[Sable des vents] Tu me dois toujours un verre | Viliam & Fantôme

Alors qu’il ajuste son morceau de formage sur sa tranche de pain, Fantôme relève soudainement le regard à l’évocation des préférences de Viliam. A son air, ce dernier peut voir qu’il est étonné car il ne s’en était pas rendu compte jusque-là. Il semble également comprendre un certain nombre de choses… Comme le fait qu’il lui demande la permission de le toucher pour les soins de la veille, le malaise qui en a résulté l’espace d’un instant et puis la distance qu’il a gardée ce matin pendant qu’il s’entraînait. Le mercenaire ne comprenait pas pourquoi il faisait preuve d’autant de précautions et de retenue avec lui mais tout s’éclaire d’un coup.
S’il est un tantinet surpris, il ne montre en revanche aucun dédain ni dégoût. Il est plutôt indécis sur l’attitude à adopter. Il ne s’est jamais retrouvé dans cette situation auparavant, ou bien c’est que ses frères d’armes s’en cachent pour éviter d’être traités différemment. Alors… Peut-être que si finalement, mais il n’en sait rien. Dans tous les cas, il n’est pas écœuré, ce qu’il ressent est… étrange. Peut-être un brin de gêne, surtout après s’être montré si décomplexé et impudique devant lui. Il regarde Viliam s’asseoir sans savoir quoi lui répondre et se contente de l’écouter.
De même qu’il ignore quoi penser de ses orientations, il ignore ce que signifie son « je t’aime bien ». Alors il laisse flotter un moment de battement pendant lequel le bandit observe de plus près son œuvre culinaire. Il retrouve finalement le sourire à sa question rhétorique et il voit au moins une première réponse à apporter.

-Je n’ai aucune raison de te vouloir du mal. Même si les actions de l’Aile Blanche sont parfois discutables, vos motivations sont louables. Utopiques… mais louables.

Déjà hier, Fantôme n’a pas caché qu’il ne croit pas vraiment à l’objectif que cette organisation s’est fixée. Difficile de protéger quelqu’un contre lui-même. Alors toute une civilisation… Cela semble irréalisable. Et en tout cas pas sans heurts.

-Et je t’apprécie aussi. Finit-il par confier.

Peut-être pas… au sens romantique du terme. En tous cas, il ne peut pas nier le fait qu’il se sent à son aise depuis son arrivée, et même depuis sa rencontre avec Viliam. Il parle librement, se montre naturel, son humour trouve une réponse similaire… Et il aimerait que cela reste ainsi.

-J’espère que je t’ai pas mis mal à l’aise tout à l’heure. A force de vivre les uns sur les autres, on apprend à mettre sa pudeur de côté et je m’en rends plus forcément compte. Avec les hommes comme avec les femmes, j’ai pas pour habitude de me cacher. Dans la limite du raisonnable, évidemment. Mais si jamais ça te dérange, j’essaierai de faire attention.

Fantôme n’a pas besoin de préciser qu’il parle de la cohabitation actuelle. La tempête n’a pas faibli donc ils vont sans doute devoir passer encore quelques heures ensemble au minimum. S’il faut, la situation ne se représentera plus mais, s’il doit passer une seconde nuit ici… Peut-être aura-t-il besoin de se montrer plus vigilant.

-Pour le reste, tout avait l’air d’aller très bien jusque-là donc… je vois pas de raison de changer quoi que ce soit. Passer du temps avec toi est agréable et j’ai pas spécialement envie que ça change.

En somme, il n’a pas l’intention de modifier son comportement en sachant que son interlocuteur a une préférence pour les hommes. Cependant, Viliam est en droit d’avoir un avis différent et, s’il n’a posé aucune question, le mercenaire reste à l’écoute et semble attendre sa réaction après ce qu’il vient de proposer.

-Ne t’inquiète pas. Viliam balaie rapidement ses doutes de la main. Ma réaction de tout à l’heure n’avait rien à voir avec tout ça et ça ne se reproduira pas. De toute façon, on est obligés de mettre de cotés notre pudeur nous aussi parfois. C’est pas un problème, je sais faire la différence et je suis pas plus dérangé que toi ou que n’importe quel autre homme devant quelqu’un de torse nu. Il ajoute : Tant que le type en question me cherche pas. Un sourire qui semble hésiter entre sa joyeuseté habituelle et une certaine amertume ponctue le tout. J’ai vu bien pire qu’un type qui fait des tractions pour passer le temps si ça peut te rassurer.

L'amertume ne semble pas durer et rapidement, le bandit retrouve son air amusé habituel. Quoi qu'il en soit Viliam pas envie que le comportement du mercenaire change pour si peu. Pas plus qu’en sachant son rang dans l’organisation qu’il trouve si utopique. Alors quand il confirme qu’il ne le souhaite pas non plus, le bandit hoche la tête, rassuré et touché.

-Enfin…En tout cas, j’imaginais pas qu’un grincement de porte t’amènerait à en savoir autant sur moi...Commente-t-il.

-Si seulement tu te montrais plus prudent Viliam.

En se retournant, il peutt apercevoir une Clarisse à la moue mi-figue mi-raisin qui descend les marches de l’escalier, Egar sur ses épaules. Mine de rien, elle semble difficilement chacher une once d’amusement, laissant présager qu’elle ne lui en veut pas pour autant, et qu’elle comprend que l’autre homme n’est effectivement pas une menace pour eux.

- Et dire que c’est moi le plus raisonnable de la bande…

Les laissant s’approcher, Viliam retrouve finalement le regard de la Chimère en face de lui et pousse discrètement l’assiette d’Egar vers lui, du bout des doigts. Un éclat de malice brille dans ses prunelles sombres. C’était à lui de la donner au petit garçon qui met doucement pied à terre.

Fantôme n'affiche aucune expression particulière tandis que Viliam lui explique que son comportement ne l'a en rien dérangé. "Tant mieux" se dit-il. Il sait ce qu'est la vie en communauté et il aurait fait l'effort. Mais, quelque part, il n'a pas vraiment envie d'avoir à changer. Cela aurait voulu dire qu'il prend des gants alors que tout a été si naturel jusque-là... Et ce serait donc revenu à modifier leur relation telle qu'elle s'est construite, et qu'elle se construit encore. Il commence par hocher la tête puis, à l'évocation de la situation dans laquelle il a surpris le mercenaire et le fait qu'il ait vu pire, il lui adresse un regard à la fois interrogateur, curieux et amusé.

-Faudra que tu me racontes ça un jour.

Même s'il est attiré par les hommes, ils peuvent encore partager leurs expériences de vie, non ? Un souvenir reste un souvenir, qu'il concerne des hétéros ou des homosexuels. Une situation cocasse n'en est pas moins drôle. Une peine de cœur n'en reste pas moins triste. Peu importe le partenaire en fin de compte.

Viliam passe finalement à autre chose et l'air amusé de Fantôme ne le quitte pas lorsqu'il évoque la perspicacité dont il a fait preuve. Il s'apprête à lui répondre par une plaisanterie lorsque la parole lui est subtilisée par une blonde qui approche dans son dos. Il tourne alors à demi la tête. Ainsi, il ne peut pas la voir mais il distingue sa silhouette dans la limite de son champ de vision et perçoit mieux le son de ses pas qui approchent. Ce sera donc à elle qu'il renverra la balle à la place finalement.

-Eh bien, tâchez de faire plus attention à qui vous hébergez à la prochaine tempête. Réplique-t-il sur un ton léger.

Ça n'a rien d'un conseil, c'est seulement de l'humour. Après tout, les chances pour que la situation présente se reproduise, avec un inconnu qui se retrouve bloqué avec eux pour plusieurs jours, sont assez minces... Puis il se tourne de nouveau vers Viliam.

-Je t'avais dit que dresser la table les ferait venir. C'est imparable.

Il détecte rapidement le geste de son nouvel ami et lui adresse un bref clin d’œil en guise de réponse. L'air naturel, il invite le petit garçon à venir s'asseoir près de lui, laissant donc à Clarisse la dernière chaise. Une fois l'enfant installé, Fantôme passera son bras dans son dos et époussettera une saleté imaginaire sur son épaule, détournant ainsi l'attention d'Egar pendant que, de l'autre côté, sa main libre viendra discrètement poser l'assiette devant lui.

Après la petite scène qui laisse l’enfant ravit, l’ambiance semble continuer sur sa lancée. Clarisse esquisse quelques moues amusée caractéristiques, Egar semble définitivement avoir adopté le mercenaire. Viliam ne dit rien mais il est satisfait. Il aurait eu du mal à imaginer comment les choses n’auraient pas mal finit si chacun se regardait en chien de faïence au bout de 24 longues heures enfermés…

Les heures passent et la tempête dure encore. Elle semble interminable. Infatigable. Ils jouent et discutent tous les quatre pour se divertir, mais le bandit a du mal à ôter cette épine de son esprit. Il se demande si les dieux y sont pour quelque chose. Et a force, il a peur que ça dure bien plus que quelques heures…

Au moins, le plus jeune du groupe ne s’en rend pas compte. Il semble s’amuser à la folie dans sa compétition de lancer de petites fléchettes avec Fantôme.

-Tu veux participer dit ? Avait-il d’ailleurs finit par lancer a Viliam qui les observait en retrait.

Adossé au bar et jouant avec un verre, il hésite. Puis finalement résigné, pour le plaisir du petit garçon, il ouvre la bouche pour accepter. Seulement, un immense fracas au dehors l’interrompt aussitôt. Le vent doit encore faire des siennes visiblement. Il n’a pas hâte de voir l’état de l’extérieur…
Enfin…Ils vont finir par s’y habituer à force. Quoi que… Le bruit sourd retentit à nouveau et cette fois, Viliam se renfrogne. Un nouveau coup et il pose le verre et s’approche de la porte.

Malheureusement pour lui, c’est à ce moment-là qu’elle se décide à céder. S’il recule en vitesse, ça n’empêche pas un individu de lui tomber lourdement dessus et de l’envoyer bouler au sol. Prit de panique, il ne cherche pas à comprendre ce qu’il se passe et balance un coup de coude bien sentit dans le nez du type qui roule alors sur le côté en grognant. Le geste suivant aurait été de dégainer sa rapière une fois sur ses pieds, si l’individu en question ne lui avait soudain pas paru aussi familier.

-Ren ?! Finit-il par reconnaitre son meilleur ami. Mais qu’est-ce que tu fous ?!

C’est un homme aux cheveux blonds dorés, presque aussi grand que Viliam, bien que plus fin, qui reprend douloureusement ses esprits sur le sol ensablé de la taverne. Si on excepte l’air franchement mécontent du type, son nez ensanglanté et les multiples égratignures çà et là, il a, autant que faire ce peut, quelque chose d’élégant dans sa façon d'être.

-Bah là tu vois j’sais pas trop. Grogne-t-il la voix enrouée par la douleur pas tout à fait passée. Tu m’aide à me relever ou tu préfères continuer à me péter le nez ?

-T’es vraiment con tu le sais ça ? Pourtant Viliam l’aide sans plus rechigner, l’air soulagé de le voir là malgré tout. Je t'ai pas loupé mais tu l'a cherché. Reste là.

Et alors qu’il tourne les talons vers l’escalier il retrouve le regard de leur invité surprise. Ah oui…Il y a ça aussi…

-Ren. Fantôme. Désigne-t-il l’un et l’autre rapidement. J’arrive, vous n’avez qu’à faire connaissance.

Les adultes font des efforts pour que l'ambiance reste légère et détendue. Ils n'en produiraient peut-être pas autant s'il n'y avait pas Egar mais ils ne veulent pas l'effrayer. Et puis, lui plus que quiconque trouverait vite le temps long, enfermé dans cet endroit, et verrait son humeur s'assombrir. Et cette tempête devrait alors une bien mauvaise expérience pour lui. Il n'a pas besoin de se rendre compte du danger qu'elle représente et de l'inquiétude qu'elle leur provoque. Que ce soit pour les absents, pour les dégâts ou pour la nourriture, ils ont des raisons de se sentir un peu tendus. Dehors, il y a eu une petite accalmie avant que le vent ne reprenne de plus belle. Fantôme veut le voir comme un bon signe. S'il y en a d'autres, cela signifiera que la fin de la tempête approche. Alors il guette, tout en continuant à changer les idées de garçon.

Depuis le début de cette bien longue partie de fléchette, le mercenaire enseigne quelques bases et astuces à Egar qui l'écoute avec attention mais ne parvient pas forcément à appliquer ses conseils. Peu importe, ils le prennent à la rigolade, même si l'éclaireur mène largement le jeu et finit bien évidemment par gagner. Pour la partie suivante, l'enfant appelle son protecteur à participer et Fantôme s'en donne à cœur joie pour le provoquer amicalement.

-Hm... Il a vu qu'on était trop bon pour lui. S'il joue, il sait qu'il va perdre !

Viliam s'apprête à leur répondre lorsqu'un bruit l'interrompt. Un bruit qui se répète et qui attise autant la méfiance du bandit que de son hôte. Laissant son nouvel ami allé voir, Fantôme reste près d'Egar, se plaçant entre lui et le danger. Lorsqu'un intrus fond sur   Viliam, le mercenaire tend un bras afin de s'assurer que le garçon reste bien derrière lui et il plie les jambes, se tenant près à intervenir. Il n'y aura qu'un seul coup malheureux en plein visage... avant que le chef de l'Aile Blanche ne reconnaisse l'un des siens.
Les secondes suivantes, l'éclaireur ne sait plus trop sur quel pied danser. C'est une bien curieuse entrée en matière... Pourquoi ne s'est-il pas manifesté directement au lieu de lui tomber dessus ? Cependant, quand les deux hommes pénètrent dans la salle principale, Fantôme se redresse enfin et toise le nouveau venu d'un œil indécis. Viliam les présente en deux mots et les laisse, les invitant à faire plus amples connaissance. Ces derniers mots font se hausser les sourcils d'un mercenaire plutôt sceptique mais le bandit ne semble pas s'en soucier et s'en va. Et puis, finalement, il se tourne de nouveau vers le fameux Ren. Apparemment, ça va être à lui de briser la glace.

-J'ai fait une entrée fracassante, au sens propre... mais la tienne est pas mal non plus. Finit-il par commenter avec ironie. J'imagine que tu as profité de la petite accalmie de tout à l'heure ? J'ai pas osé m'y risquer. Ma dernière tentative a été... plutôt douloureuse.

-Disons que mon abri temporaire à finit par céder. J'avais plus le choix.

Le blond frotte toujours l’arrête de son nez machinalement. N’ayant pas l’air de vouloir écouter la requête de son camarade quant au fait de ne pas bouger, il se rapproche et fait mine d’inspecter la salle qui a bien changée depuis deux jours. Il jette un coup d’œil au verre presque vide posé sur le bar, au parchemin aussi qui est resté un peu plus loin. Haussant un sourcil, il sourit mais ne verbalise pas ce qui lui passe soudain par la tête.

-Par contre je me n’attendais pas à trouver l’endroit aussi barricadé. Ça explique pourquoi j’arrivais pas à ouvrir. Tu dois être là depuis un moment non ? Parce que j’imagine que t’es arrivé avant que la porte soit calfeutrée…

Ren semble curieux, et à juste titre l’autre doit bien le reconnaitre. Mais étonnement il ne semble pas méfiant pour autant. Il y a quelque chose de léger, presque insouciant dans sa manière de se comporter.

-C’est Fantôme ton nom c’est ça ?

-Et même que c’est une Chimère ! Il m'a même apprit à jouer aux fléchettes comme eux. Fait le petit garçon qui s’est reculé mais qui regarde les deux adultes s’apprivoiser, tout heureux et sans faire attention au fait que le mercenaire ne puisse pas forcément avoir envie de l’exprimer aussi brutalement.

Ren attend que l’intéressé renchérisse d’une manière ou d’une autre. Ses yeux se plissent légèrement, comme s’il cherchait à peser le bon du mauvais de tout ce qu’il observe et entend depuis deux minutes.

Cela explique pourquoi il a bravé les éléments avant la fin de la tempête pour rentrer. Cependant, s'il a réussi, Fantôme ne s'imagine pas essayer à son tour. Il l'entend aux sons produits par les volets encore en place que les coups de vent sont parfois traîtres. Il arrive encore trop fréquemment qu'un son brusque éveille les sens aux aguets des 3 adultes rompus à détecter la moindre alerte. Cela aussi les fatigue... L'ennui, au moins, ils peuvent le combattre.

-Je me suis risqué dehors le premier jour. J'ai volé à travers la porte. Fait-il d'un air amusé.

Même si son épaule le fait encore souffrir, il peut en rire. Il faut avouer que, vue de l'extérieur, la situation était comique. Si on met de côté qu'il aurait pu percuter un mur à la place d'une porte mal fermée et voir le tonneau exploser contre lui plutôt qu'entre les chambranles.

-On a tout sécurisé après qu'un volet ait lâché et qu'une fenêtre ait éclaté.

Ren lui demande confirmation de son nom et le mercenaire ne répond pas. Viliam a fait les présentations et il doute qu'il ait vraiment oublié. C'est sûr que c'est une curieuse façon de l'appeler, surtout dans la sphère privée, mais il ne donne jamais son véritable patronyme. De toute façon, la réaction d'Egar répond très bien au bandit et finit même de le présenter.

-Je t'ai appris à jouer tout court, tu veux dire ? Réagit-il en l'ébouriffant.

Le garçon avait bien essayé d'imiter les adultes qu'il avait pu voir lancer des fléchettes auparavant mais ce n'était pas très probant. Fantôme lui a donc enseigné les bases, histoire que la partie soit un peu plus intéressante. Fantôme ignore pourquoi mais il se sent un peu moins à son aise avec le fameux Ren qu'avec Viliam. Peut-être parce qu'il sent qu'il essaie de le cerner ? Ce qui est assez normal. Il est chez lui après tout et lui n'est qu'un intrus.

-Ne lui apprend pas toute tes combines, j’aimerais encore avoir une chance.

Viliam réapparait avec la même nonchalance que Fantôme devrait lui connaitre à présent. Il tient quelques morceaux de tissu propres dans les mains et fait signe à son ami de se reculer à l’endroit même où se trouvait Fantôme la veille. Sauf qu’il l’examine avec…légèrement moins de précaution. Ils se connaissent par cœur. Ils ont littéralement vécu ensembles et chacun a vu et vécu les pires moments de l’autre. Ils ont dépassé le stade de la retenue par pudeur. Alors, Ren même s’il grimace, ne proteste pas plus que ça lorsque Viliam pose le bout de son pouce sur son menton et le fait tourner la tête dans un sens puis dans l’autre.

-C’est le vent qui t’as amoché comme ça ?
-Je suis si terrible ? Le blond feint le désespoir.
-Défiguré. Adieu la mine de saint innocent béni par Nééra. Il semble que cela fasse au moins rire Egar. Mais rassure-toi ton nez n’est pas encore brisé. Évite de me retomber dessus comme ça par contre, tu m’as vraiment fait peur.

Viliam le lâche et recule, lui laissant un petit miroir de bronze et les tissus  à coté d’une bouteille d’alcool, pour qu’il puisse lui-même désinfecter son visage.

-C’est la fenêtre éclatée qui t’a fait ça ? Ren désigna la main toujours bandée de son ami.

-J’ai pris un morceau de bois. Viliam haussa les épaules et jeta un regard reconnaissant vers le mercenaire. Fantôme m’a aidé autant à nous protéger qu’à me soigner. Il hésite avant d’ajouter. Tu peux baisser les armes Ren, il sait qui ont est et c'est un ami.

-D’habitude c’est plutôt quand ils savent que ça devient problématique. J’ai jamais vu une Chimère faire mine de nous aider.

Ren ne semble pas confiant là comme ça, mais le regard qu’il échange avec Viliam semble le convaincre…pour le moment en tout cas. Alors Viliam agit comme si le sujet était clos et revient s’appuyer contre le bar, comme s’il ne s’était rien passé.

-Je crois que désormais plus rien ne me surprendra durant les heures à venir. Il lève son verre comme en l’honneur de la tempête, puis en vide le contenu.

Il reste des camarades au dehors et un fond d’inquiétude reste il est vrai. Mais savoir Ren à ses côtés le rassure. Parfois, il suffit de l'entourage adéquat pour avoir l'impression de pouvoir traverser n'importe quoi sans problèmes. Ren a toujours eut ce genre d'effet pour Viliam. Par  moments il en vient même à se demander pourquoi ce n'est pas lui le chef tant il lui est indispensable. Et puis d'une point de vue plus factuel, si le membre le plus chaotique du trio à la tête de l’Aile blanche à réussit à s’en sortir sans trop de mal, ça devrait aller…

Viliam réapparaît et Fantôme lui répond avec la même légèreté, comme si la faible tension qu'il avait ressenti à l'intrusion de Ren s'était envolée.

-Une chance ? Quelle chance ? Tu n'en as aucune, voyons !

Il fait un clin d’œil à Egar pour l'amuser et le petit renchérit avec fierté. Il est clair qu'il a fait des progrès durant la dernière heure, mais sans doute pas autant qu'il se l'imagine. D'ailleurs, c'est le tour du mercenaire qui se tourne vers la cible et lance ses trois fléchettes qui font chacune mouche sur des cases triples, mais de faibles points. Ainsi, le garçon est content et le raille de ne le voir avancer qu'à petit pas vers la fin du jeu alors qu'en réalité il sait parfaitement ce qu'il fait. Cette fois, c'est à Viliam qu'il lance un clin d’œil dans le dos de son adversaire, parti récupéré ses fléchettes à sa place.
La partie continue tandis que les deux bandits discutent. Cependant, les oreilles des joueurs traînent et Egar rit à une plaisanterie de son protecteur juste avant de faire un joli tir. Fantôme prend sa place et entend parler de la blessure de son comparse d'infortune.

-Faudra changer le pansement et remettre du miel d'ailleurs. J'en profiterai pour vérifier que tu t'es pas fait sauter un point.

Dans la bagarre, il lui serai facile de se rouvrir la main sans qu'il ne s'en rende compte. Alors mieux valait poser la question. Rien ne l'oblige à continuer à jouer les infirmiers pour lui mais cela lui est venu comme ça... Il n'y a pas réfléchi et il ne se rend même pas compte de la facilité avec laquelle il le lui propose. Voire le lui impose gentiment... Il assure la continuité des soins, ça doit être ça !

Evidemment, Fantôme capte la réflexion sur l'incompatibilité entre leurs deux organisations, à défaut d'assister à l'échange de regards entre les deux hommes. Il y réagit donc aux mots sans savoir que Viliam a déjà obtenu l'adhésion de son ami.

-Les Chimères ne sont pas le Guet. Et puis, si nos objectifs sont opposés et que vos méthodes sont parfois discutables, vos valeurs sont loin d'être mauvaises. Nous n'avons pas d'intérêts à vous faire arrêter. Mais d'un point de vue strictement personnel, si on apprenait que j'ai sympathisé avec vous, je perdrais ma place. Et j'y tiens pas vraiment.

Même s'ils n'ont pas pour consignes d'arrêter les membres de l'Aile Blanche, le fait qu'ils volent leurs clients rend impossible toute forme de rapprochement avec les Chimères. Fantôme n'est qu'un de leurs membres mais il constitue un point d'entrée, voire une faille. Il connaît les méthodes de la compagnie, sait chez qui ils travaillent, comment sont organisées les rondes... Si les bandits parvenaient à passer leurs rangs, le mercenaire pourrait être accusé d'avoir trahi les siens... Et il n'a plus que les Chimères dans sa vie.

-En quoi elles sont discutables nos méthodes ?
-Ren…
-C’est qu’une question.Le  blond hausse les épaules.

Viliam soupire en fixant le verre dans sa main, presque déçu. Ren débarque à peine et n’a pas eu l’occasion d’interagir de la même façon que lui avec le mercenaire, il comprend que ce soit plus difficile. Et en règle générale, il aurait eut le même genre de réaction. Tout cela n'est pas un jeu. Certaines informations qu'ils peuvent donner mettent leur vie et celles de ceux qui les suivent en danger. Pourtant le chef de l'Aile Blanche ne peut s’empêcher d’être contrarié de la réaction de son meilleur ami. Jusqu'ici il s'entendait bien avec le mercenaire. Pour une fois quelqu'un d’extérieur ne cherchait ni à le tuer ni à lui faire du mal... Certes il était ici de force, mais les occasions de baisser les armes étaient aussi rares que précieuses.

-Tu lui as expliqué qui ont était visiblement. Le blond croise calmement les bras contre son torse. J’veux seulement savoir ce qui te pousse à être aussi tranquille. Surtout si comme il le dit lui-même, il risque gros à nos cotés.

Fantôme hausse un sourcil. Sérieusement ? Il ne voit pas de quoi il parle ? Même pas de l'émeute qu'ils ont provoqué sur le marché aux esclaves il y a à peine deux ennéades et qui a fait des victimes innocentes ? Il se moque ou il le teste ? Il aurait du mal à le dire alors qu'il ne le connaît que depuis quelques minutes mais il est en droit se poser la question.
En revanche, Ren est si méfiant qu'il n'a pas l'air de comprendre ce qu'il vient de lui dire.

-Réfléchis deux minutes. Si je dis que je vous connais, je perds mon travail et, accessoirement, ce qui me sert de famille depuis douze ans. Alors pourquoi j'irais dire quoi que ce soit ?

Son intérêt, c'est de se taire. Il n'y aura donc que lui pour savoir qui ils sont et où ils se cachent. Aucune menace ne peut émaner de lui.
Il pourrait dire que de toute façon, ils ne se reverront plus après cette tempête mais ce n'est pas forcément ce dont Fantôme a envie. Il apprécie le petit groupe qu'il côtoie depuis la veille, et tout particulièrement Viliam. Il n'a pas l'intention que tout s'arrête là. Et puis, avec son travail, il n'est pas toujours en ville. Il lui arrive de s'absenter pour plusieurs jours ou ennéades. Peut-être qu'après tout ça, il partira quelques mois et que le contact se perdra tout seul... L'avenir est si incertain.
Dans tous les cas, si Fantôme le pouvait, il n'en irait. Autant Clarisse et son chef se sont montrés accueillants envers lui, autant Ren ne veut visiblement pas de lui, et cela peut se comprendre vu leurs activités. Le mercenaire n'est pas du genre à vouloir s'immiscer dans les affaires des autres et il trouverait le moment opportun pour s'en aller et les laisser à leurs affaires. Mais, tout ce qu'il peut faire ici, c'est retourner sur sa couchette à la rigueur... Mais avant...

-Et si ça peut te rassurer, j'ai posé aucune question sur votre organisation.

Viliam pourra le confirmer d'ailleurs. Bon, il a compris qui en était le chef par déduction mais il n'a pas caché l'avoir découvert... Cependant, étant donné la posture du bandit, il doute que cela joue en sa faveur. Tout pourrait devenir prétexte à suspicion. Sur ses mots, il lance une dernière fois ses trois fléchettes puis s'éloigne en direction de l'escalier. Puisqu'il dérange, il ne va pas s'imposer plus longtemps. Et autant laisser les deux brigands s'expliquer entre eux sans que sa présence ne les dérange.

Quand Fantôme fait mine de s’éloigner, personne ne semble le retenir. Viliam se contente de soupirer à nouveau sans intervenir. Fantôme peut sans doute entendre quelques derniers éclats de voix lorsqu’il termine de monter les marches mais rien qui ressemble à un appel.

Il doit bien s’écouler une bonne heure avant que les choses ne semblent se remettre à bouger. On finit par frapper sur le bois de la porte entrouverte du dortoir où est logé le mercenaire. Les traits du visage de Viliam semblent légèrement tirés par la fatigue mentale des derniers jours et sans doute la tension dans la grande salle n’a pas aidé. Pourtant, il garde une attitude emprunte d’attention envers la Chimère.

-Je peux ?

Lorsqu’il en obtient l’autorisation, il entre, s’appuyant simplement contre le pied du lit en face de celui de Fantôme. L’espace de quelques longues secondes il y a un silence. Entre ses doigts il tient une fléchette qu’il finit par lancer sur un graffiti au mur. On dirait un gros animal cornu mal dessiné avec une peinture épaisse qui jure avec le mur derrière. Ou alors c’est peut-être un humain mécontent à bien regarder ?

-J’ai jamais aimé ce dessin. Il fout la trouille.

Et puis comme il sait que plaisanter n’est pas spécialement l’option la plus adéquate du moment, il met quelques secondes à enchainer sur un sujet plus sérieux, les yeux pensivement rivés sur le mur déjà abîmé.

-Ce qui vient de se passer ne se reproduira pas. Les doigts de sa main blessée tambourinent machinalement contre le bois du lit dans son dos. Certaines positions font que le contact entre nous n’est pas spécialement compatible à la longue, mais les choses sont suffisamment exceptionnelles pour qu’on puisse essayer de cohabiter encore quelques heures de plus. Et si Ren n’est pas content, c’est toujours lui le chef pour l’instant. Je t’ai expliqué en mon souffle et conscience qui on était, et qui moi j’étais parce que je ne pouvais pas te laisser te mettre sans le savoir dans une situation compromettante. J'ai conscience de ce que tu risque, et Ren ne l'admettra peut être pas aussi facilement mais lui aussi il le sait. Peut être encore mieux même. Ren à tout perdu pour lui. Il a certes lui même scellé son destin par choix en s'enfuyant et refusant ce que son paternel lui proposait alors, mais néanmoins, sa famille ne l'aurait jamais déshérité si Viliam n'avait pas été dans les fréquentation du jeune marchand de l'époque. Ren sait ce que c'est d'être renié de son entourage et ses réactions sont d'autant plus surprenantes autant que parfaitement logiques.Je ne reviendrais pas en arrière sur mes choix. Tu es accueilli ici de notre plein grès, les petits secrets de chacun mis de côté et ce jusqu'à ce que tu puisse retrouver ta famille.

Quand à l'après...Et bien Viliam supposait qu'ils ne se croiseraient sans doute plus. Il voyait mal le mercenaire chercher à nouveau les problèmes en vagabondant par ici. Alors la question ne se poserais probablement jamais.

Dans le dortoir, Fantôme entend les éclats de voix sans comprendre ce qu'il se dit exactement. En revanche, ce qu'il sait, c'est qu'il est la cause de cette dispute entre les membres du groupe. Il soupire en s'allongeant sur la couchette qu'il a occupé la nuit précédente. Il observe les sillons du bois au-dessus de lui un bon moment après que le silence ait ampli les lieux. Il semblerait que chacun se soit mis de son côté... Alors qu'un peu plus tôt, l'ambiance était encore bonne.
Un médaillon de la forme d'une large pièce d'argent et dépourvu de chaîne jongle entre les doigts habiles de l'éclaireur lorsque quelques coups sur sa porte le tirent de sa rêverie. la Chimère voit rapidement apparaître la silhouette de Viliam dans l'ouverture, qui lui demande la permission d'entrer.

-Oui, bien sûr. Lui répond Fantôme, tout à fait paisible.

Il laisse le bandit approcher sans pour autant de relever car il n'en ressent pas l'obligation. Il n'est pas en danger avec lui et se montre détendu en sa compagnie, demeurant allongé, les pieds posés sur un montant du lit superposé et les jambes croisées. Evidemment, il aurait réagi très différemment s'il avait s'agit de Ren. Il hausse un sourcil lorsque le chef de l'Aile Blanche pourfend cette créature inconnue dessinée sur le bois avec sa fléchette.

-Mais non, c'est du génie ! Fait-il avec ironie, les traits rieurs, avant de continuer son explication en essayant de se montrer sérieux. A chaque fois que je le regarde, je vois une chose différente. C'est très déstabilisant. Conclut-il en riant doucement.

Visiblement, les évènements précédents ne l'ont pas perturbé plus que cela. A moins qu'il se soit fait une raison entre-temps. Toujours est-il que le mercenaire reprend un peu son sérieux tandis qu'il écoute avec attention Viliam lui expliquer sa position par rapport à tout cela et lui faire des sortes d'excuses. Fantôme lui répond alors d'un ton paisible et qui se veut rassurant.

-T'en fais pas pour ça. Je sais ce que c'est que de se retrouver dans une situation compliquée mais à laquelle on peut rien y faire. Que ce soit pris au piège dans un retranchement, à attendre derrière la ligne de front ou bloqué par une tempête, on réagit pas tous de la même façon. D'autant plus quand on vit dans la clandestinité, comme vous. J'ai pas mal pris la réaction de Ren. Il débarque et voit que j'ai déjà plus ou moins pris mes quartiers alors qu'il me connaît pas et que je fais partie du camp opposé. Je suis l'intrus, je comprends qu'il puisse se montrer méfiant au point d'en être désagréable. Je suis même pas vexé qu'il le prenne comme ça, j'ai simplement pensé que la meilleure chose à faire c'était de vous laisser entre vous pour le moment.

Fantôme a moins de raisons qu'eux de se montrer tendu. Il n'a pas à cacher qui il est, il doit être un des rares de son groupe à ne pas être au quartier général et, dans son malheur, il n'est pas si mal tombé. Et puis, qu'on le bouscule un peu ne le perturbe pas vraiment. Il se contente d'être l'invité involontaire que personne n'attendait. Il guette le moment où il pourra repartir, essayant de faire en sorte que les choses se passent au mieux, restant discret et mettant la main à la patte si nécessaire.

-En fait, je comprends plus facilement la réaction de Ren à mon intrusion que la tienne. Fait-il en posant sur Viliam un regard curieux et dénué de tout reproche ou toute suspicion. Tu as tout de suite fait preuve d'hospitalité et de bienveillance. Quand on sait qui vous êtes, c'est plutôt surprenant de voir la façon dont tu m'as accueilli aussi facilement. Il ajoute quelques mots avec une pointe d'humour. Je suis loin de m'en plaindre, attention !

-Être un hors la loi ne me dispense pas des règles de savoir vivre de base. Répond simplement Viliam avec un très fin sourire, quoi empreint d’une légère tristesse à l’idée qu’il puisse penser le contraire. Pourtant d’habitude il se fiche complètement de ce qu’on peut penser de lui. Croit le ou non, je n’aime pas spécialement me comporter comme un connard et encore moins avec les gens que j’apprécie.

Doucement, il croise les bras contre son torse. Beaucoup de gens pensent que parce qu’il est obligé de recourir à la violence il s’y complait mais c’est faux. Viliam n’a jamais apprécié faire du mal à qui que ce soit. S'il avait eut le choix, il aurait vécu une vie paisible, et loin du monde vaanis. Mais il n'a jamais eut le choix. On a fait de lui un fugitif et un bandit comme on avait autrefois fait de lui un esclave : sans jamais lui demander son avis. Le seul choix qu'il ait eut a la fin, c'est d'embrasser cette vie et d'en faire quelque chose de plus grand, ou ne jamais se relever et mourir. Et même là, à bien y réfléchir, Ren ne lui a jamais vraiment laissé l’opportunité de choisir...

-En fait, je ne cache quasiment jamais qui je suis. Qu’on soit clair, je ne le crie pas sur tous les toits. Il me reste une notion de danger. Mais je cherche rarement à mentir une fois démasqué. Il secoue la tête. J’ai tendance à être en paix avec qui je suis et ce que je fais, pourquoi m’en cacher ?

Ils ont déjà statué une fois qu’aucun des deux ne croyaient vraiment que Fantôme puisse être une menace. C’est tout ce que Viliam demande : qu’on ne se mette pas dans son chemin. Et en général quand on s’y fiche c’est en sachant pertinemment qui il est, alors se cacher n’a pas plus de sens à la fin. Ce qu'il poursuit lui semble noble et ne pas l'assumer serait pour lui une forme d'hypocrisie qu'il a du mal à concevoir. Mais ça le mercenaire ne le comprendrais pas et Viliam n'a pas envie d'en débattre encore.

-Et puis…Il ajoute alors avec faux air nonchalant, trahis un fin rictus amusé. Je te devais toujours un verre et j’avais rien pour me défiler cette fois.

Fantôme fait une moue qui laisse entendre qu'il comprend. Bon, il ne trouve pas cela très prudent mais ce n'est pas sa vie alors ce n'est pas à lui d'en décider. Lui a choisi de cacher sa véritable identité pour des raisons qui lui sont totalement propres. Viliam a eu la politesse de ne pas l'interroger à ce sujet alors qui est-il pour juger la position adoptée par le bandit ?
Tandis qu'un court silence s'installe, il regarde le médaillon jongler entre ses phalanges jusqu'aux dernières paroles de Viliam. Là, l'objet passe directement dans sa main qui se ferme et se pose sur sa poitrine tandis qu'un rire sincère sonne dans la pièce.

-Alors tu me fuyais ! Moi qui espérais que ce soit à cause des deux lourdauds qui te cherchaient des noises au bar. Mes espoirs sont déçus.

Fantôme ne cache pas son amusement. Il lui semble si facile de plaisanter avec lui. Il ne réalise pas vraiment à quel point il est à l'aise en sa compagnie, là où, d'habitude, il est plus distant, taciturne... comme si quelque chose le gênait un peu. Mais le bandit ne l'a jamais connu autrement alors il ne se rend certainement pas compte -lui non plus- de ce changement de comportement en sa présence. En tout cas, le malentendu est levé et Viliam peut être rassuré : il n'a pas mal pris l'attitude de Ren.

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Les volets ne sont plus malmenés. Le vent ne siffle plus à travers les interstices. Le calme est revenu dans les rues. Il faut fournir de nouveaux efforts afin de libérer la porte d'entrée de la taverne mais le petit groupe parvient à se libérer de son cloaque. Après trois jours passés enfermés, la tempête semble s'être enfin apaisée. Le sol est jonché de débris, parfois à moitié dissimulés sous de petits monticules de sable qui se sont formés dans les recoins. S'aventurer à pieds et possible mais un véhicule aura bien plus de mal en l'état actuel des choses. Il faudra de l'huile de coude pour tout remettre en ordre. Il est presque difficile de reconnaître Thaar dans ce foutoir.
Fantôme s'avance et s'arrête en plein milieu de la rue. Il observe les dégâts et le désordre ambiant. Cela lui paraît presque surréaliste... Après presque soixante-douze heures enfermé, il se retrouve dans un monde qu'il n'identifie même plus. D'autres sortent de chez eux, tour à tour, découvrant le même spectacle que lui et tirant la même mine déconfite.

-Je connais pas trop le quartier mais je crois que, même si je l'avais parcouru mille fois, je m'y sentirai perdu... Glissa-t-il sans s'adresser à quelqu'un en particulier.

-Quel bordel…

Viliam observe lui aussi les environs, cherchant à reconnaitre l’endroit sous le sable. Le vent a fait pas mal de dégâts, il y a des éclats de bois et de métaux partout au milieux du sable et déjà il y a du monde pour ramasser ce qui traine pour réparer ou pour revendre tout cela au premier venu…

Une masse le bouscule soudain et se précipite à l’extérieur. Clarisse crie de joie en faisant voler Egar dans ses bras et en ignorant les regards surpris et réprobateurs. Elle s'en fout. Tout ce qui compte c'est d'enfin voir le jour.

-Libres ! On est libres ! chantonna-t-elle.

-J’imagine qu’il ne reste plus qu’à te souhaiter bon voyage. Se contente de plus calmement sourire le bandit à l'intention du mercenaire. Il doit n'avoir qu'une hâte c'est retrouver sa famille à présent. Viliam n’a pas l’air de savoir quoi dire et il hésite en grattant une joue recouverte d’une très fine barbe de quelques jours. Il n'est pas spécialement un habitué de ce genre de cérémonial. J’aurais bien dit au plaisir de te revoir, mais je crois que ce n’est pas spécialement raisonnable.

C’est ainsi. Mieux vaut qu’ils gardent tous un souvenir de cet étrange interlude dans leurs vies à tous plutôt que de tout gâcher lors d’une escarmouche violente entre leur groupe.

Fantôme ne se retourne vers Viliam que lorsqu'il parle de lui souhaiter bon voyage. Il pose sur lui un regard presque surpris. Oui, c'est vrai, il doit rentrer. Il proposerai bien de rester pour l'aider à réparer ce qu'il a lui-même contribuer à mettre en place mais le bandit poursuit son propos. L'éclaireur n'en montre rien mais il est débord blesser par ses paroles avant de hocher la tête en signe d'accord. Leurs mondes sont opposés, il a raison. Mais là, tout de suite, il aurait voulu qu'il puisse en être autrement. Il n'a pas tellement envie de partir. Et ce n'est pas pour les trop rares sourires de Clarisse, la fragilité d'Egar ou encore moins pour la sympathie de Ren. Mais bien pour lui. Il est rare qu'il se sente aussi rapidement à son aise avec quelqu'un. Ces trois jours ont certes été longs mais... Il se sentait bien.

Finalement, Fantôme tend un bras en direction de Viliam pour l'inviter à le prendre, ou prendre sa main, pour le saluer. Une empoignade de quelques secondes qu'il achèvera en posant sa main livre sur son épaule.

-Prends garde à toi. Conclut-il avant de le lâcher de commencer à faire demi tour pour s'éloigner.

Il bifurquera rapidement dans une allée pour tenter de retrouver une rue qu'il connaît davantage que celle-ci. Il ignore toujours comment il a fait pour atterrir là... Il n'aura pas besoin de chercher longtemps et rejoindra rapidement la quartier général des Chimères. Et quand on lui demandera où il était passé, ça ne sera pas que pour protéger l'Aile Blanche qui restera vague dans sa réponse. Mais aussi parce qu'il aura envie de conserver cette expérience pour lui.