En l’An 11:XI, la Péninsule sort d’une décennie éprouvante. Plusieurs guerres d’importances se sont succédé aux quatre coins du Royaume, mais cette période sombre semble toucher à sa fin avec l’avènement d’un conseil royal fort, soutenu par les grands pairs du royaume. Les victoires successives d’
Aymeric de Brochant lui ont permis
d’asseoir son assise sur la régence et il entend bien installer de manière pérenne le jeune Bohémont sur le trône de Diantra… mais pas n’importe comment non plus.
Le procès de la duchesse de Soltariel, pour tout controversé qu’il est, marque un point final aux tumultes initiés par la révolte de Nimmio de Velteroc et
les odieux Champs Pourpres. Pour éviter qu’un scénario pareil se reproduise, Aymeric de Brochant et ses alliers entendent réparer les erreurs commises par leurs prédécesseurs ces onze dernières années, à commencer par le grand jeu de quilles qui a bouleversé dans les séculaires liens vassaliques péninsulaires.
En Farvius de l’An 11:XI, un édit royal signe ainsi la fin du Marquisat d’Odélian et le retour de ses territoires dans leur vassalité originelle et Odélian est forcé de prêter hommage au duc de Serramire, quand Etherna redevient une terre de juré berthildoise. Aymeric de Brochant met dans un même temps un coup d’arrêt aux atermoiements du
duc d’Erac en obtenant qu’il épouse sa sœur, Neyrelles de Brochant ; les jeunes baronnes de Hautval et Ancenis prêtent à leur tour hommage dans la foulée à leur suzerain légitime.
Les plus optimistes se mettent à envisager une période de paix et de prospérité, mais plusieurs événements viennent, sinon doucher leurs espoirs, au moins les avertir que cela ne se fera pas sans effort.
L’An 12:XI restera ainsi tristement célèbre dans le Berthildois pour ce qu’on surnomme vite « la Faille » ; en fait un puissant tremblement de terre dont les répliques se font sentir jusque dans les fiefs du duc d’Erac. Cet événement géologique relativement rare en Péninsule frappe par sa violence et
les dégâts résultants sont très importants. Peut-être désireux d’apaiser ses relations toujours houleuses avec son puissant voisin,
Renaud d’Erac lui propose son aide, dans un élan de solidarité qui tranche avec les déclarations guerrières des années passées. Au Sud, la noblesse cherche à panser ses plaies d’un tout autre type de séisme, politique celui-ci.
La duchesse ayant été déchue à la suite de son procès, c’est un conseil de vassaux qui gouvernent aux destinées de la terre qui, un temps, s’est rêvée en le nouveau cœur du royaume. À Ydril, c’est un Nordien qui gouverne au nom de la Couronne. Sous le couvert de la paix du roi, scrupuleusement observée par les osts, les couteaux restent donc tirés dans cette terre célèbre pour la réputation de ses complots. C’est l’occasion, pour le duché de Soltariel, de solder les vieilles rancœurs et de redessiner les rapports de force.
La situation dégénère quand le seigneur di Camarata, un ancien soutien de Franco di Celini qui voit ses ambitions d’accéder un jour au trône de Soltariel s’amenuiser à mesure que ses alliés lui tournent le dos,
lève ses osts dans l’espoir d’arracher par le fracas des armes ce qu’il ne peut obtenir par le jeu des alliances. À la fin de l’An 12:XI, Felipé Cortès di Alcacio devient finalement duc grâce au concours du comté de Sybrondil ; en reconnaissance de son aide, il organise le mariage de
Victoria di Maldi avec son fils, perpétuant ainsi l’alliance entre les deux terres alliées. Reconnu par la couronne, les grands pairs du royaume et ses vassaux, le nouveau pouvoir ducal doit tout de même composer avec plusieurs mouvements contestataires.
Les Vrais-Soltarii dans le domaine ducal continuent de représenter un réel contre-pouvoir, malgré la déroute de di Camarata. Dans le comté d’Ydril, la grogne contre le régent oësgardien nourrit la piraterie qui sévit à Éris. À Sybrondil, il s’élève déjà des voix pour dénoncer la saisine par l’héritier du duc du comté, par le mariage habilement obtenu par son père.Sur les conseils notamment de l’amiral royal
Francesco di Castigliani, la Couronne décide de faire de Nelen un pivot central de sa politique étrangère. C’est que la Péninsule, même si elle a tendance à l’oublier, possède des voisins turbulents et dangereux.
L’ingérence du petit Royaume de Naelis dans le conflit Ydriliote aura au moins eu comme vertu de le leur rappeler.
Le conseil royal sur proposition de son amiral investit de manière importante dans la flotte royale et dans la consolidation de la présence péninsulaire dans l’archipel de Nelen dès l’An 12:XI, mais ces importants chantiers s’arrêtent subitement en Karfias de l’An 13:XI, quand les dragons blanc et bleu prennent possession de l’archipel. L’apparition, Favrius de l’An 12:XI, d’un dragon vert dans les Wandres a déjà secoué la Péninsule, qui voit un bien dangereux voisin s’installer aux portes de ses Marches. Cependant, les Wandres sont un terrain sauvage et isolé, quand la mer Olienne est capitale pour la stratégie du royaume vis-à-vis des Principautés de Thaar. Le conseil royal prend donc cette affaire très au sérieux, mais des dissensions importantes le secouent et le paralysent pendant plusieurs ennéades. Il est de nombreuses voix pour faire fi de la réputation destructrice des dragons — ou pour juger que le jeu en vaut les sacrifices. Aymeric de Brochant et ses partisans, eux, sont beaucoup plus pragmatiques et préfèrent chercher d’autres solutions que la lutte armée pour résoudre cette crise. Cette affaire ternit la réputation du conseil, qui avait jusqu’à présent réussi à faire montre de son unité et efficacité. Des rumeurs courent dans tout le royaume qu’Aymeric est sur le point de céder aux va-t-en-guerre et les autoriser à tenter leur entreprise, tout en se gardant bien de joindre à leurs osts la moindre de ses forces. La levée des osts ne vient cependant jamais ; on attribue en hautes sphères ce fait à la venue d’une délégation de Thaar qui sut trouver les mots — et les arrangements ? — pour dissuader le conseil royal de se lancer dans une croisade improbable.
Les Ans 12:XI et 13:XI voient aussi, au sud, une recrudescence d’activités liées aux sectes dites « draconiques », qui accordent aux dragons un statut divin. Dans plusieurs cités de la côte de sel, des prédicateurs font leur apparition pour prêcher leur bonne parole. Leurs discours sont souvent confus et contradictoires, car les préceptes de l’ancien empire Nisétien sont depuis longtemps perdus dans cette région du monde.
La baronnie de Merval s’illustre tristement dans cette affaire, en soutenant et finançant un peu trop ostensiblement ces mouvements hérétiques. L’épisode met en lumière le peu de cas que fait la haute noblesse Mervaloise de son rattachement aux domaines royaux et provoque entre le fief de feu
Cléophas d’Angleroy et le conseil royal un conflit ouvert.
Leur discorde dure jusqu’au début de l’An 14:XI, où la couronne par le truchement de Lohie de Brandevin apporte des preuves de la duplicité de la baronnie dans la tragédie que toucha la famille Wenden et lève les osts pour « que justice soit faite », de manière coordonnée avec le marquisat de Langehack. Les Langecins voient dans cette crise un bon moyen de remettre un pied dans ce qui était jusqu’à l’An 8:XI une terre de jure du marquis. Cependant,
le marquisat est divisé et se cherche notamment un suzerain depuis que Linaëlle de Lancrais a confirmé sa volonté d’abdiquer. Gaël de Laval est le premier à entrer dans les terres Mervalloises à la tête de l’ost de Missède ; sa fougue lui permet d’engranger un premier succès militaire, mais il doit néanmoins se résoudre à attendre ses alliés pour s’attaquer à Merval-la-Cité. Le duc d’Erac, soutien déclaré de
Griffon de Langehack au trône du Langecin, participe à l’effort de guerre en envoyant quelques troupes, quand le duché de Soltariel soutient l’effort de guerre en entamant le blocus maritime de Merval. Isolée sur la scène péninsulaire, la baronnie de Merval cherche un temps à résister, mais rend bien vite les armes. Parachevant son entreprise entamée deux ans plus tôt,
le régent obtient du conseil royal que Merval prête hommage à son suzerain légitime. Cet épisode ne règle cependant pas les questions liées à la succession de Linaëlle de Lancrais, qui resteront sans réponse jusqu’au début de l’An 16:XI. La marquise finit par abdiquer et la couronne assure la paix du roi grâce à un médiateur qui
de facto assure la régence.
Outre cet épisode — qui permet au conseil royal d’effacer les séquelles de sa division dans l’affaire de la perte de Nelen et de réaffirmer sa position de force —,
l’An 14:XI est marqué par l’apparition des hordes de gobelins dans les chaînes de montagnes péninsulaires. Cette situation inédite impacte directement les vassaux des ducs d’Erac et de Serramire. Le conseil royal préfère cette fois desserrer les cordons de sa bourse plutôt que de tirer l’épée de son fourreau et propose un soutien logistique et financier à Erac.
Les lourdes sanctions financières qui étranglent les anciennes terres félonnes sont aussi levées à cette occasion, notamment grâce au volontarisme du duc d’Erac qui plaide en faveur de ses vassaux concernés. Le duché de Serramire fait quant à lui une nouvelle fois la démonstration de sa capacité à mettre de côté ses différents internes quand son intégrité est menacée par un ennemi extérieur. Aymeric de Brochant peut aussi récolter les bénéfices politiques de son volontarisme politique pour aider au redressement de la baronnie d’Oësgard.
Leurs efforts permettent de contenir les forces vertes, mais pas de les disperser durablement. Contrairement aux nains au Nord, les péninsulaires n’ont pas l’habitude de combattre cet ennemi-là et les armées ne sont par exemple pas très à l’aise en terrain montagneux. Conscient de ce désavantage, plusieurs seigneurs péninsulaires, comme
Louis de Saint-Aimé et Renaud d’Erac, cherchent à reprendre contact avec le Zagazorn.
L’An 15:XI succède bien vite à l’An 14:XI et est marqué par un certain nombre de péripéties. La plus funeste est sans doute
la croisade félonne de seigneurs des marches qui, faisant fi des interdictions de leurs suzerains respectifs, s’unissent pour marcher contre le dragon vert. Leurs motivations sont diverses, mais leur entreprise est un cuisant échec. Ils pénètrent les Wandres, perdent de nombreux hommes en se battant contre les barbares wandrais et sont finalement décimés quand ils atteignent le territoire de leur véritable cible. Les quelques seigneurs de guerre qui parviennent à retourner en Péninsule font des récits horribles de leurs défaites, avant d’être sommairement condamnés — à mort, dans la plupart des cas — pour leur trahison. C’est que leur malheureuse expédition n’est pas sans conséquence pour les Marches du royaume.
Alors que les clans wandrais avaient réussi jusqu’alors à cohabiter avec le dragon vert et sa progéniture, ce dernier désormais beaucoup plus agressif et provoque d’importants mouvements migratoires des forêts Wandraises vers Sainte-Berthilde et Serramire. Cette situation particulière, qui menaçait directement son fief, pousse Aymeric à regagner un temps ses terres.
Loin des turpitudes du Nord,
l’An 15:XI marque aussi les débuts d’importants travaux dans la cathédrale de Sainte-Deina. Officiellement, il s’agit de restaurer la cathédrale pour lui redonner son lustre d’antan ; c’est que, même relativement épargnée par les destructions successives de la ville, la vénérable bâtisse garde tout de même des séquelles de ces tristes événements. Officieusement, les mages assez talentueux peuvent se rendre compte qu’il se trame quelque chose d’étrange sous la cathédrale et c’est sans doute cela qui a motivé le temple à se lancer dans des travaux sans cesse repoussés jusqu’alors.
La découverte, au milieu de l’An 15:XI, de ce qui est bien vite surnommé Le Noirpuits de Diantra, est gardée secrète et les seules rumeurs qui s’échappent de la capitale au début de l’An 17:XI n’apprennent pas grand-chose à ceux qui leur prêtent une oreille attentive.
Le début de l’An 17:XI consolide au final cinq années de volontariats de part et d’autre de l’échiquier politique pour assurer un peu de stabilité à la Péninsule, après plus de dix années de guerres successives. La Couronne a retrouvé une vraie crédibilité et jouit d’une réelle marge de manœuvre pour arbitrer les conflits entre ses grands vassaux, qui quant à eux ont profité du concours du régent pour opposer à un roi fort des pairs du royaume qui sont puissants en leurs terres et en bonne entente avec leurs vassaux. Les sujets de préoccupations sont par ailleurs nombreux par delà les frontières de la seule Péninsule.