[Missive]De l'or sous les pieds

A Son Altesse Tiberia de Soltariel et son époux Franco di Celini
à Soltariel en son Palais

Dixième année du XIe Cycle
Sixième jour de la 2e ennéade de Karfias
de Missède

Vos Altesses,

Je me permet de vous contacter au sujet des intensions d'alliance commerciales dont vous avez fait part au conseil de régence de notre estimée terre suzeraine et en particulier vos idées concernant la route d'or.

J'aurai préféré pouvoir vous en parler de vive voix au côté de mon époux, mais le climat et nos obligations nous empêchent de prendre la route pour l'heure. Ceci est la deuxième missive que je rédige à votre endroit et n'ayant pas eu de réponse à la première, je ne peux qu'espérer qu'elle parviendra à destination.

Mais parlons bien.

Missède et Langehack ont déjà nombre de contacts dans les murs de Diantra grâce au rôle que nous avons joué dans l'approvisionnement de ses greniers depuis le printemps dernier. Nous avons également des relations cordiales avec les forces de défenses fidèles à Diantra étant donné les efforts que Langehack et Missède ont fournis pour maintenir l'ordre et protéger le patrimoine culturel de notre Capitale avant que la régence n'exige sa restitution comme preuve de notre bonne volonté alors que nous ne voulions que prêter serment à notre bon roi Bohémond. Depuis que nos troupes se sont retirées, nous regrettons autant que les riverains de ne voir que de faibles tentatives d'amélioration de la condition d'une cité qui reste dans le cœur des hommes le point central de notre rayonnement et de nos alliances passés.

Par conséquent, votre proposition nous parait doublement intéressante. Pour nous, mais également pour Diantra, le commerce le long de l'axe d'or a tout intérêt à être maintenu et même intensifié.

L'hiver touche bientôt à sa fin, du moins nous l'espérons, mais il nous aura rappelé à quel point les aléas de la vie peuvent nous prendre de court. Même déblayée de temps à autre, la route d'or n'est pas des plus praticable et nous ne pouvons mettre plus d'hommes à disposition pour une voirie dont nous ne sommes plus certains de la rentabilité. C'est pourquoi nous sautons sur l'occasion pour vous proposer un partenariat afin de rénover la totalité de cette route mais également la rendre incontournable malgré des taxes que nous devrons y instaurer pour l'entretenir.

Pour cela, plusieurs points nous paraissent importants :

• la rénovation de la voie elle-même une fois que le sol aura dégorgé de son eau à la fin du printemps.
  
• l'établissement d'une quinzaine de postes de gardes fixes tout le long de la route, espacés chacun d'environ deux journées de marche et qui pourrons servir de relais en cas d'urgence.
  
• la mise à disposition d'espaces taxés sur lesquels nos gens pourrons bâtir auberges et commerces pour les voyageurs tout en bénéficiant de la protection mise en place pour la route.

Si vous prenez en charge l'entretient jusqu'aux portes de Diantra donnant sur le sud, nous pourrions pourvoir à tout à partir de la porte Est de la capitale.

Comme vous le savez, nous maintenons actuellement des péages contribuant à l'entretient de la route et à sa sécurité sur chacun des ponts permettant de traverser le Garnaad vers Edelys et Missède ainsi qu'à l'entré de chacune de nos villes, en plus des taxes commerciales habituelles. Nous sommes également prêt à discuter de leur abaissement pour les marchands affiliés à certaines guildes de Soltariel.

Voilà quelques ébauches que nous pouvons déjà faire mais notre situation évoluera surement d'ici le printemps. J'espère que vous y trouverez assez d'intérêt pour entamer de plus amples discussions. Si c'est le cas, nous nous rencontrerons je pense dès que le vent le permettra, pour établir plus facilement les détails commerciaux et la carte exact des constructions.

Puisse le temps vous apporter prospérité et bonheur,

Votre obligée,
Cécilie de Missède, Comtesse de Missède

À la comtesse de Missède Cécilie de Missède et son époux Ernest de Missède

Septième jour de la troisième ennéade de Karfias,
dixième année du XIe cycle

Comtesse,

J’ai bien peur qu’il y ait eu un accident avec le précédent messager. Son cheval a pris peur, envoyant le pauvre homme au sol. Il aurait dégringolé dans une ravine où il serait resté une journée entière avant d’être trouvé par des paysans de la région. Il s’en est sorti avec un bras cassé et des contusions à la tête. Dans sa chute, le sac contenant les missives s’est ouvert et certaines ont été perdues, dont la vôtre. Malgré nos efforts, personne n’est à l’abri de ce genre de mésaventure. Heureusement, il s’est entièrement rétabli depuis.

Malheureusement, il faudra bien plus que les efforts de Langehack et de Missède pour redonner à Diantra son lustre d’antan. J’ai visité la capitale il y a quelques mois. Je devais me rendre à la cathédrale afin de régler une affaire personnelle et j’ai été sous le choc de retrouver une ville qui était bien différente de dans mes souvenirs. La misère est partout dans les rues. Les grandes demeures sont désertées de leurs propriétaires qui attendent le retour du roi et de sa cour. Je suis toutefois surprise d’apprendre que vous ayez eu le contrôle de la ville. Je la pensais sous le contrôle de Blanche d’Ancenis. C’est donc une excellente nouvelle, alors que mon époux et moi craignons de voir d’éventuelles caravanes de ressources pillées par des troupes ennemies.

Dès le lendemain du mariage (je soupçonne même qu’il ait commencé avant), mon époux Franco s’est lancé dans une importante restructuration de l’économie du duché. Son sens des affaires est indéniable et il sera un atout non seulement pour Soltariel, mais également pour nos alliés. Je suis sensible à vos recommandations. Naturellement, cette route attirera l’attention des brigands désireux de mettre de la main sur les cargaisons que transporteront les marchands. La sécurité doit donc être importante et pas seulement l’affaire de Soltariel. Nous acceptons donc de prendre en charge la réparation et l’entretien de la route jusqu’aux portes donnant sur le sud de Diantra dans la mesure que vous ferez de même pour votre partie. Quant aux péages et autres taxes commerciales, nous sommes également prêts à négocier des tarifs réduits pour nos partenaires commerciaux à condition, bien entendu, que nous puissions également profiter de certains avantages. Une rencontre officielle sera nécessaire afin d’établir formellement les conditions de l’accord.

Dans un tout autre registre, j’en profite également pour vous inviter à un grand bal que j’organise pour célébrer la fin de l’hiver et le retour du printemps. La saison froide a été pénible pour tout le monde et rien de mieux qu’une grande fête pour chasser la morosité ambiante! C’est une décision que j’ai prise à l’instant après avoir levé les yeux de mon bureau et vu par la fenêtre ce même ciel gris qui s’éternise depuis des jours sur Soltariel. Le soleil est le symbole du duché et ça me semble de moins en moins approprié à mesure que les jours passent. Mon époux n’est pas encore au courant, mais peu importe, ce bal aura lieu le jour de Kÿrianos de la neuvième ennéade de Karfias. J’attends le plus tôt possible la confirmation de votre présence ou non. Entre-temps, j’informerai mon époux de la tenu de ce bal et enverrai le restant de mes invitations aux grands nobles du sud. Voilà une belle occasion de nouer des relations!

Au plaisir de vous rencontrer et que les Cinq vous protègent.

Tibéria de Soltariel, duchesse de Soltariel

Le sourire qui s'était peint sur les traits de Cécilie en entendant Rose lui lire la réponse de Soltariel au coin de l'âtre avait été parlant. Très loin d'être moqueur, elle en était même sincèrement attendrit. Ce n'était certainement pas ainsi que voulaient être considérées les grandes dames, et jamais Cécilie ne lui ferait l'insulte de le dire à voix haute, mais la sérénité et la jeunesse candide qui se dégageait de sa réponse était particulièrement douce au cœur de la Comtesse.

Après les meurtres, les trahisons, les complots et les deuils qui avaient pavé son accession au pouvoir Comtal, elle avait parfois du mal à se souvenir que certains, dans ce jeu immonde, n'étaient pas encore pourris de l'intérieur. Cette femme rayonnante et spontanée semblait faire parti des quelques licornes de la Péninsule et c'était un véritable plaisir.

Son visage rôtissant toujours à la chaleur des braises, grattant quelques cordes d'une petite lyre tout en laissant les doigts encore maladroit d'Azula démêler sa bien trop abondante chevelure auburn, Cécilie écoutait avec attention les nouvelles du jours et les contenus des lettres reçues la veille, comme tous les matins. Rose reprenait parfois quelques passages, mais sur cette lettre en particulier elle n'avait eu qu'à la lire une fois d'une traite pour que son amie de toujours lui demande de noter l'importance d'une réponse pour le lendemain matin, dès qu'elle aurait eu une discussion avec Ernest concernant le bal et qu'elle l'aurait mis au courant de la bonne nouvelle de l'enthousiasme des Soltaris à l'idée de leur collaboration.

A Son Altesse Tiberia de Soltariel et son époux Franco di Celini
à Soltariel en son Palais

Dixième année du XIe Cycle
Quatrième jour de la 3e ennéade de Karfias
de Missède

Vos Altesses,

Vous me voyez ravie d'apprendre que le messager à survécu et je vous remercie de lui avoir donner l’hospitalité le temps de sa convalescence. Chaque Missèdois est cher à mon cœur.

Jadis, j'aurai sûrement même ajouté que chaque vie était précieuse, mais l'expérience nous force souvent à réduire nos largesses. Hélas pour Diantra, la confiance que le duc Oschide plaçait en son père l'a perdue. Langehack a remis les clefs et la protection de la Cité aux Ydrilote il y a des mois de cela en voulant en faire un signe de paix avec la couronne pour enfin retrouver l'unité de notre royaume, mais il semblerait que le Prince de Merval, en plus de vouloir soustraire son fief aux lois de notre bon roi, a préféré jeter la Capitale aux loups et rendre la paix caduque plutôt que d'agir en homme de raison et de faire passer l'avenir du royaume au dessus des vieilles rancœurs qui le liaient au duc en tant qu'ancien vassal de Langehack. Aujourd'hui nous n'avons guère plus que des partenaires commerciaux et seuls les gardes de nos cargaisons ont le droit de pénétrer dans les murs en nombre restreints. Ne pouvant y avoir nulle prise, nous avons fini par nous désintéresser des querelles politiques qui ornent la ville pour nous concentrer sur ce que nous pouvons faire sans que nos actes ne passent pour de l'avidité et mettent en péril nos propres gens, c'est à dire bien peu.

Je me réjouis cependant de l'invitation que vous me faites. Il y a longtemps que d'aussi cordiales propositions n'avaient plus été faites à Missède en dehors du duché et s'est un honneur d'être invité par une maison aussi illustre que la votre. Puissiez-vous nous ramener un peu de soleil car nous en avons bien besoin, en effet ! Mon mari est aussi ravis que moi à l'idée de ce bal. Étant donné qu'il est aussi travailleur et investi que le semble le votre, j'espère qu'ils se trouveront de bonne compagnie.

Cependant je dois vous avertir que nos relations avec la régence ne sont point encore réglées et je ne voudrais pas que notre présence vous mette dans une situation difficile. Nous ne verrons aucun mal à ce que vous retiriez cet invitation maintenant que vous avez connaissance de ce détail, mais nous l'acceptons avec reconnaissance dans le cas contraire.

Je n'aurai pas l'outrecuidance de vouloir être, ici, plus familière qu'il ne sied, mais j'espère en toute sincérité que vous vous portez aussi bien que vous le laissez paraitre dans vos quelques lignes. Elles ont été pour moi comme l'un des rayons du soleil qui nous fait si cruellement défaut depuis la mort du roi Trystan.

Puisse le temps vous apporter prospérité et bonheur,

Votre obligée,
Cécilie de Missède, Comtesse de Missède