Pour un fils | Artiön & Aegden

Deux jours. Deux jours à peine que l’armée royale se voyait désormais guidée par un nouveau Mainyth. C’était peu et beaucoup à la fois. Aegden n’avait pas trainé et aussitôt les chose avaient étés officialisées, il s’était mis au travail. Il avait l’avantage de déjà savoir parfaitement en quoi consistait le rôle de Mainyth mais cette armée n’était pas celle d’Alëandir et il lui faudrait beaucoup réapprendre avant de considérer qu’il en était réellement le chef.

Les mains appuyées contre la table jonchée de documents diverses, le Mainyth étaient en pleine étude d’un des dossiers que commentait un officier à sa droite lorsque de discrets coups à la porte avaient retentit. Relevant la tête au bout de quelques secondes, il put observer un elfe plus jeune que lui s’excuser du dérangement et poser un parchemin à l’autre bout de la table qu’il disait être un message du chapitre blanc, avant de filer.

Cela avait surpris Aegden. Il était extrêmement peu en contact avec le Chapitre Blanc étant donné leurs visions divergentes de leur domaines respectifs. Cela devait être important alors dès qu’il en eut fini avec les dossiers que son camarade lui avait procurés il l’avait remercié et avait pris le temps de lire cette étrange missive.

Au passage, Aegden se fit la réflexion non sans un sourire amusé qu’il faudrait peut-être mettre ledit Chapitre au courant de sa nouvelle place car la missive était encore adressée au Maintyh d’Alëandir qu’il était encore bien moins d’une ennéade en arrière.

Cela ne semblait pas d’une urgence capitale mais ce n’était pas non plus un sujet à prendre à la légère dont semblait vouloir parler les académiciens. Alors dès qu’il put se le permettre, il libéra un peu de son temps et se rendit au rendez-vous donné. Bien entendu c’est en tenu civile qu’il s’y rendait. Seule une épée contre sa hanche rappelait sans volonté véritable qu’il restait un elfe d’arme en quasi toute circonstance. On ne changeait pas si facilement.

D’un théâtre de bataille à un autre. Avoir quitté le sol de Naélis ne te donnerait pas plus l’occasion de te reposer. Les premiers jours déjà avaient été l’occasion d’asseoir des changements, de communiquer des directions et des directives, puis de faire le premier pas en avant vers ce qui serait la suite de votre histoire. Loués soient les efforts de Tyräl, d’Athirlan, de Lyra’Suan, de Lindal, d’Alenis, de Findarato, de Caranthir, de Glorfindel, de Telrunya, d’Orelindë, de Rima-Macil, de Dyarque et d’Anorndellon. Loués soient les tiens maintenant que le Royaume est entre tes mains.

Pour l’heure les pronostics semblent bons. Les petites victoires obtenues auprès des Naélisiens et des Dawis ont été mieux accueillies que tu ne l’imaginais. Ton peuple te suit. Ton peuple te fait confiance. Voilà quelques années que l’on te le rappelle régulièrement, et quelques années que tu en doutes chaque fois qu’on te le dit. Voilà quelques années tout de même que les Taledhels t’en font régulière démonstration, à ton grand soulagement.
Les mages du Chapitre Blanc ne faisaient pas exception à la règle. Seulement si tu savais avoir leur confiance, tu savais aussi ces érudits extrêmement critiques de tes positions. Avec eux en particulier, chaque choix déviant ne serait-ce qu’un brin de la norme était sujet à débat, et car ils étaient des elfes de sciences, ces débats, ce n’est qu’au travers de l’expérimentation qu’ils trouvaient résolution… expérimentation dont le bien-fondé était lui-même source d’un tout autre débat…

Autant dire que l’invitation n’était pas sans faire son effet. En particulier lorsque le Chapitre était aussi responsable du devenir d’un artefact ancien récemment stabilisé. Les nouvelles pouvaient être autant extrêmement positives qu’inquiétantes. Pour autant, te défausser de tes responsabilités envers le Chapitre Blanc t’était inimaginable. Non seulement parce que le lien entre les instances politiques et scientifiques était symboliquement fort, mais aussi et surtout parce que tu es un mage. Tu es un mage, et quoi qu’elle puisse parfois être quelque peu oppressive, la compagnie de tes confrères de l’Académie t’était plutôt agréable.

C’est quelques minutes avant l’heure prévue que tu étais arrivé dans les quartiers du Chapitre Blanc. Les mages déjà présents semblaient malgré tout t’attendre depuis longtemps, alors tu n’avais pas perdu plus de temps. Tu t’étais incliné en de sommaires salutations, avant d’immédiatement demander.

- Vous m’avez fait demander ?

Avec déférence il avait rendu les salutations du Doyen par un simple hochement de tête et, silencieux, il avait pris sa place au sein de cette réunion peu commune. A vrai dire il ne savait pas trop ce qu’il fichait là pour le moment étant donné ses compétences inexistantes en matière de compréhension magique. Cependant il était certain qu’il finirait rapidement par le savoir.

Ce que disait la mage aux yeux pourpres n’était pas sans l’intéresser de toute manière. Que leurs recherches avancent et que tout aille pour le mieux était suffisant pour le soldat. Il en allait de beaucoup trop de vies pour ne pas s’en soucier.

Il haussa un sourcil interrogateur cependant à la dernière remarque de la grande enchanteresse et suivit son regard dirigé vers son supérieur.

-Si vous nous avez fait venir, c’est que vous avez trouvé de quoi faire avancer vos recherches ?

Un peu égoïstement le mainyth espérait profondément que dans les paroles sibyllines de la grande mage ne se cachait pas la possibilité d’une seconde expédition. La première avait largement suffit et Aegden n’était pas certain d’avoir le courage, ou la folie ça dépendait, d’envoyer à nouveau des elfes risquer leurs vies dans les bois maudits d’Aduram.

Il ne laissa rien paraitre malgré tout, posant la question d’une façon tout à fait neutre. Malgré ce doute, Aegden était plutôt serein puisqu’il ne semblait n’y avoir désormais ni urgence ni risque mortel pour qui que ce fut jusqu'ici…

De bonnes nouvelles, pour la majeure partie.
Le puits était sous contrôle, et les recherches quant à son origine – mais surtout celles quant à son utilité – semblaient avancer de bon train. L’humeur des mages du Chapitre Blanc, quant à elle, te semblait au beau fixe, quoique leurs expressions restaient bien ternes face à ce qui te semblait n’être que du positif. Il y avait autre chose. Quelque chose de moins réjouissant. Pas assez dérangeant pour que la balance ne penche dans le mauvais sens, mais quelque chose de fâcheux tout de même.
Tu penches légèrement la tête, attendant que le Doyen continue sa diatribe, et finalement, lorsqu’il le fait, tu te retrouves pris de court. Non pas parce que la déclaration te paraît inappropriée, il serait bien hypocrite de ta part de le prétendre, mais parce que jamais tu n’aurais cru voir Lòmion Ineinior s’absenter non seulement pour une durée potentiellement longue, mais pour des affaires n’ayant pas de lien avec sa fonction.

- En cela je vous fais confiance. Puisse La Mère vous protéger.

Tu es curieux. Et tu aurais aimé connaître les raisons poussant l’Archimage à s’en aller ainsi. Seulement, le simple fait qu’il n’ait pas choisi de les dévoiler de lui-même te laisse à penser qu’il préférerait peut-être soit les taire, soit ne pas les aborder ainsi en public. Alors tu t’es tu, te contentant de hocher la tête en confirmation à ce que tu venais de dire.

- Vous allez nous manquer durant votre absence, Doyen.

Aegden était probablement aussi surpris que son camarade et ne prenait pas la peine de le cacher. Un instant il fouilla dans sa mémoire : avait-il déjà eut vent d’une quelconque absence du Doyen ? Il lui semblait que non.

Malgré tout il était un elfe polis et tout comme l’Aran il tût les questions qui lui brûlaient la langue. Cela ne le regardait très certainement pas et c'était au mage de décider de ce qu'il exprimait ou taisait. Le soldat répondit d'une manière bien plus simple.

-J’imagine qu’on ne peut que vous souhaiter réussite dans ce qui vous pousse à partir dans ce cas.

L’Archimage du chapitre blanc était un personnage essentiel à Alëandir et l’Anaëh, Aegden le savait très bien sans être mage. Et au-delà de ça, il respectait beaucoup le mysticiste et ça le troublait de voir cette peine au fond de ses yeux autant que ce soudain besoin de s’éloigner les dieux savaient où.

-Revenez nous vite Heru Ineinior. Termina-t-il amicalement, hochant la tête comme en signe d'encouragement.