Vous aussi vous aimez la Pissalakiel? [Kerath]

Arcamenel, Deuxième ennéades de Karfias, An XVIII, Cycle XI
Erlem, Ithri’Vaan

Le reflet de la lune illuminait la scène. D’innombrables tentes, d’innombrables êtres qui n’attendaient qu’une seule chose – la guerre. Une guerre qui agitait les esprits et les corps, qui les purifiait face à la racaille qui troublait cette terre qui aurait dû être la leur. L’Elda Vengeur se préparait à mener un nouveau coup, et on pouvait sentir l’excitation dans l’air. Le camp était très bien organisé, une colline était soudainement apparue, aidant à l’observation du pathétique petit fortin qui se trouvait devant eux. Et c’est sur le haut de cette colline que la figure voilée observe la scène. Ses yeux perçants camouflés par le voile noir observent le moindre mouvement, semblant analyser chaque personne qui passait devant elle. Silencieuse, le regard fantomatique se posa finalement sur le fortin vaguement illuminé devant eux. Paisible, cette dernière semble appréciée ces derniers moments de paix avant qu’une force des plus brutales ne lui fonce dessus. Observé par la structure de pierre qui se dressaient devant elle, ce fut une voix terrifié qui vint interrompre ses pensées;

« Suliss »


La figure voilée se déplace lentement la tête pour fixer son regard sur l’affreuse créature qui se tient devant elle. Un visage détruit, couvert de cicatrices, qui ne laisse rien au hasard. C’est l’un des siens.



« Ils nous ont ramenés un déserteur. »


Le fantôme ne dit rien pendant de longues secondes, ne bouge pas alors que le prêtre devant elle semble vouloir se dérober de à son regard, comme inconfortable par la présence de son supérieur. Tandis que elle, semble se nourrir de cette inconfort, du moins c'était peut-être ce qu'elle tentait de faire derrière le masque - qui pourrait réellement le savoir? Puis une voix des plus monotone vint briser ce silence;  « Commencez, j’arrive. » Le drow ne tarde pas à comprendre le message, tournant les talons, il se met en marche vers un groupe un peu plus loin avant de disparaître derrière des tentes. L’ombre ne dit rien, se contentant de replier doucement ses doigts déformés par son ordalie, en jetant un dernier regard à Erlem. Peut-être qu’elle trouverait éventuellement ce qu’elle cherchait bientôt… Elle le verrait bien… Ce fut au bout de quelques minutes que Kha’linas se mit finalement en marche. Le pas décidé, la démarche fière, elle traverse le camp sans jeter un regard à personne. Elle rejoint finalement les autres prêtres dans une grande tente sombre. Quelques bougies illuminent doucement la pièce, où quatre prêtres entouraient un jeune drow turbulent.  Celui-ci sembla se taire alors que la figure voilée entre dans tente et son regard devient de plus en plus apeuré alors qu’elle remonte doucement son voile pour poser ses yeux perçants sur ce dernier. Il n'a pas besoin de présentation. Il sait très bien à qui il a affaire et cette simple pensée suffit à faire trembler le moindre de ses membres d'une façon incontrolable.  Les pupilles aussi blanches que la neige fixe l’individu qui, maintenant apeuré, n’ose pas dire le moindre mot.  C’est alors que la main meurtrie du fantôme se relève devant la victime, le silence semble prendre possession de l’endroit, et la seule chose que l’on peut entendre est une incantation derrière le masque, un murmure pour certain.


Puis, ce fut les cris.


Un cri horrible qui aurait pu faire trembler le plus courageux des hommes. Ses membres se mettent à se contracter alors que la douleur semble se répandre, le paralysant sur place. Si cela sembla durer beaucoup trop longtemps pour la victime, sa peine ne dura que quelques minutes. Après tout, ce n’était qu’un apéritif, il y avait beaucoup plus à venir…  La victime sembla pousser un soupir de soulagement, alors qu’il commence à reprendre le contrôle de son corps. Il n’y avait pas un seul membre qui ne le faisait pas souffrir à ce point. Pas une seule respiration silencieuse, qu’un long râle a chaque fois que sa cage thoracique se relevait pour prendre une bouffée d’air. Quelle perte de temps… pensa-t-elle. Non ce sujet-là ne lui donnerait définitivement pas ce qu’elle voulait. Il claquerait beaucoup trop vite… et la laisserait sur sa faim. Ce n’était qu’un pathétique insecte qui ne méritait pas de se faire appeler Eldéens. Il y en avait beaucoup trop de cette racaille d’ailleurs.


« Il finira au P’leik, mais en attendant rendez hommage à la maitresse des souffrances. » Les yeux blancs, fixant le lâche qui la regardait avec un regard implorant, tentant tant bien que mal de demander grâce entre deux douloureuses respirations. « Continuez… » Les bourreaux ne se firent pas attendre et commencèrent le traitement sous l’œil attentif de Gul’Uss. Si les autres prêtres semblaient devenir de plus en plus excités alors qu’ils pratiquaient les incisions, la haute-prêtresse, elle, ne laissait rien s’échapper. Et pour cause, elle ne ressentait absolument rien… pas de dégout, pas d’excitation. Ce n’était rien de différent, rien qui aurait pu lui envoyer cette extase qu’elle recherchait tant. Cette maudite indifférence… à croire qu’elle était déjà morte à l’intérieur… Ses oreilles se dressèrent légèrement alors qu’elle entendit des lourds pas s’approcher de la tente qui leur servait de refuge. Kha’linas se retourna doucement vers la sortie, avant de descendre à nouveau son voile sur son visage masqué. Le vent fit virevolter le tissu de sa robe, alors que l’ombre, droite, observait le géant qui s’approchait d’elle. Nul besoin de faire les introductions, elle savait très bien qui il était, et ce même s’il n’avait jamais réellement eu l’occasion de discuter – il fallait aussi avouer que la drow était aussi accueillante qu’un bloc de glace, ce qui n’aidait généralement pas à une conversation amicale…. « Karliik Glenn » dit-elle d’une voix monotone, comme si elle ne faisait que constater une chose des plus banales. « J’ignorais que vous vouliez participer au sort de notre déserteur… » Qui aurait pu le blâmer? C’était un spectacle des plus prometteurs lorsque l’on ne le connaissait pas…

L’eldéen observa pendant quelques instants Erlem dont la forme se découpait sur l’horizon, le soleil se couchait juste derrière le château comme si le Père encourageait ses enfants à se dépêcher de venir s’emparer de la structure. Mais tout ça attendrait le lendemain. Le jour tant attendu par les troupes rassemblées dans le grand camp arriva finalement, rassemblées au pied de la colline, les prêtres d’Uriz commencèrent une prière collective à l’aube. Avec le soleil se levait l’attention du Créateur et enfin les osts se mirent en route pour poursuivre l’Eda Vengeur. Entouré des quatre gardes draconniques qui l’avaient accompagné à Thaar, Kerath tourna la tête en entendant la couche de neige au sol craqueler sous les pas d’une armure qui ne passait pas par un chemin coutumier des autres soldats du camp.

« Je t’écoutes. » Le drow observa l’unique œil de Gor’Vel briller derrière son casque avant qu’elle ne le retire pour parler.
« On a trouvé le fuy... »
« Je sais, on me l’a dit y’a quelques minutes. » C’était même la première chose qu’on lui avait annoncé en entrant dans la tente. Interrompre quelqu’un n’était pas d’une politesse remarquable mais en même temps il n’avait pas envie de perdre du temps en rapports inutiles.
« Les prêtres de Kiel vont bientôt commencer. » Le général hocha la tête. La nouvelle l’avait fait enrager, il ne savait pas si le jeune drow était réellement un déserteur ou non mais dans tous les cas il n’était pas à son poste quand il aurait dû y être. Cela ne faisait pas longtemps qu’ils attendaient et déjà la discipline laissait à désirer alors mieux valait agir maintenant. En réalité l’assaut était prévu pour le lendemain et sans doute que l’attaque réussirait à canaliser les envies belliqueuses des eldéens ; maintenant que Kerath était Karliik Glenn il était hors de question que l’espèce de mutinerie qui s’était produite au camp sud de Sol’Dorn ne se reproduise. Et le Karliik Glenn en question comptait sur la haute-prêtresse de la Maîtresse des Souffrances pour étouffer toute velléité d’insubordination. Le colosse ne savait pas si l’ilythiiri rattrapé par ses gardes draconniques était bel et bien un déserteur mais au final cela n’avait que peu d’importance : il allait servir d’exemple de toute façon.
« Phyx’ tu peux ramener Murrpau aux prêtres de Zhak’Bar en même temps que le tiens ? » L’intéressé hocha la tête avant d’attraper la bride du félin à pointe qui décida de s’étirer à ce moment-là et il ne put résister à la force de l’animal, surtout qu’il n’ s’y attendait pas, il termina la tête la première dans la neige.
« Toi qui te demandais quel goût ça a, alors, qu’est-ce que t’en penses ? » Demanda Lirdnol’Sorn entre deux rires moqueurs.
« Va baiser un ghourn'wiu. » Gronda l’interrogé en se relevant avant de se débarrasser de cette horripilante boue blanchâtre et glacée de surcroit.
« Tu t’occupes de l’animal, je prends la conductrice. » Lâcha Shi’niira, se pourléchant les lèvres, en voyant justement passer un chariot tiré par un melzoar massif sous la supervision d’une eldéenne de l’intendance du premier ost. Sachant Murrpau entre de bonnes mains, Kerath fit signe à Gor’Vel de passer devant pour le mener jusqu’aux adeptes de Kiel.

La tente qui l’intéressait était plus silencieuse qu’il ne s’y était attendu lorsqu’il en approcha. Il entra et embrassa la scène du regard. Visiblement il arrivait avec un peu de retard : ils avaient déjà commencé.

« Suliss. » Il lui rendit son salut d’un hochement de tête. « Je suis venu pour y assister plus qu’y participer, ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de te voir à l’œuvre. » Surtout qu’il n’avait pas à subir la même chose, ce qui était toujours enviable, se retint-il d’ajouter. « Cela étant dit si tu as une idée pour me faire participer sans altérer le rituel je suis preneur. » En réalité il ne savait pas si les souffrances qu’ils infligeaient étaient ritualisées mais avec des prêtres il était plus prudent de partir du principe que c’était le cas. « Mais je suis surtout venu te proposer quelque chose : que dirais-tu de déménager sur la place centrale du camp pour que tous puissent assister à son sort ? Je veux en faire un exemple et ce sera plus simple si tous voient ce que tu comptes lui faire. »

À travers le voile le fantôme observe le général alors que ce dernier la complimente, mais il se heurte à un mur. Impassible, la prêtresse ne laisse rien s’échapper et à quoi bon? Qu’en avait-elle à faire de la réputation qu’elle avait, ou de ses accomplissements? C’était ce que la Maîtresse des Souffrances voyait qui était important… C’était à elle, qu’elle se dédiait corps et âme. Elle seule qui l’avait poussé à devenir la favorite de la créature de Kiel. Kha’linas savait qu’elle était bien plus jeune que la majorité des autres qui occupait un poste similaire, mais elle avait gagné son titre. Elle seule avait survécu à l’ordalie. Même devant son manque de réaction, le général ne semble pas s’en faire et continue son petit discours, proposant non seulement son aide, mais aussi d’en faire un exemple. C’était inutile d’aller plus loin dans les détails, la prêtresse savait définitivement ou il allait en faisant cette suggestion des plus singulières. « Je suis certaine que l’on peut te trouver une occupation. » dit-elle en serrant ses doigts torturés ensemble, les crispant dans une position des plus singulières. « Quant au déménagement. Très bien. » Les quatre prêtres arrêtèrent rapidement leur – disons – travaux alors qu’ils entendirent les paroles de la Haute – Prêtresse. « Mais il faudrait recommencer du début, sinon cela ne donnerait pas le bon message… » Se retournant vers le fuyard qui commençait à être légèrement amoché – bon soyons honnête, ce n’était que quelques coupures… Rien de trop sérieux, mais si le général voulait donner un spectacle, elle allait lui en donner un qui en valait la peine. Son énergie se concentre, alors que son attention se porte sur la victime, le murmure revient, étouffé par le lourd masque, pendant ce temps les coupures superficielles semble se sceller par elle-même, et après quelques minutes, il ne reste que les taches de sang frais sur sa tunique qui témoigne de son premier passage chez les adeptes du visage hurlant.


Satisfaite, Gul’Uss fait un nouveau signe du bout des doigts aux autres visages torturés, qui attrape rapidement l’ilythiiri pour le conduire sur la place centrale. Mais avant même qu’ils ne puissent faire un pas, la voix autoritaire se fait entendre derrière le masque; « Attendez. » D’un pas rapide Kha’linas s’approche de la victime, remontant doucement la jupe de sa robe, dévoilant une fine jambe tout aussi torturée. Elle l’observe pendant de longues secondes avant de donner un solide coup de pied sur le genou. Le talon de sa botte directement sur le genou, un coup simple, mais puissant. Sans oublier, le craquement sourd qui s’ensuit, suivi d’un nouveau hurlement. La prêtresse fait un nouveau signe du bout des doigts aux prêtres qui continuent leur marche, entraînant le captif hors de la tente. Gul’Uss se retourne vers le Karliik Glenn, inflexible, avant de rajouter de la façon la plus banale au monde; « Il ne pourra fuir trop loin maintenant… » Elle fit un signe de main vers la sortie de la tente au général avant de rejouter; « Puisque tu veux en faire un exemple, je te laisse ouvrir le bal. Présente-leur ce qui arrive lorsque l’on essaie de fuir ses responsabilités. » Simple rhétorique, il n’y avait pas une seule personne qui ignorait son nom - ou du moins – son surnom en ces lieux, mais si le Karliik Glenn voulait en faire un exemple à lui d’expliquer ce qui s’était passé à ses osts. C’était son autorité qui était en jeu, et non celle de la prêtresse de Kiel. Kha’linas n’était la que pour le supporter dans son rôle et si elle échouait, cela lui donnerait simplement plus de victimes pour jouer.


Sans attendre la réponse du général, Kha’linas se mit en marche vers la place centrale, se doutant que le général n’était pas loin derrière elle. Une estrade avait été battit en plein milieu, surplombant légèrement la foule qui s’attroupait autour de l’ilythiiri hurlant. Preuve que la curiosité morbide des drows était toujours aussi présente. Gul’Uss gravit les quelques marches de l’estrade, jetant un coup d’œil à sa victime à travers son voile. Ce dernier, les poignets maintenant ligotés avec une chaîne digne des méthodes de son culte, repose doucement sur son ventre, alors qu’il tente tant bien que mal de se ternir droit sur ses genoux, comme si cela l’aiderait dans le regard des dieux… Elle ne manqua pas ses petits mouvements, ni la larme qui commençait à perler sur le bord de son œil, alors qu’il tentait de mettre son poids sur son genou toujours fonctionnel et de minimiser les mouvements de ses poignets maintenant ensanglantés. Au moins, il avait arrêté de hurler…Du moins pour le moment. Kha’linas tourna doucement la tête vers le Karliik Glenn, attendant patiemment de voir si ce dernier prendrait la parole devant ces soldats. Décidément, cette visite à Erlem serait de courte durée, mais elle aura au moins l’avantage d’être remplie d’actions…

Kerath pouvait sentir le malaise de Gor’Vel juste après qu’elle soit entrée à son tour dans la tente, l’eldéenne était restée à l’entrée, un pied en dehors de ladite tente, prête à en sortir dès qu’on le lui autoriserait. Ce que le Karliik Glenn comprenait mais refusait de partager. Il hocha la tête lorsque la voix de la haute-prêtresse passa son masque, son regard fut attiré par les doigts de la drow et il se demanda s’il s’agissait d’un signe de nervosité et si oui, pourquoi. L’idée que Kha’linas soit gênée de rendre hommage à Kiel en public était amusante mais probablement fausse. Toutefois, lorsqu’il reçut le consentement de la haute-prêtresse se mit de profil pour parler à la garde draconnique dans son dos.

« Va voir où en est le rassemblement. » Gor’Vel hocha vigoureusement la tête et le moins qu’on aurait pu dire c’était qu’elle n’avait pas besoin de se le faire répéter ; elle était partis avant même que Kerath n’ait pu se retourner pour faire de nouveau face à la haute-prêtresse. « Comme bon te semble. »

Avec son casque sous le bras et sa poing libre posé contre sa hanche, le Karliik Glenn tourna son regard vers le supplicié. Peut-être qu’il n’était pas le seul à être coupable mais il avait eu la malchance, ou la maladresse, d’être le seul à se faire attraper. Il était jeune et le vieux drow ne put s’empêcher de se demander ce que le soldat tenu par les prêtres de Kiel serait devenu sans cette erreur. Peut-être que devant le colosse, l’ilythiiri qui allait perdre sa vie ce soir, serait devenu le prochain Karliik Glenn s’il n’avait pas été aussi con. Mais à quoi bon se poser des questions sur des futurs hypothétiques qui ne se réaliseront jamais ? Observant le manège des adeptes de la Maîtresse des Souffrances, il haussa les épaules.

« Je crois qu’il a déjà compris la leçon. Maintenant c’était à tous les autres de la comprendre et de l’intégrer. »

Eux qui peuvent encore, eut envie d’ajouter le général avant de se diriger vers la place centrale comme prévu. Si l’armée eldéenne était bien trop nombreuse pour pouvoir se rassembler entièrement sur la place principale, on comptait tout de même près de cinq-cents guerriers, s’il y en avait davantage, les autres se perdaient entre les tentes alentours et dans les avenues qui y menait. Des soldats se massaient dans la voie principale pour tenter de ne pas louper ce qu’ils pensaient être une exécution ; toute distraction était la bienvenue étant donné que l’armée ne bougeait pas depuis des jours, ce qui avait la conséquence fâcheuse de voir le nombre de duel exploser, pour le plus grand bonheur des prêtres d’Uriz et le plus grand malheur de ceux de Kiran mais c’était à prévoir. Sur la place centrale en question, derrière l’estrade qui fut montée spécialement pour l’occasion, se trouvait une grande statue du Père ; en bois et peinte, la statue dépassait les quatre mètres de haut et surplombait aisément le camp, elle était démontable et donc transportable pour permettre à l’armée de rapidement pouvoir mettre en place un temple d’Uriz de campagne lorsqu’elle s’arrêtait. C’était d’ailleurs, d’ordinaire, le rôle principal de la place sur laquelle tout ce beau monde était rassemblé. Ce fut donc sous le regard de la statue que Kerath monta les marches de l’estrade pour rejoindre les prêtres de Kiel, confiant au passage son casque au garde draconnique qui se tenait devant les marches. Il prit une inspiration, son regard parcourant la foule en arme.

« Je sais que vous avez tout autant que moi envie de poursuivre l’Eda Vengeur et qui suis-je pour vous le reprocher ? » Faisant quelques pas, ponctuant certains mots de gestes de ses bras, Kerath laissa flotter sa question rhétorique dans l’air froid de l’hiver pendant quelques instants avant de reprendre. « Vous avez peut-être l’impression que toute cette attente est inutile, que nous devrions nous lancer dès à présent dans la guerre que nous attendons tant . Ce que je comprends, tout comme vous je brûle d’envie de faire couler le sang de ceux qui refusent de voir et reconnaître notre supériorité, de voir celle du Père et qui s’opposent à notre mission ; comme vous vous en souvenez tous c’est moi qui ait mis cette campagne sur pied, c’est moi qui me suis battu pour qu’elle ne soit pas abandonnée par le nouveau triumvirat et c’est moi qui vous ai mené en dehors du Puy et ce jusqu’à Sol’Dorn pour la commencer ! » Kerath s’arrêta dans sa marche pour se tourner directement vers ses troupes, les poings fermés. « Mais il est hors de question de la mettre en péril la veille de son exécution parce que vous n’arrivez pas à vous contrôler ! Vous voulez vous battre ? Vous voulez avoir l’occasion d’être remarqué par le Père des Batailles ? Alors n’oubliez pas les enseignements de Meingal ! L’un d’entre vous n’a pas rempli ses devoirs et, par conséquent, nous a tous mis en danger. » Kerath connaissait son nom et il n’était pas le seul à le savoir, depuis son erreur le jeune eldéen avait gagné une certaine renommée, une renommée qu’il aurait sans doute préféré ne pas gagner cela dit. Toutefois le Karliik Glenn se refusait à le nommer, il avait perdu ce privilège en abandonnant son poste et il était hors de question que son nom soit connu par davantage de ses anciens camarades. Il avait perdu l’honneur d’être reconnu comme un soldat des osts. D’un ample geste du bras le colosse embrassa la foule qui s’étalait devant lui, l’englobant pour être certain que tous se sentiraient concernés par ce qui suivrait. « Imaginez : à cause de lui, l’un de vous, ou même plusieurs d’entre vous, auraient pu mourir sans être vu par le Créateur, sans qu’il soit témoins de vos prouesses. Vous auriez pu mourir sans obtenir une place au Nahali malgré vos faits d’armes ! Alors je dis : qu’il soit punis comme il le mérite ! »

Kerath se tourna ensuite vers la haute-prêtresse de Kiel.

« Gul’Uss, je t’en pries. » Dit-il suffisamment fort pour que sa voix ne soit pas couverte par la réaction de la foule en colère.

!!! Attention scène de torture assez détaillée!!!  

Observant silencieusement la foule, la prêtresse ne bougea pas d’un centimètre alors que le colosse prononçait son discours. Sagar avait définitivement cette aisance à rassembler ses troupes. La parfaite intonation, les mouvements de son corps parfaitement acté, on pouvait sentir la foule s’électrifier devant leur général. Il était doué, Kha’linas devrait l’admettre. Avait-il réussi à obtenir une quelconque réaction de la prêtresse pendant son discours? Non. Il fallait dire que plus rien ne faisait frémir le fantôme. Si les autres adeptes eurent un air effrayé alors que le Karliik Glenn appelait la prêtresse par son surnom, Kha’linas, elle, ne laissa transparaître aucune émotion. Aucun mouvement. Ces doigts se crispèrent une nouvelle fois, alors qu’elle put sentir le sang battre dans ses tempes. Ah! Mais la voilà cette excitation! À croire qu’avoir un public aussi grand, aussi captivé était assez intéressant! Elle releva doucement son voile, dévoilant le masque d’ Onous'Delab. Avant de relever doucement ses manches, dévoilant ses bras menus, mais aussi gravement brûler, avant qu’un des adeptes ne s’empresse de lui tendre la lame rituelle. La dague finement décorée d’écritures sacrées était légèrement recourbée. Kha’linas passa doucement son index dessus, observant la lame couper la chair cendrée, puis observant de son regard vide le sang qui coulait légèrement de son index. Semblant satisfait, la prêtresse leva la dague, la montrant à la foule assemblée avant de s’exclamer d’une voix forte et assurée;


«O Kiel, Quarval-sharess de' jiv'undus, de' tor'dos.  Mrimm ussta velve.  Mrimm uns'aa zil usstan sarn'elgg nindol de'rter.  Mrimm uns'aa zil usstan gultah dos nindol or'shanse»
O Kiel, Déesse de la douleur, des supplices. Guide ma lame. Guide-moi pendant que je punis cette ignominie. Guide-moi alors que je t’offre ce sacrifice.


C’était bien la première fois qu’elle sonnait aussi enthousiaste, bien la première fois qu’elle avait un semblant d’entrain. Mais cette impression disparut rapidement alors qu’elle eut l’impression que tout devint silencieux alors que son regard vide se porta sur sa victime alors qu’elle s’approchait de ce dernier. Gul’Uss attrapa l’encolure de la tunique de l’ilythiiri alors que les autres prêtres se mirent à scander une prière au visage hurlant. D’une main habile, elle coupa le tissu, avant de le déchirer d’un coup sec. Elle coupa doucement les manches, se débarrassant le sacrifié du bout de tissus. Kha’linas savourait ce moment, elle pouvait voir les muscles du drow se contracter alors que sa mâchoire se serrait. On pouvait presque entendre ses dents grincer sous la pression. Il tentait de rester calme, de fixer la mort qui approchait, inconscient du supplice qui allait s’abattre sur lui. Un supplice, que la prêtresse affectionnait particulièrement. Elle passa ses doigts torturés sur son dos, suivant la colonne vertébrale, en descendant doucement pour ensuite remonter. Puis glissa la lame sur la peau au même emplacement, pratiquant une incision de bas en haut. Dénudant cette partie du corps de la peau ébène qui le recouvrait. Elle en oublia le temps, alors que le regard aussi blanc que la neige était fixé sur la première vertèbre, comme une première épreuve. Sa victime respirait toujours, les dents serrées, les yeux emplis de larme, il suppliait Teiweon de venir le chercher.


Kha’linas retourna finalement son regard vers un de ses adeptes qui tendait un plateau recouvert d’un tissu rouge, au-dessus, une hachette finement décorée. Elle y déposa doucement la dague avant d’attraper la deuxième arme du bout des doigts ainsi qu’une pincée d’une substance blanchâtre. D’un mouvement rapide, elle le jeta sur le dos dénudé de sa victime, qui ne put s’empêcher de hurler de douleur. La brûlure du sel sur sa chair à vif ne le tuerait point, mais au moins, cela satisferait le visage hurlant. Gul’Uss observa tranquillement la réaction de la victime, s’assurant que ce dernier ne mourrait pas trop vite, ou du moins, pas tant qu’elle en ait complètement terminé avec ce dernier. Cela du prendre quelques longues secondes avant que l’ilythiiri se calme à nouveau, serrant à nouveau les poings. C’était curieux à quel point une simple action pouvait causer autant de douleur. Kha’linas pouvait voir les ongles cisailler la chair de ses paumes, alors que sa respiration semblait s’accélérer de plus en plus. Mieux valait se dépêcher pour la suite, au risque de le perdre avant qu’elle puisse combler ses plus profonds désirs. Kha’linas se retourna doucement vers Sagar, faisant fit du public ou des autres âmes qui les entouraient. Ses mains cendrées couvertes de sang firent tournoyer l’arme, tendant le pommeau vers le Karliik Glenn, lui offrant la chance de faire la prochaine étape; celles de briser chaque vertèbre dorsale. Une tâche aisée en soi lorsque l’on avait la stature du géant. «Alors Karliik Glenn, est-ce que tu laisseras le visage hurlant te guider cette fois-ci? » lui dit-elle d’une voix monotone, comme si elle venait de faire une chose des plus banales. C’était un test certes, il avait voulu en faire partie, ne restait qu’à savoir s’il irait aussi loin qu’elle lui demandait. «Entendu-tu ses cris? »

L’eldéen répéta la courte prière de la haute-prêtresse à voix basse, comme le reste de la foule, les yeux de Kerath cherchant ceux du supplicié. Les soldats répétèrent la prière encore et encore, la scandant, tandis que l’adepte de la Maîtresse des Souffrances préparaient la victime de son rituel. Le Karliik Glenn pouvait voir ses lèvres remuer mais avec la foule et les prêtres il lui était impossible d’entendre ce qu’il disait mais de toute façon il était plus ou moins certain que ça n’était pas d’une quelconque importance. Peu importait ce que disait, il ne le fit pas longtemps, étant arrêté par le coup de hache. Le général termina de répéter une fois de plus la prière lorsque Kha’linas se tourna vers lui en tendant l’arme.

« Ce serait un honneur. » Il espérait sincèrement qu’en participant à ce rituel Kerath se rapprocherait de Kiel, qu’il serait plus proche de la déesse mais ne faisant pas partie du clergé il en doutait un peu bien que ça ne l’empêchait pas d’espérer. Kerath tendit lentement sa main d’arme vers le manche de la hache pour solennellement la prendre. Il s’agissait presque d’un jouet dans sa main, le manche était trop court pour qu’il la prenne correctement, confortablement, mais il s’agissait d’un objet sacré et c’était avec celui-ci qu’il allait poursuivre le rituel. « Je les entends. »

Il se mit à advancer, un pas après l’autre, comme un automate, les cris de l’ilythiiri agenouillé et maintenu en place par des prêtres de Kiel avaient changé ; ils étaient plus aigus, plus longs et surtout emplis d’une douleur qui excédait largement celle que n’importe quel mortel pouvait subir et retranscrire en un cri. Ils semblaient se réverbérer sur les murs du temps, ils résonnaient d’une époque si lointaine qu’il devint rapidement difficile de les dissocier d’autres hurlements. Kerath se plaça dans le dos de la créature de Kerhel et il posa sa main gauche sur son épaule pour s’assurer qu’elle ne bougerait pas avant de lever l’autre bras pour l’abattre peu de temps après. La force du général couplée au poids apporté par son armure en onous'delab odelin fit céder un os dont le craquement fit taire la foule qui s’arrêta de scander la prière donnée par la haute-prêtresse. Puis, méthodiquement, il recommença, faisant tomber la hache comme un couperet, précisément à la jointure entre les côtes et la colonne vertébrale, désolidarisant le tout. Les éclaboussures de sang ruisselèrent sur son plastron, s’incrustant dans les inscriptions argentées à la gloire de Meingal jusqu’à aller abreuver les planches pour ensuite venir teindre et faire fondre la neige en-dessous. Comme avant d’entrer dans la salle du Conseil de Thaar, Kerath aurait pu en profiter pour dédier le sang coulant au Juste mais encore fallait-il que le général soit en pleine possession de ses moyens lui qui continuait de frapper avec un air absent.

Il avait fini de briser les os qu’on lui avait demandé mais sa mission n’était pas terminée pour autant. Cette fois il s’attaqua aux omoplates de sa victime tenant cette dernière par le cou, frappant encore et encore jusqu’à réduire les os en multitudes d’esquilles.

« Le Silencieux et la Maîtresse des Souffrances sont saufs, elle ne pourra pas les rattraper sans ses ailes. » Lâchant enfin ce qui fut un eldéen, le Karliik Glenn recula d’un pas, le souffle court. Du revers d’un de ses gantelets il tenta de se débarrasser du sang qui ruisselait de son visage mais son geste eu l’effet inverse et il se barbouilla davantage le visage d’hémoglobine ; surtout que les lames sur le dos dudit gantelets lui entaillèrent le visage, ajoutant un peu de son propre sang à celui de la chimère.

Reprenant sa place, la Prêtresse s’approcha de sa victime, ses mains ensanglantées entrèrent dans l’ouverture béante qu’avait créée le Karliik Glenn, redressant chaque vertèbre, chaque os encore intact. Les craquements sinistres furent entendus par toutes les personnes présentes, alors que la prêtresse dévoilait les entrailles de sa victime. À chaque mouvement, elle pouvait voir le visage de l’ilythiiri qui se tordait, mais aucun son ne sortait de sa bouche, qu’un vague soupir à chaque morbide craquement. L’excitation de Gul’Uss descendit rapidement. Encore un qui partait trop vite… Ce qui la fascinait était ses cris d’horreur. Elle aurait bien soigné les plaies du fuyard pour recommencer à nouveau, mais le numéro n’était pas pour la prêtresse. Une fois les côtes bien parallèles au sol, Kha’linas fit un pas de reculons, observant attentivement la créature ailée qu’elle venait de créer. Elle avait découvert les organes de sa victime, et pouvait voir les poumons bouger difficilement. Un magnifique spectacle en soi! Un des adeptes s’approcha de nouveau du fantôme lui donnant un récipient. Elle le prit de ses mains torturées, restant silencieuses pendant quelques longues secondes. C’était la dernière étape. Une tradition établie par la créature de Kiel. Bol De Jiv’elgg avait toujours eu cette fixation sur l’acide. N’hésitant pas à l’utiliser sur lui-même, mais aussi laissant les traces partout sur le corps de sa favorite, suffisait de voir ses bras entièrement brûlés pour voir les traces de l’obsession de son maître.


« Dorn tlu kyorlin vel'drav dos draw dosst vaen elggor  »
Je regarderais lorsque tu prendras ton dernier souffle.


La victime se redressa légèrement la tête, le regard vide, alors que les yeux mi-clos tentaient de rencontrer son bourreau. On pouvait voir la douleur sur son visage, alors que ses poumons se remplissaient doucement d’air. Il s’accrochait à la vie, tentait de lutter contre le châtiment que lui infligeaient ses bourreaux. L’ilythiiri murmura d’une voix faible; « Au moins je pourrais me présenter devant la voilée en lui disant que j’ai survécu à l’écarlate de Kiel. » Kha’linas s’arrêta net, avant de faire quelques pas, faisant face à la victime un peu trop enthousiaste. Les yeux vides fixant le drow qui la regardait avec un demi-sourire, alors que le murmure se fait entendre de derrière le masque. «Personne ne survit à l’écarlate de Kiel. » Le regard du torturé s’agrandit pendant un moment, alors que la prêtresse relève le bras pour vider le contenue du récipient sur les poumons exposés de sa victime. Faisant deux pas sur le côté, se tenant aux côtés du Karliik Glenn, les prunelles blanches détaillaient les nouvelles blessures qui se formaient. De petites bulles apparaissaient sur les organes exposés de l’ilythiiri alors que ce dernier se tordait de douleur, tentant tant bien que mal de reprendre son souffle. Cela ne prit que quelques malheureuses petites secondes avant que le corps ne cesse de bouger. Il était finalement mort, il n’avait pas survécu. Et Kha’linas resta sur sa faim… encore un. Si l’excitation de présente le spectacle devant une foule l’avait enthousiasmé, le fait que la victime ne résiste quelques minutes fut des plus décevants.


La foule était étrangement silencieuse, comme obnubilée par les restants de ce qui était un des leurs il y a quelques heures à peine. Sans attendre une quelconque réaction, les doigts ensanglantés firent signe à ses adeptes. Ils iraient placer le corps, bien à la vue à la sortie du camp, rappelant le sort qui les attendait à quiconque décidait de fuir. Kha’linas tourna les talons, pour descendre de l’estrade, retournant vers la tente qui leur servait d’abris temporaires. Un des adeptes invita silencieusement le Karliik Glenn à la suivre. Après tout, mieux valait nettoyer le sang impur de son visage. Une fois à l’intérieur, Gul’Uss rejoignit le coin de la tente, là où une bassine finement décorée se tenait. Elle plongea ses mains dans une bassine remplie d’eau, nettoyant le sang de ses mains crevassé. Puis, profitant du court moment qu’elle avant l’arrivée de son invité, elle enleva doucement son voile, laissant ses longs cheveux blancs tomber dans son dos. Elle détacha les deux ganses qui retenaient le masque recouvert d’hémoglobine avant de déposer ce dernier à côté de la bassine. Elle aspergea rapidement son visage d’eau, tentant d’enlever le sang qui s’était glissé derrière l’Onous'Delab et c’est à ce moment précis qu’elle entendit les pas du colosse derrière elle. Lui tourna le dos, elle continua son manège, totalement désintéressé. « J’espère que le spectacle t’a plu. À observer ta réaction, je me disais que tu serais un excellent bourreau. »  Dit-elle en faisant référence à son air absent alors qu’il cassait les innombrables os du fuyard.

Lorsqu’un prêtre demanda l’arme que Kerath tenait dans sa main, les yeux vitreux de ce dernier reprirent vie une fois qu’il eut secoué la tête et un frisson remonta sa colonne, un frisson dont il était incapable de dire s’il s’agissait de plaisir ou de peur. Il rendit la hache qui fut lavée avant d’être emportée, sûrement pour être aiguisée puis rangée. Libéré de sa transe, il croisa les bras sur son torse pour continuer à observer le rituel ; si les prêtres de Kiel avaient bien fait leur devoir quand il était jeune, et que le général n’avait donc plus peur de la douleur, il n’empêchait qu’il n’aimerait pas se retrouver à la place du condamné, l’expérience avait l’air d’être tout sauf plaisante. Surtout lorsque les poumons furent sortis pour être placés sur les bras tendus de la victime et que les entrailles furent sorties pour être répandues de chaque côtés du corps afin de former la seconde paire d’aile d’un buki'suru. Mais toutes les bonnes choses avaient une fin et ce fut sans doute avec soulagement que le supplicié accueillit cette dernière bien qu’il n’ait pu soupiré qu’une fois que Teiweon l’ait prit. Il faut dire que soupirer avec des poumons hors de son corps, bien que possible, ne devait pas être une partie de plaisir. Toutefois la souffrance ne faisait que commencer pour lui, si Uriz n’avait pas changé d’avis à propos de ce qu’il avait dit à son ancien avatar le jeune eldéen passerait le reste de l’éternité dans les P’leiks. En un sens il y avait de l’amélioration : il passait des mains de la haute-prêtresse jusqu’à celles de la déesse que Kha’linas adorait tant. Maintenant il n’y avait plus qu’à espérer que le Créateur se ravise mais Kerath ne fondait pas beaucoup d’espoirs sur un tel revirement.

Au vu du silence de la foule, le message semblait être passé. De toute façon il y avait peu de chance que cela se reproduise dans l’immédiat, l’attente du combat avait tendance à les agiter mais avec l’assaut du lendemain ça ne devrait pas se reproduire ; toutefois il valait mieux s’y mettre maintenant que rien ne les menaçait directement. Kerath hocha la tête en direction de l’adepte qui l’invitait à suivre les prêtres et jeta un dernier regard à ses troupes rassemblées. C’était fini et il n’y avait rien à ajouter. Qui avait besoin de mots après un tel spectacle ? Le Karliik Glenn descendit les marches pour suivre la haute-prêtresse et ses serviteurs. Il entra dans la tente, les bras toujours croisés.

« Plu? Non. La divinié à laquelle je me suis dédié lors de mon Clor d’Beannaighil est Zhak’Bar, je détruis, je tue mais je ne cherche pas à faire souffrir. Je ne remets pas en cause la nécessité de ce que nous avons fait, ou même son bienfondé, mais je ne dirais pas que ça m’a plu. Cependant je dois dire que ce fut… instructif. » Expliqua-t-il en retirant ses gantelets qu’il posa sur la table la plus proche avant d’aller à son tour plonger ses mains nues dans l’eau pour ensuite se nettoyer le visage ; pour ce qui était de son armure, ses esclaves croyants s’en occuperaient. L’eau emporta le sang qui n’avait pas encore eu le temps de sécher, rougissant le contenu de la bassine. Il attrapa de quoi s’essuyer, et faire disparaître ce qui lui restait sur le visage puis il reprit. « Je dois ajouter que tu ne te débrouilles pas mal pour donner un spectacle inoubliable. »

Kha’linas s’arrêta net alors qu’elle entendit le Karliik Glenn s’approcher, les gouttelettes d’eau tombèrent doucement sur son avant-bras, suivant les crevasses que l’ordalie lui avait laissées. Puis son regard vide se retourna vers le général, qui, sans se soucier de quoi que ce soit, se lavait doucement les mains à ses côtés. Il avait de la chance d’avoir la position qu’il avait, sinon elle l’aurait grillé sur place pour avoir osé s’approcher de si près alors qu’elle se trouvait le visage dénudé devant lui. Non pas que c’était un réel secret, après tout, de nombreux Eldéens avait vu son visage avant qu’elle ne devienne la favorite de Kiel il y a de cela plus d’un siècle. Mais personne n’avait eu le culot de s’approcher de cette dernière depuis. Le regard impassible se tourna a nouveau vers la bassine, attrapant une nouvelle fois de l’eau dans le creux de ce qui lui restait de ses mains avant de le porter à sa figure. Gul’Uss se disait que de toute façon le général avait dépassé bien des limites ce soir, osant même l’appeler par le glorieux surnom qu’on murmurait dans son dos. Il avait du courage, c’était le moins que l’on puisse dire. Kha’linas le laissa néanmoins parler, comme si la conversation qu’ils avaient était la plus banale au monde.  « Chaque Dieu ou Déesse a leur utilité, chaque être à une voix différente. Qui serais-je pour juger ce que tu as choisi? »  Il était inutile de mentionner la divinité pour laquelle elle s’était dédié lors de son Clor d’Beannaighil. Kiel avait toujours été présente chez elle, lui avait toujours soufflé a l’oreille la façon de faire. C’était seulement à ses côtés qu’elle ressentait quelques choses. Ni la passion de Isten, ni le feu et la volonté du père ne l’avaient jamais autant interpellé que la Maîtresse des Souffrances.



«Ne prends pas cela comme une habitude. » Dit-elle, sans expression. «Tes armées s’impatientent. Je t’ai fait une faveur pour les ramener à l’ordre c’est tout. Si l’on avait été dans le temple de Kiel, il serait en train de revivre la même expérience, encore et encore. » Ce n’était pas faux. Elle avait été bien rapide contrairement à ce qu’elle avait fait subir dans le passé ou ce qu’elle aurait eu envie de lui faire subir. Elle plongea une nouvelle fois ses mains dans l’eau, finissant de nettoyer le sang qui se trouvait sur son visage avant de prendre le morceau de tissus des mains du Karliik Glenn pour s’éponge le visage, laissant quelques traces rougeâtres sur ses joues. Ne semblant pas s’y faire, la prêtresse attrapa son masque avant de commencer à nettoyer délicatement ce dernier. Trempant le tissu dans l’eau rougeâtre, elle enleva les tâches qui s’étaient incrustées dans l’Onous'Delab. Les yeux fantomatiques figés sur ce dernier, elle reprit néanmoins la conversation; « Tu dis avoir trouvé l’expérience instructive. Alors, dis-moi ce que tu as appris. » Elle releva doucement les prunelles vides vers ce dernier, le fixant de son regard, alors que ses doigts meurtris arrêtèrent leurs mouvements. Kha’linas observa silencieusement le colosse, tout en écoutant ses explications. Puis,  Gul’Uss déposa doucement son masque, maintenant propre, sur la table qui se trouvait non loin, tournant une nouvelle fois le dos au Karliik Glenn.  Elle avait peut-être l’air de ne pas se soucier de la conversation, mais au contraire, la prêtresse attendait avec impatience les explications du général. Peut-être lui avait-elle montré une nouvelle façon d’aborder les choses? Une chose était sûre, ce dernier ne pourrait jamais la comprendre. Il ne pourrait jamais comprendre la recherche dans lequel elle s’était lancée, ni même le plaisir qu’elle ressentait devant la souffrance.

Il hocha la tête pour montrer son assentiment aux dires de la haute-prêtresse mais la suite lui fit hausser un sourcil heureusement il n’eut pas vraiment le temps de se demander pourquoi elle disait ça : la réponse vint juste après sa remarque.

« Si tu as rempli ton devoir correctement, ce que je crois être le cas, tu n’auras pas à recommencer. » Bien que Kerath soupçonnait que ce n’était pas l’envie de recommencer qui manquait à l’eldéenne à ses côtés. « Mais ne t’inquiètes pas, j’ai bien compris que je te dois une faveur. » Un sourire fit retrousser les lèvres du soldat qui se retournait vers ses gantelets pour les remettre. « J’ai également bien compris que c’était un spectacle qui t’a laissé sur ta faim mais malheureusement mes capacités à maintenir quelqu’un en vie avec de telles blessures sont limitées, je ne suis pas un adepte des Jumelles. » Il laissa ses mots flotter dans l’air pendant qu’il ajustait la position de ses gantelets en revenant vers la haute-prêtresse, solidarisant lesdits gantelets avec ses brassards. « Mais j’encaisse mieux. »

Cependant il était prêt à parier qu’il mourrait également si on lui versait de l’acide sur ses organes vitaux mais en même temps il ne connaissait pas grand monde qui réussirait à y survivre. Ce qui, en réalité, n’était par ailleurs pas plus mal. Quant à ses derniers mots, c’était à elle d’en comprendre ce qu’elle voulait et même si passer entre les mains des prêtres de Kiel ne lui faisait pas vraiment envie, il devait admettre que cela faisait bien longtemps que ce n’était pas arrivé et, surtout avec ce qu’il avait compris des révélations de Krish, l’eldéen avait de nouveau peur de la mort. Toutefois ce n’était probablement pas les adeptes de la Maîtresse des Souffrances qui y changerait quoi que ce soit mais après tout ça valait toujours le coup de tenter. Quant à ce qu’il avait appris… le général fit le tour de la tente en jouant avec les attaches de ses gantelets pour finalement les fixer en place.

« Appris n’est pas le bon mot. » Arrivé à la moitié de son tour de tenter, Kerath vint enfin à bout des attaches rebelles et il poursuivit sa marche, si les prêtres qui étaient sur son chemin ne se poussaient pas d’eux-mêmes le colosse n’hésiterait pas à les bousculer. « Je me suis rappelé que notre inventivité pour les châtiments est fascinante. Tu as fait renaître ma fibre créatrice. »

Kha’linas se retourna vers le colosse, avec un air impassible. « Je l’espère bien, car je prends la route au lever du soleil. » Mais en effet, ce n’était pas l’envie qui lui manquait. Elle aurait volontiers continué à jouer avec l’ilythiiri. Le ramenant à la vie pour le détruire de plus en plus. Par contre, la suite du discours de Sagar lui donna finalement une réaction, elle pencha doucement la tête sur le côté, plongeant son regard dans le sien. Non… il n’avait pas compris. Il ne la connaissait définitivement pas. Et qui aurait pu le blâmer? Elle était volontairement restée en dehors de la gloire, elle n’en avait absolument rien à faire des gens qui se prosternait devant elle. L’atteinte du pouvoir n’était pas une de ses priorités. Néanmoins, elle le laissa continuer, observant son manège alors que Kerath tournait en rond, se débattant pour attacher à nouveau ses gantelets. Elle attendit que ce dernier passe près d’elle avant de déployer son bras meurtri pour attraper son gantelet, plantant ses griffes dans le matériel et arrêtant le Karliik Glenn dans son élan. Certes la force du colosse la fit bouger un peu, mais elle ne sembla pas s’en faire. «Je n’en ai que faire des faveurs. Tu ne me dois rien. » Elle attira le bras du colosse vers elle, avant de détacher la ganse tordue de ce dernier. Kha’linas la rattacha doucement, sans tordre le matériau avant de remonter son regard vide vers le général. « Je ne suis pas là pour ambition. J’ai des buts bien précis, notamment celui de servir la maîtresse des souffrances. »


Gul’Uss serra un peu plus ses doigts torturés sur le géant, soutenant les prunelles jaunes et rouge de ce dernier. Ses motifs ne le concernaient pas et elle n’irait certainement pas commencer à raconter sa vie au général alors qu’elle le connaissait a peine. À vrai dire, même les membres de sa famille étaient incapables de décrire réellement ce qu’elle pensait… Les yeux vides retournèrent sur la ganse, avant qu’elle ne murmure, comme pour elle-même;  «Tant de mains pour transformer ce monde. Tant de mains qui ne font rien.» La réplique aurait presque pu être passionnée si elle n’avait pas été dite dans l’éternel ton indifférent de la prêtresse. Elle aurait voulu continuer, et elle aurait dû continuer. Elle n’avait pas besoin d’un prêtre des jumelles pour soigner sa victime, elle aurait très bien plus le faire sans aide.  «Nous sommes ici pour un but précis et fuir son poste mérite la pire des tortures qui soit. Il a été chanceux d’avoir une exécution publique, sinon il souffrirait encore en ce moment. » Elle relâcha son emprise sur le Karliik Glenn avant de continuer; « Tant mieux si ce petit rituel a au moins eu un deuxième aspect positif. » Termina-t-elle avant de replacer une mèche de ses cheveux derrière son oreille, inconsciente de ce qu’elle avait réellement réveillé chez l’ilythiiri, mais elle se doutait bien qu’elle en entendrait définitivement parler. Kha’linas se retourna vers la table, attrapant son masque pour essuyer à l’aide du tissu les gouttelettes d’eau qui perlait toujours sur le masque. « Peut-être que cela vous aidera à contrôler ta peur. » Elle avait bien remarqué que quelques choses n’allaient pas chez le général durant l’exécution, quoiqu’elle n’avait pas réellement mis le doigt sur le problème. Se pourrait-il que le grand Sagar Ni’Styx ait peur de la douleur?

« Nous sommes tous là pour servir les dieux. » Répliqua-t-il en faisant bouger ses doigts puis ses poignets pour voir si tout était bien fixé. « Ce qui comprends la Maîtresse des Souffrances. » Lorsque la haute-prêtresse murmura quelque chose, Kerath ferma son poing, satisfait, le son du métal couvrit la faible voix de son interlocutrice. Il releva un peu la tête pour regarder Kha’linas lorsqu’elle reprit la parole, cette fois à un volume plus audible. « Tu as raison et je te remercie à nouveau d’avoir consentis à cette exécution publique. Ce qui est nécessaire n’est pas forcément plaisant. »

Il reprit sa marche, laissant son esprit vagabonder à ce qui s’était passé. A sa transe qui s’était manifestée sans qu’il ne sache vraiment pourquoi, les prêtres de Kiel n’étant pas spécialement connus pour leur maîtrise de la magie de l’esprit. Peut-être était-ce la peur de finir dans les P’leiks mais il en doutait bien que ce ne fut pas une théorie absurde. Le jugement sans appel prédit par le Créateur l’effrayait, et comment ne pas en avoir peur, c’était la seule chose qui déciderait d’une éternité de bonheurs ou de supplices or Uriz fut on ne peut plus clair avec son avatar. Le Karliik Glenn releva la tête lorsque les mots de la haute-prêtresse retentirent à nouveau sous la tente et il ne put s’empêcher de rire, un rire teinté de tristesse.

« Si seulement. J’ai peur de bien des choses mais pas de souffrir, tes subordonnés ont bien fait leur travail durant mes classes et ce ne sont pas des rituels à base d’acide qui vont retirer ma crainte de la colère des dieux. » De toute façon il n’était pas certain qu’un prêtre, quel qu’il soit et peu importe la divinité à laquelle il s’était dédié, veuille retirer cette peur ancrée dans tous les eldéens dès l’enfance et attisée toutes leur vie par des rituels et des cérémonies liturgiques. « Il en va de même pour ma peur de l’eau. Mais je te remercie de ta… sollicitude. Et qu’en est-il de toi, la haute-prêtresse de Kiel a-t-elle peur de quelque chose ? »

Il s’arrêta, s’appuyant contre un meuble pour regarder son interlocutrice.

Gul’Uss retourna doucement sa tête vers son interlocuteur qui était appuyé sur un meuble à l’autre bout de la pièce.  Venait-il réellement de lui déclarer, a-t-elle, la peur qui l’infligeait. C’était une révélation des plus surprenantes, mais aussi des plus dangereuses. Ainsi dont, Sagar le colosse, Karliik Glenn, avait peur de l’eau? Cette substance des plus bénignes? C’était intéressant, mais aussi des plus ridicules. Elle aurait presque pu être flattée par cette révélation, mais l’impassible Kha’linas n’en avait réellement rien à faire de ces confessions. Pour elle, ce n’était qu’une information supplémentaire qui pourrait peut-être servir un jour si le Karliik se retrouvait dans les mains de la Haute-Prêtresse, ce qu’elle en doutait sincèrement vu l’attitude de ce dernier. Elle l’imaginait mal dire des blasphèmes sur les dieux et encore moins déserter son armée. On ne devenait pas chef absolu des armées pour tout abandonner par la suite. « Ce n’était pas de la sollicitude, mais une constatation. Si j’ai pu la voir, je ne suis probablement pas la seule. » Ce n’était aucunement une menace, ni un avertissement. Qu’une plate constatation et Kerath pouvait en faire ce qu’il en voulait. Kha’linas connaissait trop bien les flammes qui brûlaient d’envie d’atteindre le pouvoir, et elle savait pertinemment jusqu’où ces dernières iraient pour l’avoir. Cherchant la moindre faiblesse, détruisant le moindre petit obstacle. Après tout, tout le monde connaissait de près ou de loin la saga de la famille Do’ath et c’était le parfait exemple de ce que l’ambition pouvait réellement faire…


Sa main se crispa une nouvelle fois, alors que son regard vide observa de la tête aux pieds le drow qui lui faisait face, cherchant une trace qu’aurait pu laisser l’acide, si souvent utilisé ces derniers siècles. Ne voyant aucune trace apparente, son regard vide rencontra à nouveau les prunelles jaunes et rouge de Sagar avant de reprendre la parole; « Malheureusement, l’acide n’est aucunement un favori des dieux. Mais uniquement de Bol D’Jiv’Elgg. Du moins, l’un des deux traitements favoris. » dit-elle en fixant le géant de ses yeux vides. Le Karliik Glenn n’avait probablement pas eu le privilège de se frotter à la créature de Kiel – du moins, si l’on pouvait appeler cela un privilège. Il n’avait probablement pas goûté à ses méthodes – ce qui ne devait pas être un mal en soi lorsque l’on n’était pas un fidèle de Kiel. Impassible, Gul’Uss se retourna pour faire complètement face à son interlocuteur, alors qu’en réalité ces pensées tourbillonnaient derrière son visage sans expression. Avait-elle réellement peur de quelques choses? Si on omettait la colère des dieux, et la déception de sa déesse, rien ne lui venait réellement en tête. Sa main se recrispa, et ses yeux vides baissèrent doucement vers ses doigts brûlés. Oui, elle avait bien une peur… « Comme tout le monde. » dit-elle pour répondre à tout le monde. Son regard fantomatique retourna sur le géant, à croire qu’elle devait lui rendre la pareille maintenant… « J’ai peur de ne plus jamais ressentir quoi que ce soit. » Kha’linas s’arrêta un moment, avant de continuer; « Je me souviens lorsque j’ai fait mon Clor d’Beannaighil, la douleur m’avait apporté une excitation des plus phénoménales et depuis j’ai toujours dû aller plus loin pour la ressentir. Jusqu’au jour où j’ai été remarqué par la créature de Kiel. » Elle s’arrêta un moment, se demandant si elle allait trop loin, et décida que certains détails étaient mieux d’être évité; « Depuis l’ordalie, je n’ai jamais ressenti cette extase. Comme si Kiel me l’avait enlevé pour aller plus loin. » Oh, elle avait quelques idées de ce qui pourrait faire revenir ce plaisir, mais ce n’était pas quelques choses qu’elle pouvait faire à ce moment précis ou sans aide. Qui sait, peut-être qu’un jour elle trouverait le moyen de faire payer les membres restants de la famille Do’ath…

Il haussa les épaules, faisant au passage émettre un son métallique aux épaulières de son armure.

« Qu’ils regardant, qu’ils voient que je me laisse emporter par les rituels, que je les vies au lieu de simplement les accomplir. »

Et puis il l’observa, attendant une réponse à sa question ; qu’il s’agisse ou non d’une vraie réponse, d’une réponse sincère, ou même d’un moyen de lui faire comprendre qu’elle ne comptait pas lui révéler quoi que ce soit, le général s’en moquait. Il pencha légèrement la tête sur le côté, une de ses oreilles trembla. L’entendre parler ainsi de ce qu’elle avait subie, parce que le général ne doutait pas un instant que l’ordalie en question n’était pas une partie de plaisir, l’amusa presque. Il se demanda si tous pouvaient devenir ainsi, à voir la douleur comme une drogue. Par conséquent une question lui vint en tête qu’il hésita à poser, se demandant s’il ne faisait pas complétement fausse route.

« En as-tu parlé au clergé d’Isten? Les adeptes de la Belle pourraient t’aider à ranimer cette excitation que tu sembles avoir perdu de vu. Après tout c’est là l’une de leurs missions. » Puis il reprit sa marche, continuant à faire le tour pour la énième fois, de la tente, les bras dans le dos. « J’ai cru comprendre que tu partais demain, si tu rentres au Puy tu pourras aller leur parler ; je ne doute pas que Ssinssrin sera heureuse de t’aider. » Après tout ça n’était pas tous les jours qu’une haute-prêtresse allait en voir une autre. « D’ailleurs, pourquoi es-tu venu? »

Gul’Uss écouta attentivement le Karliik Glenn lui parler remarquant que ce dernier ne cessait de tourner de long en large dans la tente. Est-ce que ce dernier était nerveux? Elle n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi actif. On aurait dit un lion en cage, impatient d’aller chercher sa prochaine proie. Il prenait son avertissement peu au sérieux, et qui aurait pu le blâmer? Il en fallait une sacrée paire pour affronter le géant de plein front et ce n’est surement pas demain la veille qu’un ilythiiri tenterait la douloureuse expérience. Puis, le colosse aborda le sujet d’Isten. L’impassible prêtresse demeura silencieuse pendant la suggestion de Sagar. Réfléchissant à quoi dire. Y avait-elle pensé? Non pas du tout. Elle ressentait toujours l’excitation, mais elle devait toujours aller plus loin, et cela devenait de plus en plus court à moins qu’elle ne trouve une nouvelle façon… « Je n’y vois pas l’utilité. »  Commença-t-elle. Kha’linas se mit à marcher, s’arrêtant à quelques centimètres du colosse et plantant son regard vide dans le sien. Elle leva doucement sa main meurtrie, décrispant ses doigts torturés avant de reprendre la parole. « Mais puisque tu sembles croire à cette théorie, décortiquons là. Envie d’ambition? Pour aller où? Je suis déjà là où je dois être. » Ce n’était pas faux, le fantôme n’avait jamais souhaité être Haute- Prêtresse, n’avait jamais convoité le pouvoir. On lui avait donné car elle le méritait, car elle avait survécu malgré son jeune âge. Et de là où pouvait-elle aller?  Triumvir? Elle n’en n’avait que faire de la politique. Ce qu’elle aimait c’était de détruire ses victimes à petit feu. Le deuxième point était beaucoup plus explicite, elle remonta doucement sa main torturée, posant ses doigts détruit sur l’armure du général, avant de continuer sur une voix beaucoup plus douce, mais qui sonnait affreusement faux. « Quant à l’autre point… Aucun ilythiiri ne m’a approché depuis plus d’un siècle. » Son regard vide remonta vers le colosse avant de continuer; « A croire que tous me craints, ou que tous ne souci qu’au apparence et au masque. » Elle eut un minuscule sourire en coin, qui ne dura qu’une minuscule seconde.


Et depuis ce temps, pas une seule flamme n’avait osé l’approcher. Pas qu’elle s’en souciait ou s’en intéressait réellement. Après tout, la dernière expérience qu’elle avait eue avec son maître avait été loin d’être satisfaisante la créature de Kiel se prenant un malin plaisir à utiliser cette arme pour faire souffrir ces sbires…Il lui avait bien dit; qui est le jouet des apparences se laisse séduire par des mensonges… et pourtant il était bien le premier à tomber. Kha’linas fit quelques pas de reculons, enlevant sa main et laissant le colosse respirer. Puis se dirigea vers la table pour attraper son masque. « Je ne retourne pas au Puy. Je dois faire un arrêt a Sol’Dorn pour ensuite aller à Thaar… pour affaire. »  Elle essuya une dernière gouttelette, avant d’approcher la pièce en Onous'Delab de son visage.


« D’ailleurs, pourquoi es-tu venu? »


Kha’lina arrêta son mouvement, avant de se tourner vers Kerath. C’était définitivement la seule question qui lui arracha une réaction. Devait-elle lui dire la vérité? Pouvait-elle réellement lui faire confiance? Le général lui avait admis ses deux plus grandes peurs, la moindre des choses était de lui rendre la pareil… Son regard sembla s’être obscurci alors qu’elle reprit la parole; « Un pré-sentiment. Celui que je trouverais peut-être quelqu’un que je cherche. » Elle remit doucement son masque, tentant d’attacher les ganses à l’arrière de sa tête une à une. Puis, retournant son regard vide vers le colosse, elle continua; « Cela serait bien le genre de mon hérétique de demie-sœur d’aller sauver la vermine. » C’était bien la première fois qu’elle parlait à quelqu’un de la relation qu’elle avait avec T’sisra. « D’ailleurs, si tu la vois, peut-être pourrais-tu me la ramener vivante. Cela serait définitivement un des cadeaux les plus appréciés. » Oh oui, elle la ferait souffrir horriblement pour tout ce qu’elle lui avait fait. C’était elle, la source de ces problèmes, elle qui lui avait fait perdre non seulement sa famille mais aussi le manoir Do’ath. Cela faisait déjà plusieurs siècles que Kha’linas attendait le moment de la détruire, et si le Karliik Glenn l’aidait, elle la trouverait bien plus facilement. Après tout, cette énergumène était une honte pour l’elda et elle ne méritait qu’une seule chose. Il ne resterait plus qu’à s’occuper de Chandra et sa famille…

Il se demanda un moment si elle ne se moquait pas de lui. Si elle n’en voyait pas l’utilité, Kerath la voyait très bien : régler son problème. Mais mis à part hausser un sourcil il ne fit rien. Ne répondit rien. Si elle ne voulait pas s’aider alors quelle chance avait-il de lui ouvrir les yeux ? Finalement il secoua lentement la tête. Tant pis pour elle, il avait déjà bien assez de questions auxquelles répondre pour en ajouter une de plus à sa liste. Les dieux le mettaient déjà bien assez au défi comme ça pour qu’il ait besoin d’aller s’occuper de ceux des autres. Le colosse reprit sa marche dans la tente lorsque la haute-prêtresse s’éloigna.

Gardant un œil sur elle, le général écoutait d’une oreille attentive car c’était là une question qu’il avait envie de poser depuis un certain temps. En effet la prêtrise de Kiel avait mauvaise réputation avec l’armée depuis que le prédécesseur de Kha’linas avait mené la portion qu’il avait réussi à convaincre de le suivre vers une défaite en Péninsule. Or Kerath n’avait pas envie que cela se reproduise alors il tenait à la garder à l’œil pour éviter qu’elle ne sape son autorité d’une façon ou d’une autre pour il ne savait trop quel plan. Toutefois il ne s’était pas attendu à ce que la réponse soit celle qu’il reçut. Il s’arrêta pour la regarder, ses yeux la détaillant des pieds à la tête.

« Tu as une hérétique dans ta famille? » L’idée de trouver une hérétique et une haute-prêtresse dans une même famille l’amusait beaucoup bien que l’un n’excluait effectivement pas l’autre. « J’imagine qu’elle te ressemble… physiquement. Si non, donnes moi une description et si jamais je mets la main dessus je te l’enverrais. »

La prêtresse retourna son regard vers le Karliik Glenn alors que ce dernier la regardait de la tête aux pieds, que cherchait-il au juste? À s’imprégner de l’image du fantôme qui se trouvait devant lui? Kha’linas attrapa ses gants de cuir qui se trouvait sur la table non loin d’elle, avant de se retourner vers le colosse. Le masque impartial cachait un léger sourire. Une certaine excitation qui revenait gronder en elle, demandant ce dont elle rêvait depuis plusieurs années déjà… Ces yeux se mirent à briller d’une lueur des plus effrayantes. Au final, elle n’avait réellement pas besoin des prêtres d’Isten pour retrouver ce qu’elle voulait. Kha’linas reprit finalement la parole en glissant ses doigts dans le cuir noir; « Non par réellement. » Elle bougea ses doigts torturés, comme pour les forcer à prendre une position confortable avant de continuer; « Seulement la couleur de peau. Mais une drow aux cheveux noirs et aux yeux bleus ne trompe personne. Elle répond au nom de T’sisra. » Elle refit le même manège, glissant sa main dans le gant avant de s’approcher du Karliik Glenn, s’arrêtant à quelques pas de ce dernier, les mirettes blanches semblant briller d’une toute autre lueur; « Je te remercie Sagar, comme tu l’as dit plutôt, si tu me fais ce cadeau je te devrais définitivement une faveur. » Ses doigts se crispèrent à nouveau dans le cuir, avant qu’elle ne prenne le voile pour le remonter sur sa tête, ne cachant pas son masque tout de suite. « Au revoir, Karliik Glenn. Je suis certaine que nous aurons le plaisir de nous revoir bientôt. » Elle remit son voile, cachant totalement le masque, avant de contourner le géant pour sortir de la tente. Berg’il devait l’attendre depuis un moment déjà, et elle devait retourner à Sol’Dorn le plus rapidement possible.

-Terminé-