendre la fonction de spectateurs. Ils assistaient aux hommages qui se suivaient et se ressemblaient, chuchotant des commentaires gais, grisé par ce sentiment libératoire qui suivait l'accomplissement d'une corvée pénible ou l'extinction d'une dette. Mais dix, quinze, vingt, quarante hommes qui chuchotent, ça devient vite le bruit d'un moulin à eau. Le bourdonnement des timbres graves prit de plus en plus d'ampleur jusqu'à ce que Foulques de Prademont fasse un pas vers le siège du marquis. Le Premier Barde ordonna qu'on se taise, l'assemblée redevint silencieuse, tant par curiosité que par respect.

Sa démarche était lente, hiératique. Il s'éleva jusqu'à l'estrade d'un pas énergique. Un allant serein l'habitait, une force tranquille si l'on veut verser dans le cliché. Le seigneur avait bien vieilli cette année. Après le décès d'Orpha, son aînée, il avait perdu sa seconde, Méroflède, deux ans auparavant. Ne lui restait d'enfants que ses fils Raoul et Cléante, prisonniers de Velteroc. Ces chagrins l'avaient rendu chenu en un rien de temps. Pourtant, Foulques aux tempes grises ne se résignait pas, et il le montrait aujourd'hui à ses hommes par sa conduite. Tous connaissaient l'histoire du vieux Foulques en Odélian, et tous savaient qu'il aurait marché à l'échafaud avec le même entrain et la même fierté. Il avançait jusqu'à Gaston la tête haute.

Il était de l'ancienne génération, du temps des Jehan de Rochefort, des Hubert de Dens et d'Odélian. Il incarnait à lui seul la vieille garde, et qu'il fut le plus lourd tributaire des Champs pourpres ajoutait à son charisme de vénérable grand-père. Après le baron d'Etherna et le seigneur d'Assar, il était le plus grand vassal d'Odélian et pour ne rien enlever, sa fille Méroflède avait donné de nombreux enfants à Gaston.

Une fois qu'il eut passé les marches jusqu'au trône du marquis, il voulut mettre genou au sol. Gaston, pour la seconde fois, se leva pour l'empêcher comme il l'avait fait pour Loup de Rochefort. « Il suffit de votre bon vouloir, » dit-il. Jehan eut une moue et fit son serment debout, les mains jointe dans celle de son seigneur comme tant d'autres avant lui.

« Par Eluden, par Iben, par Alm, par tous les dieux et par toutes les déesses, moi, Foulques, fils de Raoul de Prademont, homme libre et noble, je jure d'avoir bon esprit envers vous, Gaston, fils d'Hubert de Dens, et Christian, fils de Grégoire de Dens, ses enfants et ses descendants, pendant la durée de ma vie, par mes paroles, par mes actes, par mes pensées, je jure de tenir pour mes amis ceux que vous tenez pour les vôtres. Quand je découvrirai, entendrai dire, projeter ou exécuter quelque chose contre vous, je jure de le dénoncer et d'être l'ennemi de celui qui aura dit, projeté ou fait quelque chose de cette espèce, de poursuivre et de combattre, sur terre et sur mer, par la justice et par la guerre, celui que vous considérez comme votre ennemi.

Moi, Foulques, fils de Raoul de Prademont, avoue que vos terres et biens du Pas-aux-Pradelles, votre château de Bestil en pays de Caerlyn, je ne les ai en nul autre droit que selon le droit du fief et perpétuellement. Pour eux et pour tous les autres honneurs et bienfaits que je tiens de vous, je vous fais hommage et vous serai fidèle pour votre vie, pour les membre de votre corps et pour l'honneur que vous avez aujourd'hui et pour celui que vous acquerrez dorénavant avec mon conseil. »

Quand il finit de prêter foi et hommage, le Premier Barde s'approcha, le calice dans les mains, et le tendit à Foulques. Ce dernier voulut s'agenouiller une seconde fois, car l'hommage-lige était donné les deux genoux à terre. Gaston accorda à Loup qu'il le donna d'un seul genou mais empêcha de nouveau le seigneur de Prademont de s'humilier. Son beau-père serait le seul à prêter son dernier serment debout.

« Moi, Foulques, choisis librement de me donner à toi, Gaston, comme ton homme lige. Je jure de te soutenir, de t'honorer, de te rester fidèle, de faire de ton malheur mon malheur, ton intérêt mon intérêt, pleinement et absolument, envers et contre tous. »

Il tendit le calice à Gaston, qui en humecta ses lèvres avant de lui offrir de boire. Il but le vin jusqu'à la lie.

« En partageant ce calice, je partage ton sang. »
« En partageant ce calice, je partage ton sang. »

Le Premier Barde reprit le calice. Les deux seigneurs s'embrassèrent.

« Par ce baiser, je partage ton souffle. »
« Par ce baiser, je partage ton souffle. »

Et le Premier Barde de conclure comme cent fois auparavant.

« Le serment prêté devant les dieux est sacré. Nul Homme ne peut le disjoindre et maudit soit celui qui se met entre eux. »

La tension qui avait occupé le silence de la pièce se libéra, et la rumeur des hommes reprit. Tandis que les Prademontais défilaient à leur tour, un brouhaha diffus s'accrut. De plus en plus de regards se tournaient vers les Etherniens, qui faisaient office de corps étranger, retranché les uns aux autres comme ils l'étaient. Et aucun n'avait encore fait un pas vers leur suzerain. Et plus le public des Odélians se désintéressait des derniers chevaliers obscurs qui se soumettaient aux marquis, plus les commentaires fusaient en direction des Etherniens, encore faibles pour l'instant.

La génuflexion n'était pas un exercice agréable pour les fiers nordiques. C'était d'ailleurs tout l'intérêt de la génuflexion. Sur le principe, cela peut être comparé à boire un pot de pisse. Personne n'aime boire de la pisse, pourtant, si la coutume veut qu'on la boive pour montrer sa loyauté au chef, on s'oblige. On rejoint alors la grande communauté des buveurs de pisse. Il est difficile de protester contre la coutume, surtout si tous les autres l'observent. Cependant, ceux qui ne se sacrifient pas à la pratique, ceux qui voient votre humiliation sans vouloir la partager, ceux-là deviennent vite « les autres ».

Et c'est ce qui se passait avec les Etherniens. Un esprit malfaisant et grégaire s'emparait peu à peu de la foule. Le souvenir des rébellions étherniennes se mélangeait au sentiment d'être méprisé par ces derniers, et l'hostilité grandissante qui possédait la masse des nobles se manifestait en des exhortations à aller se soumettre et des invectives. Cagmael, qui n'était pas aveugle ni sourd, prit de nouveau la parole.

« Silence ! Silence ! La matinée s'achève, nous la terminerons sur une ou deux dernières cérémonies avant de déjeuner. Y a-t-il quelqu'un qui souhaite rendre sa foi et son hommage ce matin ? »












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Maélyne de Lourmel
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeSam 4 Fév 2017 - 23:05


Les dizaines voir les centaines de regards qui étaient tournés vers les Etherniens commençaient à devenir pensant. Sans compter les chuchotements qui finirent par arriver aux oreilles des visés. Guillaume observa le comportement des nobles d’Odélian tout en scrutant celui de ses alliés. Une tension palpable naissait petit à petit au sein du groupe Ethernien qui lui aussi, se mit aux messes-basses et aux regards tournés vers ceux qui semblaient être leurs accusateurs.

Qu’avaient-ils fait pour mériter tel comportement venant de ces seigneurs soutenant un Marquis qui n’a point hésité à usurper un titre ?

N’avaient-ils pas fait qu’attendre ? Prenaient-ils cette attente comme une contestation ? Nombreuses furent les questions qui trottaient actuellement dans l’esprit de Guillaume. Si-bien qu’il fut soulagé lorsque le silence fut réclamé. La scène qui s’offrit ensuite à eux avait tout de la banale cérémonie d’hommage, pourtant on sentait une fierté grandissante envahir le cœur de quelques hommes présents.

Vint ensuite l’appel du barde. Les regards des Odélianais devenaient soudainement plus pesant encore, à ceux-ci vinrent s’ajouter ceux des Etherniens, tous tournés vers le cadet des Clairssac.


« Qu’importe ta décision, nous te suivrons. » Susurra Caerlyn. Guillaume se tourna ensuite vers Romeno avant de commencer à s’avancer. Il sentait les regards le suivre alors que les seigneurs qui l’entouraient s’écartaient, laissant libre passage à ses pas qui le menaient tout droit à Gaston.

Il finit par sortir de la marée humaine pour se retrouver seul devant l’estrade du Marquis. Guillaume croisa son regard et pendant un bref instant, il hésitait sur la décision qu’il allait prendre. Jérôme ne lui avait pas confié Etherna pour qu’on le lui chipe d’un simple coup de pute -ou pour assouvir le caprice d’une tête de paille-. Il sait que son frère voulait qu’il défende ces terres, qu’il défende l’honneur de la famille, qu’il serait déçu d’apprendre qu’Etherna leurs était enlevé et… qu’il n’avait rien fait pour empêcher cela. Mais il y avait ce doute qui planait au sein de son esprit et il se devait d'en avoir le cœur net.

C’est en s’écrasant lourdement que le cadet des Clairssac mit deux genoux à terre. Il put entendre les voix de ces seigneurs qui le soutenaient se lever derrière lui. Mais s’il y avait bien une chose qu’il ne pouvait leurs demander, c’est de ployer le genou à sa place. Etherna était vassal d’Odélian, et ce, quel que soit le nom du Baron en place. Et en tant que Baron reconnu par la majorité des seigneurs Etherniens ou comme simple seigneur de Seram, il se devait de prêter ce serment.

L’une de ses mains vint se lever et les murmures cessèrent. Ils étaient dorénavant tous suspendus à ces lèvres.


« Par tous les dieux et toutes les déesses, moi, Guillaume, fils de Barthélémy de Clairssac... » commença-t-il lentement avant d’entreprendre la suite du serment. Plus aucun mot n’était dorénavant prononcé parmi ces hommes qui l’avaient accompagnés, un silence s’était établit de lui-même, comme si chaque seigneur de cette pièce attendait ce moment avec impatience.

«… Moi, Guillaume, choisit librement de me donner à vous, Gaston, comme votre homme lige. Je jure de vous soutenir, de vous honorer, de vous rester fidèle, de faire de votre malheur mon malheur, votre intérêt mon intérêt, pleinement et absolument, envers et contre tous. »
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeDim 5 Fév 2017 - 16:51





Le silence qui accompagna Guillaume marchant jusqu'à son seigneur était différent des précédents. La solennité était de mise, mais l'heure tardive agitait la foule. Cela faisait des lustres qu'on était les uns sur les autres, debout, à l'intérieur. Les uns avaient envie de pisser, les autres avaient un creux, les derniers souhaitaient se dégourdir les guibolles. L'inconfort exacerbait l'incertitude qui tendait la salle toute entière, Odélians et Etherniens confondus. Chacun avait appris confusément les derniers événements d'Etherna. L'abdication de Jérôme avait été comme un pavé dans la mare, une décision d'autant plus incompréhensible qu'elle était tombée soudainement. La mort du marquis de Sainte-Berthilde, le souvenir de l'invasion drow et les vaisseaux langecins croisant au large du littoral ajoutait à l'atmosphère d'instabilité qui pesait sur les Odélians.

Jérôme, avant de repartir pour Serramire, avait fait de son frère le baron d'Etherna, et aujourd'hui, le marquis faisait savoir qu'il ne reconnaissait pas cette transmission. Guillaume était face à un dilemme d'une rare gravité. Le spectre de la guerre civile voletait dans l'air électrique. Guillaume défit son baudrier et monta l'estrade. Le Clairssac et le Berdevin se fixèrent, ils sentaient l'attention de tous les nobles se concentrer sur eux et ce qui allait suivre.

Il passa les trois degrés qui le séparaient du marquis siégeant, le dominant de toute sa hauteur. Il tomba des deux genoux devant Gaston, et ils joignirent leurs mains. Des cris fusèrent de la part des Etherniens, suivis par des exhortations des Odélians, mais le mutisme se rétablit vite. Guillaume débuta la formule, la tension était à son comble. Tous tendaient l'oreille pour écouter les mots décisifs qui allaient suivre, pour entendre le jeune Clairssac déclarer tenir du Berdevin le seul fief de Seram ou la baronnie tout entière. La soumission ou le défi. Quand Guillaume choisit Seram contre Etherna, la tension se libéra dans une explosion de joie. « HOSANNA ! » « LE BELIER FLOTTERA HAUT ! » « DAMEDIEU ! »

« Silence ! SILENCE ! » tonna le Premier Barde et le tumulte se réduisit en une faible rumeur. Guillaume reprit. L'électricité avait été remplacée par un air de liesse diffus tandis que la cérémonie se concluait.

« En partageant ce calice, je partage ton sang. »
« En partageant ce calice, je partage ton sang. »

« Par ce baiser, je partage ton souffle. »
« Par ce baiser, je partage ton souffle. »

« Le serment prêté devant les dieux est sacré. Nul Homme ne peut le disjoindre et maudit soit celui qui se met entre eux !» La clôture du Premier Barde fut saluée par de nouveaux cris. L'agressivité latente s'était transformée en rugissements gais. Guillaume était entré baron d'Etherna, il ressortait seigneur de Seram. Le premier parmi les Etherniens avait rejoint la grande communauté des buveurs de pisse et ses nouveaux pairs lui souhaitaient la bienvenue bruyamment. Le déchaînement d'accolades et d'interjections terminait la matinée. La voix puissante de Cagmael annonça l'ajournement de la session jusqu'à l'après midi tandis que valets et écuyers montaient les tables.

La convivialité perdura pendant les deux heures que dura le banquet. Trois longues lignes de planches, de tréteaux et de bancs formaient en longueur les tablées bondées de l'estrade du marquis et de ses assesseurs jusqu'à l'autre issue du réfectoire. Les mouvements de foule chaotiques mirent à dure épreuve les places qui avaient été assignées à chacun selon leur prééminence. La règle informelle du « qui va à la chasse perd sa place » s'appliquait dans ce repas qui tenait plus du repas de corps de garde que du banquet d'Etat. Les chevaliers qui allaient prendre le frais ou arracher une aiguière à un échanson ne retrouvaient plus leur place, et quand ils commençaient à s'embrouiller avec les hallebardiers du marquis chargés de l'ordre, la voix de Cagmael, qui portait dans toute la salle avec autorité, avertissait le mauvais perdant en prononçant son nom.

Il usait peu de son ton de pédagogue sévère, car les velléités de bagarre étaient rares, elles se noyaient au milieu des chansons et des conversations. Le calme revint quand les tables furent débarrassées, mais quand la cour reprit, beaucoup avaient gardé leur coupe. Malgré les herbes et les encens qu'on avait jeté dans les cheminées, une odeur de viandes rôties et d'épices persista tandis que les vassaux d'Etherna rendaient l'hommage-lige à leur baron, Gaston. Moins nombreux que les autres, l'après-midi n'était pas trop entamée quand les seigneurs étherniens finirent de faire leur soumission. Les palabres pouvaient commencer. Et elles commenceraient sur le roi Bohémond.





Six personnes s'étaient présentées au pied de l'estrade. Malgré les tuniques de bonne coupe que leur avait offert le marquis, ils faisaient tache au milieu de cette assemblée de riches seigneurs. Aucun ne portait l'épée, mais plusieurs hallebardiers les encadraient. Leurs visages bruns et ravinés laissaient penser qu'ils étaient du bas-peuple. Tous avaient donné leur identité et leur occupation, ils étaient des villageois d'un hameau sis non loin de Sharas ; le dernier d'entre eux, le témoin le plus important, s'avançait vers le dais du marquis pour clore les présentations.

« Je suis Gilles « la Truite », fils de Gilles. Je viens de Sharas et je suis pêcheur de mon état. J'ai été invité par messeigneur Gaston pour témoigner de ce que j'ai vu à la fin du printemps de l'an 8 et je jure de dire la vérité devant lui. »
« Tu es le premier à avoir découvert l'épave d'une galère portant le pavillon de la régente Arsinoé d'Olyssea, au dernier jour de la dernière ennéade du Favrius de Printemps de l'an 8, est-ce exact ? » Débuta Cagmael.
« Oui messeigneur, je puis pas jurer de la date, mais on m'a dit que c'était bien ce jour que vous avez dit le matin que j'ai vu l'épave. »
« Et pourquoi penses-tu avoir été le premier à avoir vu cette épave ? »
« J'y parierai pas mes cou... mes bras, messeigneur, mais c'était bien tôt dans la matinée, j'étais parti avant potron-minet car le jusant s'amorçait nuitamment à cette période, à cause de la nouvelle lune, et je voulais profiter des mortes-eaux dès le point du jour. Et puis... il y avait plein d'or, messeigneur, plein plein d'or... Si quelqu'un était passé, y aurait eu moins messeigneur. »
« Et tu dis qu'il n'y avait personne dans l'épave, et que tu ne trouvas qu'un seul corps sur la berge, visiblement un marin qui s'était noyé lors du naufrage. »
« Oui messeigneur, c'est exa't. Il était tout enflé comme les noyés. Il devait être mort depuis au moins la veille, en tout cas depuis de nombreuses heures. A cause que... » Le pêcheur ne trouva pas les mots, alors il mima la bouffissure.
« Le courant avait amené celui-là jusqu'à la côte, mais il n'y avait aucun autre cadavre ? Ni dans la mer, ni sur les berges ? »
« Non, messeigneur. Que lui. Quand moi et Morron on est reparti au village pour prévenir les gens et qu'on revint, il n'y en avait pas d'autres non plus. »
« Et tu es positif sur ce point ? Tu n'as aucun doute, aucun autre cadavre ne flottait à la mer ni n'échouait sur la côte ? »
« Positif de chez positif, messeigneur.  J'ai juré de dire vrai. » Dit Gilles en se tournant vers les autres témoins, visiblement nerveux de parler autant en public. Il tordait son couvre-chef en embrassant d'un regard fuyant les seigneurs qui l'écoutaient dans son dos. « Les autres vous diront comme j'ai dit, messeigneurs. » dit-il à la cantonade.
« Et comment t'expliques-tu cela ? » reprit Cagmael.
« Quoi ? Quoi messeigneur ? J'explique quoi ? »
« Qu'il n'y avait qu'un seul cadavre. »
« Oh ! Fit le pêcheur, visiblement rassuré. Peut-être que c'était rien que le capitaine, celui-là, et que les autres ont pu se sauver sur des barques et des planches... ou qu'ils ont été pris par Tyra ou par les pirates... Ou bien... les dieux pardonnent, peut-être que le Serpent les a mangés... » Tous les pêcheurs se signèrent.
« Le Serpent ? Tu parles du dragon Luin Delth ? »
« Oui messeigneur... » chuchota Gilles en se signant derechef.
« Feu le marquis Godefroy avait prétendu qu'un enfant a été retrouvé près de l'épave, un enfant vivant, qui mourut plus tard du froid. As-tu vu cet enfant ? »
« Messeigneur, je... je sais rien de tout ça, j'ai point vu d'enfançon ni ce jour ni les suivants, sauf vos respects, messeigneur. »
« Godefroy de Saint-Aimé aurait donc profité de ce naufrage pour inventer cet enfant, et pour faire croire au monde que son parent et son roi, Bohémond Ier, n'était pas sous la garde du chancelier Cléophas mais bien sous la sienne. Et que Bohémond était mort sous son toit. » déclara le Premier Barde à l'assemblée. « Et sais-tu pourquoi il aurait menti de la sorte, mon brave ? »
« Je... » balbultia Gilles, visiblement dépassé.
« Sais-tu qui devait hériter d'Olyssea et de Sainte-Berthilde à la disparition de ta suzeraine Arsinoé ? »
« Son... son enfançon, messeigneur, le petit roi Bohémond... »
« Bien, Gilles, très bien. Seigneurs, avez-vous des questions à poser à ces pêcheurs ? »



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Maélyne de Lourmel
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeDim 5 Fév 2017 - 21:26


Le repas servit, Guillaume ne fit que picorer son assiette avant de rejoindre l’extérieur de la bâtisse. Rester une matinée enfermée dans cette salle bondée pour ensuite être amenée à une table où les épaules se collaient plus qu’autre chose avait eu raison de sa patience. Il avait besoin d’espace et d’air frais. Suivit de son fidèle allié Albérick, ils prirent tous deux la poudre d’escampettes pour se retrouver au premier coin de verdure venu. Les jardins n’étaient pas encore pris d’assaut et Guillaume remerciait les dieux pour cet infime instant de tranquillité.

« Pourquoi telle décision ? » Demanda soudainement Caerlyn après un long silence pendant qu’ils marchaient tranquillement pour se dégourdir les jambes.
« Et pourquoi pas ? Cela n’a pas été simple de décider surtout pour toi et pour tous ceux qui m’ont reconnu comme étant digne. »
« Tu aurais du contester. »
« Et amplifier la rivalité déjà existante entre Etherna et Odélian ? »
« Rivalité on ne peut plus cohérente. Tu risques de ne pas en sortir indemne, Guillaume, bon nombre de seigneurs se poseront des questions et te verront comme un lâche. »
« Eh bien, à ces dit seigneurs je leurs dirais qu’en aucun cas, je n’aurais pris le risque qu’une guerre civile éclate aux portes de l’hiver. Et que tout vient à point à qui sait attendre. Je ne suis pas pressé, Albérick. En abdiquant mon frère m’a laissé bon nombre de problèmes et la perte de confiance d’Odélian en fait partie. Je dois caresser Gaston dans le bon sens du poil. »
« Je ne sais pas où tout cela va nous mener. »
« Tu verras bien, Albérick. En attendant, nous devons préparer l’hiver. Sauf si bien entendu, le Marquis nous réserve d’autres surprises. »

Ils continuèrent leur marche jusqu’à ce qu’on vienne les quérir, annonçant la fin du banquet et la reprise de la cour. De retour dans la salle, toutes les places furent prises, il décida donc de rester debout, adossé au mur, près de la porte de sortie. A son arrivée, quelques Etherniens l’avaient rejoint tout comme Caerlyn avait décidé de rester auprès de lui malgré son âge bien plus avancé que le sien.

Un homme fut appelé à témoigner sur le naufrage du navire d’Arsinoé. La question de Bohémond aurait dû être traitée et ce bien plutôt qu’aujourd’hui car la rivalité avec le sud ainsi que la problématique de l’identité du vrai bambin avait atteint le nord il y a de cela plus d’un mois, voire même peut-être plus. Ensuite, Guillaume se demandait si le marquis allait réellement prendre une telle décision sur le simple témoignage de plusieurs pêcheurs que n’importe qui aurait pu graisser la patte. Arsinoé était marquise de Sainte-Bathilde mais son titre, elle l’avait pris au détriment du Saint-Aimé. Il se rendit compte que cette situation ressemblait à la sienne et finit par comprendre ce que devait ressentir actuellement Louis.

Lorsque Cagmael finit par interroger la salle, Guillaume préféra ne pas réagir, laissant ainsi d’autres seigneurs d'Odélian s’exprimer.
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeLun 6 Fév 2017 - 12:52



Si Guillaume se garda de poser des questions aux témoins du naufrage, le reste de la cour n'était pas aussi silencieuse. Les questions fusèrent et se multiplièrent. D'abord il y eut les curieux, car la question intéressait grandement les hommes d'Odélian, puis il y eut les sceptiques. Les villageois, pas si à l'aise que les fils de bonne famille à dégoiser ainsi en public, perdaient leurs mots, et leur voix chevrotante parfois ripait et s'éteignait, laissant le temps aux orateurs de prendre à parti leurs semblables pour lâcher une insinuation perfide. Une des femmes interrogés finit en larmes face à la batterie de questions et les tactiques de déstabilisation des plus acharnés. Ni le marquis ni son Premier Barde ne firent rien pour contenir le flot d'accusations et de ricanements qui plurent sur les malheureux témoins. Rien de concluant ne semblait ressortir des interrogatoires menés par les seigneurs du marquisat, sinon que rien n'était tranché.

Les témoins furent congédiés pour laisser place à des clercs et des bardes qui commencèrent à lire les déclarations des seigneurs de la Ligue et de la Chancellerie, des marquisats du nord et des duchés du sud, ainsi que des rapports sur les événements qui avaient suivi les Champs pourpres et l'incendie de Diantra. Tous avaient plus ou moins lien avec le petit Bohémond. Enfin, quelqu'un lâcha l'argument de la couleur des yeux du roi, et une dispute, longue, si longue, s'ensuivit. Le débat était largement dominé par les Bohémondiens, mais une minorité s'opposait farouchement. Ce camp-là n'était pas profondément sceptique, mais un instinct leur disait qu'ils seraient mieux sans le roi et sans le royaume, à qui ils avaient déjà beaucoup prêté. Odélian dominait ses environs depuis dix ans, pourquoi s'embarrasserait-il d'un boulet ? Peut-être était-il temps de lâcher ce fragile navire avant que les flots ne l'emportent avec eux dedans.

La session se prolongeait et la nuit tombait. Quand le débat s'amenuisa, le Premier Barde leva la séance en promettant que tout cela sera décidé demain, au matin. Le manger s'ensuivit et tous allèrent se reposer.

Le lendemain, la cour s'assembla de nouveau. Gaston demanda l'avis des siens à propos du roi Bohémond. Le Premier Barde donna la parole à plusieurs membres de chaque parti. De nouveau, la majorité allait aux Bohémondiens, mais un chevalier parmi les indépendantistes discourut bellement le dernier. Le marquis arrêta son oncle Cagmael avant qu'il ne donne la parole à un autre.

« J'en ai assez entendu. J'ai reçu les témoins et j'ai lu les traités des différentes parties, j'ai écouté votre conseil sur ces choses et les contradictions que vous avez amené à ma connaissance. Je suis convaincu à présent que ce Bohémond de Cantharel n'est qu'un mensonge ourdi par feu Godfroy de Saint-Aimé, et qu'on n'a retrouvé ni le corps de Bohémond ni celui de sa mère près de la galère dont nous avons parlé. Cela je le tiens pour vrai. J'ignore néanmoins si ce Bohémond de Cléophas est Bohémond des Phyram, notre roi. Ce qui a été rapporté hier m'incline à le croire, mais pour que  mon intime conviction soit emportée, je dois voir cet enfançon de mes yeux et je suis obligé de surseoir ma décision en ce point. Je dois aimer mon roi de tout mon cœur, or tant que le doute subsistera, ne le pourrai. »

Gaston ménageait la chèvre et le chou. Il se laissait surtout une belle marge de manœuvre. Avec les Langecins écumant le golfe olien et les troubles qui rendaient dangereuses les routes de Scylla jusqu'à Etherna, le petit roi était pour ainsi dire au bout du monde. Cela pourrait prendre des mois, voire des années. A la vitesse où allaient les choses actuellement en politique, l'enfant pouvait être mort avant le début du printemps et deux nouveaux seigneurs s'être proclamés rois de leur lopin. Il y avait des affaires plus urgentes et des voisins plus dangereux. Et à ce propos :
« Seigneur ! Gaston ! J'ai une question avant que nous abordions un nouveau sujet, » le seigneur de Prademont s'approcha du centre clairsemé qui servait de parquet aux différents orateurs qui voulant faire entendre leur avis. Le Premier Barde lui donna la parole.
« Seigneur, que penses-tu de ton ancien baron ? Que penses-tu de Jérôme de Clairssac ? »
Il laissa flotter un silence.
« Pourquoi n'est-il pas là parmi nous ? »
Le vieil Odélian se tourna vers l'assemblée, son véritable public.
« Pourquoi ne t'a-t-il pas remis les fiefs qu'il tenait de toi ici-même, au lieu de partir comme un voleur dans les terres de son nouveau maître le marquis de Serramire ? »
Il se retourna de nouveau vers son ancien gendre.
« Dis-nous, Gaston. Sont-ce là les actes d'un ami ? »
Gaston ne répondit rien. L'accusation était tirée.

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Maélyne de Lourmel
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeJeu 9 Fév 2017 - 20:15

La première journée s’acheva avec un Guillaume qui picora une nouvelle fois son écuelle. Si certains ; joyeux, restèrent à table jusqu’à la moitié de la nuit, ce ne fut pas son cas. En réalité, il gagna ses appartements assez tôt. Prenant congé de l’hospitalité de Gaston dès que possible, offrant sa présence au minimum. Même si le bruit des gueulards pouvait arriver jusqu’à lui, la distance parcouru avait au moins pour don d’en diminuer fortement le volume. C’est donc presque en silence que le jeune Clairssac, assis dans son fauteuil, laissa son esprit vagabonder au loin.

Il fut ensuite rejoint par Caerlyn, lui aussi en quête de tranquillité. Les deux hommes échangèrent que peu de mots, tous portants sur un sujet autre que Gaston et la cour plénière. Ils avaient tous deux besoin de parler d’autre chose au vu de la nuit agitée qui les attendait. Elle l’était tellement que le sommeil n’avait point réussit à le quérir, troublé par les derniers évènements. Il en voulait à son frère d’avoir abdiqué si précipitamment, d’être partit ensuite pour Serramire sans offrir une once de soutiens à son frère. Il en voulait à sa sœur, d’avoir fui à la première occasion, il aurait aimé l’avoir à ses côtés, en ce moment même. Guillaume pensa alors à Maélyne, imaginant sa réaction lorsqu’elle apprendra qu’il s’est fait usurper son héritage sans aucune réaction en retour. Sans doute serait-elle en colère mais plus encore déçue. L’homme passa le restant de sa nuit à méditer, à réfléchir, à imaginer ce que le Marquis allait lui réserver de plus.

Au lendemain, c’est avec une mine fatiguée qu’il se présenta une nouvelle fois dans cette salle bondée. Gaston annonça ne pas vouloir prendre de position concernant l’enfant du sud. Cela n’étonnait guère Guillaume qui estima que le Marquis venait de prendre une bonne décision. C’est alors que Prademont prit la parole. S’il y avait une chose qu’il redoutait, c’était bien d’entendre des accusations à l’encontre de son frère. Il se demandait à l’instant où cela allait-il mener. Si son frère allait avoir droit à un procès. Comment allait-il pouvoir défendre l’indéfendable ?

A moins...
qu’il ne le fasse pas.
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeDim 12 Fév 2017 - 16:14



Le silence des hommes laissa le champ libre au réquisitoire de Foulques.

« Jusques à quand, seigneurs, jusques à quand Jérôme abusera-t-il de notre patience ? Combien de temps serons-nous les témoins de sa gloutonnerie ? Jusqu'où l'emportera son orgueil sans frein ? Quoi ! Ni les serments passés, ni la déception de son ami Grégoire, ni la consternation de nous autres, ni les appels de sa dame Madeleyne, ni les malheurs d'Etherna, rien n'a pu ébranler son inextinguible soif de pouvoir !


Ô temps ! Ô époque odieuse ! Toutes ces guerres, tous ces mensonges, tous ces parjures, la cour les connaît, le marquis les voit, et Jérôme vit ! Il vit, que dis-je ? Il envoie son propre frère parmi nous, son frère qu'il a lui-même fait baron, son frère qui a nié ici-même les droits dont Jérôme, dans sa superbe, a voulu spolier Odélian, sans son avis et contre lui. Et nous, prud'hommes que nous sommes, nous croyons faire assez pour la patrie si nous fermons les yeux et demeurons sourds aux échos de sa turpitude. Le comte Anseric essayait contre sa jeune suzeraine d'émanciper ses fiefs et de ravir son marquisat ; une illustre armée se dressa contre lui et punit ses brigues par la mort. Et lorsque Jérôme s'apprêterait à faire du monde une scène de carnage et d'incendies, les marquis ne l'en puniraient pas ! Je ne rappellerai point que le marquis de Serramire Aymeric de Brochant, pour redresser les torts qu'avaient manigancé Jérôme et Arsinoé frappa les fiefs de celui-ci de commise, cet exemple doit être trop lointain...

Il n'est plus, non, il n'est plus le temps où de grands hommes mettaient leur gloire à frapper avec plus de rigueur le vassal infidèle que le plus acharné des ennemis. Aujourd'hui, les faits nous arment contre Jérôme d'un pouvoir terrible. Ni la puissance, ni l'autorité ne manque à notre assemblée. Nous seuls, je vous le dis, nous seuls manquons à nos devoirs.

Eh quoi ! Rappellerai-je à votre mémoire les tribulations de Jérôme, qui, à peine baron, bouleversa nos marches et nos pays ? Le vie encore chaude des rebelles d'Arétria et d'Olyssea finissait d'abreuver les champs de Cantharel, et nous étions rassasiés de guerre. Mais pas Jérôme. Le sang des ambitieux l'avait corrompu d'une ivresse qui jettera tout le nord dans le chaos et le malheur.

Une marquise s'élevait sur le trône de Sainte-Berthilde pendant qu'une autre quittait celui de Serramire. La veuve Maélyne de Lourmel, celle que tu épousas, Guillaume, abdiquait ; Serramire à nouveau demeurait sans chef. C'est alors que Jérôme décida de frapper. Il sella Etherna comme si elle fût son propre cheval de guerre, et dans le secret, à la plus grande stupéfaction et colère de Grégoire son suzerain, partit envahir les terres déjà tant meurtries de Serramire.

Il voulait s'emparer de ces pays par le seul droit du glaive ! Quand notre marquis Grégoire lui demanda quelle mouche l'avait piqué, il argua être parti porter la guerre chez nos frères pour la paix du monde. Il avançait le droit de conquête : le marquisat était faible, lui était fort. Le fort domine le faible, alors il serait marquis. Aidé d'un traître, il avait déjà pris Serramire, et toi-même, Guillaume, tu avais planté le siège devant Brochant, le château d'Aymeric, qui allait devenir pour ton frère son maître.

Car Serramire n'était pas faible. Le vieux lion léchait ses blessures quand Jérôme vint le piquer au cul. Attaqué, acculé, le marquisat s'éveilla et rugit. Jérôme sut qu'il était perdu ; il aurait pu rebrousser chemin et faire amende honorable, mais son ambition ne le dévorait que trop. Il s'avilit à se faire le mercenaire de son nouveau patron. Comme il avait assiégé Brochant pour lui-même et la paix du monde, il assiégea Bastylle pour Brochant et la paix du monde. Lui, vassal d'Odélian, il mit les chevaliers de nos contrées au service d'un homme à qui ils ne devaient rien. Et qu'eut-il à montrer pour cette ignominie ? Le salaire de sa soumission : Bastylle et trois bicoques pleines des barbares des Wandres.

Sont-ce là les actes d'un ami ?

Grégoire mourut. Il laissait à Christian le marquisat en héritage et à nous et Madeleyne le labour de maintenir les biens et les honneurs de notre seigneur comme ils étaient quand son bien aimé père disparut.

De nouveau, un marquis quittait. Un roi était mort à Diantra et un autre était né dans les confins oësgardiens. C'est alors que Jérôme décida de frapper. Les fiefs qu'il tenait du marquis d'Odelian, les fiefs qu'il tenait du marquis de Serramire, auxquels il avait juré devant les dieux fidélité, il les donna à la régente Arsinoé, trop aise qu'elle était de trouver un si turbulent et déloyal seigneur pour servir ses desseins et jeter la discorde dans le nord. L'Ogre d'Atral exultait, son appétit abyssal était comblé, pour l'instant. Le salaire de sa trahison : le beau titre de maréchal et l'Oësgardie en déshérence.

Sont-ce là les actes d'un ami ?

De nouveau, un Berdevin le supplia de revenir à la raison. Comme Grégoire avant lui, Géraud pria qu'il dénonçât son parjure contre Odelian, qui lui avait tout donné. De nouveau, Jérôme refusa. S'il brisait ses serments et se faisait encore la catin d'un seigneur étranger, c'était pour la paix du monde ! L'Ogre avait faim, qu'importe son honneur. Il s'abaisserait à toutes les perfidies pourvu qu'elles rassasiassent son ambition ventrue.

Arsinoé n'était pas aussi sotte que sa créature était gloutonne. Nous parvînmes à ce qu'elle renonce à ses édits scélérats. Mais l'Ogre d'Atral avait excité par son exemple la gloutonnerie de son semblable. L'Ogre du Médian, Nimmio de Velteroc, dévora les nôtres aux Champs de Christabel, où nous perdîmes tant. Comme l'un se repaissait du feu des guerres au nom de la paix du monde, l'autre engloutissait les terres du roi au nom de la grandeur du royaume. Le grand maréchal alla féliciter son frère le grand archiduc dans le pays où gisaient nos pères, nos frères et nos fils.

Sont-ce là les actes d'un ami ? »

Si le silence avait tenu tant bien que mal jusqu'ici, la dernière accusation du seigneur de Prademont souleva la foule d'une certaine agitation. Les rumeurs couraient sur une telle rencontre, mais beaucoup ne voulaient pas imaginer Jérôme de Clairssac pactiser avec Nimmio de Velteroc. La comparaison avec l'ennemi honni était également sujet à ces murmures qui prenaient la presse des seigneurs. L'un d'entre eux, un Odélian qui avait reçu des terres étherniennes de Grégoire et avait fait un bout de chemin dans les campagnes de Jérôme, tenta de s'adresser au vieux Foulques qui s'interrompit.

« Jérôme est revenu aux Berdevin, il a rendu Etherna à Gaston et Madeleyne qui l'ont pardonné ! »
« Il a senti le vent tourner, tu veux dire ! Sa maîtresse évanouie et son semblable trop occupé à déchirer le Médian, il est venu ramper pour qu'on le reprenne ! » répondit une voix.
« Il craignait le courroux des marquis de Serramire et Odelian réunis ! » dit une autre, outragée.
« C'est un ennemi ! » cria un troisième.
« Il a été pardonné ! » martela le premier.
« En échange d'Oesgard ! Et où est Oesgard ? Dans les griffes du corbeau de Brochant ! »
« Pas d'Oesgard, pas de pardon ! Il a trahi encore une fois ! »
« Parjure ! »
« Menterie ! Il a été pardonné ! »
« Traître ! Parjure ! »
« Silence ! SILENCE ! » tonna Cagmael. Le silence revint et Prademont reprit.

« Oui, il avait eu son pardon. Il aurait eu son pardon, s'il avait remis Oesgard à son marquis légitime. Au lieu de ça, il a laissé faire le marquis de Serramire ; pis, il lui a rendu l'hommage lige ! Et à nouveau, Brochant joua des vices de Jérôme et récompensa sa forfaiture en lui donnant un de ces titres qu'il affectionne tant, sénéchal, et lui remit l'Oësgardie. Sont-ce là les actes d'un ami ?

Jérôme s'est servi de nous. La générosité d'Odelian n'a été qu'un marche-pied pour ses ambitions et la fidélité des Etherniens un simple escalier qu'il gravirait jusqu'à ce qu'il trône au plus haut et dévore le nord tout entier ! Vous, seigneurs et chevaliers d'Etherna, vous qui avez été si loyaux à un homme si traître, quelle a été votre récompense ? A Etherna, Grégoire avait creusé des routes et bâti des ports. Il a développé le commerce et il a fait régner la justice, il a amené la prospérité et l'ordre dans la baronnie. Et que reste-t-il de tout ça ? Les guerres sans fin de l'Ogre ont dépeuplé vos fermes, vos champs, jadis si généreux, donnent à peine de quoi vous suffire. Et pendant que vous suiviez les fantasmes de grandeur de Jérôme dans des baronnies ravagées par la guerre, vos propres campagnes furent infestées de brigands. Lui-même a mis sous vos toits, chez vos femmes, des suderons pour vous remplacer et labourer vos terres ! »


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Maélyne de Lourmel
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeDim 12 Fév 2017 - 23:08


Guillaume avait écouté chaque mot qui avait été prononcé avec une redoutable attention. Pourtant à le voir, toujours adossé au mur, la tête baissée, les bras croisés, il donnait l’air d’être totalement désintéressé par ce qui se passait autour de lui. Il n’avait réagi à rien, ni même lorsqu’il a été cité ou lorsque Maélyne le fut. Aucun geste, aucun mot, absolument rien n’émanerait de lui tant que toutes les accusations ne serait pas portées. Il sentait les tentions monter et attendit que Cagmael intervienne, ne souhaitant pas se mettre à aboyer pour qu’on l’entende.

Le silence revenu, le calme rétablit malgré les regards en chiens de faïence entre les seigneurs Etherniens et les seigneurs Odélianais, Guillaume s’avança jusqu’aux pieds de l’estrade. Il croisa le regard de Gaston pour en repérer la moindre réticence quant à une intervention de sa part mais il ne trouva aucun signe. Le Clairssac se tourna alors vers l’assemblée de nobles et plus particulièrement l’accusateur ; Prademont. Il finit par prendre son souffle et commença à son tour, une fois l’attention de tout le monde acquis, par prendre parole.


« Voilà de bien belles accusations. » Commença-t-il sur un ton on ne peut plus calme face à une telle situation où son frère subissait un procès sans même être présent pour pouvoir se défendre.

« Et si certaines sont justifiables, d’autres en revanche sont fausses. Si vous souhaitez tant juger Jérôme, faites-le mais jugez le sur ses véritables torts. » Il fit une pause pour faire quelques pas tout en scrutant les seigneurs face à lui.

« Eh donc ! » Reprit-t-il, toujours en optant pour un ton neutre. « Reprenons depuis le début. Vous souhaitez tous avoir des réponses à vos questions, je vais donc vous les donner. Et pour vous prouver la véracité de mes dires, je vais demander au seigneur de Romeno, de me rejoindre. »

Guillaume attendit que celui-ci se trouve à ses côtés pour reprendre.

« Je vais commencer par un premier point essentiel. » Il s’approcha du seigneur de Romeno et lui demanda : « Messire, pouvez-vous leurs expliquer la véritable raison de ma présence ici, je vous prie? »

Celui-ci, assez agacé toutefois de devoir parler devant tant de monde, se mit à raconter.

« Jérôme nous a tous rassemblé en Etherna, tout comme son Excellence le fait en ce moment même, ici, avec nous tous. Il nous annonça de but en blanc qu’il abdiquait et ce, en faveur de son héritier, son frère, Guillaume. La première chose que j’ai pu remarquer, c’était de la stupeur. Non seulement au sein des seigneurs présents mais également parmi l’entourage direct de Jérôme. » Il leva la main pour désigner Guillaume, qui s’était écarté, portant l’une de ses mains sur ses lèvres tout en écoutant minutieusement ce que disait Romeno. « Guillaume n’était au courant de rien, ni même Dame Mathilde, leur sœur cadette. Les raisons évoquées par Jérôme quant à cette soudaine abdication a été la récente situation politique plutôt ambiguë d’Etherna par rapport au serment lige prononcé par le Baron lui-même à l’encontre d’un autre Marquis que Gaston. Dans la précipitation il a préféré abdiquer de son titre plutôt que de trouver toute autre alternative. Après avoir officialisé cela, il est effectivement partit en Serramire, non pas pour rejoindre le Marquis Brochant mais pour aller se défaire de ses autres titres qu’il a obtenu auprès de lui. Jérôme a donc renoncé à la Baronnie d’Etherna mais renonce également à la régence d’Oësgardie et à son titre de Sénéchal. » Il reprit une pause, avant de reprendre. « Il n’a toutefois pas parlé de ses terres de Froissart. » Guillaume revint doucement près de lui, puis lui posa une autre question.

« Suite à son abdication et à l’annonce de son souhait de me voir le succéder, que s’est-il passé ? »
« Certains seigneurs, plus ou moins les deux tiers du territoire, vous ont immédiatement reconnu comme Baron. D’autres, surtout l’ouest, ont préféré ne pas se positionner pour le moment. Alors que le nord et moi-même, nous nous y sommes opposés. »
« Et pourquoi cela ? »
« Car nous estimions qu’Etherna devait revenir sous le giron d’Odélian, avec à sa tête un Baron qui serait totalement fidèle au Marquis Gaston. »
« Mais encore ? »
« Nous estimions que votre mariage avec la Dame de Lourmel remettait en cause cette loyauté que nous demandions. Que grâce à ce mariage, Serramire aurait toujours un pied en Etherna et donc en Odélian. Certes d’une façon bien moins présente qu’avec Jérôme, mais toutefois bien là. »
« Et que vous ais-je répondu ? »
« Que vous rejoindriez Odélian dès que possible pour vous entretenir avec le Marquis Gaston quant à l’avenir d’Etherna. Que si celui-ci acceptait le souhait de Jérôme de vous nommer Baron, que les termes de votre mariage avec la Dame de Lourmel serait entièrement revus de manière à brider au maximum l'influence de Serramire. »
« Qu’ai-je précisé par rapport au trône baronniale ? »
« Que celui-ci est vacant et que, par conséquent, vous n’acceptiez guère ce que vous a demandé votre frère tant que vous ne vous serez pas entretenu avec le Marquis. »

« Merci, Messire. » Guillaume se tourna à nouveau vers l’assemblée de nobles. « Vous avez donc la preuve que ma présence ici n’est nullement un souhait de Jérôme, que son abdication n’a servi qu’à libérer Etherna de la possible emprise de Serramire et que c’est de ma volonté seule que je suis ici parmi vous en tant que simple seigneur de Seram alors que j’avais en ma possession bon nombre de soutiens. Vous dites que j’ai nié le fait qu’il ait spolié les droits du Marquis concernant la succession d’Etherna, mais c’est faux. Vous avez tous estimez que ma présence ici était en tant que Baron pourtant, me suis-je fait passer pour tel ? Me suis-je fais annoncer comme tel ? Me suis-je opposé au Marquis lorsque celui-ci s’annonce comme Baron d’Etherna ? Non. »

Il reprit une pause, annonçant à Romeno qu’il pouvait regarder sa place s’il le désirait.

« Passons à la suite. Comme dit précédemment, certaines accusations à l’encontre de Jérôme –et de moi-même- sont justifiables. La campagne en Serramire en est une. Néanmoins les raisons évoqués par Jérôme quant à cette campagne sont véridiques. Il souhaitait réellement la paix pour le nord et voir Serramire, principal bouclier du Royaume continuer à se déchirer entre eux représentait pour lui une menace quant à notre sécurité en cas d’attaque extérieur. Je n’ai aucune justification à donner quant à sa décision d’aller assiéger Froissart, voilà donc une réponse que vous aurez et ce, uniquement de sa bouche seule. Quant à son absence, lorsque les crieurs ont atteint la Baronnie, Jérôme était déjà partit depuis longtemps en Serramire. Je ne crois pas qu’il ait reçu la moindre missive, auquel cas, il serait très certainement ici. »

Il prit une nouvelle pause, avant de reprendre.

«  Pour ce qui est de la campagne d’Alonna et d’Oësgard. C’était avant tout un ordre Royal, émanant de la régente, régente que vous avez vous-même soutenu lorsque celle-ci fut attaquée par le Médian. Jérôme n’a été que dupé et utilisé comme simple pion par celle-ci. Il s’en est rendu compte et est ensuite revenu auprès d’Odélian, offrant à nouveau son serment mais aussi son amitié. Ce n’est pas par ambition qu’il a continué sa route vers le nord, auquel cas, lors de sa victoire en Alonna, il n’aurait point fait monter un seigneur local sur le trône baronniale mais l’aurais gardé pour lui-même. Il a même été jusqu’à réclamer un serment pour s’assurer que cette terre, nouvellement conquise par Etherna, renforçant la position d’Odélian. Il continua ensuite sa route vers l’Oësgardie, non plus sous l’ordre de la régente mais sous le vôtre, Seigneur Marquis. » Il s’était retourné, pour faire face à Gaston. « Vous lui aviez donné votre pardon quant à ce que estimiez être une traitrise, en échange, effectivement, d’Oësgard. Mais vous lui aviez également promit votre aide, le soutiens de vos troupes et de vos armes de sièges pour conquérir cette terre désolée. Pourtant... » Il se retourna vers l’assemblée. « Lorsque Jérôme avait conquis la moitié sud de la Baronnie, une nouvelle menace nous est tombé dessus, une menace assez grande qui a su rassembler le nord entier. Nous avons réussi à mettre nos différends de côtés et pourtant, tout aussi ennemis que vous étiez et que vous êtes toujours, vous vous êtes allié à Serramire pour bouter hors de la péninsule tous ces noirselfes.  Mais ce n’est pas cette noble bataille qui m’intéresse ici, mais bien ce qui s’est passé ensuite. » Il reprit une pause. « Pour des raisons encore obscures à ce jour, le Marquis Gaston a renoncé publiquement à ses prétentions sur Oësgard avant de retirer ses troupes de la baronnie pour rejoindre Odélian, laissant Jérôme, l’homme à qui il avait promis son soutiens, seul face à l’imposante armée du Marquis Brochant.

Sont-ce là les actes d'un ami ? »


« Non ! » Entendit on soudaine au fond de la salle.
« Il nous a laissé seul en Oësgard après nous avoir demandé de la conquérir en son nom ! »

Il n’en fallut pas plus pour que les seigneurs amassés dans cette pièce recommencent à aboyer sur les uns et les autres. Cagmael redemanda alors le silence et Guillaume reprit.

« Jérôme a ses torts, j’en conviens et je les reconnais. » Il se tourna une nouvelle fois face à Gaston. « Finalement, la seule chose qu’on puisse lui reprocher, ce n’est que sa naïveté, sa stupidité ainsi que la déception de voir son ami l'abandonner en Oësgard. Mais n’oubliez pas, votre Excellence, que sa dernière action ; son abdication, aura été de libérer Etherna de l’emprise Serramiroise car son cœur est, et restera à Odélian. »

Il se tût enfin et finit par baisser la tête en signe de respect, regagnant alors la place qui était la sienne.
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Gaston Berdevin
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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeLun 13 Fév 2017 - 21:57





La tribune de Guillaume fut saluée diversement. Certains Odélians criaient au mensonge sur l'abandon que le Clairssac reprochait au Berdevin, d'autres riaient ostentatoirement à sa conclusion. La défense de Guillaume pour Jérôme s'était transformé en une attaque contre Odélian. L'accusation qu'il avait exprimé, bientôt rejoint par d'autres voix, que les Odélians avaient manqué à leur parole provoqua un nouveau tumulte, et lorsque Guillaume eut terminé son plaidoyer, le brouhaha reprit de plus belle. Comme d'autres, Gaston s'était crispé. Guillaume avait d'abord nié le parjure dont s'était rendu coupable Jérôme pour ensuite lui reprocher d'avoir manqué à sa parole. Il embrassa d'un regard noir le fond de la pièce où des voix s'étaient jointes aux accusations du Clairssac, caressant sa moustache avec impatience. Il allait prendre la parole mais Prademont fut plus prompt.

« Ainsi Jérôme n'est-il pas parmi nous parce qu'il souhaitait remettre à son suzerain Aymeric les bienfaits qu'il avait reçus de lui. Mais Etherna, la baronnie que lui ont concédé les Berdevin, elle, ne mérite point le déplacement du seigneur de Clairssac. Ne cherche pas d'excuses à ton frère, Guillaume, en n'étant pas à cette cour, il nous méprise ! Un autre à défaut de toi l'aura prévenu de la tenue de cette assemblée, il n'est absent que par dédain.

Il n'est pas là parce qu'il se défie de Gaston, son suzerain. Il ne souhaite point que le marquis fasse de toi, Guillaume, son successeur à la baronnie d'Etherna, il a déclaré devant de nombreux témoins qu'il te nommait le nouveau baron, qu'il avait le pouvoir de dire qui tiendrait ce fief d'Odélian. Après trois ans à s'engraisser sur le dos d'Etherna, il avait oublié qu'il ne tenait cette baronnie que des marquis d'Odélian et de personne d'autre. Eh quoi, me direz-vous qu'il la tient du sang ? Prétendras-tu, Guillaume, que ton lignage fait de toi l'héritier légitime d'Etherna ? Seriez-vous tous les deux les bâtards cachés du précédent baron Borys de Caerlyn, à qui Jérôme succéda parce que le marquis en avait décidé ainsi ?

Mais même pour cela, Jérôme saura trouver un mensonge. Quelqu'un d'autre l'aura forcé à essayer d'accaparer Etherna pour sa seule famille, après tout le bien qu'il y avait fait. Comme quelqu'un d'autre l'avait forcé à récuser ses serments et trahir sa parole tout au long de ses nombreuses aventures. Le malheureux Jérôme ne peut pas répondre de ses actes, car si on l'écoutait, ils ont été tous faits sous la contrainte d'autres. »

Les mots du seigneur mordaient, une nouvelle rumeur parcourut la masse. Et puis Gaston fit un signe à Cagmael, qui demanda à nouveau le silence. Le marquis prit à son tour la parole.

« J'ignore qui vous a renseigné, mais ne croyez pas les paroles d'Aymeric et de Jérôme. Jamais je n'ai promis mon soutien pour Oësgard. Jamais je n'ai délié Jérôme de la promesse qu'il m'a faite de me donner Oësgard.

Si tout le monde a dit sa part, voilà mon verdict. Je considère que Jérôme n'a pas obtenu mon pardon car il n'a pas tenu sa parole. Il n'est dès lors plus mon ami, il n'est pas le bienvenu sur mes terres, et ceux qui jouissent de ses bienfaits, de ses honneurs et de ses biens, ceux-là devront lui remettre tout ce qu'ils tiennent de lui. » Brouhaha de nouveau. «  Mais si ce que vous me dites est vrai, si Jérôme, malgré les apparences, a agi dans mon bien et celui de ma famille, s'il se détache véritablement des fiefs et charges qu'il a d'Aymeric ou d'un autre seigneur, alors qu'il sache que je suis prêt à ce qu'il vienne à moi s'il en fait le vœu et que je réviserai mon jugement s'il me convainc qu'il agissait pour mon bénéfice, au nom de notre amitié passée. En attendant, je prendrai deux otages dans chaque famille qui tient une terre ou un honneur de Jérôme, jusqu'à ce qu'ils renoncent aux terres ou honneurs qu'il tient de lui ou de moi ou que nous soyons à nouveau réconciliés. J'ai dit. »

L'affaire de Jérôme avait occupé la matinée, et on décida d'ajourner la séance pour le manger. Le premier sujet qui vint fut la situation d'Aack. La châtellenie n'avait plus de châtelain permanent depuis la commise et l'exil qui avait été prononcé contre son dernier résident, Aarnis d'Ack. Jérôme, occupé ailleurs, n'avait pas tranché sur la succession, et une valse d'envoyés temporaires avaient jusqu'ici gardé les châteaux de l'Aack. Gaston voulait remédier à cette situation. Il chargea Thibault de Rochefort, le frère d'Assar, et Gilles le Gros, un banneret densois, de s'accompagner de cent chevaliers et deux fois autant de sergents d'armes. Ils avaient pour mission de le représenter dans l'Aack, d'évaluer la situation de cette marche et d'y remettre de l'ordre s'ils le pensaient nécessaire. La question de la succession serait abordée plus tard, lorsque ces deux-là auront pu rendre compte de l'état des lieux.

Vint le tour d'Etherna. De nouveau, Gaston demanda pour des volontaires et choisit une demi-douzaines de seigneurs et de chevaliers du marquisat. Accompagnée de ses hallebardiers des Forts-Béliers, la délégation avait pour mission d'annoncer ce qui avait été décidé par la cour et de préparer la ville à recevoir la venue de leur seigneur dans les ennéades à venir. Il y résiderait pour entendre les doléances et griefs des habitants de toute la contrée et y évaluerait la situation actuelle du pays éthernien. Il annonça dans le courant de ces nouvelles que la réunion du ban et de l'arrière ban prévue pour la sixième ennéade n'aurait pas lieu à Assar, mais à Etherna-la-Ville. Alors on déciderait quoi faire à propos d'Aduram.

Ces déclarations faites, il passa au sujet des taxes. En partant du pays pour rejoindre Odélian et y devenir comte (puis marquis), Grégoire avait mis en sommeil de nombreux droits et taxes seigneuriales du pays, qui représentaient près de la moitié des taxations totales de la région. Le but avait été de stimuler le commerce naissant d'Etherna et politiquement d'acheter la paix des paysans et des bourgeois au détriment des seigneurs. A présent, l'assise commerciale odéliane était stabilisée, il était temps de récolter les fruits des libéralités de son frère et de rétablir ces taxes. Le but était de redonner des ressources pécuniaires aux seigneurs étherniens. L'usure des campagnes et l'absence des pillages avaient creusé les bourses de l'ordre militaire, or Gaston voulait que les osts d'Etherna se reforment le plus rapidement possible. Politiquement, ces libéralités au bénéfice de l'aristocratie n'étaient pas non plus innocentes. Ce thème prit le reste de l'après-midi, chaque Ethernien faisant savoir quelle taxe et quel droit avaient été abrogés par le marquis Grégoire. Le soir tomba tandis que les clercs enregistraient encore les demandes et les prétentions fiscales des derniers seigneurs pour vérification. La séance fut levée, on alla dîner, mais les derniers restaient près des clercs pour rappeler tel ou tel droit.

Après le souper, le seigneur de Romeno fut mandé dans les appartements de Gaston, qui voulait envisager avec lui de le nommer vicomte des provinces du nord d'Etherna. La charge consisterait à exécuter la justice du marquis et d'y appliquer ses lois sur la juridiction donnée. La chose n'était qu'envisagée, mais Gaston voulait que Romeno y pensa afin qu'ils abordent le projet à la prochaine assemblée. Romeno congédié, ce fut au tour de Caerlyn d'être invité à rencontrer en privé Gaston. Le marquis lui fit la même proposition, mais pour les provinces du sud d'Etherna, comme son parent le vicomte Borys de Caerlyn en avait été chargé naguère. Mais Gaston n'envisageait pas cette seule charge pour lui. Si la chose n'était pas encore établie, il lui fit savoir qu'il projetait de l'investir de la baronnie d'Etherna lors de la prochaine assemblée, une fois les états des lieux faits, et voulait savoir ce qu'il pensait de ce projet et s'il arriverait à réunir un nombre de soutiens suffisant pour faire peser sa candidature.






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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeMar 14 Fév 2017 - 18:53


« Foutaises ! » Pouvait-on entendre d’une bouche Ethernienne une fois que Gaston eut terminé d’annoncer son verdict. Décidément, les paroles du Marquis passaient mal. Qu’il nie à ce point avoir laissé les Etherniens seuls en Oësgard n’était pas au goût de tous, c’était même au goût d’aucun Ethernien. Qu’importe la réaction des seigneurs de l’Odélian, les faits étaient bien là et si Gaston continuait d’ainsi nier ses propres actes, ce n’est pas seulement aux yeux des Etherniens qu’il allait perdre toute crédibilité mais également aux yeux du nord tout entier.

« Vous nous avez délibérément laissé pourrir en Oësgard ! Laissant Jérôme seul face au Marquis de Serramire après avoir retiré vos prétentions sur cette terre ! Assumez donc vos actes ! Nous tenions toute la moitié sud, bon sang ! Et vous avez fui ! » Continua le même seigneur, bientôt rejoint par d'autres, tous présents lors de cette campagne Oësgardienne, tous en première ligne tout comme tant d’autres quant au comportement qu’opta le Marquis d’Odélian.

La tension monta une nouvelle fois, mais les Etherniens ne firent pas silence, malgré un appel de Cagmael. La seconde annonce de Gaston vint encore plus leurs arracher railleries en tout genre. Le flou qu’apporta la décision n’aidant pas, bon nombre d’Etherniens possédait quelque chose de Jérôme. Guillaume lui-même avait été nommé Seigneur de Seram par son propre frère. Il planait comme un sentiment d’abus couplé à une crainte que le Marquis décide de reprendre tout ce que bon lui semble.


« Etherna ne vous appartient pas ! » pouvait on distinguer dans la multitude d’échanges. Le ton avait une nouvelle fois monté, la rancœur qui s’était accumulé ses derniers jours se faisait sentir.

« Qu’avez-vous donc fait pour Etherna ?! Il n’y que votre frère qui nous ai apporté des bienfaits ! Vous n’avez rien fait d’autre que de nous envoyer à la mort pour ensuite nous reprendre ce qui nous revient de droit ! »

« Il suffit ! » Cria une bonne fois, Guillaume, jusque-là resté en retrait à l'encontre des Etherniens. « J’en ai assez entendu. »

poursuivi-t-il. Le Clairssac était lui aussi touché par cette soudaine colère à l’annonce de cette prise d’otage. Il avait ce sentiment d’avoir été écrasé, rabaissé plus bas que terre et sentait qu’il était sur le point de tout perdre. C’était inacceptable pour lui que d’autres personnes soient ainsi jugées sur les simples actes de son frère. Guillaume s’attendait à ce que Jérôme soit sévèrement puni, pas qu’il risque lui-même d’être privé de ses titres et terres. Pas que des otages soient ainsi mit en jeu contre titres et terres. Cela ne lui plaisait pas. Jérôme était sans aucun doute coupable de certaines choses mais pas lui et certainement pas les autres seigneurs Etherniens. De plus, voir Gaston purement nier sa faute commise en Oësgard avait de quoi lui donner la nausée. Le but du jeune Clairssac était de réunifier, de retrouver une confiance absolue et de renforcer les liens entre le Marquisat et la Baronnie au vu de la menace latente qui planait sur Odélian.

Gaston venait de tout gâcher.

S’en était trop. Certains prirent la porte, quittant ainsi la salle dans laquelle ils étaient réunis. Celle-ci fut bientôt vidée des seigneurs Etherniens. Seuls Romeno et quelques seigneurs du nord étaient restés. Seuls ceux-là furent présent le restant de la journée. Même au repas du soir, la place libérée par les absents se faisait cruellement sentir et pour cause, ceux-ci étaient simplement en train de préparer leur départ.

En soirée, les chevaux scellés et les seigneurs prêts, Caerlyn fut invité dans les appartements de Gaston. En chemin, il croisa le seigneur de Romeno, sourire aux lèvres. Celui-ci venait d’accepter la proposition faite par le Marquis. Caerlyn continua d’avancer, sans lui adresser le moindre regard, pour lui, cet homme n’était qu’un pantin du Marquis, installé en Etherna pour étouffer encore un peu plus la liberté de ces terres qu’il disait sienne.

Une fois face au Marquis, il procéda aux salutations d’usage, puis écouta ce qu’il avait à proposer, tout en restant debout. Malgré l’annonce de faire de lui le Baron, cela n’étonnait guère le vieil homme. Caerlyn faisait partie de l’ancienne lignée des barons, de celle que Gaucelm lui-même avait matée. C’était là une belle carte que jouait le Marquis. Rendre à César ce qui appartenait à César tout en ôtant ainsi le principal appui de Guillaume. Pour autant, Caerlyn n’était pas certain de vouloir être le Baron de Gaston au lieu d’être véritablement celui d’Etherna. Il fallait dire que le Marquis avait beaucoup déçu aujourd’hui, il ne voulait pas être un simple pantin que le Gaston remplacerait au moindre caprice.


«  C’est une information que je ne peux vous fournir maintenant. Romeno ne semble que s’intéresser qu’à son propre profit personnel. La blessure de l’ouest causé par la commise et le bannissement de leurs seigneur est encore une plaie ouverte. Ils seront méfiants, aussi bien face à un Ethernien qu’à vous-même. L’est et le sud sont de fervents alliés des Clairssacs. » Il fit une pause. « Je ne suis même pas en mesure d’être certain de réellement vouloir ce poste. » Il avait insisté sur le dernier mot, car c’était bien là ce que le Marquis lui proposait. Pas un titre, pas de terres, pas d’honneur mais bien un simple poste. Quelque chose qui se pouvait d’être retiré comme un simple jouet des mains d’un enfant.

Caerlyn prit congé du Marquis pour ensuite rejoindre la cour et son étalon. Guillaume vint le trouver, lui aussi déjà en selle. Ils échangèrent un regard qui en disait long puis enfin le Clairssac se mit à rire.

« Ce qu’il t’a proposé te chamboule fortement on dirait. »
« Il veut me faire Baron. »
« S’était à s’en douter, et c’est plutôt intelligent de sa part. »
« Une fois rentré, je lui ferais parvenir de jolies marionnettes. J’y ferais graver un petit mot d’amour, Cela devrait lui plaire. »
« Je te reconnais bien là. » Reprit Guillaume avant d'émettre un nouveau rire. « Mais plus sérieusement, réfléchit-y. Tu mérites d’autant plus cet honneur que n’importe quel autre Ethernan. »
« Pfah ! Le jour où je deviendrais le pantin d’Odélian n’est pas encore arrivé ! Ce marquis n’est pas le suzerain d’Etherna et ne le sera jamais pour moi ! Je suis de la vieille école Guillaume et tu connais ma position. »
« Oui je sais. »
« Tu souhaitais un rapprochement d’Odélian et voilà ce que tu reçois en retour. Que du mépris. Il serait peut-être temps d’envisager de revenir aux sources. »

Guillaume ne répondit pas. Si Caerlyn avait une opinion bien ferme à ce sujet, ce n’était pas le cas du Clairssac. D’un coup de talons, les deux hommes suivit de plusieurs dizaines d’autres seigneurs Etherniens quittèrent l’hospitalité de Gaston –si toutefois ceux-ci n’étaient pas retenus-. Les seuls finalement à rester sur place fut Romeno et les quelques seigneurs du Nord d'Etherna.


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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeVen 17 Fév 2017 - 13:56




« Silence ! SILENCE ! » Pour la première fois, les appels au calme de Cagmael n'y faisait rien. Certains Etherniens commençaient déjà à faire retraite vers les portes. « Vougiers ! Gardez les portes ! Personne ne quittera cette assemblée tant que la séance ne sera pas ajournée ! » Les gardes aux portes s'interposèrent au mouvement de la foule, bien vite rejoint par des Odélians et des Etherniens tout aussi échauffés. De nouveaux éclats de voix parcoururent les voûtes de la grand salle puis les cris s'éteignirent. Le silence se fit..

« Que les hommes tenant un fief de Gaston et un fief de Jérôme s'approchent. » manda le Premier Barde. Personne ne fit un pas. L’étonnement étourdit l'assemblée et Cagmael. « Aucun parmi vous présents n'a été fieffés dans le domaine de Froissart par Jérôme ? » Personne. Aucun Ethernien en tout cas ne fit un pas. Certains ricanèrent. La seule chose qu'avaient reçu les Etherniens des longues et nombreuses guerres dans lesquelles s'était enfoncé leur ancien baron, c'était des fiefs oësgardiens, et de la main de Serramire avec ça. « Bien, dit Cagmael encore légèrement décontenancé voire sceptique, dans ce cas, aucun otage ou aucune mise sous séquestre de fief ne sera requis... »

Gaston était resté impavide durant les échauffourées qui avaient eu lieu. Assis sur son siège, il gardait son rôle de statue, mais ses assesseurs pouvaient sentir une tension nouvelle l'habiter. Un moment, au plus fort des disputes, il s'affaissa un moment, le front dans la main, avant de vite se reprendre. Quand le Premier Barde eut terminé sur le sujet des otages, le marquis lui fit signe de s'approcher pour lui glisser quelque chose à l'oreille. Cagmael hocha la tête avant de retrouver sa place aux extrémités de l'estrade et du dais. Il demanda à ce qu'on amène ceux qui avaient rejeté l'autorité de Gaston sur Etherna.

« Qui es-tu, chevalier ? »
« Je suis Guison de Crey. »
« On t'accuse d'avoir soutenu qu'Etherna n'était pas mienne, est-ce vrai ? »
« C'est vrai ! »
« Alors tu es convaincu d'avoir trahi ton seigneur et rompu le serment sacré que tu as fait par devant les dieux. Tu es félon et parjure... » Le marquis demanda quelle punition devait être réservée à ces crimes. Des voix, parmi la rumeur, crièrent qu'ils étaient punis par la mort.
« Pour cela, je te condamne à la mort, Guison de Crey. Les biens que tu tiens de moi seront saisis et ton épée sera brisée pour toujours. Tu seras décapité sur la place publique de la ville d'Etherna, que les dieux aient pitié de toi. »

Sur l'ordre de Gaston, des hallebardiers emportèrent le chevalier dans les geôles tandis qu'un autre homme, inculpé des mêmes accusations, s'approcha à son tour. Ceux qui se rétractaient ou niaient étaient libérés, ceux qui soutenaient que leur seigneur était illégitime étaient condamnés aux mêmes peines que Guison de Crey. Quand la file des accusés fut vide, le marquis se leva de son siège et demanda si d'autres soutenaient qu'Etherna ne lui appartenait pas. La grogne éthernienne avait persisté sans qu'ils n'osent briser leur serment, à la grande stupéfaction du marquis et de ses fidèles. Guillaume de Clairssac, se fit de nouveau la voix de la raison et essaya de calmer les chaleurs des Etherniens. Seuls deux chevaliers avaient décidé d'embrasser le sort de Guison de Crey, le parjure et la mort.

L'après midi fut tendue, tout comme le soir. Les provocations des Etherniens étaient restées en travers de la gorge du marquis, qui commençait à soupçonner que cette race-là avait le vice dans le sang. La tiédeur du seigneur de Caerlyn finit de rendre Gaston méfiant. Malgré ce camouflet, il joignit Caerlyn près de lui à sa table pour marteler sa demande le lendemain, tout en considérant l'ironie de sa situation. L'homme qui faisait le plus grand cas de l'autorité du marquisat n'était nul autre que le frère de celui qui avait défié tant de fois le pouvoir des Berdevin, Guillaume de Clairssac. Le seigneur jouissait de la popularité nécessaire pour être le futur baron, il avait de plus l'expérience des armes. Mais il portait le nom de Clairssac, il s'était bien gardé de dire son frère félon et, pis, dans son dernier défi, Jérôme avait déclaré à tous qu'il était le seul baron légitime d'Etherna. Le faire baron après son frère créerait un précédent néfaste pour sa maison. La baronnie d'Etherna, par ce geste, deviendrait fief héréditaire des Clairssac, du moins c'est ce que d'aucuns revendiqueraient, et les marquis perdraient leur droit de nomination sur cette baronnie qu'ils souhaitaient garder perpétuelle ou devraient combattre pour le maintenir.

Cet amer constat, que lui avait rappelé Cagmael, retint Gaston de convoquer Clairssac. Le lendemain de cette matinée funeste où il avait dû condamner trois de ses hommes à la commise et la mort, il pressa Gilles le Gros et Thibault l'Archer et leurs chevaliers à triple-galoper jusqu'à Dens pour y lever les piétons et provisions qui les serviraient dans l'Aack, et salua la délégation qu'il avait réuni pour aller annoncer sa venue à la ville d'Etherna et y préparer son séjour.

Après deux jours où des litiges principalement odélians se succédèrent et se rassemblèrent, et au huitième jour de la troisième ennéade, Gaston envoya la majorité de cette cour plénière en la ville d'Etherna, sous le commandement des seigneurs d'Assar et de Romeno. Elle y escorterait les trois prisonniers et attendrait le retour de Gaston, où il adouberait son fils et son neveu, jugerait les affaires en souffrance et évaluerait l'état d'Etherna avant de prendre une décision sur la baronnie d'Etherna. Pendant ce temps, le marquis partit pour l'Aduram pour la chasse qui devait précéder l'adoubement d'Hubert Berdevin et Hadrien de Rochefort, invitant à les joindre une trentaine de chevaliers, dont les seigneurs de Caerlyn et Seram ainsi qu'une dizaine d'Etherniens qu'il espérait faire participer à la colonisation de l'orée d'Aduram.


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MessageSujet: Re: Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers   Des vieux écuyers et des jeunes chevaliers I_icon_minitimeDim 26 Fév 2017 - 11:38

La décision de mise à mort de ces trois chevaliers fut fortement mal accueilli auprès des Etherniens et pas seulement ceux soutenant Guillaume. L’un des chevaliers concernés était apparenté à un seigneur de l’ouest et si celui-ci ne s’était pas permit de pousser une gueulante comme les autres, son regard s’était néanmoins noircit. La neutralité qu’ils avaient opté jusque-là perdait peu à peu de sa force. Que le Marquis décide d’envoyer trois cents de ses hommes pour sécuriser ce coin du pays avait été bien accueillit, mais la démonstration d’autorité qu’il venait de faire ne leurs plaisait guère. Décider ainsi de la vie ou de la mort d’un homme suite à de simples mots échangés était outrepasser les droits qu’un suzerain a sur ses vassaux.

Les jours qui suivirent étaient tendus, les Etherniens s’étaient mués dans un silence docile. Que pouvaient-ils faire d’autre de toute façon, vu qu’ils étaient tous retenus contre leurs grès. C’était ça, ou les geôles, c’était ça ou la mise à mort. De quoi faire perdre encore un peu de popularité à ce bon vieux marquis. Le jour enfin venu, l’ordre fut donné de rejoindre Etherna-Ville et Gaston invita bon nombre d’Etherniens à le suivre en Aduram pour y organiser une chasse. Caerlyn refusa poliment, prétextant que son vieil âge ne lui permettait plus de telles folies qu’était une chasse dans une forêt si dangereuse. Guillaume accepta et décida de partir aux côtés de Gaston tout comme la moitié des autres Etherniens invités. L’autre moitié déclina tout comme Caerlyn, préférant attendre leurs « suzerain » à Etherna, ayant que très peu appréciés le fait d’avoir été privé de liberté.

En quittant ainsi Odélian, Guillaume partit avec la troupe de la tête de paille alors que Caerlyn suivait le convoi se dirigeant vers Etherna. Les seigneurs de l’ouest rentrèrent chez eux, préparant ainsi l’arrivée des renforts du Marquis.
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