[Sable des vents] Tu me dois toujours un verre | Viliam & Fantôme

Viliam acquiesce dans un hochement de tête, portant malgré tout la plaie sur sa paume à ses lèvres. L’espace d’une seconde il lève sa main valide à son cou, hésite avant de finalement retirer le foulard cachant son tatouage et d’en entourer grossièrement sa main. Dans un même temps il s’approche et viens s’appuyer contre la table aux cotés du mercenaire.

-Laisse-moi t’aider !

Clarisse quant à elle est partie derrière le comptoir, et revient rapidement avec de quoi clouer ce qui autrefois avait été une table à l’espace béant dont le vent fait encore régulièrement siffler les fissures. Elle leur tend les outils, ne sachant pas à qui les donner précisément.

-Cloue la, moi je tiens.S’adresse-t-il alors à Fantôme.

En plus de son épaule qui a l’air d’encore le faire souffrir, Viliam est un peu plus grand et plus épais que le mercenaire. Et puis il n’a qu’une main de valide. Autant qu’ils échangent les rôles.

-ça tiendra pas longtemps. Comme pour confirmer ses dires, une force réussit presque à contrer le poids des deux hommes et repousser la table. Si le vent dure on a intérêt à calfeutrer les autres fenêtres rapidement. Cette vieille bicoque va s'envoler avant le fin de la tempête à ce rythme.

Viliam ne sait pas vraiment s'il doit en rire ou s'en inquiéter. Ils sont à l'abri mais pour combien de temps...? Quoiqu'au moins il ne se retrouve pas seul à se morfondre dans l'attente de la fin de cette folie et la compagnie aurait put être largement moins sympathique. C'est déjà ça.

Dans le feu de l'action, Fantôme ne cherche pas à discuter davantage et prend le marteau ainsi que la boîte de clous. Ce n'est pas la première fois qu'il fait une barricade donc pas la première fois qu'il manie des outils. Il commence donc par clouer les coins puis se voit interrompu par une nouvelle bourrasque qui le force à retourner aider Viliam à retenir la table, le temps que ça se calme un peu.

-T'es vachement grand, en fait. Sort-il alors qu'il se retrouve à nouveau près du bandit.

Son ton est un savant mélange de sérieux, d'étonnement et d'amusement. Même dans les situations d'urgence, il a du mal à garder son sérieux parfois. C'est ce qui l'aide à rester calme et, étrangement, à se concentrer. D'ailleurs, dès que la bourrasque est passée et que son compagnon est capable de retenir le meuble seul, il se remet à l'ouvrage pour planter des clous sur toutes les longueurs, en commençant par les côtés. Se faisant, il jette un coup d’œil rapide à la pièce, cherchant un moyen de rendre leur protection plus solide. Il ne connaît que la salle principale qu'il n'a pas quitté de la journée et dans laquelle il n'y a que le bar entouré de tables et de chaises.

-Il y a des meubles plus lourds dans le bâtiment ? On pourrait la bloquer en faisant basculer dessus une armoire ou un buffet, comme on coince une porte avec une chaise. Ça serait nettement plus solide. Et on pourrait faire ça sur les autres fenêtres dans un second temps.

Pour l'heure, les autres volets semblent tenir le coup. C'était le seul qui montrait des signes de faiblesse, sans doute à cause d'un objet qu'il s'est pris plus tôt dans la journée et qui a fragilisé la fixation du gond mais aussi parce que c'était le plus grand. La première urgence, c'est de calfeutrer cette fenêtre. La seconde, c'est de les soigner. La plaie de Viliam a l'air assez sérieuse et Fantôme martèle les clous en essayant de passer outre les quelques petits éclats de verre et de bois qui se sont glissés sous sa peau. La pièce peut être sécurisée dans la soirée, ils ont un peu de temps devant eux avant que ça devienne critique.

-C’est marrant, je fais souvent cet effet-là.

Viliam lui répond par un sourire faussement séducteur. Ce genre de réflexion le font marrer. Il faut dire que son sang elfe se fait particulièrement discret hormis sa taille et sa longévité qui tend à s’étirer.  C’est à peine si le bout de ses oreilles est assez allongé pour qu’on perçoive qu’il n’est pas tout à fait humain et elles ne bougent pas comme les elfes. Remarque il y gagne au change à bien y penser. Il a l’air plus jeune et en même temps il a suffisamment de carrure pour ne pas être une brindille qu’on casse en deux. C’est mieux que rien.

-Y a des tonneaux derrière. Clarisse attrape !

Il attire l’attention de son amie et lui lance une clé dans les mains.La petite blonde se faufile rapidement vers l’arrière-boutique derrière le bar d’où elle commence à faire rouler un gros fut d’alcool. En quelques minutes la table est calée par deux tonneau assez lourds pour s’assurer que la fenêtre brisée ne serait plus un problème.

-Bon ça ressemble plus à rien, mais ça va tenir. Le bandit recule, soulagé, il se laisse tomber sur une chaise. Quelle nuit….

Viliam fixe Fantôme se remettre de ses émotions. Il a l’air un peu désolé pour tout ça, même s’il n’y est pour rien au final. Clarisse ferme son poing contre sa hanche, pas tout à fait l’air satisfaite.

-Est-ce que ça va ? Il demande à Fantôme qu'il à entendu crier tout à l'heure. T’as encore forcé sur ton épaule… Soudain la voleuse s’approche et lui saisi la main sans prévenir alors il proteste. Aïe !

-ça finit toujours comme ça… Je vais chercher de quoi vous soigner. Ne bougez pas.

Et aussitôt elle disparait encore  à l’étage, en quête de tissus propres et de produits médicinaux.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Viliam a autant le sens de l'humour que lui, et même dans ce genre de situation. Cette constatation le fait rire autant que la boutade elle-même. Il ne tient pas compte de son regard charmeur qu'il devine n'être là que pour la plaisanterie. Pourtant, depuis son arrivée, il n'a jamais eu sur Clarisse le moindre regard intéressé ou appréciateur et il ne lui parle pas plus que nécessaire. Il reconnaît volontiers que c'est une jolie fille mais il n'a pas eu beaucoup de mal à renoncer aux femmes après toutes ces tentatives infructueuses, se consolant dans l'idée que ce genre de choses ne doivent pas être pour lui finalement. Si son père doit avoir des petits-enfants, ça ne sera pas de lui. Voilà tout.

Tandis qu'il fait une très brève pause dans le clouage pour prêter attention à l'échange qui se déroule entre les deux comparses, le regard de Fantôme se pose sur Viliam au moment où il lance la clef. Dans l'ouverture de son col, il distingue alors une marque à la base de son cou. Il fronce légèrement les sourcils... puis reprend son ouvrage sans rien dire.

Quelques minutes plus tard, après avoir aidé à mettre en place les tonneaux, le petit groupe souffle enfin. Le mercenaire rit doucement en voyant le bandit se laisser tomber sur une chaise. De son côté, il soupire un bon coup puis il récupère le marteau et le glisse dans la boîte à clous qu'il va poser près de la fenêtre la plus proche, non pas pour s'y remettre mais pour que ce soit prêt le moment venu. Il a l'habitude de ces petits coups de pression et de la gestion de situation de crise. Il n'a aucun mal à se remettre de quelques morceaux de verre et d'un peu de bricolage nocturne.
Fantôme entend la question et se retourne vers Viliam dans un haussement de sourcils, pas certain que la question soit pour lui jusqu'à ce qu'il s'aperçoive qu'il le regarde et qu'il lui parle de son épaule.

-Te prendre un coup sur un hématome, ça fait jamais du bien. Fait-il simplement remarquer.

Et comme l'hématome en question est assez imposant pour qu'il le sente lorsqu'il bouge, il devine que son épaule doit être entièrement bleue à l'heure qu'il est. Et ça risque de prendre un moment pour que ça disparaisse totalement. Au moins, il lui est facile de comprendre comment la fenêtre a pu partir en morceau...
Il assiste ensuite avec étonnement au geste de Clarisse juste avant qu'elle ne disparaisse dans l'escalier. Ça lui donne un peu l'impression d'être sur la scène d'un théâtre dont il n'a pas le droit de sortir tandis que les autres vont et viennent dans ces mystérieuses coulisses qui attisent la curiosité des spectateurs. Personne n'a jamais souhaité être une petite souris pour voir ce qu'il se passe de l'autre côté du décor ? Fantôme, si. Seul son respect pour la vie privée l'empêche d'aller voir depuis son arrivée.

-Eh ben... J'en voudrais pas comme mère. Commente-t-il avec humour après que les pas de la blonde aient cessé de se faire entendre. Il s'approche à son tour, confisquant une chaise sur son chemin pour venir la placer près de Viliam, un angle de table les séparant. Montre-moi.

Fantôme prendra la main qui lui sera tendue bien plus délicatement, usant de sa dextre libre pour enlever le foulard avec précaution. Ainsi, il pourra inspecter la blessure de plus près et voir ce qu'il y a à faire.

[color=#336666]-Ah…Elle a un bon fond je t’assure]. Elle a juste un peu de mal à l’exprimer.se les épaules. [color=#336666]Elle est dans son monde.

Viliam connait la jeune femme par cœur. C’est comme une petite sœur pour lui et il sait qu’actuellement elle est inquiète. Ren n’a toujours pas donné signe de vie, les autres non plus. Viliam s’est ouvert la main et surtout il semble apprécier la compagnie d’un homme qu’elle ne connaît pas et qui pourrait bien leur causer beaucoup de tort. Alors son petit visage d’habitude aussi rieur que ses deux frères se referme un peu. Et puis Clarisse n’aime pas être enfermée. C’est une pie qui se laisse porter par le vent avant de revenir au nid si possible accompagné de quelques breloques qui brillent.

-Ce n’est rien. Viliam répond avec douceur à la nouvelle sollicitation de la Chimère.

Quoi qu’il en soit il tend sa main. La blessure n’est pas très profonde mais lui barre la paume du pouce à l’annulaire. Il a heurté un morceau de bois en voulant protéger le visage du gamin et voilà le résultat. En revanche le mercenaire ne semble pas vouloir s’occuper de ses propres blessures et Viliam n’est pas certain de savoir comment réagir.

-Tu sais, tu devrais quand même vérifier l’état de ton épaule. Insiste-t-il malgré tout sur le même ton. Je peux t'aider, histoire que tu te tortille pas trop et que tu empire ton état. Sinon si tu préfère y a des chambres en haut....si tu veux un peu d’intimité.

Viliam peut tout à fait comprendre que certaines personnes soient particulièrement pudiques. Alors si c’est ça le problème et que l’autre à besoin d‘espace pour se soigner, il le lui offre volontiers. Il ne cherche pas à le piéger et le mettre mal à l’aise , juste à l'aider

D’un autre côté, c'est un peu agréable du bien de rester là, dans le calme de la tempête passée. Il se surprend à presque espérer qu’il refuse l’offre et reste là, histoire que ce cette paix dure un peu. Il ne se connaissent encore quasiment pas mais il doit bien avouer qu'il apprécie ce moment. ça fait du bien de baisser les armes de temps en temps...

Clarisse revient au bout d’une trentaine de secondes et comme si elle ne voulait pas interrompre quoi que ce soit, elle se contente de déposer ses trouvailles sur la table derrière eux. Du fil, des aiguilles, des bandages et même ce qui semble être un baume mentholé dont Viliam n’a d’ailleurs absolument aucun souvenir d’avoir déjà vu. Ensuite, elle recommence à se percher sur le bar et les regarde faire. Visiblement c’est là sa place préférée.

Fantôme hausse les sourcils en découvrant la plaie.

-C'est p'tètre rien mais si on recoud pas, ça va mettre une plombe à guérir et tu vas avoir une immense cicatrice. A moins que tu tiennes vraiment à garder un souvenir de cette nuit. Plaisante-t-il. Comme si c'était pas assez mémorable comme ça...

Un sourire en coin, le mercenaire continue néanmoins à inspecter la blessure. La coupure n'est pas nette donc elle n'a pas été causée par du verre. Il doit donc s'assurer qu'il n'y a pas d'écharde ou de morceau de bois resté dans la chair et qui pourrait provoquer une infection. Il écoute Viliam s'inquiéter pour lui et même lui proposer d'aller s'isoler pour se soigner. Il ricane, non pas pour se moquer car il est touché par sa prévenance, mais cela l'amuse. Les Chimères vivent comme des militaires donc, s'il était pudique, il aurait combattu sa peur depuis longtemps.

-Non, ça ira. J'ai rien à cacher. Répond-il sur un ton jovial.

Il relève le regard vers Clarisse lorsqu'elle revient et il est presque surpris de la voir repartir aussitôt après avoir déposé ce qu'elle a pu trouver. Il fait mine de ne pas y faire attention et détaille ne qu'elle a amené. Il ouvre le bocal du baume pour le sentir et l'identifier puis le repose. Il n'en aura pas besoin. Le reste peut servir en revanche.

-Il faudrait une pince à épiler pour les échardes. Dit-il à la jeune femme qui a plus de chance d'avoir ça que Viliam ou un autre de leur comparse. Tandis qu'elle repart, il s'adresse de nouveau à son compagnon d'infortune. J'me permets ? Demande-t-il en montrant le bar du pouce.

Il se lève ensuite et passe derrière le comptoir. Au milieu des bouteilles d'alcool qu'il inspecte, il en prend une et la pose sur le plateau de bois, ainsi qu'un verre. Puis il pivote et regarde dans le meuble, sachant que les taverniers y dissimulent toujours les ingrédients nécessaires à quelques agréments demandés par les clients. Il ne s'attarde pas sur ce qu'il voit, cherchant quelque chose de bien précis. Il avance, s'éloignant de Viliam, jusqu'à ce qu'il se penche pour attraper quelque chose. Il pose alors un pot en terre sur le bar puis prend appui pour sauter par-dessus et atterrir en silence de l'autre côté. Il récupère le pot, puis la bouteille et le verre avant de revenir s'asseoir armé d'eau de vie et de miel. Un curieux mélange pour un novice, sans doute.
Lorsque Clarisse revient et lui tend la pince, il la prend en la remerciant puis se met au travail. Il commence par verser de l'alcool dans le verre pour y tremper les ustensiles qu'il va utiliser. Puis il reprend la pince qu'il passe au-dessus de la flamme de la bougie posée près d'eux pour faire s'enflammer l'alcool et la rendre nette. Enfin, il reprend la main de Viliam, toujours aussi délicatement, et adresse un dernier regard au bandit.

-Ça va pas être agréable. Le prévient-il avant de se mettre à l'ouvrage.

Retirer des échardes n'est déjà pas très sympathique en soit. Mais le faire dans une plaie ouverte... Et dans la main... Bref, il n'a pas besoin de se montrer plus explicite et il est assez content qu'Egar ne soit pas encore redescendu. Cette vision pourrait le perturber.

Viliam laisse faire Fantôme. Il le regarde fouiller derrière le bar, récupérer ce dont il a besoin sans rien dire,puis il se contente de simplement  détourner le regard autre part que sur sa main lorsqu'il fait mine de s'y mettre. Régulièrement ses doigts se crispent, mais il ne fait jamais mine se reculer. Ça fait mal mais il a connu pire. Il va serrez les dents, ça ira.

-T’as l’air d’avoir l’habitude en tout cas. Finit-il  par faire remarquer. Une nouvelle écharde en moins le fait taire une seconde et fermer les yeux. Il souffle avant de reprendre. Ça fait partie de ton boulot aussi parmi les chimères ou t’as juste l’habitude de rafistoler les autres de temps à autre ?

Il repose son regard sur le mercenaire. Ses lèvres se déforment en un rictus de douleur de temps à autre, mais il semble s'en sortir au final. En tout cas, sa voix est tranquille. De sa main libre, il penche le pot de terre sur la table et en examine le contenu.

-J’avoue que je suis plus du genre à me contenter d’un peu d’alcool et d’un bandage en général… C'est pour quoi le miel ?

Concentré sur l'écharde qu'il essaie de retirer, Fantôme ne réagit pas tout de suite puis il sourit, amusé par la question du blessé. C'est une partie de son histoire qui n'est pas secrète qu'il lui demande de révéler. Il n'aura donc pas de problème à l'évoquer.

-Ceux qui rejoignent la compagnie en étant trop jeunes ou trop inexpérimentés commencent par jouer les aides de camp et les soigneurs jusqu'à ce qu'ils aient suffisamment développé leurs talents pour aller sur le terrain en tant que membre de l'escadron. Maintenant c'est Esio qui s'en charge mais j'ai pas perdu la main pour autant. Je lui enseigne ce que j'ai appris et il fera pareil pour le prochain qu'on recueillera. Je fais pas des miracles mais je m'en sors.

Il n'a pas besoin de l'évoquer mais il lui arrive encore de faire les premiers soins quand leur petit protégé ne peut pas tout gérer tout seul. A Naelis, il a fait des dizaines de bandages et recousu plus d'une plaie bien plus grande que celle-ci. Il ne peut pas empêcher les séquelles et les cicatrices mais au moins il peut maintenir quelqu'un en vie et éviter les infections. C'est tout ce qu'on lui a jamais demandé : permettre à ses camarades de tenir le coup jusqu'à ce qu'on leur trouve un vrai soigneur, voire un mage.

-Le plus difficile, c'est d'apprendre à gérer la situation de crise quand une personne que tu connais depuis longtemps est sévèrement touchée. Tu dois trouver le moyen de te concentrer sur ce que tu fais et pas sur celui ou celle dont tu t'occupes. C'est perturbant au début mais on s'y fait. Et c'est un assez bon entraînement pour la suite. Il pose enfin la pince à épiler sans prendre la peine de la remettre dans le verre d'alcool. Il parle avec un certain détachement, comme si cela ne l'affectait plus. A moins que ce soit sa concentration qui ne l'empêche d'exprimer ce qu'il ressent ? Ça nous rend imperturbable et toujours prêts à agir.

Il en a fait la démonstration... par deux fois en fait. En prenant la bonne décision juste avant que la fenêtre de vole en éclats et en rattrapant Viliam le soir de leur rencontre. Il peut être surpris, évidemment, et avoir besoin de manier l'humour pour gérer ses émotions, mais il sait toujours quoi faire pour répondre à une situation comme celle de tout à l'heure.
Tandis que le blessé s'intéresse au pot de miel, Fantôme reprend la bouteille d'alcool ainsi que le foulard qu'il imbibe de boisson.

-Donc ça, tu connais ? Demande-t-il de manière rhétorique avant d'appuyer le tissu sur la plaie pour la désinfecter. Il regarde le bandit grimacer de plus belle : si retirer les échardes était douloureux, cette étape n'est pas mieux. Néanmoins, il est nécessaire de le faire avant qu'il ne referme la plaie. Dis-toi que je suis le prochain. Rappelle-t-il avec légèreté, comme lot de consolation.

Ses blessures à lui sont certes moins graves mais elles devront néanmoins être traitées. Il faut retirer les quelques éclats de verre qui se sont logés dans sa chair et désinfecter. Il pourrait même laisser Viliam le faire lui-même pour lui permettre de se venger un peu. Lorsque l'alcool achève de faire son effet, le mercenaire retire le foulard et répond enfin à la question qui lui a été posée.

-Le miel aide à la cicatrisation et, en attendant, ça protège des infections. Petite astuce de grand-mère... On finit par en récolter plusieurs comme ça au fil du temps.

Parfois, il n'y avait nul besoin d'un grand médecin ou d'un alchimiste avec ses concoctions étranges. Un ingrédient tout simple peut parfaitement suffire... C'est pourquoi ils ne s'encombrent jamais de trop de matériel pour leurs expéditions et cherchent parfois dans les provisions pour trouver ce dont ils ont besoin.

-Toi tu devrais toucher deux mots à Esgalön ! Le joli visage de Clarisse retrouve un éclat joyeux l’espace de quelques secondes tandis qu’elle observe toujours le spectacle, ses jambes battant dans le vide. Peut-être qu’on aurait droit à autre chose que du thé à la menthe la prochaine fois…

-T’es dure Clarisse. Viliam rit avant qu’une nouveau pic de douleur ne le calme. Il s’est amélioré depuis quelques énnéades. Il s’adresse à nouveau à son guérisseur improvisé, histoire qu'il comprenne de quoi ils parlent. Esgalön c’est celui d’entre nous qui s’y connait le mieux en plantes, donc on lui laisse faire ses potions et ses trucs mais…Viliam et Clarisse échangent un regard complice. Disons qu’il est plus doué aux fourneaux que pour recoudre les gens.

Contrairement aux chimères qui sont une armée organisée et entrainée, ils ne sont qu’une bande de voyous aux rêves un peu naïfs. Ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont sous la main et parfois c’est encore bien dérisoire face à leur ambition. Pourtant, Clarisse et Viliam n’ont pas l’air de regretter ce qu’ils font. Ou en tout cas ils ne le laissent pas percevoir à Fantôme.

-En tout cas je retiens l’astuce du miel. Viliam lâche finalement l’objet. Merci. Fit-il dans une énième grimace qui en brouilla involontairement la sincérité.

Fantôme se tourne vers Clarisse et voit pour la première fois autre chose sur son visage qu'un air neutre, ou inquiet, ou bougon. Elle est bien mieux comme ça, même s'il ne lui témoigne pas plus d'intérêt qu'auparavant. Puis il écoute l'échange tout en préparant l'aiguille, la retirant du verre d'alcool pour la passer sur la flamme avant d'y insérer le fil. Lorsque Viliam s'adresse à nouveau à lui, il lève brièvement ses yeux dans sa direction pour lui signifier que, s'il ne le regarde pas, il a néanmoins tout son attention.

-Être soigneur, ça ne s'invente pas. Je suis tout juste correct. Mon rôle c'était plutôt de garder mes camarades en vie jusqu'à ce qu'on trouve un vrai médecin. Ou de jouer les infirmiers jusqu'à leur rétablissement. Je m'en sors pas trop mal mais mes soins restent du provisoire quand il s'agit de plus gros bobos qu'une coupure comme celle-là. Un vrai soigneur arriverait à faire en sorte qu'on voit à peine ta cicatrice. Là, ça se verra sans doute un peu mais, si la tempête ne s'arrête pas bientôt, tu vas devoir t'en contenter.

Un mage, ça coûte cher. Et il doute que Viliam et ses compagnons en aient les moyens. Surtout pour une blessure sans gravité comme celle-ci.
Armé de son aiguille, Fantôme plante son regard dans celui du blessé. Il ne lui a pas fait de bien jusque là et la suite ne s'annonce pas mieux... Il va devoir faire pas mal de points et essayer de les serrer pour que la blessure se referme malgré le gonflement qui commence à poindre. Alors, dans un échange silencieux, il attend son aval avant de se lancer. Tenant la main à recoudre dans une prise à la fois ferme et délicate, il pique une première fois, embrochant avec doigté les deux pans de la blessure pour faire le premier point en un seul passage.
Tout en travaillant, il poursuit la conversation. Le ton de sa voix est un peu moins enjouée que tout à l'heure, la concentration le rendant un tantinet plus monotone.

-Il y a un alchimiste dans un quartier modeste... Sa boutique paie pas de mine et il a un caractère de cochon, mais il est efficace et ses tarifs sont très abordables. Par contre, petit conseil d'ami, vaut mieux pas demander ce qu'il met dans ses décoctions...

Il a fait une courte pause entre deux points pour énoncer ces derniers mots, un sourire espiègle en coin. Ce n'est qu'une suggestion qui serait peut-être venue d'elle-même à l'esprit de Viliam en voyant les choses étranges disposées sur les rayonnages de son échoppe mais c'était aussi pour la plaisanterie. Il veut détourner l'attention du hors-la-loi pendant que les piqûres se répètent dans le creux de sa main. Il entame déjà son troisième point et il est encore loin d'avoir fini.

-Mais, des astuces comme celle du miel, je pourrais lui en donner si vous voulez.

Il ne sait pas si c'était sérieux ou pour la blague mais, dans le doute, autant leur signifier qu'il n'avait rien contre. Il n'a rien contre le fait de partager son maigre savoir en matière de soins. Si cela peut sauver des vies... Il est si facile de mourir d'une blessure anodine, juste parce qu'elle a été mal traitée. Et ça, c'est un sujet qu'il maîtrise à peu près.

-Tant qu’il pose pas trop de questions…

A nouveau, il s’est contenté de pencher la tête vers l’arrière s’évitant la vue désagréable de sa propre main en train d’être recousue. Il ne craint pas spécialement vu ce qu’il a déjà vécu, mais ce n’est jamais plaisant.

D’ailleurs les potentielles cicatrices lui importent bien peu. Fantôme n’a qu’à remonter sa manche pour constater qu’il en porte au moins deux autres à son poignet, probablement plus autre part, et qu’il ne les cache pas spécialement contrairement au tatouage dans son cou. C’est comme ça.

Tandis que Fantôme s’attelle à son ouvrage, Viliam se fait un peu plus silencieux, fixant vaguement le plafond. Sa main tressaute toujours de temps à autre, mais encore une fois il tient le coup. Le chef des bandits est habitué à la violence et à la douleur.

Au bout d’un moment Egar est réapparu dans les marches de l’escalier, mais ne pouvant voir les détails de ce qu’il se passait, Viliam ne jugea pas bon de le renvoyer. L’enfant combat admirablement bien sa timidité ce soir-là et il préfère le récompenser plutôt que de lui imposer une solitude malvenue fut l’étrangeté de la soirée. Et puis... Egar aura tôt fait d’assister à des scène biens plus sanglantes un jour ou l’autre si ce n’est pas déjà fait. Même s’ils le protègent comme ils peuvent, les bandits savent que leur vie n’est pas la vie de rêve pour un gamin de dix ans. Ce genre de blessures sont leur quotidien.

Finalement, au bout de longues minutes, l’aiguille cesse d’agacer sa peau à vif. Alors il retrouve son guérisseur du regard puis fixe sa main dont l’ouvrage semble quasiment terminé. Il ose tester de bouger le bout de ses doigts. Ça tiraille un peu, mais ça ne fait plus aussi mal. C’est du beau travail. Il ne cache pas un certain soulagement. Si seulement l’un d’entre eux avait été capable de magie…

-ça va bientôt être mon tour de me venger. Plaisante-t-il à moitié, soulignant quand même mine de rien que Fantôme aussi à besoin de soins.

-Je te le proposerai pas sinon.

Fantôme sait très bien à qui il a affaire. Avant même de connaître le nom de l'organisation à laquelle ils appartiennent, il se serait douté qu'il valait mieux les orienter vers quelqu'un de discret. Jonas ne posait que peu de questions, tout juste ce qu'il lui fallait pour soigner son patient. Et cet homme bourru au possible était flanqué d'une épouse jeune, douce et jolie qui possédait un talent qui s'avérait bien utile lorsque les siens étaient dépassés. Car quand le Souffle s'enfuyait à toute allure, il fallait un coup de pouce pour le maintenir sur la terre ferme.

Sans plus trop rien dire, le mercenaire continua son ouvrage, rapiéçant la main entaillée. Un grincement l'informa du fait qu'Egar n'était pas loin mais il ne chercha pas à interagir avec lui. L'enfant a probablement été effrayé par l'incident et l'agitation qui s'en est suivie. De là où il est, il peut au moins constater que, si la tempête gronde toujours dehors, le calme est revenu à l'intérieur et que son protecteur va bien.
Fantôme achève finalement sa tâche et pose enfin l'aiguille. Il a un peu de sang sur les doigts qui tenaient le minuscule pic aussi tire-t-il un mouchoir de sa poche pour l'imbiber d'alcool et s'en servir pour se laver. Pendant ce temps, Viliam inspecte son ouvrage et le mercenaire rit doucement à son désir de vengeance. Il aura bien moins à faire. Il doit avoir trois éclats de verres sur le dos des mains et il n'y a pas nécessité de recoudre. La désinfection va certes piquer mais ça sera nettement moins douloureux que pour lui. Donc à moins qu'il appuie fortement sur son hématome, cela ne devrait pas trop mal se passer.

Une fois les doigts propres, il prend le pot de miel pour y plonger son pouce. D'un geste maîtrisé, il en tartine la blessure en un seul passage puis l'essuie avant de prendre le bandage. Là encore, il oeuvre avec un mélange de délicatesse, de professionnalisme et de précision. Il a déjà fait ça mille fois et il a tout le temps d'agir de manière à ne pas faire souffrir à son patient du moment inutilement donc il ne fait preuve d'aucune précipitation. Lorsqu'il a fini, il relève enfin son regard sur Viliam, prend une courte pause, avant de lui tendre ses mains, paumes vers le bas, le laissant s'adonner librement à sa vengeance. Il regardera le bandit faire sans chercher à lui donner de conseils. Après tout, les éclats de verre qui parsèment sa peau sont assez visibles et aisés à attraper. Il ne détournera pas les yeux de ses plaies pendant qu'il lui ôte chaque corps étranger.

Une fois les derniers soins terminés, c’est au tour de Viliam d’aider Fantôme. Faisant de son mieux vu l’état de sa propre main, c’est tout de même avec une certaine délicatesse dont il a rarement l’occasion de faire preuve qu’il s’efforce de traquer le moindre morceau de verre ou de bois sur les mains de la chimère. Il n’a pas autant l’habitude que le mercenaire de ce genre de travail sans doute, mais à trente-cinq ans, il a tout de même déjà eut l’occasion plus d’une fois de s’occuper de ses camarades et Viliam peut se montrer particulièrement doux avec son entourage. Alors il met peut-être un peu plus de temps mais il s’applique pour rendre l’expérience le moins désagréable possible. En plus Fantôme n’a de toute façon pas reçut grand-chose sur lui heureusement et ses mains sont vite désinfectées.

En revanche lorsqu’il ne reste plus que son épaule à vérifier, Viliam se relève, et lui demande de faire de même.

-Il faudra que tu t’installes un peu en hauteur. Le bandit désigne le bar. Là par exemple.

Le temps qu’il obtempère, Viliam trie les quelques objets médicinaux restés sur la table, cherchant à déterminer ceux qui leur sera utile ou non. Finalement il lui semble que l’espèce de pâte mentholée serait sans doute utile pour les commotions de l’épaule du mercenaire. Alors, satisfait il se rapproche de lui à nouveau.

-Je peux ?

Il pose doucement ses doigts sur le col du mercenaire. Il faudra bien le dévêtir un peu pour pouvoir évaluer la gravité des dégâts, mais une dernière fois il veut être certain de la bonne volonté de son interlocuteur. Lorsqu’il obtient le signal qu’il attendait, il l’aide à déboucler assez d’attaches pour laisser accès à son épaule, le laissant libre de ne pas se dévêtir plus qu’il ne le souhaite. Si Fantôme ne semble pas spécialement gêné, Viliam adopte le même genre d’attitude à la fois décomplexée et toute en retenu, comme s’il s’agissait de n’importe lequel de ses camarades. Fantôme à l’air d’un bel homme mais le bandit est bien élevé et il sait laisser son orientation de côté lorsque la situation n’y est pas propice. Là il soigne simplement un type qui a besoin d’aide, rien de plus.

En revanche, Viliam ne retient pas un froncement de sourcil concerné en voyant la peau bleuit sur une très large zone.

-T’aurais vraiment dû le dire plus tôt, ça doit te faire un mal de chien dès que tu bouges… Le reproche reste bon enfant. Il n’est pas sa mère et le mercenaire fait ce qu’il veut. Il aurait été un de ses hommes en revanche, il aurait eu droit à de bonnes remontrances pour ne pas s’être préservé comme il aurait dû. Et ça risque de pas passer avant un bon moment. Avec une extrême précaution il touche l’endroit blessé, cherchant à détecter d’éventuelles déformations et donc la gravité de la blessure.Dis moi si je te fait trop mal

Quelques froncements de sourcils ou de front, voilà tout ce qui se marquera sur le visage du mercenaire tandis qu'il observe Viliam lui retirer les éclats un à un. En revanche, l'alcool lui fera faire une plus forte grimace car la désinfection se révèlera plus douloureuse que le reste en définitive. Il ne pourra s'empêcher de pouffer de rire, une fois la première vague passée. La vengeance est certes accomplie mais loin d'être terminée pour autant.
Les mains désormais débarrassées de tout ce qui les dérangeait, Fantôme obéit sagement et se dirige vers le bar. En chemin, il retire sa veste qui sera de toute façon de trop pour la suite. Il la pose sur la plateau de bois et lance quelques mots à Clarisse avant de s'asseoir d'un bond sans attendre sa réponse, choisissant de garder une certaine distance malgré tout.

-Tu partages ?

Lorsqu'elle est dans cette salle, la blonde passe le plus clair de son temps là. Comme elle était dans son dos pendant les soins, il aurait presque pu oublier son existence tant elle s'était faite silencieuse, pour une raison qui lui échappe un peu. Il se contente de lui adresser un sourire espiègle après sa réplique puis commence à se déshabiller. Pour la pudeur de la demoiselle plus que pour la sienne, il hésite pas retirer totalement le haut... Cependant, il n'a pas que le temps de défaire un bouton ou deux que Viliam se retrouve déjà face à lui. A sa question, il ressent un léger moment de flottement mêlé de gêne que lui-même ne s'explique pas puis il répond.

-Ouais ouais, vas-y. Fait-il, l'air de rien afin d'effacer cette sensation étrange.

Il ne s'attendait pas forcément à ce qu'il l'aide à se dévêtir et c'est un peu surprenant de la part d'un homme alors qu'il est tout à fait capable de le faire lui-même mais bon... Il le laisse déboutonner sa chemise avant d'en écarter les pans pour mettre à nu une large partie de son torse. Fantôme est peut-être fin mais ses vêtements masquent une carrure ciselée. Dans son métier, il utilise énormément ses bras pour se hisser, se tracter, se suspendre... Aussi, tout son buste présente des muscles apparents, depuis le cou jusqu'aux hanches. Sa peau est marquée par quelques rares cicatrices, preuves d'anciennes blessures sans gravité qui ont été correctement soignées et n'ont donc rien de disgracieuses.
L'épaule du mercenaire arbore une belle couleur violette. Le bleu est concentré sur l'arrière et le côté de l'épaule si bien qu'il ne peut pas le voir dans son entièreté par lui-même. Il s'agit néanmoins de quelques dizaines de centimètres carrés qui ont changé de couleur et présentant en son centre une bosse de la largeur d'une pêche. L'hématome était sans doute un peu moins important avant l'épisode du volet mais les dégâts étaient faits de toute manière.

-On croirait entendre Djena... Elle m'engueulerait aussi à ta place. Mais c'est qu'un bleu. Une fois qu'il est là, y'a plus grand chose à faire à part attendre que ça passe. Ce qui va être le plus emmerdant pour moi, c'est pour dormir cette nuit : c'est mon côté préféré.

Il fait une moue entre désolation et amusement. D'un côté, c'est vrai qu'il aura plus de mal à trouver le sommeil s'il ne peut pas s'installer comme il en a l'habitude. De l'autre, bon... Il s'en remettra, même si Viliam a évidemment raison de penser que ça va prendre du temps. La couleur aura disparue qu'il aura encore la bosse. Il va devoir abuser des baumes et onguents pour l'aider à la faire diminuer plus rapidement. S'il est blessé, il ne pourra pas aller sur le terrain et il ne tient pas vraiment à être mis sur le banc de touche.
Tandis que le bandit l'ausculte, il ne dit trop rien. Il ne compte plus le nombre de bleus qu'il a récolté donc la douleur est plus que supportable. En revanche, lorsqu'il s'attaque à la bosse, il se montre plus sensible et grimace un peu. Qu'il ait le malheur d'appuyer un peu trop fort au mauvais endroit et on pourrait bien entendre sa voix étouffée.

-hm. Malheureusement je crois que tu devras te contenter de dormir autrement cette nuit. Je te prêterais un oreiller en plus si tu veux.

Viliam lui répond avec amusement sans se déconcentrer. Passant dans son dos il examine d’un autre angle l’hématome. Là, il voit un peu mieux la grosseur anormale et l’ampleur de la zone tuméfiée.

-Raconte-moi. Comment c’est la vie parmi les chimères ? A côté on doit avoir l’air de sacrés bras cassés.

Viliam est réellement curieux de savoir à quoi peut ressembler la vie d’un vrai mercenaire. D’un autre côté, il a volontairement choisi une question à la fois assez simple et vague pour que le blessé se focalise dessus. Comme ça, lui il continue tranquillement ses soins. Retrouvant finalement son côté, il fait tranquillement mine d’appliquer l’onguent sur la zone meurtrie, s’appliquant à ne pas appuyer sur la bosse. Bien entendu il fait de son mieux pour n’user que de sa main valide.

L’espace d’un instant son regard se retrouve cependant attiré par un mouvement sur sa droite et il sourit au petit garçon qui a soudain pris place sur une chaise et qui observe les deux adultes terminer de penser leurs blessures. L’enfant serre toujours ses petites jambes contre lui et il y a dans son attitude silencieuse et observatrice, quelque chose rappelant fortement l’attitude de Clarisse, l’espièglerie de son regard en moins.

-Son épaule est toute bleue. Constate-t-il, animé d’une innocence toute enfantine. Il va pas la perdre au moins dites ?
-Ah moins que la tempête ne crée d’autres catastrophes, il est sauf.
-Et il va rester avec nous ?
-le temps qu’il puisse sortir sans finir propulsé dans une autre taverne j’imagine.
-Ah…
-T’as l’air déçu pti pied.
-Ben je sais pas. Il hausse théâtralement les épaules. Il a l’air gentil. Moi je veux bien qu'il reste.

Viliam ne répond rien, il se contente de pouffer en silence en terminant son travail. La légèreté d’Egar leur fait certainement du bien à tous, surtout avec la rudesse des dernières ennéades.

-Ça ira, j'te remercie. Répond Fantôme à la proposition de Viliam sur un ton tout aussi amusé que le sien. Il le suit à peine du regard alors qu'il passe dans son dos pour mieux l'examiner. Il ne bouge pas, se contentant d'observer de nouveau devant lui. La question du bandit l'interpelle un peu puis il rit doucement à la comparaison qu'il fait avec l'Aile Blanche. Ils sont très différents, c'est certain.

-C'est un mélange entre une armée et un groupe comme le vôtre au final. Il y a une hiérarchie, une organisation prédéfinie, des rôles spécifiques à chacun. On doit obéir aux ordres et, en même temps, rien ne nous oblige à agir les respecter scrupuleusement. Si je ne suis pas d'accord, j'ai le droit de le dire. Tout ce qui me pousse à faire ce qu'on me demande, c'est la confiance que j'ai dans chaque membre de la compagnie et en mes supérieurs. C'est un autre genre de famille, en gros. Mon père, c'est mon Capitaine. Ma mère, c'est mon Lieutenant... Fait-il en plaisantant, riant à moitié alors qu'il imagine Céleste agissant en maman. Cela ne lui semblerait tellement pas naturel... Il pouffe ainsi jusqu'à ce que Viliam ne touche à une zone particulièrement sensible. Son rire se coupe alors tout net pour être remplacé par un petit cri de douleur, suivi d'un gémissement étouffé derrière ses dents serrées et ses lèvres pincées.

C'est alors que le petit garçon réapparaît. Fantôme tourne son regard vers lui tandis qu'il s'inquiète visiblement de son état. Malgré la vive souffrance qu'il vient de ressentir, il étire un sourire amusé en coin. Il écoute l'échange se poursuivre sans chercher à intervenir. Cet enfant est touchant et cela se lit sur les traits du mercenaire.

-Je peux pas rester mais je peux toujours revenir. Enfin, si j'y suis autorisé, bien sûr.

Le mercenaire tourne alors un regard innocent vers Viliam. C'est ainsi qu'il remarque qu'il a terminé de le soigner et entreprend de remettre sa chemise correctement. Là où le tissu glissait tout seul sur sa peau glabre tantôt, il colle davantage maintenant que la crème a été appliquée. Il galère donc un peu avant d'y parvenir, évitant de bouger son épaule un peu plus endolorie maintenant que certaines douleurs ont été ravivées. Puis il reprend un peu son sérieux.

-On ferait mieux de s'occuper des autres fenêtres avant qu'une autre bourrasque nous surprenne. Suggère-t-il. Et je pense qu'on aurait bien besoin d'un assistant. Continue-t-il en regardant Egar.

-Tu connais le chemin maintenant. Viliam se contente de répondre avec le même sourire amusé. Privilégie les moment où la porte est ouverte par contre. Elle résistera pas indéfiniment. Ne peut-il pas s'empêcher d'ajouter en plaisantant à propos de son entrée fracassante du matin.

Comprenant ensuite qu’il est visé par les paroles de Fantôme, l’enfant ouvre de grand yeux sur le mercenaire, puis sur Viliam semblant implorer un acquiescent. Évidement le bandit le lui offre avec un hochement de tête qui le laisse ravit. Alors, le gamin déplie ses petites jambes et se met à suivre la Chimère prêt à l’impressionner.

S’il fait mine de les aider aussi, le chef de l’Aile Blanche se fait un plus discret pour que l’enfant se sente utile aux yeux de son héros du jour. Lorsqu’Egar pousse une table, il la pousse aussi mais du bout du pied, lorsqu’il veut la maintenir contre le mur, Viliam se glisse à ses coté au dernier moment et fait semblant d’avoir besoin d’un coup de main en plus, pendant que Fantôme la cloue contre le mur.

Mais au fil des travaux, le petit commence doucement à se frotter les yeux. Il se fait tard pour lui, et la journée a été plus que chargée en émotion. Alors, lorsque tout est enfin terminé, Viliam plie les genoux devant lui et viens caresser ses petites boucles brunes.

-Tu devrais aller dormir pti pied. Fit-il gentiment. Tu nous as bien aidé, on est fier de toi.
-Je peut encore rester. Un bâillement vient aussitôt contredire cette affirmation
-Tu sera fatigué demain. Tu voudrais bien pouvoir dire au revoir à Fantôme non ? Et puis les autres seront peut-être aussi de retour. Ils auront des tas d’histoires à te raconter, mais pour ça faudra que tu tiennes debout.

Cet argument semble faire mouche et l’enfant hoche la tête, résigné. Timidement, il tend ses petits bras vers le bandit. Celui-ci comprend la demande implicite et prend l’enfant éreinté dans ses bras. Il se relève et lance un regard vers les deux adultes, un petit rictus amusé aux lèvres.

-Si ces messieurs dames veulent bien m’excuser un instant…

Il laisse le petit humain leur adresser un dernier signe de la main avant de disparaitre dans l’escalier d'un pas rapide. Fantôme et Clarisse peuvent probablement l’entendre déjà raconter avec entrain une histoire au petit garçon avant que sa voix ne soit étouffé par la distance.

Dans la grande salle, un silence se met alors à flotter quelques secondes. Clarisse, toujours sur son perchoir, fixe l’endroit où son compagnon a disparu, un sourire hésitant sur les lèvres.

-Il a toujours eut un truc avec les enfants. Commente-t-elle de nulle part au premier abords. Ses jambes battent toujours dans le vide. Elle fixe soudain le mercenaire, comme si elle cherchait à lui dire autre chose, derrière. C'est quelqu’un de bien.

Reboutonnant sa chemise, Fantôme rit à la plaisanterie de Viliam.

-D'habitude, c'est plutôt pour me faire sortir que je passe la porte de cette façon. Renchérit-il, sous-entendant qu'on l'a déjà flanqué violemment dehors, chose qui, vraie ou non, l'amuse plus qu'autre chose. Soit il a un sacré recul sur lui-même, soit il préfère en rire plutôt qu'en pleurer, soit c'est du passé. Dans tous les cas, est-ce que cela le rend moins fréquentable ? Ce n'est pas à lui de juger. Lui-même s'estime assez peu de toute manière. Depuis son arrivée, il ne témoigne d'aucun orgueil, même lorsque les yeux brillants d'un petit garçon le couvrent d'honneur. Un honneur qu'il ne pense pas mériter mais il ne le confiera pas à Egar, ne voulant pas briser ses rêves.

Les petit groupe se remet au travail. Fantôme regarde d'un œil amusé les combines de Viliam pour faire croire à l'enfant qu'il est fort et utile dans leur tâche. A quelques reprises, il jouera le jeu aussi, demandant au garçon de lui apporter un clou ou deux afin de lui permettre de continuer ou d'aller plus vite. Une fois, il lui demandera même d'aller récupérer la boîte qu'il a oublié à la fenêtre précédente. Pendant qu'il fait l'aller-retour, le mercenaire en profitera pour se poser contre le mur, faisant face à Viliam qui porte la table en attendant qu'on commence à la clouer pour lui lancer un petit "ça va comme tu veux ?" espiègle et provocateur à la fois.
Une fois la tâche terminée, Fantôme ramasse les clous tombés par terre tandis que le bandit incite Egar à aller se coucher. Il s'incline dans sa direction alors qu'il se fait emporter par ce qui semble bien être son père de substitution. Fantôme arbore un sourire attendri devant la scène jusqu'à ce que la voix de Clarisse s'élève et le surprenne à moitié.

-Hm. Je vois ça. Les gamins m'aiment bien aussi mais j'avoue que je ne comprends pas pourquoi. Ironise-t-il.

Puis il prend la boîte et passe derrière le comptoir pour la ranger là où il a vu la jeune femme la prise un peu plus tôt. Ceci fait, cette dernière lui adresse quelques mots dont il ne comprend pas la subtilité. Il la regarde, semblant chercher le message caché. Appuyé sur le bar, il finit néanmoins par lui répondre après quelques secondes de battements.

-J'en doute pas. Se contente-t-il de dire avec plus de sérieux qu'il n'en a eu jusqu'à présent -hormis lorsqu'il soignait Viliam-.

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Une nouvelle bourrasque tire subitement du sommeil Fantôme qui lève la tête vers les volets qui grondent. Entre son épaule et le vent, il n'a pas tellement bien dormi. Il repose son crâne sur son bras plié sous sa nuque dans un soupir. Au moins, il n'a pas les moyens d'être déboussolé en se réveillant dans un dortoir qui, même s'il est semblable à celui dans lequel il loge habituellement, n'est pas le sien. Il a d'ailleurs eu cette phrase en le découvrant la veille : "C'est comme à la maison".
Malgré le sable, la faible lueur jaune qui passe par les interstices lui fait comprendre que le jour est levé. Il lui semble alors évident qu'il ne dormira plus. Il se force donc à se redresser, s'étire comme il le peut avec son hématome, puis se met debout. Il attrape sa chemise pour l'enfiler de nouveau. Il remet ses bottes. Puis il descend dans sa salle commune, sa veste en main. Il doit être encore tôt ou alors tout le monde était épuisé par les mésaventures de la nuit précédente. Il n'y a personne. En revanche, rien n'a bougé. Les tables clouées sont toujours là. De même que le verre et le bois brisés. Fantôme s'arme alors du balai et regroupe le tout dans un coin de la pièce afin que personne ne se blesse. Puis, se trouvant toujours seul et ne voulant pas fouiner dans le garde-manger sans permission, il se remet torse nu et se positionne sous une poutre. A l'aide de ses bras, essayant néanmoins se solliciter au maximum le plus valide des deux, il parvient à se hisser avec agilité afin de glisser ses jambes par-dessus la poutre. La tête en bas, il entame une série de tractions, faisant en sorte que son corps finisse à l'horizontal, le visage face au plafond. Il y parvient sans trop de peine et, au bout de plusieurs minutes, sa peau se pare d'un film de sueur. Sans ses armes et avec une épaule fragile, il ne peut malheureusement pas faire grand chose d'autre et cet exercice a l'avantage de solliciter bon nombre de ses muscles, à l'exception de ses bras qu'il ne peut pas trop utiliser pour les épreuves de force pour le moment.

Pour les bandits aussi la nuit a été longue. A vrai dire après qu’Egar ait enfin réussi à s’endormir, les adultes n’ont pas tellement tardé non plus en apparence. Ils ont offert une chambre au mercenaire tandis que chacun partait de son côté. Clarisse à fait mine de rejoindre le petit garçon dans une autre chambre commune, Viliam en sa qualité de chef probablement possède sa propre chambre.

Pourtant Viliam n’a même pas eu le temps de se changer qu’il a entendu des doigts fins toquer tout doucement à sa porte. Sans même qu’elle n’ouvre, Viliam avait alors compris que Clarisse voulait lui parler et la conversation, de simples murmures afin que les oreilles les plus curieuses n’entendent pas, avait duré beaucoup plus longtemps que prévu. Beaucoup plus longtemps.

Si ladite discutions à bien finit malgré quelques désaccords menaçant de faire hausser le ton de la conversation, il y a la matinée pour contrarier quand même le bandit à son réveil. La tempête fait encore rage derrière les volets de bois et avec elle l’absence et l’isolement de ses compagnons. Le bandit s’inquiète alors il prend le temps d’une prière avant tout chose. A Nééra, les mains en coupe et à genoux près d’une effigie de la Damedieu, il lui demande de veiller sur eux, de les éloigner du mauvais sort. Il espère aussi qu’ils sont à l’abri et saufs…

Quand il fait enfin mine de descendre les marches, il ne s’attendait pas spécialement non plus à trouver leur invité forcé occupé à une routine matinale certainement répétée depuis des années vue sa musculature…

Viliam hésite un peu sur la manière dont il doit réagir. Il y a une partie de lui qui prône de s’en retourner discrètement de là d’où il vient, d’attendre un peu. Mais une autre, peut-être plus orgueilleuse, lui intime de rester là. Ce n’est qu’un homme. Qu’est-ce qu’il craint ? De quoi a-t-il honte ?

Alors il fait un compromis, et sachant qu’elle marche provoquerait un grincement sonore, il appuie du bout du pied dessus, et s’assoit à même l’escalier comme l’avait fait Egar la veille. A ses cotés il pose la bougie allumée qu’il tenait. La salle n’est pourtant pas complètement dans le noir car il reste quelques fenêtres inaccessibles et trop petites pour menacer de céder au vent.

-Sacré routine. Lâche-t-il mine de rien. T’es du matin toi non ?

Viliam est semblable à l’apparence qu’il avait la veille ce matin-là. Il porte le même type d’habits simples mais propres. A son cou est à nouveau noué un foulard blanc qu’il resserre et replace machinalement une fois les mains libres.

Affichant un fin sourire il fait mine d’adopter la même attitude tranquille que précédemment malgré ses contrariétés et le fait de ne pas savoir sur quel pied danser.

Occupé à réfléchir à tout autre chose et concentré sur son entraînement, Fantôme n'entend pas les pas discrets dans l'escalier. Il ne se sent pas en danger ici et, comme ils sont totalement isolés, il ne craint pas d'autres intrusions. Il connaît toutes les personnes présentes dans le bâtiment et n'a donc aucune raison de rester sur le qui vive. Ce n'est qu'en entendant le grincement qu'il s'arrête et porte son attention sur les marches pour voir Viliam s'asseoir. La tête en bas, il se contorsionne un peu pour le remettre légèrement plus droit dans son champ de vision. Il trouve un peu étrange qu'il reste à distance comme ça, alors que, la veille, il déboutonnait sa chemise sans complexe apparent. Cependant, il ne lui en fera pas la remarque et se contente de rire doucement à sa question. Puis il se redresse une dernière fois pour saisir la poutre de ses mains, sortir ses jambes de là et retrouver le sol sans bruit avant de lui répondre enfin.

-Pas du tout. T'imagine pas le nombre de seaux d'eau que je me suis pris. Dit-il, amusé par ce souvenir pourtant peu agréable. Mais j'ai mal dormi avec tout ça et j'avais besoin de me stimuler pour me réveiller.

Il reprend sa chemise mais, vu son état, il renonce à la remettre de suite. Après tout, il n'en a qu'une et c'est déjà le troisième jour de suite qu'il la porte. Il l'a retirée pour la nuit histoire de l'économiser un peu mais il l'achèverait totalement en la mettant maintenant. Alors, il garde son vêtement dans la main et s'avance vers l'escalier.

-Y'a de quoi se laver quelque part ? Demande-t-il avant de s'appuyer contre un poteau à quelques pas de Viliam. D'ici, il le voit un peu mieux et constate qu'il n'est pas tout à fait comme la veille. Le mercenaire fronce brièvement les sourcils avant de l'interroger, le plus naturellement du monde. Ça va pas ?

Il n'imagine pas une seconde ce qu'il s'est passé pendant la nuit. Il se doute que l'inquiétude du bandit concernant ses camarades n'a pas dû changer. Cependant, il ne sait pas pourquoi mais il a l'impression qu'il y a... autre chose. Mais il se trompe peut-être et ne cherchera pas plus loin si le sang-mêlé lui répond que tout va bien. Dans tous les cas, l'attitude de Fantôme ne semble en rien calculée et il est parfaitement détendu.

Viliam rit doucement en imaginant le mercenaire réveillé à coup de seau d’eau. L'image lui plait assez quelque part. D'ailleurs, au fur et à mesure que Fantôme parle et plaisante, le bandit se détend un peu. Son esprit rationnel lui fait comprendre que tout va bien. Il n'est pas plus en danger qu'hier. Fantôme est toujours le même.

-Tout va bien. C’est pas que je voudrais te foutre dehors mais j’avoue que je suis déçu de voir la tempête durer.

C’est un mensonge mais la vérité ne sortira jamais de ses lèvres. Pas ici, pas maintenant, certainement jamais. Tout est tellement trop tôt. Alors son sourire se fait plus sincère, il se relève même, et pointe le haut de l’escalier.

-T’as une salle d’eau au fond du couloir. C’est rudimentaire mais j’ai fini par comprendre que t’avais l’habitude.

Ensuite il le laisse partir et se concentre sur la grande salle vide. Il remarque que les éclats de bois et de verre ont été balayé et il hausse un sourcil étonné. Déjà qu’il faut batailler pour que ses camarades le fassent…

Lorsque Fantôme revient, Viliam est toujours là, et à remit en place les quelques tables qui restent. Toujours assit sur les marches de l’escalier, il est encore seul. Clarisse et Egar dorment encore semble-t-il.

Il tient un vieux parchemin abimé dont l’arrière semble couvert de publicités sans intérêt et griffonne un peu au hasard dessus grâce à une mine de plomb. Lorsqu’il entend des pas derrière lui il relève le nez vers la Chimère et ré-enroule l’objet. Il n'a pas l'air de vouloir spécialement le cacher, mais fait simplement mine de s’intéresser à l'homme à la place.

-Un véritable palace n’est-ce pas ? fit-il , histoire de réengager la conversation.

Restant appuyé contre le mur, Fantôme tourne son regard vers la fenêtre la plus proche et derrière laquelle le vent souffle toujours autant. Il lui répond sur un ton plutôt léger au début, puis un peu plus sérieux.

-Et c'est pas que ta compagnie me plaît pas, mais je serais pas contre l'idée de pouvoir rentrer aussi. Et puis je pense que ça détendrait tout le monde.

Il n'y a pas de reproche dans ses paroles mais peut-être un peu de compassion. Il imagine que ses frères d'arme doivent être inquiets pour lui après deux jours sans nouvelles. Alors il peut comprendre que Viliam, Clarisse et Egar ressentent la même chose pour les membres de leur équipe qui sont absents.
Le bandit lui indique l'emplacement de la salle d'eau et le mercenaire sourit à sa remarque. Effectivement, il a connu pire. Après tout, il passe son temps soit dans une sorte de caserne, soit en mission en extérieur. Alors une pièce avec eau, savon et serviettes, c'est plus qu'il ne lui en faut.

-T'as pas idée. Dit-il sur un ton espiègle avant de monter les marches, posant au passage une main sur l'épaule de Viliam pour le remercier.

Puis il disparaît à l'étage pour redescendre une quinzaine de minutes plus tard, lavé de la tête aux pieds, les cheveux encore humides pour preuve. Entre sa séance de musculation et sa toilette, il se sent revigoré et est plein d'énergie désormais. Dommage qu'ils soient enfermés ici... Il ne va pas pouvoir en faire grand chose.
Il retrouve le bandit dans l'escalier, comme s'il n'avait pas bougé à ceci prêt que les tables ont changé de place depuis son départ. Donc à moins qu'elles se soient déplacées toutes seules...

Fantôme ne porte pas attention au document que Viliam tenait et achève de descendre les marches pour retrouver le plancher.

-C'est rien d'le dire. Répond-il à la question qui lui est posée. Y'a de quoi préparer un petit déjeuner ? Ça attirera peut-être les dormeurs. Fait-il en lançant un bref regard vers l'étage où se reposent encore Clarisse et Egar.

Une taverne ayant toujours en réserve de quoi nourrir ses clients pendant plusieurs jours, il ne doute pas qu'il y a ce qu'il faut pour subvenir aux besoins de trois adultes et un enfant pendant un moment. Et puis cette tempête ne va pas durer éternellement, si ?

-Il doit nous rester quelques provisions. Viliam cherche une clé dans sa poche et s’en va pousser la porte de l’arrière de la salle. On en a pas pour trois jours de plus par contre. Faudra que la tempête s’arrête à un moment.

Le silence revient pendant qu’il fouille visiblement dans ce qui est certainement le garde-manger de l’établissement. Et puis au bout d’une minute il revient les bras chargés de pain et de fromage qu’il dépose sur une table. Il porte aussi une corbeille de fruits typiques de la région qu’il ajoute au tout. Là encore ce n’est pas grand-chose mais ça semble suffisant pour des individus habitués à la débrouillardise.

-Le soleil n’a pas l’air très haut…enfin j’ai l’impression. On verra pas nos camarades avant un petit moment encore. Egar a besoin de beaucoup de sommeil.

Cela veut dire que pour quelques dizaines de minutes encore, ils seront seuls. Il faut espérer que Fantôme sache s’occuper…

-J’avoue que j’ai pas spécialement l’habitude d’être barricadé comme ça. Enfin…Machinalement, le bandit grappille un morceau de pain dans lequel il mord, laissant le silence flotter une seconde ou deux. En tout cas la plupart du temps quand je dois pas sortir, j’ai pas le temps d’y réfléchir.

Puisque Viliam ne l'invite pas à le suivre, Fantôme reste à distance du garde-manger. Dans un monde comme le leur, la nourriture est un sujet sensible. Et dans de tels instants, elle est primordiale. Cependant, lui qui espérait pouvoir cuisiner quelque chose qui réchaufferait les cœurs voit vite son idée tomber à l'eau. Tant pis pour cette fois... Ça aurait fait du bien au moral pourtant. C'est l'une des rares choses que le mercenaire pense faire assez bien : détourner l'attention. Celle de ses adversaires en combat. Ou celle de ses alliés dans les moments difficiles. Aujourd'hui fait partie des moments difficiles, non ? Alors qu'ils sont coincés ici pour la seconde journée consécutive et que le vent ne veut toujours pas se calmer. Derrière son attitude chaleureuse et enjouée, Fantôme n'en est pas moins inquiet, lui aussi. Mais les autres le montrent suffisamment en général pour qu'il ne s'en encombre pas lui aussi. Et puis, il préfère gérer ça autrement.

-Il va pourtant falloir trouver quelque chose à faire. Sinon, la tension va monter et Egar va le ressentir et angoisser.

L'éclaireur n'a pas spécialement d'idées. Ils peuvent toujours faire des jeux et lui raconter des histoires, cela passerait le temps. Mais pour quelques heures seulement. Tout en réfléchissant, il s'arme d'une assiette et d'un couteau. Il coupe une tranche de pain et un peu de fromage mais, plutôt que de les manger, il recoupe la tome en plusieurs morceaux plus petits avant de les disposer sur la mie. Ensuite, il prend deux groseilles et un kiwi. Il place les premières puis épluche et découpe le second avant de les mettre en place aussi. Il forme ainsi un visage aux petits yeux rouges, arborant un sourire jaune au milieu d'une barbe verte. Puis il prend une seconde assiette qu'il retourne pour mettre au-dessus de la première, cachant ainsi sa création et la préservant en attendant d'être découverte plus tard par un petit garçon de dix ans doté d'une certaine sensibilité, de ce que Fantôme a pu remarquer.
Ce n'est qu'une fois sa tâche achevée qu'il se servira enfin, se faisant une tartine de fines tranches de fromage qu'il croquera avec un peu de raisin. Tout en mâchant, il toise Viliam, semblant réfléchir à quelque chose.

-Je dois me sentir honorer d'avoir été accueilli par le chef de l'Aile Blanche ou pas ? Dit-il sur un ton malicieux. L'information ne lui a pas été donnée lorsque le bandit lui a avoué qui ils étaient mais il est loin d'être idiot, contrairement à ce qu'il laisse paraître. Et il peut expliquer comment il en est venu à cette conclusion. Que Clarisse ne dorme pas dans la même pièce que moi, ça se comprend, même si, franchement, elle a rien à craindre de moi sur ce plan là. Pour Egar aussi, après tout je suis un inconnu. Mais toi... Non seulement tu as dormi ailleurs mais j'ai entendu deux portes se fermer hier soir. Vu la taille du bâtiment, il n'y a pas cinquante dortoirs donc tu as ta propre chambre. A moins que votre chef soit très conciliant, ça ne peut être que toi. Et, comme si ça ne suffisait pas, c'est toi qui a la clef. Conclut-il en pointant le garde-manger du doigt. Il observe Viliam avec un brin d'espièglerie dans le regard. Et c'est toi qui faisait preuve d'humilité en apprenant qui j'étais hier ?!

-Je suis démasqué alors. Viliam sourit et, toujours debout, il pose ses mains sur la table à laquelle Fantôme est assis et se penche un peu vers lui. Il y a toujours un éclat amusé dans ses yeux noirs. C’est bien moi le chef et j’ai effectivement ma propre chambre. J’aime pas spécialement dormir avec d’autres gens alors je profite de ce petit privilège. Il se redresse et hausse les épaules. Le temps d’une autre explication, il reprend un peu de sérieux, voir de dépit. Et puis, j’espère que t’es pas de ce genre là, mais y a des mecs pour lesquels c’est carrément insupportable de  ne serait que dormir dans la même chambre qu’un autre gars qui soit homosexuel, qu’ils l’apprennent avant ou après d’ailleurs… ça leur fait peur, ça les dégoutes j'en sait trop rien, mais au final aussi con que ça me paraisse, autant brusquer personne. On est toujours bloqués ensembles après tout.

Remarque, paradoxalement, là il ne laisse aucun doute à Fantôme et n’en affiche absolument aucun problème, honte ou remord. Certains, une minorité bruyante tout de même, le voient comme un monstre. Quelqu’un de déluré, de pervers, de contre nature aussi… Alors que Viliam est particulièrement bien placé pour pointer du doigt des individus à la gueule d’ange et aux mœurs bien plus immondes. Il s’en fiche bien de leur avis de toute façon, il est comme ça et même s’il le voulait, il ne changera pas. Il n’a rien à changer. Pour lui c'est comme dire préférer le bleu au rouge.

Finalement il s’assoit en face du mercenaire, le même sourire amusé, joueur, sur les lèvres.

-Clarisse ferait probablement des bonds si elle m’entendait assumer ma position de chef comme ça. T’as un paquet de clefs pour m’envoyer directement au bout d’une corde et ça porterait préjudice à mes compagnons, forcément. Pourtant son attitude est toujours aussi nonchalante. Mais je sais pas, je t’aime bien Fantôme, alors je prends le risque. J’espère juste que le sentiment est réciproque.

Et puis il tire l’assiette réservé à Egar, en soulève rapidement le couvercle avant de le reposer et ajoute :

-Qu’est-ce qui pourrait bien m’arriver de la part de celui qui fait ce genre de truc après tout ?Il rit doucement. Il trouve ça touchant comme attention de la part de la Chimère et il a presque hâte de voir la réaction de l'enfant.