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 Chrystabel, suite et fin

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Neo de Cléruzac
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMer 14 Mar 2018 - 13:40




Aujourd'hui était le jour que tous avaient tant et péniblement attendu, espéré, convoqué ! Pour certains cela ressemberait à un jour de gloire escomptée, qu'ils goutteraient avides à n'en point douter. Pour d'autres il en serait tout autre car leurs jours se verraient tristement cesser de s'écouler en faveur d'un sang qui lui, ne cesserait point de couler, jusqu'à ce que soumise soit la rebelle.

Combien étaient-elles ces âmes damnées, ces fols en furie, ces corps trop tendus, que leur cœur faisait battre, comme milles tambours, comme un seul, et qui rugit ?

Ils étaient cents, ils étaient milles !

Quand bien même les vivres avaient considérablement diminués et les repas se rapprochant dangereusement de frugal changeaient de fréquence pour s'amoindrir, les hommes mangeaient nonobstant tous, du moins assez pour se battre le jour venu. Du reste, le repos venait combler tous les manques qu'offrait ce siège comme un longue traversée, et les corps étaient pour ne pas dire engourdis, avides de pulsions.

Combien étaient-ils ces frères otharites, à vouloir en découdre également et enfin vivre pleinement ce martial festival ? Guère nombreux. Mais lorsqu'il s'agissait de tout coaliser en leur faveur, cherchant victoire sur les faibles ou les traîtres – en l'occurrence s'étaient à Chrystabel les deux que l'on écraserait en ce jour ! –, chaque minuscule détail, chaque individuelle volonté faisait peser la balance, du bon côté.
C'est d'ailleurs sur plusieurs niveaux que les adeptes du Père des Combats semblaient participer au siège. Ils avaient été autant de positives présences que de joyeux sinon drôles camarades. Ils avaient été d'un soutien moral infaillible, et aujourd'hui ils seraient dans la mêlée grâce à leurs cris otharites, de parfaits compagnons de massacre.
Orphelins du Champion qui était reparti pour Erac, les cent-trente frères otharites s'étaient réunis derrière leur commandant et Grand-Prêtre, Elías Delnardo. À quelques pas de lui, les grands de l'Ost vivaient les dernières stagnantes secondes du siège, discutant entre eux lorsqu'enfin le cor mugit. Place aux combats, l'assaut pouvait commencer !


« HOURRA ! »

Elías et les siens plongés dans l'ost berthildois attendaient que l'on s'ébranle, adressant au Guerrier, une dernière prière.
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Jormgard l'Infâme
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMer 14 Mar 2018 - 15:39


Christabel puait. Sous leurs gambisons et leurs chemises, les hommes suintaient de sueur et baignaient dans la fermentation de leur propre saleté et les relents humides de leurs vêtements moisis. Ce matin, Jormgard avait aperçu un compaing un peu trop fébrile vomir sur le bord de sa tente. Les plaies infectées de quelques malheureux, couchées dans la moiteur de leur douleur, à l’arrière du camp, exhalaient la pourriture. À ce bouquet d’effluves venait s’ajouter la senteur chaude de pisse qui flottait continuellement dans l’air. Mais ce qui frappait le plus, c’était l’odeur âcre de nervosité mélangée avec la peur. L’augure du massacre ne laissait personne indifférent. Pour avoir assisté à plusieurs sièges, Jormgard aurait pourtant juré que cette puanteur était singulière à Christabel.

Il soupira. Sa cotte de mailles l’étouffait, ses belles bottes, qu’il avait passé la soirée à polir, étaient crottées de boue, sa bouche pâteuse réclamait à boire, ses jambes raides commençaient à l’élancer, et la journée ne faisait que débuter.

Les rangs des chauffeurs de pâturons se complétaient à mesure que de nouveaux arrivants se mettaient en place. Rassemblés sur la plaine dans leurs couleurs éclatantes, leurs plumes se pavanant sous le souffle du vent, l’acier reluisant sous l’éblouissement du soleil, Jormgard devait avouer que la compagnie donnait fière allure. Lui-même, au côté du capitaine, toisant l’assemblée dans son imposante cuirasse, sa longue barbe cuivrée étendue contre sa poitrine, se surprit en éprouvant une certaine satisfaction devant ces visages mauvais, qui bientôt s’empourprerait de la souillure des combats.

Un homme paré d’un lourd plastron, un ours gravé dans le métal sombre, suivi de plusieurs guerriers aux accoutrements similaires, patrouillaient les rangs. Ils passèrent devant le capitaine et les deux hommes se saluèrent. Une fois éloigné, Tête-Pelée le désigna de la main.

« Tu zieutes l’escogriffe? Un grand malade, mais du genre artiste! »

Jormgard ne put empêcher l’ombre d’un sourire de lui tordre les lèvres. Le capitaine, avec son humeur joviale et ses airs bravaches, commençait à lui plaire de plus en plus. Un grivois honnête, qui ne cachait pas ses penchants vicieux et qui pouvait accepter, sans trop d’arrière-pensées, les saloperies que la vie lui refilait.

« Venant de vous, c’est un compliment. »

Que ce soit par folie ou par ironie, Tête-Pelée lui avait récemment accordé le titre de garde du corps, un honneur que Jormgard avait aussitôt accepté; sans compter la solde accrue, sa nouvelle situation l’éloignait surtout des premières lignes, une disposition qu'il pouvait certainement apprécier. Le plus étonnant pour lui, depuis son intégration dans la compagnie, au milieu des truands et des vauriens, était qu’il se sentait relativement confortable, comme si, en fréquentant pire que lui, sa propre dignité trouvait une manière de rayonner parmi le tas de fiente.

Un homme lui donna un coup d’épaule en lui tendant une outre. Jormgard se rinça la gorge; la journée serait longue, et il ne refusait pas quelques gorgées de courage liquéfié. À l’horizon, les murs pierreux de Christabel s’érigeaient devant eux, beaucoup moins impressionnant depuis les nombreuses crevasses qui en trouaient sa longueur.

Le temps était venu, la cité invincible tomberait. L’agitation transpirait de la foule. L’attente touchait sa fin, la fièvre du prochain carnage les assaillait. Les cors hurlèrent, des rugissements fusèrent dans une cacophonie assourdissante et Jormgard entendit sa propre voix se mêler aux beuglements.

« HOURRA! »

Christabel s’écroulerait sous eux.

Bientôt, les souffrances rougiraient la terre, la plaine se couvrirait de cadavres, les vents souffleraient les derniers râles des mourants.

Bientôt, Mogar se régalerait d’un festin sanglant.


Dernière édition par Jormgard l'Infâme le Jeu 15 Mar 2018 - 16:57, édité 1 fois
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Jesbel de Velteroc
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMer 14 Mar 2018 - 18:35



Un silence de mort gagna la ville dès lors que le déluge de pierre cessa. Une fois de plus, les armes de guerre ennemies avaient vomis toute leur bile sur leur tête, détruisant un peu plus encore ce qui avait autrefois été une ville avec des maisonnées, des ruelles, etc... De ça, il n'en restait quasiment plus rien. Lorsqu'on ne voyait pas de trous béants dans une des façades, celle d'à côté était complètement cramée. A la guerre, de justice, il n'y en avait point. Du moins, chacun s'en faisait sa propre idée. Les nordiens, eux, semblaient vouer une admiration sans faille à la destruction pure et simple. Il suffisait seulement à Jesbel de contempler leur oeuvre chaque nouvelle mâtine pour s'en rendre compte. Jamais un seul velterien n'en sortirait vivant. Ils n'étaient pas là pour s'emparer de la ville, mais bien pour les rayer de toutes les cartes faites du Royaume. Comment lutter face à une telle animosité quand bien même l'ennemi n'avait point essayé de tout faire pour s'éviter pareil combat ?

L'explication était simple. Jesbel, ses hommes et la cité de Chrystabel, représentaient l'échec cuisant des royalistes. Comme une plaie encore ouverte, elle avait gagné en symbolisme à force de temps et de rancunes.  Les champs pourpres avaient causé une irréversible envie de vengeance que même des décennies de paix n'auraient réussi à apaiser. Lorsque le premier homme du Roy avait succombé sous le glaive de son aîné, leur sort était donc scellé. Jesbel ruminait sans cesse ces pensées. La fatalité l'avait gagné. Son espoir, lui, s'était tiré depuis bien longtemps. Être condamné à mort alors qu'il n'avait même pas atteint sa vingtième année avait été la chose la plus dure à supporter. Mais plus que sa personne, c'était son nom que l'on voulait tuer. Ne pouvant pas se soustraire face à ses responsabilités, il avait continué d'arpenter les murailles et la ville quand bien même il savait la cause perdue. Quant au moral de ses hommes... celui-ci déclina de jour en jour depuis la capture de son cousin et la mort de leurs compagnons d'armes.

D'espoir, il n'y en avait plus... L'honneur et la fierté, eux, prospéraient encore. C'était là les derniers sentiments qui permettaient aux velteriens de tenir. Se sachant tous acculés et sur le point d'être servi, les hommes se mirent aux abois un à un tandis que l'on voyait les nordiens s'organiser pour leur donner le coup de grâce. Jesbel était dans son harnois offert par son frère. Le Phoenix était ciselé sur son poitrail. Sur les créneaux, les étendards et autres bannières offraient également l'animal renaissant de ses cendres aux nordiens. C'était là une façon de les narguer un peu plus.

VELTERIENS ! CHRYSTABELLOIS ! ESTERIENS ! Gueula Jesbel assez fort pour qu'une majorité des hommes l'entendent. LES NORDIENS S'EN VIENNENT QUÉRIR LE CONFORT DE NOTRE CITE !! ILS VIENNENT POUR NOUS PRENDRE NOS VIES ET LAVER LEUR FIERTÉ PERDUE SUR CES MÊME CHAMPS. NE RÊVEZ PAS DE GRACE, CAR DE CELA IL N'Y EN AURA POINT !!

Il reprit sa respiration et trembla un bref instant en voyant que tous l'écoutaient avec une vive attention.

ALORS JE VOUS LE DEMANDE BRAVES HOMMES DU MEDIAN, N'AYEZ AUCUNE PITIÉ POUR CES CHIENS VENUS DU NORD !! BATTEZ-VOUS POUR L'HONNEUR DES VÔTRES ! BATTEZ-VOUS POUR VOTRE CITE !

Un long silence gagna les lieux avant que les hommes ne se mettent à frapper les pieds de leurs lances où de leurs hallebardes sur le sol. Le martèlement dut probablement s'entendre jusque dans le camp des nordiens.

Est-ce que tout est prêt pour les accueillir ? S'enquit-il au près d'un de ses capitaine.

Les balistes sont prêtes, répondit l'un d'eux. L'huile bouillante a été amené sur les créneaux en même temps que les pierres. Nous avons fait tout notre possible pour protéger la brèche avec des barricades. Si les nordiens veulent passer par là, ils devront se préparer à se mouvoir sous un déluge de projectiles.

La hargne de son capitaine fut bonne à entendre. Lui savait que cela ne retarderait l'envahisseur que quelques heures tout au plus. Mais si l'espoir l'avait quitté depuis longtemps, les autres en avaient encore droit. Devant lui, au delà des créneaux, les nordiens se mirent à avancer dans un ordre relatif. Leur excitation pouvait se sentir à mille lieux. Ils venaient avec une confiance démesurée, absolument certain de leur victoire. Mais avant cela, on en passerait tout de même quelques-uns au fil de l'épée.

Vous devriez rentrer au château, messire, lui souffla le capitaine.

Pour qui les hommes se battront-ils s'ils voient leur seigneur se terrer dans sa tanière ? Que je meurs céans où à la nuit tombée n'y changera rien. Le sort sera le même. Mais les hommes, eux, ont besoin de voir leur seigneur !

Alors tâchez de survivre jusqu'à l'aube.

Etrangement, ses tremblements disparurent.

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Lohie de Brandevin
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeJeu 15 Mar 2018 - 0:12



Raidie dans ses armures de plates doublées de velours et ses belles cottes hardies, la noblesse papincourtoise avait sorti les grands atours. On l'aurait cru partie pour une fête ou un tournoi tellement les couleurs qu'elle affichait sur ses écus et ses cottes d'armes étaient criardes. Il y avait des chevaliers et des écuyers, assistés de quelques sergents.
Flanqué de ses liges et des petits seigneurs Papincourtois, Lohie s'avance vers la place qui leur a été désignée. Si l'excitation le tient, la peur lui fouaille un peu le ventre, il le sait. Il est tout jeune, même s'il a déjà fait ses armes. Mais le damelet brûle de faire ses preuves et d'être fait chevalier. Et cela emporte tout le reste.

Il y a là la haute noblesse de la Brande : son sénéchal et demi-frère, Amaury le Bâtard. Beaucent, Arnaut et Tibert de Malefète, ses cousins. Le cadet du vicomte, Godefroy le Purineur et Jobelin le Bègue, le Bayle des bois de la Glièvre. Le ténébreux chevalier Aymar dit le Brûlé, champion des lices et prêtre renié d'Othar est de la partie, lui aussi. Tandis qu'à quelques mètres à peine, le prêtre Ordegale, son ancien compagnon d'arme et désormais son ennemi juré, est également présent dans son tabard écarlate : le prêtre rouge est venu accompagné de ses affidés, les moines-guerrier Gislemar et Fulcrand, et de tous les sergents de l'ordre Ardent. Flairant l'odeur du combat et des exploits, les servants du dieu Coléreux ont suivis le vicomte au siège. Le seigneur Adalelme de Mercatouille, le terrible sire de Mercatel est là aussi, avec ses fils et son vassal, Tranchecuir, le sire de Froidfaissier. Ainsi que son vavasseur, Bindellio le châtelain de Baude.

Brandevins, Mercatouilles, Monventeux, Baudes, Malefètes. Ils sont tous là, ou presque : les sires Dentelin Porcelet et Aicard de Tournebru sont restés dans la Brande, tout comme l'oncle du vicomte et ses autres cousins. Mais le jeune héritier du château de Cornegidouille, Jehannot de Tournebru est bien là, lui, au côté de Lohie qu'il sert en tant qu'écuyer.

"Par Saint Mercatouille !", "Saint Carloman !", "Papincourt ! Papincourt aux hommes hardis !".

Autour d'eux, c'est tout l'ost royal qui s'est réuni pour participer au bal. Et quelques vavasseurs de la Gliève emportés par Lohie, clament à tue-tête le nom de leur très jeune seigneur suzerain, le petit comte de Scylla :

"La Brande pour Bohémond !", "La Brande !", "Bohémond roi !".


Dernière édition par Lohie de Brandevin le Mer 24 Fév 2021 - 0:51, édité 4 fois
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Edouard d'Anzème
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeDim 18 Mar 2018 - 18:05



Edouard avait réussit à passer une bonne nuit de sommeil, les combats qu’il avait déjà eu à mener lui avaient appris plusieurs choses, et la plus importante d’entre elles était de dormir dès qu’on le pouvait. Un homme fatigué ne valait rien et à la guerre on se savait jamais quand on pourrait se reposer convenablement.  Edouard appela son écuyer et neveu Jean d’Anzème. Ce dernier arriva rapidement et il était évident que le jeune homme n’avait put dormir de la nuit.

Et bien voila en une tête mon petit, tu n’as pas suivi mon conseil?

J’ai essayé mon oncle, mais...

Bah laisse, tu apprendras. Ce genre de chose s’apprennent par l’expérience. Par contre un autre conseil que tu vas devoir mettre bien vite en application. Amène moi vite de quoi boire et à manger pour deux. Je vais m’assurer qu’à défaut d’avoir dormi tu ais quelques choses dans le ventre. Et vite, après c’est mon armure que tu dois m’aider à mettre.

Bien mon oncle, mais je n’ai pas grand faim.....

Fichtre, fait ce que je te dis!


Le jeune écuyer balbutia quelques excuses d’une voix fatiguée et parti vite chercher de quoi susbstanter son seigneur. Edouard resta pensif quelques instants. Le jeune homme n’était pas un mauvais bougre, il ne fuyait pas le combat et prenait grand soin des armes et armures de son oncle. Cependant son neveu semblait quelques peu perdu au milieu de tout ces soldats. Edouard sortie brutalement de ses rêveries et se dirigea vers une cuvette pleine d’eau. Il s’aspergea alors d’eau fraîche afin de se réveiller et commença une brève toilette. Même si aujourd’hui est jour de bataille, il n’était pas question de se laisser aller pour le seigneur d’Anzème. C’est alors que Jean revint avec une bouillie de céréales mélangée à quelques légumes , et quelques tranches de viande de cheval séchée, petit souvenir de la dernière bataille . Et pour boire le jeune homme s’était permit de prendre en plus de l’eau deux chopines de bière d’Anzème. La meilleur des bières cela va sans dire! Les deux hommes mangèrent en silence, et à la grande surprise Édouard son neveu n’eu pas besoin d’être brusqué pour finir son assiette.

Suite à ce repas Edouard demanda à un valet d’arme de venir le raser pendant que Jean préparait les pièces d’armures sous l’oeil attentif de son oncle. Une fois que ces choses furent faites, et bien faites, l’écuyer et le valet commencèrent à aider le seigneur à s’équiper. Ce dernier mis d’abord un lourd gambison, ensuite les deux assistants commencèrent à fixer les éléments de l’armure de plate.  Seule l’armet et les gantelets furent gardés par l’écuyer le temps que son seigneur monte à cheval. Édouard sorti alors sa tente et alla saluer les membres de la compagnie d’Argonne qui se préparaient eux aussi à la bataille. Chacun avait son petit rituel, certain faisaient une dernière prière, d’autres aiguisaient leurs armes, d’autres encore prenaient soin de leurs montures. Bref tous avaient besoin de s’occuper. Edouard lui même avait ressenti le besoin de s’occuper de ses armes la veille. On ressentait la tension qui habite les hommes avant la bataille, mais ici point de peur, ou du moins elle était maîtrisée. Il s’agissait pour beaucoup de vétérans qui savaient se maîtriser et la cohésion de la compagnie offrait un grand réconfort à ceux qui pouvaient douter. De plus les prêtres d’Othar avaient fait un sacrifice et tous étaient présents. Ils allèrent donc au combat confiants en leur capacités, celles de leurs voisins ainsi qu’avec l’assurance d’être sous protection divine.  

Le seigneur d’Anzème en tant que lieutenant de la compagnie se fît un devoir d’aller voir chacun des hommes qui étaient sous son commandement et plaisanta avec eux. Le moral était bon, et les hommes en pleine forme avant la bataille. Tous avaient revêtu leurs armures attendant les instructions quand l’ordre de se mettre en marche vers la citadelle se fît entendre. Le destrier d’Édouard était déjà prêt et équipé de son harnois. C’était un magnifique étalon crème dressé à mordre et à frapper lors des batailles. Dans la mêlée cette bête ne faisait pas de quartiers et était plus courageuse que bien des hommes.  Une fois à cheval Edouard repris ses gantelets et mis son armet avant de rejoindre à la tête de ses hommes la place qui leur était assignée pour cette bataille.

Les chevaux piaffaient, soufflaient, les hommes plaisantaient entre eux, une légère brise faisait claquer les bannières de la compagnie, les armures se faisait entendre; tous les bruits que l’on pouvaient percevoir avant une bataille. La forteresse se dessinait en face d’eux et chacun savait au fond de lui même qu’il serait bientôt à l’intérieur; si ce n’est aujourd’hui ce serait demain! Le déploiement des autres unités ne fit que les conforter dans cette idée. Il faisait encore frais ce matin, les armures ne chaufferaient pas trop. À la tête de ses hommes Édouard discutait avec son frère ainsi qu’avec l’un des portes Étendard, chacun allant de son avis sur la journée. Tous étaient d’accord pour dire que la brume pouvait leur donner un avantage , par contre Édouard était assez septique quand à l’heure de l’assaut. Le terrain était encore humide et même boueux à certains endroits. Il aurait préféré attendre un peu que le terrain soit plus sec. Les trois hommes débâtèrent un moment là dessus avant que le sujet des forces du domaine royal surgisse.

Je suis d’accord avoir toi mon frêre, je n’accorde aucune confiance en ces troupes. Ce ne sont pas celles qui ont combattu lors des champs pourpre. Ce sont tout juste les restes misérables de ce qui pouvait être levé dans le domaine royal, tout au plus pouvons nous nous estimer heureux si il n’agissent pas comme des couards. Et puis regardez qui les envois! Ce tourne casaque, ce traître d’Altenberg. Il change d’allégeance tout les matins. Je ne serai guère surpris si il se joignait de nouveau à Velteroc. Il ferai mieux de rentrer chez lui planter des choux ! Au moins la péninsule pourra profiter de ses grands talents! Je ne vois pas l’interêt de traiter avec ce félon et espère qu’il n’osera plus se mêler des affaires du royaume après tout cela!

Puis voyant le moment de la bataille s’approcher Edouard se tourna vers ses hommes et passa devant eux en faisait quelques pas de coté avec son destrier.


Hommes de la compagnie de l’Argonne!

Nous sommes ici pour châtier des traites, réunir enfin notre royaume sous l’égide d’un seul roi! Voila la grande tache qui nous attends! Il fallait bien des hommes comme vous afin de rétablir l’ordre! Punissons ces traites  et j’accorderai un tonnelet de bière d’Anzème  au plus brave d’entre vous! Et comme nous ne sommes pas de la vulgaire piétaille j’attends de vous que vous attendiez d’avoir vaincu les ennemis avant de vous mettre à piller!


Dernière édition par Edouard d'Anzème le Mar 20 Mar 2018 - 12:45, édité 1 fois
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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeLun 19 Mar 2018 - 9:59



>>> REPERE SUR LA CARTE

Qui fait quoi ?:

L'on sut que la première vague avait atteinte sa destination lorsque les premiers cris parvinrent jusqu'à eux. De sa position, il les avait vu avancer sur la terre labourée qui les séparait de la cité. À chaque nouveau nuage de flèches tirés par les assiégés, les nordiens et royaux laissaient une dizaine d'hommes – voire plus – dans leur sillage. Les pauvres ères cloués au sol se mettaient alors à aboyer pour que l'on vienne les tirer de là. Hors, nuls soigneurs ne vinrent les cueillir pour l'heure. On les réservait pour plus tard. Ce pathétique spectacle s'arrêta net lorsqu'une seconde salve fut tirée pour les achever. Quant au reste, ils atteignirent bien vite les murs de la ville et hissèrent leurs échelles et cordages pour commencer leur ascension. La veille, les Sénéchaux, seigneurs et capitaines, avaient tous reçus leurs objectifs. Les olysséens et arétans s'occuperaient de passer par la brèche tandis que les royaux graviraient les remparts. Sainte-Berthilde et Erac s'étaient vus octroyer la porte ouest. De l'autre côté, le corbac et ses vassaux s'en tiendraient à franchir le nord-est de la cité. Pour les assiégés, c'eut été là de nombreuses zones de franchissement à repousser. Autant dire de suite que même derrière leurs remparts, la chose s’avérerait complexe.

Pour les berthildois donc, l'entrée se ferait par la porte ouest. Encore fallait-il que la putain s'ouvre à temps pour ne pas rater le spectacle. Un bélier fut amené par les plus téméraires des hommes jusqu'aux portes. L'objet de la délivrance avait été savamment construit pour éviter qu'il ne reste bloqué en cours de route. Les peaux de bêtes, mises sur le petit toit, eurent leur utilité dès l'entrée en piste du monstre. Les velteriens n'y allèrent pas de main-leste en essayant d'y foutre le feu. Heureusement pour eux, le bélier n'était point leur seul moyen d'entrer. D'autres, plus zélés encore, avaient reçu une mission encore plus périlleuse.

Ne merdez pas Ronceroc... ne merdez pas, souffla Thibaud.

Ce n'est qu'en jetant un œil sur ses côtés qu'il comprit que tous les hommes se disaient probablement la même chose que lui. L'échec n'était guère possible. Mais s'il advenait qu'il se produise, il s'en irait lui-même ouvrir ses foutues portes.

Hector ! Son bâtard arriva aussitôt. Fais prévenir le sieur d'Anzème. Dis lui qu'il se tienne prêt à me suivre.

Au même moment, un capitaine du Saint-Aimé pointa les remparts du doigt. Il y avait de la casse chez les royaux.

Les velteriens ont l'air de les repousser... s'indigna ce même capitaine.

Qu'ils meurent aux pieds des murs, lâcha-t-il sans l'ombre d'un remord. Nous n'aurons plus qu'à monter sur leurs cadavres pour devenir maîtres de la cité.  
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Louis de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeLun 19 Mar 2018 - 18:52





Lorsqu’il vient temps de décrire ces batailles épiques qui mènent à la conquête d’une citée assiégée, personne ne sait s’entendre pour en raconter fidèlement les faits. Les bardes eux, au détour d’une poignée d’écus trébuchante et sonnante vous narrait comment les preux guerroyaient, bras dessus, bras dessous, vouant au Roy tous coups lancés contre l’ennemi comme étant leurs vœux renouvelés de fidélité. Les vétérans, eux, ressassaient leurs âpres souvenirs en vous racontant comme ils s’étaient chiés dessus lorsque s’écoula quelques pas devant eux un ruisseau d’huile bouillante et qu’ils durent pour parvenir à leur fins, escalader les corps cuits et remuants encore sous la secousse de leur hurlements agonisants. Mais devant les yeux de Louis, il y vit la réelle image de ce qu’était la guerre. C’était l’hécatombe de cette grande entreprise au nom du Roi. À la seconde ou s’entonnèrent à l’unisson le cri et la gueulante de milliers d’hommes, parés à affronter la mort le menton bien dressé, Louis sut que sous ses yeux défilerait enfin le bal sanguinaire dont on lui avait tant narré la beauté. À l’approche des osts, bien que les cumulus restèrent d’une pâle blancheur, les cieux s’assombrirent de nuées de flèches et par tans, on vit s’aplatir sans qu’aucun ne puissent y faire des dizaines sinon des centaines d’hommes frappé de mauvaise fortune.

Né de bonne famille, Louis avait cette chance de pouvoir rester à deux pas de la mort, sans s’en approcher de trop près comme certains épousaient l’obligation. Pourtant, à chaque âme qui s’éteignait devant son regard hagard, c’est une épine qui vint se loger confortablement en son cœur de jeune Suzerain. Égaré, parfois, ses yeux suivaient l’envolée d’une flèche perdue et jusqu’à ce que sa lancée ne se termine profondément dans la boue ou dans la chair d’une bleusaille. On le secoua parfois du bras, d’une poigne solide et franche, pour le ramener à la réalité, où devant lui s’affairaient des dizaines d’hommes à manier un bélier gigantesque afin d’enfoncer les damnées portes. Plus près encore devant lui, patientaient fébrilement les remplaçants qui bientôt, devraient relayer leurs partenaires tombés au combat sous le toit du bélier. Alors ceux-là, tremblotaient, priaient, mouillaient leurs braies, hurlaient même, dans l’attente insupportable d’une prochaine course à la mort.

Quant au Régent, c’était pratiquement la même, excepté que son cœur commençait à battre à plein régime, même s’il ne bougeait pas d’un poil, hautement perché sur son percheron. Sa paluche triturait le cuir de la poigne de son acier, fébrile à l’idée de pouvoir venger ceux qui aveuglément, ont tout sacrifiés pour la gloire du Roi.


« Lothaire fils de putain, hâte-toi! »


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Cosimo Tête Pelée
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMar 20 Mar 2018 - 15:41


Les premières vagues d’assaillants déferlaient vers la muraille, qui crachait méthodiquement la mort par ses meurtrières et créneaux. Sur les échelles, les royaux payaient un lourd tribut, brûlés par la poix, les casques enclotés par les pierres. De rares assiégeants parvenaient aux créneaux, pour être happés derrière les remparts et ne plus reparaître. Quelques cadavres pendaient déjà à des clous mal fixés dans les échelles par ces sagouins de charpentiers. L’attention de Cosimo était fixée sur les progrès du bélier berthildois. Une fois la porte enfoncée, une bonne poussée de piques et d’hallebardes pourrait dégager le passage. Mais les enfants perdus en charge du bélier subissaient une grêle de projectiles qui gênait la manœuvre. Les compaings leur donneraient un coup de main.

« Cuervo ! Où est Cuervo bordel ? Ah te voilà ! Prends tes gars, et que ça tiraille au-dessus de cette foutue porte ! »


Le lieutenant scylléen rassembla les arbalétriers. On écarta les rangs pour laisser passer la vingtaine lourds mantelets capables de protéger deux hommes. La muraille mobile s’ébranla pour aller s’appuyer à sa droite contre les murs des maisons du faubourg.  Déjà les flèches velteriennes les mouchetaient, mais l’avance lente et prudente des mercenaires les préservaient. De sa position, Tête Pelée vit avec satisfaction ses compaings s’accroupir pour charger leurs arbalètes. Le doux cliquetis des manivelles ! Et d’entamer un tir nourri sur les défenseurs du châtelet pour leur faire courber l’échine.


Dernière édition par Cosimo Tête Pelée le Mar 20 Mar 2018 - 19:16, édité 1 fois
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Arnaud de Stern
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMar 20 Mar 2018 - 18:18


La fureur.

Dans l'instant de flottement qui avait suivi l'éboulement du rempart, Arnaud avait échangé un regard entendu avec Leudaste, le seigneur de Sorosd. Puis, avisant le jeune puceau qui commandait l'ost olyssean, et jugeant qu'il serait quand même très con de les laisser s'y engouffrer les premiers pour leur chiper tout le prestige et les joies de la baston, Arnaud, ès qualités de sénéchal d'Arétria par la grâce de la Dame Brise-Burnes de Wenden, donna aux siens l'ordre tant attendu.

Alors retentirent vivats et cris de guerre, entremêlés d'injures et autres injonctions pas très jojos, parmi-lesquelles l'on pourrait retenir, pour l'exemple, l'invitation faite aux Velteriens de s'enfoncer profondément dans le fondement le bras mécanique de feu leur seigneur et maître.

Pour Arnaud, qui dirigeait pour la première fois au combat l'ost arétan au complet, la sensation était grisante. Le dernier homme à l'avoir fait dans une bataille de cette envergure était devenu comte. La pensée lui vint qu'une fois la guerre finie, quand les hommes auraient besoin d'étancher une nouvelle soif de violence et se lasseraient de courber l'échine devant le rejeton de Roderik ou sa sorcière de tante, l'on viendrait peut-être le trouver pour lui offrir le titre. A cette pensée, il exulta ; quel meilleur moyen de laver l'affront que lui avait causé Aliénor ?

« C'est le merdier », grommela Leudaste, et cela tira Arnaud de ses pensées. Effectivement, c'était le merdier ; comme à son habitude, l'ost arétan s'élançait sans la moindre coordination, tels des chiens dont on lâcherait la laisse trop tôt ; ils partaient au combat comme le clébard se jette sur le jambon, et ce dans le plus grand désordre. Piques, épées, lances s'élançaient sus à l'ennemi sans concertation comme dans une mauvaise partouze, et cela serait certes douloureux pour tous les participants, mais telle était la manière dont les Arétans prenaient leur plaisir.
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMer 21 Mar 2018 - 22:25

« Pas un mot mes ladres, nous touchons au but ! »

Passer la poterne fut relativement aisé pour la petit compagnie, avec tout le merdier qui s’abattait telle une tempête sur les murailles et les hautes portes. Lothaire et ses comparses, guère plus d’une trentaine, se firent aussi discrets que des souris sur la table d’un géant endormi. Ils avaient patienté un long moment dans une alcôve sombre et abandonnée, dans l’attente que l’assaut soit donné. Tout le monde était nerveux ; après tout, échouer c’était condamner toute l’armée du Nord. Les chevaliers du Roc étaient de bons comparses à avoir à ses côtés lors d’un tel baroud, ils aimaient à blaguer et à plaisanter à l’aune d’une bataille. C’était de cela dont avaient besoin les autres hommes du groupe. Un peu d’humour dans ce monde de merde.

Foucart, dont l’âge n’avait point occis les sens, entendit le son furieux des cris de guerre et des ordres beuglés à s’en faire raquer la gorge. Il lança un étrange sourire à son seigneur, et prononça ces mots avec la solennité d’un prêtre :

« Il est l’heure, monseigneur. »

Lothaire acquiesça, et dirigea son groupe à travers un épais couloir de pierres nues. Débouchant dans une sorte de petite cour intérieure déserte, ils se repérèrent au bruit et constatèrent avec agacement que la barbacane était encore loin. Le Ronceroi jura :

« Peste de Clotaire et de ses tunnels. Hâtons-nous ! »

La bande se mit à trotter en direction des lointains combats, longeant l’ombre et se faisant discrète. Tous avaient passé la nuit à graisser leurs armures, afin qu’elles ne fassent nul bruit lorsqu’ils arriveraient proche de l’ennemi. Une silencieuse procession de frères portant l’épée en lieu et place des idoles, courant avec détermination vers la victoire, ou la mort. Ils remontaient les ruelles avec l’assurance que dans peu de temps ils atteindraient les portes, et pourraient accomplir leur destinée. Malheureusement, Chrystabel n’était pas ville fort connue des chevaliers, et ce n’est qu’au prix d’un léger détour qu’ils purent arriver aux portes.

Les Velteriens ne sentirent que trop tard l’aiguillon perfide des Berthildois, qui s’approchèrent non sans charger ni beugler, mais tout en silence et en calme, pour les éliminer froidement au fur et à mesure qu’ils se rendaient à la porte. Comment l’ennemi aurait-il pu être en la forteresse, de toute façon ? Impossible. Et pourtant… Seuls les plus alertes semblèrent remarquer quel sort les attendaient, et avertirent promptement à qui voulait l’entendre que les hommes du Nord étaient dans les murs ! Cela, juste avant de rendre eux-mêmes leurs tripes sous l’assaut des infiltrés.

Lothaire fit accélérer le pas à ses compagnons. Ils coururent en direction de la barbacane, épée au clair. Se taillant un chemin sanglant au travers des défenseurs hébétés, l’équipée atteignit prestement les gonds d’une grosse tour. Au second niveau, les treuils de manœuvre pour la herse et le pont-levis les attendaient, comme la Sainte Coupe tendue par Néera en personne. Ils se frayèrent un chemin à travers les escaliers, dont les colimaçons rendaient la montée périlleuse et meurtrière. Près d’une demi-douzaine de braves rendirent gorge sur les marches ensanglantées et désormais glissantes de ce maudit escalier, mais ce fut un sacrifice qu’ils s’étaient tous jurés de faire si cela pouvait permettre à leur entreprise de réussir.

Foucart pénétra le premier dans la petite salle par laquelle partaient les chaînes de ce complexe système défensif. Il avait beau avoir éliminé le défenseur de l’escalier, ce qui l’attendait était bien pire : des hommes en armes, harnachés comme d’anciens héros de légende se tenaient entre lui et les treuils. Un frisson parcourut l’échine du vieux sergent d’armes. Il avait déjà vécu cette scène, déjà vu ces armures brillantes comme le bronze.

Il mourrait ici.

Quelques autres chevaliers, dont Lothaire, s’engouffrèrent dans l’obscure salle remplie à ras-bord. A cinq de front, l’échange entre les guerriers du Nord et du Médian était intense. Tout se jouait ici, dans ce trou à rat suintant d’humidité dont le sol se remplirait bientôt de sang. Le premier à le faire couler fut Sire Robard, des hommes de Ronceroc. Un coup de pommeau dans le mézail d’un Médianais lui avait brisé le nez, et ne tarderait pas à le tuer pour de bon s’il ne relevait pas sa garde. Le sang coula à nouveau, lorsqu’en tentant vainement de relever son bras, ce dernier fut brisé d’un coup d’épée d’une rare violence. L’échauffourée vira alors à l’écarlate.

Le seigneur Lothaire élimina un homme d’un coup de dague. Traîtresse et sournoise, elle s’était logée dans un défaut de l’armure, et un spasme avait secoué son propriétaire, mort sans un bruit. Enfiévré par toute cette bagarre, il y perdit toute notion du temps, de la vie, de la mort. Tout cela semblait si lointain, si futile. Un coup, un mort. Une parade, un autre coup. Frappe et pare. Avance et meurs. Les combats n’étaient pas parcourus des belles pirouettes que l’on apprenait à faire avec son arme lors d’un duel de gentilhomme. Les lois de la guerre rendaient les échanges brutaux, presque sans finesse. Et la chaleur régnant dans les heaumes des lutteurs les empêchait forcément de trop réfléchir. Tout se jouait sur l’instinct, la force, et la résilience.

Vint un moment dans le combat où le dernier Velterien s’effondra contre un mur, le genou brisé et la clavicule en mille morceaux. Mourant, il déposa son arme et fut épargné par son adversaire. Lothaire mit du temps à se rendre compte que tout était fini, et ne se retourna pour observer le résultat qu’après avoir relevé la visière de son masque de mort, accueillant de larges bouffées d’air comme revenant d’une apnée en eaux profondes. Devant lui, plus d’une douzaine de corps étaient allongés, pantins de métal désarticulés et souillés de vermeil. Il posa le regard sur son vieux camarade, Foucart. Une lame lui traversait la gorge, et ressortait juste entre son oreille et sa mâchoire. L’expression figée dans son visage était neutre. La neutralité de celui qui avait fait une erreur, et savait qu’il devrait en payer la conséquence dans la seconde à venir. Mais pas le temps de pleurer un vieux serviteur. Lothaire devait agir promptement.

Les combats faisaient encore rage dans l’escalier, entre les Berthildois et les hommes de la porte. La situation était cependant inverse à présent : Ronceroc tenait la salle des treuils, et les Velteriens s’empressaient d’en reprendre le contrôle. Pas de temps à perdre. Plusieurs hommes se mirent à activer le mécanisme, faisant luire à nouveau de sueur leurs front déjà rouges sous l’effort. Des grognements de labeur s’échappaient de leurs dents serrées, couverts par le vacarme des corps tombant dans l’escalier. Si peu en restaient… Arriveraient-ils à leur fin ?

Lothaire sentit une des barres poisseuses de sang lui échapper, et il tituba. Se rattrapant au mécanisme, il prit soudain conscience qu’il avait posé la main sur les chaînes ! Un violent craquement lui secoua la main, tandis qu’il sentait les os se disloquer avec une souffrance inouïe. Il beugla comme un nouveau-né, tombant à genou. Ses yeux luisaient de larmes, et Robard s’arrêta alors de faire tourner le treuil du pont-levis. Il retira au plus vite la main de son suzerain de l’engrenage, et alla l’adosser au mur.

« Seigneur ! Vos doigts… »

Un grondement rageur secoua soudain les mâchoires de Lothaire, dont les larmes salines coulaient à présent le long des joues. Il prit son poignet dans sa main, et poussa Robard d’une épaule, avant de crier d’une voix cachant vainement sa colère et sa douleur :

« Abaisse-moi ce pont-levis, chiabrena! »

Il se laissa glisser contre la pierre du mur, sentant sa main se faire dévorer par un loup invisible. Il ferma les yeux en serrant les dents, se concentrant sur le cliquetis des chaînes et les bruits dans l’escalier. Une cacophonie qui ne l’aidait pas vraiment à oublier la cuisante douleur qui lui léchait les doigts. Puis enfin, un son salvateur. Un son qui pourrait légèrement apaiser cette inextinguible souffrance.

Le bruit du bois frappant le sol, et celui d’un treuil qui cesse de tourner.

Les portes étaient ouvertes. La véritable bataille pouvait commencer.
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Jormgard l'Infâme
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeJeu 22 Mar 2018 - 1:21


L’ambiance du champ de bataille était familière et brûlante. Des vautours survolaient les combats en patrouillant des rondes circulaires, hurlant leur faim aux malheureux, plus bas, qui tombaient les uns après les autres, criblés de flèches. Ces volatiles affamés se fichaient éperdument des souffrances des Velteriens, des Berthildois et, plus généralement, de tous les hommes présents.

Jormgard, semblable aux charognards, restait en retrait pour observer la boucherie qui se déroulait devant ses yeux avec un mélange de dégoût et de fascination. La sueur coulait dans son dos, contre ses hanches, sur son torse; l’agitation de la mêlée s’insinuait jusqu’à lui en le faisait frémir d’excitation et de nervosité. Il était toujours surpris par l’ardeur avec laquelle les hommes pouvaient se ruer vers leur mort, malgré les nombreux projectiles mortels qui tentaient de les décourager. À l’écart, aux côtés de ses valeureux compères, la scène paraissait surtout absurde. Et dire qu’il aurait pu se trouver parmi eux, à vomir du sang et de la bile en essayant de retirer le trait lui perforant l’estomac. Pour avoir vécu l’expérience auparavant, Jormgard n’avait aucun désir de la revivre. Et les hurlements d’agonie qui surgissaient à intervalles réguliers étaient loin de l’encourager. Ses jointures se serrèrent contre le manche de sa masse.

« Mortecouille! je vois pu rien! » cria un moribond à genoux, les deux mains contre le crâne avec une longue tige qui transperçait son œil.

Jormgard détourna le regard. Ce fut à ce moment qu’une nouvelle volée de flèches émergea des murailles pour les arroser. Par réflexe, il leva son bouclier – juste à temps – une flèche perdue se ficha dans son écu, la hampe vibrante. Surpris, il se tourna vers Tête Pelée; le capitaine, absorbé par la bataille, tentait d’ordonner ses hommes en vociférant ses ordres.

« Argh… »

Jormgard fit volte-face. Allongé sur le dos, un compaing moins chanceux tâtait la flèche qui perforait son gambison au niveau de l’abdomen. L’homme toussa, s’étouffa un instant, toussa à nouveau. Du sang et de la bave coulaient sur son menton. Ses yeux exorbités rougissaient pendant que sa peau perdait sa couleur. Il leva une main tremblante, sa bouche murmurant des paroles qui se perdirent dans le vacarme.

Jormgard décida alors qu’il ferait mieux d’aider Cuervo à transporter les mantelets pour ses arbalétriers.

« Bougez vos culs et défoncez cette chienne! » hurla Cuervo, contrarié par la relative mollesse des bras qui maniaient le bélier. Comme si sa demande fut entendue, les portes se mirent soudainement à s'abaisser.
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Edouard d'Anzème
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeVen 23 Mar 2018 - 14:27




Hector, le bâtard du seigneur de Kelbourg arriva alors que qu’Edouard, son frere, le porte étendard et deux autres cavaliers étaient en train de parler des vertus de l’apprentissage de la poliorcétique dés le plus jeune. Ce genre de chose ne s’improvisait pas que diable! La bataille qui se livrait devant leurs yeux ne leurs inspiraient que peu d’envie. Prendre une forteresse par la force était chose difficile et les pertes subit par certains corps de l’armée ne faisais que les conforter dans cette décision.

Le petit batard se dirigea vers le petit groupe qui était en tête de la compagnie

Seigneur! Seigneur! Mon père vous fait mander! Il faut que vous preniez position!


Et bien fait savoir à mon cousin que nous arrivons! La compagnie de l’Argonne fera encore honneur à sa réputation!


Edouard trotta au milieu de la compagnie afin de s’assurer que chacun était bien à sa place. Cela ne lui prit que quelques instants et avant d’abaisser la visière de son Armet il cria à la compagnie:

Hardis compagnon! Montrons à ces pourceaux la fureur des hommes du nord! Ce soir cette forteresse sera notre! En avant!


Une clameur accueilli cette brève tirade et la compagnie se dirigea droit vers Christabelle. La compagnie était divisé en 3 groupes. Le premier était chargé d’entré en tête dans la forteresse, le deuxième devait suivre mais avec un peu de retard afin d’éviter un engorgement si la compagnie devait passer les murs. Enfin le troisième groupe devait servir de réserve . Comme il ne s’agissait pas d’une bataille en rase campagne un choc de toute la compagnie n’était pas nécessaire ni vraiment possible. Les valets d’armes suivaient afin de récupérer les chevaux si ils devaient être laissé. Plus la compagnie approchait de son objectif moins la compagnie faisait de bruit. Les cavaliers ne parlaient plus entre eux se contentant de quelques prières ou juron selon les caractères. Édouard parvint jusqu’a Thibault, seigneur de Kelbourg. Après un bref signe de tête à son seigneur il fît un large geste du bras pour designer la compagnie.



La compagnie est au grand complet Monseigneur! Parfaitement équipé et le moral est bon. Il ne manque plus que l’ennemi!

La compagnie se posta  ensuite et conformément aux ordres reçut face aux portes de la cité. Quoique à bonne distance afin d’éviter les projectiles en tout genre. Édouard pouvait cependant voir avec force détail ce qui se passait en face de lui. Il fût donc au première loge pour voir le miracle se produire: les portes étaient ouvertes! La Herse levée!  Les hommes en charge du bélier eurent alors un bon réflexe, ils placèrent l’engin de siège sous la herse, ainsi si cette dernière venait à se rabaisser elle serait bloqué et n’empêcherai pas le passage des autres troupes!

Voyant les soldats entrer dans la cité rebelles , Édouard leva son épée et le signal de l’attaque fût sonnés. Les cavaliers avancèrent au trot pour ne pas écraser les fantassins, les armes furent tiré et toute appréhension avait alors disparu. Maintenant que l’assaut était lancé il n’y avait plus que l’excitation, la soif de gloire et l’envie de combat. La compagnie de l’Argonne tout de fer vêtu  attaqua et ne rengainera qu’une fois l’ennemi vaincu.
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Jesbel de Velteroc
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeVen 23 Mar 2018 - 19:08



Une véritable marée humaine déferla sur la cité. Les vagues successives vinrent se fracasser si violemment contre les remparts qu'on eut presque l'impression de les sentir trembler. Les hommes regrettèrent bientôt le déluge de la basse matinée. Car là, ils n'avaient eu qu'à attendre que le mal passe. A présent, ils ne pouvaient ni fuir, ni patienter. Ils devaient se  battre ! Des échansons allaient et venaient sans cesse pour faire passer les informations entre les divers points attaqués. De là où il se tenait donc, Jesbel avait été mis au courant des béliers qui essayaient d'enfoncer les portes. Les hommes qui s'occupaient de les arroser de flèches et de feu avaient aperçu les étendards d'Erac et de Sainte-Berthilde aux portes ouest, tandis qu'au nord, l'on avait vu la bannière du Sénéchal du Roy et de ses sbires d'Alonna, d'Ancenis et d'autres joyeux lurons prêts à se régaler sur les restes.

Les portes résistaient pour l'heure, c'était tout ce qu'il y avait à savoir. Les remparts nord et la brèche étaient là les seules sources d'inquiétude. De là où il se trouvait, il voyait des royaux mourir par dizaine. Dès qu'une échelle se posait, ils la repoussaient dans la foulée et entendaient des hommes hurler d'effroi. D'autres s'essayaient aux grappins pour tenter de poser le pied sur les créneaux. Cinq où six hommes venaient alors à lui et le jetaient dans le vide sans même avoir besoin d'user de leurs lames. Ceux restés aux pieds des murs n'étaient pas en reste puisqu'on les aspergeait de poix où d'huile que l'on enflammait au plus vite. L'odeur de cochonnaille gagna bientôt les lieux au point que l'on eut presque le sentiment de se trouver à une foire au bétail.

Quid de la brèche alors ? Un seul œil jeté en contrebas suffit à le rassurer. L'ennemi ne pouvait entrer qu'à deux où trois hommes dans la petite impasse. C'était suffisamment restreint pour s'assurer une bonne défense en exterminant les assiégeants les uns après les autres. Dès lors qu'ils se mirent à continuer leur percée, des velteriens se précipitèrent dans la mêlée pour les tenir à distance. Cela fonctionnait à la perfection pour le moment... Pour le moment seulement puisque si ses hommes étaient désormais tous engagés au combat, l'ennemi quant à lui, semblait pouvoir disposer d'une quantité inépuisable d'hommes. S'en était presque décourageant...

Devant lui, un nordien parvint à se hisser sur les créneaux. Il vit son visage fatigué par l'ascension. Ce dernier n'en était pas moins empli d'une très forte envie de tuer. Ce pourquoi, son épée s'enfonça assez vite dans la clavicule de son adversaire. Celui-ci cessa brusquement de lutter et tomba comme une pierre contre ses amis royaux cinq ou six mètres plus bas.

– Messire !! l'alerta le brave Blémio, vétéran des campagnes velteriennes. Là-bas !

Il ne mit pas longtemps avant d'apercevoir deux beffrois s'approcher dangereusement des remparts. Comment avait-il pu les rater ? Il se les était imaginé trop loin et trop lent pour représenter une menace. Ils étaient désormais presque sur le point d'accoster !

– BALISTE !!! hurla-t-il. BALISTE !!!

Flanquées en haut des tours, les balistes s'exécutèrent. Les traits, longs comme des lances, s'enfoncèrent sans mal dans les beffrois. Après un petit temps d'arrêt, les monstruosités roulantes reprirent leur course lente, inarrêtable.

– CONTINUEZ !

D'autres tirs vinrent. De nouveau, les projectiles s'enfoncèrent dedans comme si l'on avait enfoncé un couteau dans du beurre. Mais la ténacité des royaux et des nordiens forçait le respect. Les tours de siège arrivèrent ainsi assez prêt des murailles pour abaisser leur rampe.

– Préparez-vous !

Un homme, fou où téméraire, s'avança suffisamment de l'une des rampes pour jeter un seau rempli de poix. Le liquide épais vint aussitôt se répandre sur tout le dernier étage de la haute tour mobile. Des velteriens n'hésitèrent pas un seul instant à envoyer des salves de flèches enflammées qui eurent pour effet d'incendier l'engin. Le feu se propagea si vite que certains assaillants n'eurent d'autres choix que de sauter du haut des tours. Cela leur permit de gagner quelques minutes avant que des remplaçants prennent la place des corps calcinés. L'autre beffroi, quant à lui, déversa son lot de barbares assoiffés qui peinaient encore à se faire une place sur le chemin de ronde.

Si la situation avait été jusque-là sous contrôle, il devait à présent avouer que les choses se corsaient sérieusement. De plus, il n'avait plus reçu un seul message des autres parties de la cité. Seule la brèche était visible et là aussi on commençait à accuser la force des nordiens. Une petite montagne de cadavres se tenait en lieu et place de la fissure. La chose aurait pu être plaisante à voir si seulement aucun défenseur n'avait été présent dans ce tas...

Il sentit une main se poser brusquement sur son épaule. Il se retourna aussi vite que possible et manqua de transpercer le sire Blémio.

– Messire ! La porte ouest a été prise par les nordiens !

– Hein ? Comment ? C'est impossible, pas si vite !

– Ils sont sortis de nulle part en plein centre de la cité. Un petit groupe paraît-il. Mais suffisamment nombreux pour s'attaquer à ceux qui gardaient la porte !

– Le passage des mines... gueula-t-il. On nous a trahi !

– La basse ville va tomber, vous devez ordonner le repli à la citadelle !

– Il est trop tard, Chrystabel est perdue, Blémio.

– Rien n'est perdu, nous continuerons de nous battre en défendant la citadelle, il y a suffisamment de provision là-bas pour tenir un mois encore. Mais nous devons partir maintenant ! Les barricades ne retarderont pas les nordiens indéfiniment.

– Faites sonner le repli.

Les cors se mirent à sonner l'ordre un peu partout sur les remparts et les hommes cessèrent de combattre pour dévaler les nombreuses marches menant en bas. Les plus chanceux comme lui trouvèrent les derniers chevaux encore vivants. Tout se fit dans la plus grande précipitation et la plus désastreuse organisation. Nombreux furent ceux qui se firent piétiner sauvagement où même ceux qui reçurent des flèches nordiennes dans le dos. Avait-il vraiment permis aux siens de gagner un répit ? Où venait-il simplement de signer la perte définitive des velteriens ?

– Ils sont là ! hurla Blémio en signalant le fond de la grande rue.

Des centaines de cavaliers semblaient fondre sur eux à une vitesse ahurissante. Son cœur manqua presque de lâcher à tel point il crut son heure venue.

– Défendez la citadelle, messire ! reprit le vétéran avant d'ordonner à quelques cavaliers de le suivre dans la rue pour se jeter littéralement dans la gueule du loup.

L'action était vouée à un suicide collectif certain. Ils n'étaient qu'une dizaine contre tout le fer de lance nordien. Un moment, il voulut les rejoindre pour trouver lui aussi une mort héroïque. Mais les derniers propos lancés par Blémio restèrent ancrés dans sa mémoire. Quand bien même l'homme n'avait été tout au plus qu'un valet de son père et de son frère, sa parole avait été prise comme un ordre direct auquel il se devait d'obéir.

– Que les dieux vous viennent en aide, mon ami, murmura-t-il tandis qu'il approchait de la citadelle.

En se retournant juste avant d'entrer par la herse, il vit affluer des dizaines de défenseurs dans les ruelles. Sans même les compter, il put en dénombrer une petite trentaine sans compter la dizaine qui l'escortaient depuis le départ des remparts. C'était là tout ce qu'il restait de Chrystabel ! D'autres devaient encore se battre sur les remparts, à la brèche où en haut des portes probablement. Qu'adviendrait-il de leur vie ? Les épargnerait-on une fois l'échine courbée ? Et pour eux - derniers défenseurs de la cité - leur sort n'était pour l'heure encore scellé. Bien faible consolation lorsque tous savaient que l'échéance n'avait été repoussé que de quelques minutes où de quelques heures par chance. En se rendant dans la cour intérieure, les hommes se laissèrent tomber au sol pour cracher leurs poumons où commencer à soigner leurs plaies. Diantre ! Ils pensaient à s'occuper de leurs blessures alors que leur mort était presque inéluctable ! Quelle ironie...

– La porte ne tiendra pas longtemps, messire de Velteroc, lâcha un garde balafré au visage.

– Qu'ils viennent alors, je ne les crains plus ! répondit un Jesbel possédé.
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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeSam 24 Mar 2018 - 11:00



Les couilles de ce Lothaire doivent être en acier nain !

L'entrée ne fut ni magistrale, ni triomphale, ni rien du tout d'ailleurs. Il n'y eut qu'un entassement de cavaliers lourds à la grande porte ouest pour que tous puissent enfin pénétrer la putain chrystabelloise. Quid de Lothaire et de ses preux ? L'on ne savait ! Comme convenu, il fut rejoint par la compagnie d'Argonne menée cette fois par son cousin d'Anzème. Thibaud ordonna qu'une partie accompagne les hommes de Berthilde et d'Erac afin de ratisser les derniers foyers de résistance. Il y eut bien une raison à cela. En entrant, des arbalétriers ennemis transpercèrent plusieurs bons hommes du régent. Les gaillards tombèrent à la renverse et s'écrasèrent lamentablement sur le sol pavé. En guise de réponse, l'étage de la maisonnée en ruine fut criblés d'une cinquantaine de carreaux. Pour enfoncer le clou, des hommes à pied s’engouffrèrent dans la bâtisse. L'on entendit bientôt une symphonie agréable à l'oreille. Devant eux, les ruelles étaient obstruées par d'innombrables petits tas de pierre où de poutrelles en bois. L'ennemi comptait sans l'ombre d'un doute les freiner avec de telles barricades. Ils avaient vu juste !

CAPITAINE COSIMO ! hurla Thibaud en direction des reîtres. Vous et vos hommes à la porte nord ! Allez donc ouvrir au Sénéchal et ses ouailles. Sainte-Berthilde et Erac s'en voudront de libérer la cité sans eux. Profitez en pour purger les derniers nids de résistance.

Il regarda Louis et Renaud sans leur épargner un sourire moqueur.

Nous n'allons tout de même pas faire tout le boulot tout seul encore une fois mes bons seigneurs !

Loin devant eux, au fond d'une grande rue, un groupe de cavaliers en nombre fut aperçu. Sans connaître leur nombre, certains se mirent à fonçer dans leur direction.

Par tous les dieux, ces hommes sont fols ! Se gaussa-t-il. Allons leur péter les dents !

Si tôt dit, si tôt fait, le fleuron de la cavalerie berthildoise et eracienne se précipita dans la grande rue. Le contact fut rude et intense. On était bien loin de la sauvagerie de Valdrant encore, mais les velteriens se débattirent comme des lions pour ne pas céder leur position. Son bec de corbin transperça salement le camail d'un homme au niveau du crâne. Le sang gicla dès lors qu'il retira son arme, et aspergea les hommes tout autour. A ses côtés, Louis frappait d'estoc un solide velterien à la silhouette imposante. De l'autre, son cousin et ses fils s'en sortaient pour le mieux. Bien vite, les velteriens furent réduits à peau de chagrin. Les derniers se retrouvèrent empalés au sol comme des côtelettes que l'on aurait mis à cuire.

Les autres ont gagné la citadelle, Louis ! Gueula-t-il assez fort pour recouvrir les plaintes des blessés. Finissons-en !
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Vadomar von Gratz
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeSam 24 Mar 2018 - 12:21






« Morneburne, dépêche toi. »

Doromar est las, fatigué, ronchon et surtout, lui a les couilles pleines. Assis sur un tabouret qui supporte à peine sa masse, il s'amuse comme il le peut pour faire passer le temps. Les grincements du bois se mêlent de façon anarchique aux gémissement qui proviennent de la porte qui lui fait face. Tantôt dissonant, tantôt concordant, le jeu commence à l'ennuyer mais rien d'autre ne trouve grâce à ses yeux en ce moment. Son fief lui manque, ses terres et ses forêts lui manque, même Père commence à lui manquer. Le Médian est une belle région pour sûr, mais rien ne vaut à ses yeux les vastes valons d'Essenburg et de sa délicate Oësgard. Bien sûr, il n'en montre rien, cela serait faire preuve de faiblesse. Il haït la faiblesse. Cela serait donner trop de grains à moudre à sa graisseuse moitié. Il haït sa graisseuse moitié. Cela serait perdre la face devant ses hommes. Il haït ses bouffeurs de lisier. Alors, dans cette cargotte de gueux qu'ils occupent tous, il s'en va à rêver de la bataille qui fait rage non loin, toujours au rythme des grincements de sa sellette.

L'assaut à commencer depuis des minutes, peut être des heures, il n'a pas prit la peine de compter.
Au rez-de-chaussé, les reitres qui les accompagnent patientent, dans le calme, aucuns n'à l'air vraiment pressé de rejoindre le mouroir d'acier et de fumée qui s'élève au Nord.
Mais lui, aimerait s'y trouver, pour tout les souverains de ce putain de monde, il échangerait sa place, plutôt que de devoir encore attendre un moment de plus.
Par chance, la porte s'ouvre.


« Voila. Finit. Elle est à toi. »

Godorick se sent bien. Il reboucle prestement sa ceinture. Ses couilles sont vides, il vient de s'en occuper comme il faut en tronchant la laideronne Christabeloise qui avait trouvé refuge ici avec le reste de sa pitoyable famille de gueux. Avant sa bien sûr, il a fallut investir les lieux, déloger les manants, tuer les hommes et inspecter le mobilier. C'est chose faite. Père lui à toujours répété de ne jamais partir à la guerre sans avoir piné, parce qu'on ne sait jamais si on pourra encore le faire après. Alors il a piné, piné et repiné encore jusqu'à être sûr d'être aussi sec qu'un raisin pressé, comme ça c'est sûr, pas de regret. Doromar le toise de son assise, il a l'œil hargneux, comme toujours, mais il peut le ressentir, comme toujours, c'est la joie qui l'habite maintenant. Parce que c'est son tour et qu'il aime par dessus tout quand c'est son tour. Son gros fessier se lève et il peut le voir s'approcher. Par réflexe, Godorick se décale légèrement, juste assez pour apercevoir une lame, pas assez pour le laisser penser qu'il le craint. A sa hauteur, son petit frère s'arrête et le questionne.  

« Et pour l'assaut. qu'est ce qu'on fait ? »
« On attend le signal. C'est les ordres du Marquis. »
« Mais il est à la porte Nord lui et nous au Sud. Comment on va savoir ? »


Godorick soupire. A chaque respiration, à chaque paroles qu'il prononce, son frère lui prouve encore et encore la raison du pourquoi ce n'est pas lui qui dirigera un jour Essenburg. Alors Godorick se détourne et va prendre place sur le tabouret.

« On est pas la pour savoir. On attend le signal. Maintenant dépêche toi. Ou t'auras les chausses sur les talons quand y sera temps d'aller découper du Médiannais. »

Les gémissements plaintifs reprirent bien vite, pas assez élevés pour couvrir les bruits de ferrailles qui s'élevaient de la cité de Christabel. Mais les Oursons patientaient, parce qu'ils étaient confortablement installés et que personne ne leur avaient donner l'ordre de s'actionner.  



Dernière édition par Vadomar von Gratz le Mar 1 Mai 2018 - 11:27, édité 1 fois
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Lohie de Brandevin
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeSam 24 Mar 2018 - 18:58


Au-delà des murailles, la rumeur des voix des assiégeants et le crépitement des armes couvrent les cris et les plaintes des blessés. Autour d'eux, il n'y a que des mantelets, des échelles et une forêt de piques, de vouges et de chapels de fer.
Il faut du temps, beaucoup de temps, pour parvenir jusqu'aux premiers remparts. Autour d'eux, les corps tombent, les corps se tordent sous l'effet des dondaines et des flèches tirées depuis les hauteurs.
Plus que quelques mètres toises à peine. Et cette clameur, terrible, le cliquetis des armes, qui ne cessait de grandir au fur et à mesure que la foule des osts conquérants se jette contre les remparts de l'ennemi.
Le jeune seigneur dégaine, et comme pour saluer ce geste, c'est tout le ban noble qui, derrière son impétueux seigneur, rugit d'impatience en s'élançant au pas de course au pied de la muraille. Ça y est ! ils sont au pied du mur et déjà, on lèvent les échelles pour les accoler à la pierre. Son coeur de damoiseau bat la chamade, le poing crispé sur son épée.


Dernière édition par Lohie de Brandevin le Mer 24 Fév 2021 - 0:52, édité 1 fois
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Aurel Fribourg d'Escault
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeSam 24 Mar 2018 - 21:38

Le signal de l'attaque fut donné par la haut commandement. Aurel se tourna vers son propre sonneur de cor et tous les hommes d'Olyssea se mirent en marche. Laissant Arétria se précipiter, eux avancèrent en ordre de bataille et au pas, les hallebardiers entourant le reste de l'infanterie. Une centaine de mètres derrière suivraient bientôt les chevaliers dépourvus de leurs montures, avec à leur tête le Général et ses officiers.
Attendant son tour de commencer sa progression vers la cité, le Seigneur de Lantenes observa les troupes voisines. A sa droite, Sainte-Berthilde tardait un peu à se mettre en marche mais le plan qu'ils estourbissaient ne nécessitait pas de se précipiter. Même si l'assaut était gagné d'avance au vu du nombre d'alliés présents sur les plaines de Christabel, le combat ne serait pas forcément aisé alors autant éviter des pertes inutiles. A sa gauche, les différentes contrées loyales à la couronne avançaient déjà à grands pas vers les remparts encore intacts. Hommes et échelles seraient bientôt en place tandis que les engins de siège progressaient avec plus de lenteur. Les autres étaient trop loin pour qu'il puisse les distinguer depuis sa position et il ne serait bientôt plus temps de s'en préoccuper. Il aurait bien assez à gérer lui-même.

Quelques cris attirèrent l'attention d'Aurel qui se tourna vers la brèche. Arétria était arrivée sur place et essuyait flèches et autres projections bien moins enviables encore. D'un signe de la main, il ordonna que l'on fasse à nouveau sonner le cor. Ses troupes réagirent d'un seul homme à un ordre préétabli. Bien que ce ne soit pas dans leurs habitudes, les hallebardiers avaient été équipés de boucliers rectangulaires au même titre que leurs collègues sharasiens. La première ligne plaça le sien devant eux tandis que les autres les dressèrent au-dessus de leurs têtes, tant pour se protéger eux-mêmes que ceux qui se trouvaient devant eux. Ainsi, lorsqu'ils arrivèrent à portée de flèches, bien peu firent mouche. Une fois dans la cité, les hallebardiers seraient libres de se débarrasser de leur fardeau mais cette protection était nécessaire s'ils voulaient en arriver là.

Les cadavres étaient nombreux déjà au pied de la brèche géante, étendus sur la montage de gravas qui ralentissait la progression des troupes. Entre les jets de flèches, de pierres et de liquides bouillants, il y avait de quoi s'y casser les dents et la précipitation de leurs voisins n'arrangeait rien à l'affaire. Sous leur carapace de bois et de métal mêlés, l'infanterie olysséenne était plutôt bien protégée et les pertes étaient minimes au vu de la situation. Quelques flèches parvenaient parfois à s'immiscer dans une petite ouverture. Une pierre surprenait un coin de bouclier qui s'affaissait. La consigne était de refermer aussi vite que possible toutes les brèches que l'ennemi pouvait trouver ou créer et cela fonctionnait assez bien. La seule chose contre laquelle ils se retrouvaient plus en difficulté était les projections de pois fumant. Même si les hommes ne se les prenaient pas directement sur la tête, le liquide allait se déposer sur leurs jambes ou celles du voisin. Surpris et sévèrement brûlés, ils tombaient pour mourir sous le reste de la marmite qui se déversait encore.
Malgré tout, les hommes progressaient et atteignaient enfin le sommet de gravas. La descente serait plus aisée que la montée, même si on tentait encore de les ralentir par quelques flèches désespérées. La première ligne abaissa ses lances pour se préparer au combat au corps à corps. Enfin, après une lente progression parmi les débris de pierres, les morceaux de bois et les corps sans vie, le premier olysséen foula le sol de Christabel. S'engagea alors la bataille tant attendue. N'ayant plus à craindre les archers qui auraient risqués de frapper tant ses ennemis que ses alliés, nombre de hallebardiers laissèrent tomber leur bouclier pour pouvoir jouir de l'usage de leurs deux mains afin de manipuler leur arme. Tandis que les premières lignes et le centre de la colonne avançaient droit devant, les flancs de la marée humaine qui entrait désormais dans la cité se détachèrent pour prendre d'assaut les abords des remparts et les escaliers, éliminant sur leur chemin toute résistance. Les attaques sur ceux qui tentaient encore d'entrer se réduisirent de manière significative jusqu'à cesser complètement. Après quelques minutes, plus rien n'empêchait Arétria et Olyssea d'entrer dans Christabel.

Arrivé à hauteur des remparts, Aurel et ses officiers montèrent au point le plus haut des murailles qui leur était accessible pendant que leurs hommes achevaient le prendre la place de force. De là, ils virent que Sainte-Berthilde avait passé les portes et que les murailles à leur gauche étaient occupées par des couleurs bien connues. Observant les mouvements de troupes, toutes semblaient converger vers un même point. Les hommes de la cité ayant disparus de toute part, il ne leur en fallut pas plus pour comprendre que le repli avait été sonné et que leur direction était celle de la citadelle que l'on apercevait au loin. Un soldat eut pour ordre de transmettre l'information au commandant des troupes arétanes tandis que le Général des armées d'Olyssea organisait ses propres hommes.

-Que les sharasiens fassent ce qu'ils savent faire de mieux mais pas de viols et de meurtres gratuits. Odéon, vous restez avec vos hommes pour y veiller et coordonner leurs manœuvres. Le but est de réduire le peu de résistance qui subsiste dans la cité et de débusquer un éventuel contingent resté en arrière pour nous prendre à revers. Quant aux hallebardiers, qu'ils avancent jusqu'à trouver une rue assez large pour reprendre la même formation que tout à l'heure en plus étroit mais, cette fois, ce seront les chevaliers qui formeront le centre de la colonne, et nous avec. Allez.

Tous les officiers partirent en direction de l'escalier pour donner leurs ordres, suivis d'Aurel et de Lambert qui demeurait toujours à ses côtés. Bientôt, les troupes olysséennes se scindèrent en deux, l'une pour explorer les bâtiments et points stratégiques de la cité et l'autre pour avancer en son centre, empruntant la même direction que leurs alliés qu'ils ne tarderaient pas à retrouver au pied de la citadelle.
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Cosimo Tête Pelée
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeDim 25 Mar 2018 - 17:10

Spoiler:


Ouvrir la porte nord, la belle affaire ! Et quoi, laisser des concurrents entrer en masse dans la cité ? Ce problème obsédait Cosimo depuis le début du siège, quand chaque soir la plaine devant la cité se couvrait d’une myriade de feux. Cette immense armée passerait sur Christabel comme une nuée de sauterelles, et on se disputerait de mauvaises miettes le jour de la prise.  Il n’y avait tout simplement pas assez de maisons bourgeoises en cette cité pour que tout le monde picore à sa faim. D’aucuns  verront dans ces réflexions les signes évidents de la cupidité du capitaine et des routiers. Mais avaient-ils des châteaux douillets où passer la mauvaise saison ? Des villages dodus où la bonne soupelette mijotait dans les âtres en attendant le retour des héros ? Non point. Ventre affamé n’a point d’oreille, et la porte nord attendrait.

Cosimo croisa le regard de ses lieutenants, qui avaient à coup sûr formulé le même calcul durant ces quelques instants de flottement, alors que les berthildois se ruaient vers la citadelle. Derrière eux, les piquiers trépignaient, et adressaient des regards suppliants à leur capitaine. Ils avaient grand faim de pillerie ! ! Il fallait nourrir cette grande famille qu’était la compagnie, et serrer l’occasion sans hésiter. Tête Pelée dégaina sa rapière et beugla joyeusement:

« Au Temple ! »

Les compaings rugirent de satisfaction, et s’élancèrent vers le cœur de la cité au pas de course. Les dogues étaient lâchés. En bon professionnels de la rapine, ils ignorèrent nombreuses bâtisses cossues sur leur passage, les laissant comme appâts mielleux pour les suivants. Ça leur laisserait d’autant plus de temps pour travailler. Quelques velteriens malchanceux en pleine retraite tombaient sur eux, mais les routiers ne faisaient même pas l’effort de les poursuivre, on leur décochait tout au plus quelques carreaux pour hâter leur fuite vers la citadelle. Enfin, la compagnie déboucha sur la Grand-Place. Quelques fuyards la traversaient sans être inquiétés, subissant les quolibets des compaings. La place était étrangement calme. Plusieurs belles bâtisses aux volets clos en formaient le contour, dominé par la silhouette imposante du temple de la Damedieu.  

« M’est avis que nous sommes tombés sur un nid de résistance de taille mon bon Jormgard !, ricana Cosimo en faisant craquer ses doigts, je suis certain que de nombreux hommes d’armes sont en embuscades dans ces maisons. Je crois même qu’on nous a tiré quelques traits depuis leurs fenêtres… Il va nous falloir les réduire avant d’ouvrir les portes, hors de question de laisser l’ennemi sur nos arrières ! »

Les escouades de mercenaires se détachèrent en bon ordre pour aller enfoncer les portes à coup de masse et de hache, avec le professionnalisme de pilleurs patentés. Devant le temple, une dizaine de compaings attaquaient les portes à coup de madrier. Elles craquèrent bientôt sur leurs gonds sous les coups de boutoir. Les compaings se ruèrent à l’intérieur, capiston en tête.

Au-dessus de l’autel, la statue de la Damedieu toisait Cosimo. La sculpture était un chef d’œuvre de l’art médianais, délicat ouvrage d’albâtre aux drapés confondant de réalité. Mais ça, Cosimo n’en avait rien à foutre. Ce qui l’intéressait, c’était les deux pierres précieuses enchâssées dans la statue, au front et sous la gorge. Les yeux du mercenaire pétillaient.

« Au travail ! »

Juché sur l’autel,  sifflotant joyeusement, Cosimo desserti les pierres de la statue à l’aide de sa dague. Un beau diamant et une opale iridescente ! Satisfait, il les mit dans sa bourse avant de sauter lestement à terre. Leur forfait accompli, les mercenaires quittèrent le temple. A l’extérieur, la déception des pillards était palpable. De toute évidence, les habitants de la ville avait emporté leurs richesses dans leur exode. Mais en fouillant bien dans les coins, on trouverait bien quelques os à ronger. Il était peut-être temps de s’acquitter de la mission du Kelbourg, si d’autres n’avaient pas déjà ouvert les portes. Cosimo se tourna vers Jormgard :

« Pendant que j’en termine ici, prends une vingtaine de gars avec toi et ouvre les portes au nord. Les défenseurs ont eu le temps de se replier sur la citadelle, ça devrait être une balade de santé. Gaffe aux embusqués et aux traînards acculés tout de même ! »

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Jormgard l'Infâme
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeLun 26 Mar 2018 - 13:27


Les portes grandes ouvertes, la cité leur appartenait; des vagues d’acier se rassemblaient pour converger et se déverser à l’intérieur. Des ennéades d’oisiveté avaient rendu ce moment particulièrement attendu; aussi, les guerriers piaillaient et se bousculaient pour entrer dans Christabel, qui longtemps avait été considérée comme imprenable; aujourd’hui, les assiégeants montraient que même les forteresses les plus résilientes finissaient tôt ou tard par s’écrouler sous le poids de la persévérance. Mais surtout, c’était l’odeur du butin qui les attirait. Des hommes qui, l’instant d’avant, se recroquevillaient devant les massacres, effrayés par la mort et la souffrance; ces mêmes hommes devenaient particulièrement courageux lorsque venait le temps de remplir leur bourse. Jormgard songea qu’il n’était pas si différent, au fond; même s’il n’avait pas de répugnance à se salir les mains lorsque l’occasion le demandait, c’était surtout la perspective pécuniaire qui l’intéressait; après tout, la violence n’était qu’un autre moyen parmi d’autres pour se nourrir.

Si la guerre était l’art des chevaliers et des preux, la rapine était l’art des mercenaires. La gloire n’était pas particulièrement séduisante, surtout lorsqu’il s’agissait de risquer sa vie au fil de l’épée : l’or, au contraire, représentait ce bonheur universel que chacun pouvait apprécier.

Aussi, lorsque Jormgard voyait ces vauriens s’engouffrer dans la cité avec l’espoir d’y soutirer quelques richesses, un agacement montant s’emparait de lui. Les hommes étaient nombreux, beaucoup trop nombreux, et qui garantirait la satisfaction de tout le monde? Il n’avait pas passé la journée à suer dans la merde, la bouche pâteuse et le bras engourdi, à prier pour ne pas être transpercé d’une flèche perdue pour, au final, ne recevoir qu’une petite tape sur l’épaule. Il voulait une récompense matérielle.

Les autres lieutenants, silencieux, semblaient tourmentés par les mêmes inquiétudes. Le capitaine, comprenant sans doute leurs préoccupations, s’exclama alors, en dégainant sa rapière :

« Au temple! »

Soulagé, Jormgard entendit les autres mercenaires beugler leur approbation. Le capitaine, décidément, avait à cœur le bien de ses hommes. La compagnie franchit la porte sud avec un certain empressement. Le massacre terminé, place au véritable travail!

Les rues pierreuses, pratiquement vides, résonnaient du bruit de pas et des fragments étouffés de conversations. Parfois, la compagnie croisait de petits groupes de guerriers en colère, réunis par la même animosité, qui se défoulaient sur les quelques retardataires qui pouvaient leur tomber sous la main, les ruant de coups et les tailladant de leurs lames. Jormgard ne pouvait leur en vouloir : des ennéades passées à baigner dans sa propre puanteur de pisse pouvaient rendre n’importe quel homme irritable.

La compagnie déboucha sur la Grande-Place : l’endroit était désert, et n’attendait que des mains opportunes pour y dénicher ses trésors cachés. Les mercenaires savaient flairer le butin, et c’était dans ces occasions que s’affichait leur savoir-faire; s’ils n’étaient pas les meilleurs bretteurs, ils avaient l’œil pour débusquer tous les objets qui présentaient une quelconque valeur monétaire.

Au-dessus des maisons qui entouraient la place, de la fumée commençait à émerger pour se perdre dans l’azur. Durant sa longue carrière, Jormgard avait compris que les hommes, en plus de la violence gratuite, trouvaient grand plaisir dans la destruction : la joie qu’ils en retiraient était proportionnelle au temps que prendrait la réparation des dommages.

« M’est avis que nous sommes tombés sur un nid de résistance de taille mon bon Jormgard! Je suis certain que de nombreux hommes d’armes sont en embuscades dans ces maisons. Je crois même qu’on nous a tiré quelques traits depuis leurs fenêtres… Il va nous falloir les réduire avant d’ouvrir les portes, hors de question de laisser l’ennemi sur nos arrières! »

Jormgard était du même avis; le meilleur moyen d’assurer leur sécurité serait de fouiller chacune de ces maisons, une par une, pour garantir l’absence de danger, et confisquer, par la même occasion, tous biens matériels que les rebelles auraient pu laisser derrière eux.

« On se doit de garantir la sécurité de nos alliés, » dit-il en souriant.

Accompagné d’une demi-douzaine de mercenaires, Jormgard se dirigea vers une large résidence qui semblait particulièrement opulente. Les fenêtres et la porte avaient été barricadées par des planches de bois; un compaing outillé d’une hache s’approcha. Une fois l’obstacle défoncé à coups de muscles et de sueur, le groupuscule investit la maison, examinant avec attention chaque petit recoin. Jormgard trouva une chaîne en argent, quelques pièces oubliées, une flasque à demi-remplie d’un liquide douteux qu’il but quand même. Ses recherches terminées et infructueuses, il rejoignit le reste des mercenaires dans le vestibule. Eux-mêmes n’avaient pas été plus chanceux; en s’enfuyant, les citadins avaient emporté avec eux la plupart de leurs possessions de valeur.

Déçus, Jormgard et ses compagnons retournèrent vers le centre de la Grande-Place où s’étaient rassemblés d’autres mercenaires tout aussi bredouilles. Le capitaine s’approcha de lui.

« Pendant que j’en termine ici, prends une vingtaine de gars avec toi et ouvre les portes au nord. Les défenseurs ont eu le temps de se replier sur la citadelle, ça devrait être une balade de santé. Gaffe aux embusqués et aux traînards acculés tout de même! »

Jormgard cacha difficilement sa déception. Sa bourse était encore presque vide, et il aurait bien voulu la remplir un peu plus.

« Aye, » dit-il à contrecœur.

Il s’approcha d’une troupe de mercenaires qui débattaient sur la meilleure façon de brûler une maison.

« Faut aller ouvrir les portes au Nord. »

Les hommes se lancèrent des regards hésitants. Visiblement, aucun d’entre eux n’avait envie d’abandonner leurs recherches de gains potentiels pour le suivre. Jormgard réfléchit un instant.

« On sera les premiers à passer par là. » Il haussa les épaules. « Faudra s’assurer qu’il n’y ait pas de rebelles embusqués. »

Les hommes approuvèrent cette prudence.

Si le groupe parvint finalement à ouvrir les portes, comme l’avait demandé le Kelbourg, puis Tête Pelée, il en profita aussi en chemin pour fouiller deux ou trois maisons, afin de garantir la sécurité des troupes.
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Edouard d'Anzème
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeJeu 29 Mar 2018 - 14:33



L’assaut fut des plus violents, la compagnie de l’Argonne était impossible à arrêter. Galvanisé par leur entré dans la ville les hommes chargèrent à travers les rues de la ville surprenant les défenseurs et les petits groupes d’hommes qui cherchaient à rejoindre la citadelle. Les hommes et les chevaux se retrouvèrent bien vite couvert de sang, Edouard n’était pas en reste. Chevauchant en tête ,avec son seigneur, il avait tué son comptant d’hommes. Cette charge indomptable resterai dans les mémoires de tout ceux qui y avait participé. Mais bien vite le porte étendard vint assombrir l’humeur du seigneur d’Anzéme

Seigneur! On nous signal des ennemis retranchés dans des demeures non loin d’ici!

Palsambleu! Cela était trop beau! Il fallait bien que ces vils félons viennent nous gâcher notre plaisir à les occire en toute quiétude! Amène moi la bas!


Puis se tournant vers la compagnie:

50 hommes avec moi! Loup, Renaud et Lambert suivez moi! Quelques ennemis qui souhaitent encore se battre!

La compagnie arriva bien vite devant les demeures ou c’était retranché les résistants. En vérité il n’y s’agissait d’une petite place protegé par une modeste barricade monté à la va vite et defendu par quelques miliciens peu confiant à l’idée de sa battre à la fine fleur de la chevalerie de Sainte-Berthilde! Car oui la compagnie de l’Argonne était cette fine fleur! Mais bien qu’inquiet l’ennemi n’était pas fol! Quelques piques avaient étaient installé, obligeant ainsi la compagnie à mettre pied à terre!

Des pavois à l’avant! Que ceux qui ont des masses détruisent toutes portes barricadés! Ah et aussi! Faisons quartier cette fois, le sang n’a que trop coulé et des prisonnier peuvent nous servir

Sus aux félons! ARGONNE, ARGONNE!


La compagnie reprenant ce cris se mit à charger dans la rue, les pavois remplirent leur office en arrentant quelques traits envoyé dans leurs directions. Les miliciens furent ensuite promptement bousculé et occis pour certains. En vérité ils étaient bien moins nombreux que les soldats de la compagnie ce qui expliquait le peu de traits. Les miliciens restants demandèrent grâce à Édouard qui leur accorda avec grand plaisir. Le plaisir ne fût que plus grand lorsque Édouard se rendit compte que la compagnie ne comptait aucune perte, les armures lourdes et les pavois ayant fait leur office, et les miliciens étant déjà bien démoralisé avant la charge.

Les prisonniers furent rapidement délesté de leurs armes et équipement défensif et suivirent la petite troupe. Cette dernière rejoignit rapidement le reste de la compagnie, celle ci avait continué à avancer et n’avait guère rencontrer de résistance. La compagnie finit enfin par atteindre son objectif: les portes de la citadelle.
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Jesbel de Velteroc
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Jesbel de Velteroc


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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeJeu 29 Mar 2018 - 20:03


Sentir sa mort approcher était une énième épreuve qu'il se devait d'affronter. Elle était bien là pourtant, cette putain d'impression qui ne vous quittez jamais. Elle avait une sale odeur, cette garce. Du sang, mêlé à de la merde et à une senteur quasi indécelable que l'on ne pouvait humer qu'après avoir sniffé le corps d'un macchabée sur le point de se décomposer. Jesbel sentait tout ça. Pis que tout, l'odeur embaumait tellement les lieux qu'elle faisait dégueuler ses invités d'infortune au fur et à mesure qu'ils s'entassaient dans la haute tour. Pour accéder à ses appartements, il avait dû enjamber quelques malheureux en cours d'amputation. Alors en plus de l'odeur vint s'ajouter les bruits... Sec, saccadés ou stridents... Les bouchers y allaient de mains vives. Assez puissante pour trancher le bras où la jambe d'un gaillard en deux temps trois mouvements. L'instant d'après, il n'y avait plus rien. Juste du vide. Le néant. Un mort en sursis...

– Messire Jesbel... l'interpella son intendant encore en vie.

– Oui ?

– Pas assez de nourriture se trouve dans la citadelle pour nourrir les blessés où les hommes encore valides. Nous ne tiendrons que quelques jours tout au plus...

– L'on m'avait dit un mois minimum ?

– C'eut été bien présomptueux... j'en suis fort navré, reprit l'intendant un peu penaud.

Que voulait-il ? Qu'il fasse tuer les encombrants sans le moindre remord ? Qu'il les jette du haut des remparts pour empoisonner les barbares du nord ? Que Tyra lui vienne en aide, jamais il ne se laisserait aller à de telles exécutions. Ces hommes blessés s'étaient sacrifiés pour lui, pour leur cité, et même pour leur idéal. « Sacrifice ». Ce mot était revenu sans cesse dès lors qu'il avait vu sire Blémio s'en allait avec ce qu'il lui restait d'hommes fidèles pour foncer sur les nordiens. L'heure était donc peut-être venue ? Chrystabel était à son terme. L'ambition de son frère était morte en même temps que lui. Leurs terres de sang étaient peut-être vouée à passer en d'autres mains.

Que restait-il ?

Qu'adviendrait-il ?

Il était temps de le savoir, de se prononcer. De mettre un terme à toute cette absurdité. Il était grand temps de savoir comment tout ceci se terminerait. Jesbel commanda à son dernier corps de sergents d'arme et de capitaines de se tenir prêt. Il enfila l'armure donnée par son frère, encore dénuée d'impacts et de failles. Avec son heaume à l'allure d'un phoenix menaçant, il eut presque l'allure de son aîné. A tel point que les hommes ayant servis sous les ordres de l'Ogre, se mirent à voir en lui son incarnation parfaite. Alors, une fois sur son palefroi, l'épée et le bouclier à la main, il attendit que les derniers loyalistes viennent à ses côtés. Combien étaient-ils ? Vingt, trente ? Les blessés étaient restés le long des murs du donjon, attendant leur dernière heure arriver. Les derniers encore en état l'avaient rejoint sans même s'offusquer quant à leur loyauté.

Les derniers loyaux...  

Ils étaient vingt, trente, qu'importe. Un seul corps, une seule personne. Leurs lances, leurs épées étaient levées vers le cieux.

La herse se leva, la porte succéda. Il la vit remonter lentement pour laisser apparaître au loin les ennemis du nord.

Combien étaient-ils, eux ?

Peu importe. L'heure était venue. Velteroc devait montrer sa force

– POUR VELTEROC !!! POUR MON FRÈRE !!!!

Et la cavalerie chargea. Une vague du médian se déversa littéralement contre les positions nordiennes. Qu'importe leur nombre, qu'importe leur supériorité. Velteroc se jeta contre avec la force du désespoir. Jesbel, lui même, en tête de cette cavalcade de fols arriva le premier contre les lignes ennemies. Dès lors, il ne subsista plus aucun tremblement, ni même une seule crainte. Il eut seulement envie d'inscrire son nom une dernière fois sur les lignes de l'Histoire.

Après cela, Velteroc survivrait.

– Velteroc ne se rend pas ! Cria-t-il avant que la riposte ne vienne au delà des murs.

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Lothaire
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeVen 30 Mar 2018 - 9:13


Depuis combien de temps déjà cette escarmouche durait-elle ? La bataille faisait rage dans l’escalier, mais les survivants de l’escadron berthildois commençaient à s’épuiser. Il n’en restait déjà plus que huit de valides, tandis que d’autres agonisaient un peu plus loin dans la salle, à l’instar de Lothaire qui observait les déformations de sa senestre en grognant de douleur. Pouce, gâchette et chatte étaient encore en bon état, mais anneau et oreille étaient tordus dans des sens dont la vue était difficilement supportable. Le tranchant extérieur de sa main était également fracturé, mais une partie du gantelet l’avait sauvé de plus inquiétants dommages. De retour au campement, il devrait aller s’enquérir très vite d’un prêtre, à moins que Milon ne soit versé dans l’art de réparer les os brisés…

Au bout d’une interminable période de coups et de grondements assourdis par l’épaisseur des pierres, on entendit un dernier râle d’agonie s’échapper des colimaçons, puis… plus rien. Lothaire leva alors son visage en sueur vers le couloir étroit, d’où devait sortir un chevalier berthildois, ou un défenseur velterien. Il avait agrippé sa dague de la main droite, prêt à vendre chèrement sa peau, tout comme ses sept autres compagnons encore frais, qui se tenaient l’épée au clair dans la salle des treuils. Un silence de plomb s’empara des murs, s’imprégnant de la tension des lieux. L’atmosphère y était lourde, moite, invivable. Sous leurs armures d’acier les hommes renâclaient et suaient comme des bœufs tirant chariot. C’est alors que des bruits de pas retentirent dans l’escalier, et que la tension monta d’un cran.

Un homme portant la livrée du seigneur Voskier apparut sur le pas de la porte, propre comme un sou neuf. Même son épée ne s’était pas encore abreuvée du vermeil de l’ennemi, et son attitude de frais gardon ne manqua pas de mettre en colère les sept braves chevaliers à la suite de Lothaire. Ce dernier, lui, vécut cette entrée alliée avec un soulagement indescriptible. L’homme de Laraus sourit sous sa salade et tonna avec entrain :

« Nous investissons la cité, messeigneurs ! Ils se sont repliés sur la citadelle ! »

La tension, qui était à son comble il y avait de cela quelques secondes encore, retomba comme un soufflé mal préparé. Tous baissèrent leurs armes, qui retrouvaient peu à peu leur poids d’origine, avant de paraître aussi lourdes que des troncs d’arbre. L’angoisse et l’adrénaline leur avaient fait perdre toute notion de fatigue, qui dès à présent reprenait ses droits et saisissait chaque muscle de ces corps échauffés. Robard parvint à remonter son mézail après avoir essayé de le faire par trois fois. La nouvelle semblait lui remettre du baume au cœur, et il se permit un petit trait d’humour :

« La prochaine fois, messire, je suis sûr que vous préférerez les mitons aux gantelets ! »

Lothaire n’était pas d’humeur à en rire, mais ne lui en tint pas rigueur. Il y avait un fond de vérité là-dedans.

« La prochaine fois, Robard, je fouetterai le dos d’un Velterien pour qu’il le fasse à ma place. »

Le chevalier se gaussa, et emmena son suzerain hors de cette barbacane maudite, pour aller respirer à l’air libre. Le seigneur de Casteldulac et ses sept compagnons sortirent de la tour en inspirant de grandes bouffées fraîches et revigorantes. Ils réintégraient peu à peu le monde normal dans leur esprit, leurs sens reprenant conscience de l’espace et du temps. Au sortir, des soldats les acclamèrent, et Lothaire put prendre conscience qu’ici, Sainte-Berthilde était rentrée comme dans du beurre. La citadelle les narguait encore, au loin, mais plus pour longtemps.

Un cavalier se présenta dans le champ de vision du seigneur de Casteldulac. Sa monture piaffa, tandis qu’il s’adressait audit seigneur.

« Messire de Ronceroc ! Le connétable souhaitera sans aucun doute vous voir céans ! »

Lothaire gronda, sentant sa main lui rappeler d’un douloureux coup de fouet qu’il avait d’autres obligations plus urgentes. Il leva sa senestre en l’air, soutenue par sa dextre, et rétorqua à l’intention du cavalier :

« Si vous vous rendez à ses côtés, dites à mon cousin que je requiers quelques soins. De toute façon, cette forteresse ne va pas tomber aujourd’hui, ce serait trop beau... »

Sire Robard posa une main sur l’épaule de son seigneur.

« J’irai m'enquérir d'un médecin. »

Lothaire secoua la tête.

« Va chercher Milon. C’est l’homme pâle toujours encapuchonné, qui me suit. Il ne doit pas être loin de ma tente. »

Robard acquiesça. Il ne connaissait pas ce bougre, sinon de vue. Un praticien plus expérimenté, peut-être ? Ou un charlatan aux dents longues…


Dernière édition par Lothaire de Ronceroc le Dim 8 Avr 2018 - 8:12, édité 1 fois
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Thibaud de Kelbourg
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeVen 30 Mar 2018 - 11:01


LA FIN:


Chrystabel, suite et fin - Page 3 2hw0


L'armée coalisée s'était positionnée à l'entrée de la place attenante à la citadelle. Tous les grands seigneurs s'y étaient réunis, comme pour contempler ensemble les derniers instants des félons velteriens. Des hommes avaient été envoyé dans les maisonnées et sur les toits pour tenir en joug les murs de la citadelle. A peine arrivé, les échanges de politesses avec les défenseurs avaient repris de plus belle.  Le velterien n'avait pas l'intention de ployer. Grand bien lui fasse, la fin n'en serait que plus brutale. Thibaud dut néanmoins avouer que leur résistance forçait à un certain respect. L'on disait pourtant que le seigneur des lieux, cadet de l'ogre, n'était qu'une pucelle à l'allure plus féminine que virile. Cet ennemi avait été sous-estimé depuis belle lurette. Son cousin en revanche, avait été identifié comme le seul véritable danger. Il était désormais temps de reconnaître qu'ils s'étaient plantés sur toute la ligne. Qu'importe ces erreurs de jugement, l'issue serait la même.

Vous sentez cette odeur, Louis ?

L'absence de réponse de son jeune seigneur le fit sourire.

Je peux vous dire que vous continuerez à la sentir pendant un petit bout de temps.

L'odeur dont il parlait était celle de la mort. Non pas celle de la décomposition, mais une toute autre quasi impossible à pouvoir expliquer. Étrangement, il ne l'avait senti que deux autres fois, toujours dans des cités prises dans un bain de sang. Après Nebelheim et Amblère, il en avait été convaincu. Tyra elle-même les avait accompagné dans leurs massacres. Elle était là, totalement invisible. Elle les guettait et attendait les défunts pour les faire passer dans son royaume. Dès lors qu'ils s’entre-tuaient, la récolte pouvait commencer.

– Regardez ! Souffla un berthildois, la herse se lève !

Il mit un certain temps avant de réaliser la chose. Lui qui s'était attendu à devoir assiéger la citadelle, voilà que l'ennemi sortait de lui-même.

ARCHERS, ARBALETRIERS ! EN POSITION ! COUCHEZ MOI CES FILS DE PUTAIN !

Une véritable horde de cavaliers se déversa sur la place à toute allure. Ils en furent presque pris de court à tel point personne ne s'était imaginé la possibilité d'une sortie. A leur tête, il reconnut les armoiries des Velteroc sur l'un des chevaliers. Il eut presque l'impression d'apercevoir le traître Nimmio. Dans les rangs, certains eurent probablement le sentiment de revoir son fantôme vengeur. Le leurre ne dura pourtant pas longtemps lorsqu'une première salve fut lâchée. La moitié de la coterie fut arrêtée brusquement dans son élan. Des chevaux meurtris s'écrasèrent sur les pavés. Des hommes vinrent les rejoindre en se brisant eux aussi sur le sol.

Pour les survivants, les coalisés partirent à leur rencontre dans un combat bien trop inégale. Lui-même resta à sa place sans bouger un petit doigt. Il ne fit que contempler la chose de loin. La guerre était sur le point de se terminer. L'heure n'était donc plus à la joie.
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Aurel Fribourg d'Escault
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeDim 1 Avr 2018 - 21:27

Olyssea avançait au pas de marche tel qu'Aurel l'avait ordonné, les hallebardiers entourant les chevaliers. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour trouver une ruelle assez large pour se mettre en formation et donc avancer dans la cité. Pendant ce temps, les sharasiens se déployaient par petits groupes et disparaissaient pour aller explorer les alentours de la brèche et progresser avec méthode vers le centre de la cité. Au début, il n'y avait pas grand chose à voir, la plupart des bâtiments ayant été détruits par les averses de pierres qui s'étaient abattues sur eux depuis le début du siège. Puis, à mesure que les troupes s'enfonçaient dans la ville, le bruit des pas réguliers des soldats marchant à l'unisson se mirent à raisonner entre les murs des maisons encore debout. Au début, il n'y avait pas vraiment de danger, la plus part des bâtisses environnantes étant dépourvues de fenêtres et même de toit. Cependant, plus ils s'enfonçaient en direction de la citadelle, plus les regards avaient tendance à se porter vers les volets clos et les embrasures. En dehors de l'ambiance sonore des combats qui semblaient bien lointains, le silence régnait autour des olyséens. C'était tranquille... Trop tranquille, et tous étaient aux aguets sans que personne n'ait eu besoin de le leur demander.
Alors que l'ensemble de la colonne s'étaient immiscées dans une rue, Aurel aperçut un volet se fermer rapidement. Comme si quelqu'un les observait et, croisant le regard du Général, avait craint d'être découvert.

-HALTE !!!!

L'ordre fut répété par les officiers et sous-officiers jusqu'à ce que tous s'arrêtent. En l'absence des bruits de pas et de métal qui accompagnaient leur marche, le silence devenait plus inquiétant encore qu'auparavant... On aurait dit qu'il n'y avait pas âme qui vive à des centaines de mètres à la ronde. Pourtant, toute la cité n'avait pas pu atteindre la citadelle. Du haut des remparts, ils avaient bien vu que seule une partie des défenses avaient été désertées. Toutes les autres forces en présence étaient restées pour mener à bien la tâche qui leur avait été dévolue. Alors où étaient-elles ?

-BOUCLIER !

Cette fois, nul besoin de répéter pour que tous entendent. A peine le premier chevalier avait-il levé son pavois au-dessus de sa tête que les fenêtres s'ouvrirent les unes après les autres. Se mirent alors à tomber flèches mais aussi cailloux récupérés parmi les gravats des maisons détruites. Quelques hommes furent tués ou assommés avant que tous les boucliers ne soient levés pour les protéger. A partir de ce moment-là, les attaques aériennes ne servirent plus à grand chose... Ce fut alors que les portes s'ouvrirent à leur tour, déversant les hommes qui se trouvaient cachés au rez-de-chaussée. S'engagea alors un combat où les troupes olysséennes devaient non seulement affronter des ennemis au sol mais aussi prendre garde aux projectiles tombés du ciel. Ceux qui leur faisaient face étaient des soldats et autres hommes d'armes, sans le moindre de doute. Aux étages, aucun uniforme ni aucune armure n'était visible. Probablement des artisans dont les services avaient dû être réquisitionnés par l'armée en vue du siège et qui prêtaient à présent main forte contre les envahisseurs.
Les quelques hallebardiers ayant jetés leur bouclier sans prendre le temps de le récupérer furent les premiers à tomber, laissant des brèches s'ouvrirent dans la défense d'Olyssea. Les chevaliers, non loin derrière, prirent donc le relais mais il leur fallait pour cela baisser leur bouclier pour se protéger non plus de la pluie de pierres mais des lames qui tentaient de les atteindre. Dans le même temps, les projectiles jetés par les fenêtres se firent moins nombreux, ne cherchant plus à faire un maximum de victimes mais plutôt à attaquer de manière stratégique. Il s'agissait à présent de sauver un homme à terre, de protéger d'une attaque en traître ou encore de venger un mort.

Dans un premier temps, les embusqués eurent pour eux l'effet de surprise, bien que cette technique avec les boucliers qui leur avait déjà servi pour pénétrer dans la cité ait limité les dégâts de cette première phase d'attaque. Alors que les maisons achevaient de déverser le flot des hommes qu'elles contenaient, les troupes olysséennes parvenaient à garder le dessus mais il leur était difficile de garder un œil au sol en même temps qu'au ciel. Toujours sous les boucliers au cœur des rangs encore intacts, les officiers se risquaient de temps à autre à observer ce qu'il se passait à travers un interstice afin d'analyser la situation.

-Général, nos hommes ne peuvent pas combattre sur deux fronts à la fois !
-Dans ce cas, nous allons débusquer. Ordonnez au centre de la colonne de se disperser à mon signal. Qu'ils forcent le passage vers les portes de tous les bâtiments où sont postés les lanceurs de pierre. Ils n'ont pas l'air de savoir se battre autrement, qu'ils les capturent simplement.

Un signe entendu et l'ordre fut diffusé. Lorsqu'il eut confirmation que tout le monde se tenait prêt, Aurel déclencha l'attaque. Le centre de la colonne, toujours harcelé par les pierres, s'avança subitement vers les bords de la ruelle. Nombre d'ennemis au sol furent repoussés par cette vague qui se précipitait vers tous les accès visibles permettant d'accéder aux maisons. Aurel aida à forcer le passage et se retrouva à croiser le fer avec quelques locaux. Jugeant qu'ils étaient suffisamment nombreux à l'intérieur, il estima qu'il serait plus utile l'épée à la main. Ainsi, plusieurs hommes tombèrent sous ses coups et un nouvel ennemi se lançait déjà sur lui. Il s'écarta sur le côté afin d'esquiver son attaque et ressenti dans le même temps une vive douleur sur son genou droit qui lui arracha un cri. Dans son mouvement, il avait reçu une pierre qui était probablement destinée à sa tête avant que son adversaire ne l'attaque. Il avait eu de la chance mais il devait encore se défaire de son assaillant et il ne pouvait plus se mouvoir avec autant d'aisance qu'auparavant. Claudiquant, il évita de justesse une nouvelle tentative rapidement suivie d'une troisième. L'homme se rapprochait de plus en plus et, au lieu de l'éviter, il commença à parer les coups à l'aide de son arme. Les épées tintèrent plus d'une fois tandis qu'Aurel évitait le moins maladroitement possible les attaques répétées du soldat de Christabel, chose difficile lorsque l'on ne dispose plus que d'un seul appui.
Frustré de ne pas parvenir à se défaire de cet ennemi pourtant blessé et peu alerte, l'homme s'impatienta et, de colère, accéléra ses assauts. Il les répéta tant et si bien que certaines attaques finirent pas toucher son adversaire. Cependant, celui-ci était protégé par une solide armure et, ne cherchant pas la précision, ses coups n'étaient pas d'une grande efficacité. Tout au plus parvint-il à marquer le métal des impacts de son épée et à sectionner la sangle de cuir qui maintenait la spalière gauche en place. Aurel, plus calme que son ennemi mais aussi en moins meilleure posture, profita de ce moment pour trouver une faille à exploiter et celle-ci ne tarda pas à se montrer. Il parvint à esquiver une nouvelle attaque et l'homme commença à perdre l'équilibre. Un peu d'aide de la part du Général l'envoya dans les roses à quelques mètres de là. L'olysséen lui-même manqua de trébucher dans son action et il se fit mal en essayant de se retenir sur la mauvaise jambe. Pour se remettre de la douleur, il lui fallut un court instant durant lequel son adversaire se remit debout. Lorsqu'Aurel se retourna pour lui faire face, il eut juste le temps de voir la point de la lance dont il s'était saisi avant qu'elle ne se plante dans la brèche laissée par sa spalière détachée.
Un nouveau cri retentit alors que le sang de Général commençait à maculer l'arme qui lui transperçait l'épaule. Il sentait la force de l'homme qui tentait de le repousser à l'aide de la lance. Il tenta de lutter contre mais sans grand résultat entre la douleur de son épaule et celle de sa jambe. Il fut donc contraint de reculer jusqu'à ce que son dos ne frappe un mur quelques pas derrière lui. La pointe de l'arme semblait vouloir toujours s'enfoncer plus loin et il avait cru entendre un crissement lorsqu'il était venu frapper la pierre. Sans doute le choc de son armure...

Acculé de la sorte, Aurel ne semblait pas avoir beaucoup d'alternatives. Il était à la merci de cet homme, à moins qu'il ne trouve le moyen de se défaire de son emprise. Et il n'y avait qu'une seule solution pour cela... Alors, contre toute attente et malgré les dégâts que cela pourrait occasionner à sa blessure, il leva son épée et sectionna le bois de la lance. Un nouveau crissement, à l'intérieur de son épaule... Ce n'était donc pas son armure contre la pierre... De douleur, il tomba au sol. Il devait reconnaître qu'il n'était plus en état de combattre désormais. Pourtant, alors que le soldat se relevait après avoir violemment frappé le sol, entraîné par sa propre force, il leva son épée pour lui signifier qu'il était prêt à l'accueillir. Il attendit le coup... Qui ne vint jamais. L'homme cria et s'effondra juste devant lui. Aurel suivit sa chute du regard puis releva les yeux pour apercevoir Lambert, l'arme à la main. Soulagé, le Général lâcha un soupire et baissa son épée qui lui échappa. Sans hésiter un instant, son ami se précipita pour le rattraper avant qu'il ne tombe et l'accompagna jusqu'au sol.
Autour d'eux, le silence s'était fait. Seules quelques minutes avaient été nécessaires pour faire cesser les projectiles de pleuvoir et, hormis une exception ou deux, le sang n'avait pas coulé dans les maisons. Tandis que l'on attachait les prisonniers avec cordes et linges trouvés sur place, le combat avait continué dehors. Sans le soutien de leurs camarades, les gens de Christabel avaient eu grand peine à tenir tête à leurs adversaires. Ils s'étaient défendus comme de beaux diables malgré tout, profitant qu'une partie des troupes soient occupés ailleurs, mais en vain. Les officiers en charge de l'embuscade avaient ordonné de rendre les armes. Toute la rue et les bâtiments qui s'y trouvaient étaient à Olyssea. On rassemblait les prisonniers, on achevait les ennemis mourant, on faisait les premiers soins d'urgence aux blessés. Le gros des troupes fermaient la rue de part et d'autres en attendant les instructions.

Après avoir retirer le heaume de son ami, Lambert examina la façon dont la lance était fichée dans son épaule. Il la retira d'un coup sec. Aurel cria et une main vint se poser sur son poitrail pour lui éviter de trop bouger. Puis le chevalier souleva le coin de l'armure et écarta le tissu déchiré pour tenter de voir la plaie. Pendant ce temps, ils furent rejoint par Rubens qui s'enquit bien vite de l'état de son supérieur.

-La pointe de la lance s'est cassée à l'intérieur. Il saigne beaucoup trop. Répondit le soigneur improvisé tandis qu'il sortait de sous son dorsal un linge propre, conservé là justement pour les soins de premiers secours, avant de le glisser sous le plastron de son ami. Et sa genouillère est défoncée.

Il était rare de voir Lambert aussi sérieux. Le jeune homme était plutôt connu pour son comportement décalé qui détonnait totalement avec l'attitude très sombre de son frère d'arme.

-Je crois que tu en as assez fait pour aujourd'hui.
-Je suis d'accord... Rubens... Vous prenez le commandement.
-Je suggère de laisser la prise de la citadelle à Sainte-Berthilde et de nous concentrer sur la cité. Autant éviter que d'autres embuscades de ce genre ne surviennent.
-Faites dont ça... On saura vous faire savoir si on a besoin de vous ailleurs.

Rubens hocha la tête et posa une main sur l'épaule valide d'Aurel pour lui souhaiter du courage avant de se lever et d'organiser les troupes. Il envoya quelqu'un en quête d'Odéon afin de savoir quelle stratégie il avait échafaudée et pour lui faire connaître leur mésaventure et leur nouvelle affectation. Ensemble, l'un avec les chevaliers et hallebardiés et l'autre avec les sharasiens, ils agiraient de concert pour vider les rues de tous leurs ennemis. Ceux qui n'opposeraient pas de résistance seraient tout simplement capturés. Aux autres, on leur laisserait une chance de se rendre avant de les prendre de force, et tant pis s'il devait y avoir des morts.
Une embuscade, pas deux. Ce fut leur objectif, et ce fut ce qu'il se passa. Pour eux tout du moins, il y eut bien moins de morts à supplémentaires à déplorer pour cette journée.

Pendant ce temps, on rassemblait les blessés dans quelques bâtiments assez grands pour les transformer en infirmerie de fortune tant que ceux-ci n'étaient pas transportables et on dépêchait d'urgence quelques soigneurs pour leur venir en aide. Ces derniers se tenaient prêts au campement et sauraient arriver dans les plus brefs délais. Aurel se retrouva allongé sur la table d'une taverne, Lambert toujours au-dessus de lui, exerçant une pression sur sa blessure afin d'empêcher l'écoulement de son sang. On attribua à quelques valides la tâche de repérer les blessés les plus graves afin qu'ils soient soignés en priorité. Entre son état et son grade, le Général d'Olyssea était bien évidemment parmi eux.

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Cosimo Tête Pelée
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MessageSujet: Re: Chrystabel, suite et fin   Chrystabel, suite et fin - Page 3 I_icon_minitimeMar 3 Avr 2018 - 22:18


« - C’est tout ?! »

Un bien chiche butin jeté en vrac sur un grand drap narguait les mercenaires. On avait beau défoncer les entresols à la hache et fureter dans les caves, les compaings devaient se rendre à l’évidence, ils ne prendraient pas leur retraite aujourd’hui. Le pire était bien l’absence des habitants, qu’on ne pouvait pas rançonner comme il se doit.  Christabel n’était qu’une coquille d’escargot vide. Rien à ne se mettre sous la dent ! Un véritable scandale, contraire à toutes les lois de la guerre. Cosimo fulminait en faisant les cent pas, la moustache hérissée par la colère. Voilà des mois qu’ils patientaient sagement sous les murs de cette putain de cité, et tout ça pour ça ? Un peu de mauvaise vaisselle et des vieux draps ? Il brisa d’un coup de pied rageur un vase précieux, éparpillant les tessons sur les pavés. Les escouades revenaient une à une au centre de la place, avec pour tout chargement des plaintes et des grognements. Les Christabellois leur avait fait un beau coup de pute :

« Et comment qu’on va bouffer ?
-Une ville prise et point de picorée…
-Par la Damefoutre, en voilà une vilaine farce !
-‘chier.
-Baste, j’avais promis à ma femme qu’on se torcherait dans la soie.»

La situation était dangereuse, les mercenaires pourraient bien vite reporter la faute sur leur capitaine. N’avait-il pas promis monts et merveilles lorsqu’ils plantaient leurs tentes sous les murs de la ville ? Cosimo le savait, et pouvait le lire dans certains regards biaiseux. Il fallait sacrifier au plus vite un bouc émissaire pour dissiper la tension, au moins pour le moment :

« Compaings ! Si la putain Christabel ne veut pas payer pour sa sauvegarde, il est de notre bon droit de n’en laisser que de la cendre. Point de rançon, point de ville ! »

Pour ces coquins, la destruction gratuite constituait un baume à même de soulager leurs frustrations. Les mercenaires brandirent leurs piques :

« Point de rançon, point de ville ! »


Cosimo balaya l’espace devant lui de sa rapière :

« Boutez le feu ! »


Le cri fut reprit en cascade dans les rangs des routiers. Boutez le feu ! Boutez le feu ! On battit les briquets, torches improvisés et brandons passèrent de main en main. Ces maléfiques farfadets se dispersèrent à nouveau, allumant des foyers par dizaines aux quatre coins de la place, avant de se répandre hurlant dans la ville. Aux soldats alliés qu’on croisait c’était toujours le même discours : non, rien de bon à piller, boutez le feu ! Et les feux craquaient de part et d’autres, avant de rugir à l’unisson quand enfin les charpentes s’embrasaient. A leur retour, les habitants coucheraient dans la cendre.  

Ainsi débuta l’incendie de Christabel.


Dernière édition par Cosimo Tête Pelée le Mer 4 Avr 2018 - 13:33, édité 1 fois
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