[MdO2019] Fin Trame de l'Hydre :: La dernière tête de l'hydre

Automne - 2e jour de la 4e ennéade de Favrius de l'an 11:XI
Deux jours après l'attaque de la Chambre Magmatique
Sur le seuil de l'Etat-Major

Le coeur de la cité du volcan. Le coeur du peuple drow. Un coeur puissant, d'ordinaire manipulé par trois têtes pensantes. Mais aujourd'hui, l'une n'est plus, l'autre a disparu... Et la troisième s'est cloitrée dans le silence. C'est là un coeur qui ne bat plus si ce n'est de manière erratique, pathétique, livrant le corps qu'il anime aux affres d'une mort lente. Une foules d'hérétiques désespérés en était venue à assaillir les portes la Chambre, si peu de temps auparavant. Un signe de déclin, un signe de chaos... Indigne.

Un frisson roule sous la peau du Haut-Prêtre de Zhak'Bar. Juché sur un morgal tiré du Temple du Prime-Dragon, il avait traversé la Labyrinthe, atteint les portes des profondeurs de la Cité, où régnait encore l'odeur des corps impies calcinés, avait pénétré en ce lieu que la foule avait investi, en réponse à l'invitation du Feu d'Uriz... A présent, il s'avance au devant du palais de l'Etat-Major. Son esprit s'exalte à l'idée de contempler à nouveau la divine fresque de l'Eda Vengeur, dans sa gloire éternelle. Mais il ne peut se complaire dans ce seul sentiment.

La créature qu'il chevauche est renommée pour sa fidélité à toute épreuve envers son cavalier. Cependant, les Morgals arrivant au Temple du Dragon ne sont plus de ceux-ci : leur maître a péri ou leur esprit demeura sauvage et agressif. Ainsi, quand il est décidé que l'animal n'a pas sa place au sein des cohortes montées des Osts, il est livré à la poigne de fer des servants de Zhak'Bar. Affamé, privé de sommeil, torturé aussi longtemps que jugé nécessaire tant qu'il survit, les prêtres prennent à coeur d'affaiblir et de briser l'esprit sauvage. S'ils parviennent à le monter par la suite, cela peut plus se faire qu'avec une fermeté sans concessions, la moindre erreur menant le plus souvent à la mort de l'un des protagonistes de cet éternel affrontement. Ainsi, face au siège de la puissance daeldhel, Urgoll'Ven comprend les frémissements rageurs de sa monture, se sentant comme elle déchirée entre la révérence due à ses maîtres... Et le désir de les déchiqueter au moindre signe de faiblesse.

Il est temps d'aller questionner la dernière tête de l'hydre... Songeant cela, le Haut-Prêtre du Prime-Dragon sent un rictus carnassier se répandre sur sa figure. D'un coup rude dans les flans et d'une pression des cuisses, il impose sa volonté et pousse le reptile géant à avancer, ses longues griffes postérieurs cliquetant sur le pavé de la Chambre.

- Ne t’inquiète pas. Il pourrait en revenir cinquante fois plus qu’il ne t’arriverait rien. Pas tant que je respire encore.

Tes doigts jouent avec la surface de l’orbe tourbillonnant, profitant de l’intensité des quelques secondes qu’il te reste à passer ici. Elle est tout bonnement enivrante, l’énergie se dégageant de l’Œil de Valas. Ton corps entier frissonne, tes muscles sont comme électrisés, tes sens comme à la fois éteints et ravivés, tes perceptions du monde à la fois aussi claires qu’elles pouvaient l’être et complètement tordues. Tu plonges un peu plus profond, t’exposes un peu plus, t’offres un peu plus. Et les dendrites de la créature de plasma arcanique te clament, rampent le long de ton corps pour en écorcher l’épiderme d’une douce brûlure. Profiter de l’ivresse, ne pas y céder. Il te faut rester maître de toi-même, en capacité d’analyser ce à quoi tu as affaire, en capacité d’en tirer quelque chose que tu n’as pas déjà arraché. Tu es là pour apprendre, autant sur toi que sur la magie. Tu n’es pas là que pour aimer.

Mais par le Feu d’Uriz, qu’est-ce que tu pouvais aimer ça.

Ton cœur accélère presque au point d’exploser, et toi, tu es au comble de l’allégresse. Ton corps ne supporte plus l’énergie qui le traverse. La magie menace de te détruire. La magie menace de te reprendre tout ce qu’elle t’a donné, toi son vaisseau. Comme elle l’a fait pour le précédent Haut-Prêtre de La Chimère. Fou qu’il était. S’étant cru digne réceptacle de la Source de la vigueur d’Elda. Et dire qu’il t’avait utilisé juste pour marcher vers sa fin…

Tu arraches ton bras à l’emprise du Nœud d’un coup sec.

Ton rythme cardiaque descend en flèche, ta respiration se fait intense, ta vue devient trouble… plus trouble qu’à son habitude du moins, et ta langue enflée peine à t’aider à ravaler ce qui te paraît des litres de salive. Lentement mais sûrement, tu reprends ton sang-froid, reprends possession de ton corps et de tes Braises. Et quand tu es enfin toi-même ton visage tombe vers le sol, et silencieusement tu te répands en prières, s’il on peut appeler des prières tes longs interrogatoires, avant de quitter les lieux avec autant de nouvelles questions que tu as trouvé de réponses aux anciennes.

- J’ai fini, vous pouvez y retourner tu ordonnes presque aux Gardiens des lieux J’ai d’autres affaires dont je dois m’occuper…

Tes derniers mots leurs seront restés un mystère, étouffés par le masque de métal que tu avais enfilé au même moment. Et tant mieux. Capuche rabattue, les pans de ta robe claquant à ta suite, tu glisses à travers la Chambre Magmatique, affublé de la même tenue que l’avant-veille. Celle qui portait encore les stigmates de la lame de cette folle d’ex Xaran. Si le mage albinos était connu pour ses apports réguliers au domaine de la théorie arcanique, le sorcier masqué serait certainement plus familiers à tes compagnons du jour. Surtout si elle n’était pas là pour te présenter.

- Où est Shaa… tu attrapes ta langue en te rappelant qu’elle s’était dévoilée durant ton sommeil Krish ?

Tu flottes, juste assez haut pour que ton visage soit à la même hauteur que le sien, remerciant les Dieux que ton masque de fer dissimule l’appréhension de devoir composer seul avec une personnalité aussi colorée que celle du Haut-Prêtre de Zhak’Bar.

La curiosité a cours, même chez les prêtres de Valas. Si les combats lors de l'attaque de la chambre magmatique ne les a pas perturbé dans leur quotidiens, il n'en reste pas moins drows. Les cancans ont leur place partout, dans la cité d'Elda comme ailleurs. Et La Chimère n'échappe pas aux cancans. 

C'est avec une certaine frustration que la jeune prêtresse a acceuilli les nouvelles. L'appel à la fin des combats de Krish, relayé par un autre prêtre, a vite fait le tour de la crypte. Le laïus a fait bouillir son jeune sang, fouetté son orgueil de noirelfe. Oui, il y a bien longtemps qu'elle désire le changement, qu'elle l'appelle même à tout les jours dans ses prières, pour la gloire de La Chimère. Et on ne la fera pas rester au temple pour ce qui s'annonce être une page d'histoire de la cité D'Elda, ô que non! Levée au milieu de la nuit, la prêtresse porte une extrême attention à son apparence pour cette occasion qu'elle pressent historique.

Vêtue d'une simple robe noire diaphane brodée de motifs argentés aérien, rehaussée par une cordelette argentée qui souligne la taille fine de la jeune prêtresse. Le léger vêtement est fendu sur le côté pour permettre l'accès facile à son catalyseur, sa dague, fixée sur sa cuisse au galbe parfait. Marchant sur le bout de ses pieds nus, on se demande si elle vole ou si elle marche tellement son pas est aérien, se déhanchant naturellement, sans effort avec l'aisance d'une danseuse.

Sur ses épaules, une légère pèlerine attachée par une broche en forme d'Ouroboros laissant deviner sa charge. Le capuchon est rabattu sur sa tête, la plongeant dans le mystère. Ne laissant voir que deux yeux d'un vert venimeux scintillants d'éclats couleurs rubis chatoyant. Du léger vêtement, le long de son épaule, s'échappe une lourde tresse d'un blanc éblouissant, serti de rubans garnis de diamants noirs, contournant un sein, elle se balance légèrement à chaque pas de la drow.  Nul maquillage ce jour, les circonstances ne s'y prête guère.

Plutôt, lors de son avancée vers le sanctuaire, la drow peut ressentir l'effervescence de ses congénères. Il n'y a pas besoin de magie pour ca. Il suffit de porter attention aux paroles, aux gestes, aux murmures des gens qui convergent vers le palais de l'Etat Major. Et des gens, il y en a...

Si elle ne peut identifier le mage albinos sous son masque, elle peut par contre aisément reconnaitre Urgoll'Ven même si c'est la première fois qu'elle le voit. Impressionnant, certainement, mais la prêtresse n'en laisse rien paraitre et ne s'y attarde pas pour le moment, elle aura certainement l'occasion plus tard. Plutôt se glisse t'elle discrètement de l'autre côté, à l'ombre du morgal de ce dernier pendant qu'il parle au drow masqué et y reste, sauvée de la foule avoisinante. Viconia veut profiter du fait que personne ne se tient trop près du grand-prêtre de Zhak'Bar et de sa monture irascible pour avoir une place de choix pour l'événement à venir.

Un frisson remonte le long de l'échine de la jeune drow, l'excitation sans doute. Sous son capuchon, ses yeux flamboient tels deux soleils teintés d'émeraudes

l'su'aco shar'tleg lu'ol zhah gowin vlos

Murmure t'elle à elle même. Le vent tourne et il sent le sang  

Un frémissement de la monture du grand prêtre lui fait tourner brièvement les yeux, mais elle se tient coite et ne s'écarte pas, ne voulant pas rien céder pour ce grand événement.Viconia X'Ianxin, sera aux premières loges aujourd'hui et sous son apparente impassibilité, elle exulte d'allégresse.

La masse reptilienne, dont les yeux inhumains fixent tête après tête, tient la majorité des semblables du Haut-Prêtre à distance, tandis qu'il s'avance au milieu de la foule murmurante, dans la masse frémissante. Malgré les combats, les combustions et les chasses qui avaient suivi l'échec de la révolte, bien que les rebelles eussent été massacrés, les esprits étaent loin d'être apaisés.

Non sans surprise, Urgoll'Ven perçoit l'approche d'un mage, et le découvre en la personne d'un Repenti... Flottant, portant une tenue aux effluves de sang passées, qu'il attribue à une oréole plus sombre sur le tissu. Ne reconnaissant pas là une quelconque magie élémentaire - l'individu lui eut été connu, et les badauds alentours n'auraient pas pu tenir sur leur jambes avec l'air brassé -, le Gobelin observe son vis-à-vis avec une curiosité évidente.

"Ne le sais-tu pas, Masque d'Argent ?" répondit-il seulement avec amusement.

Ses sourcils se fronçent en réaction à un soudain frémissement du morgal[/url]... Qui d'une contraction fait brusquement siffler sa queue. En réponse, le noirelfe tire sur les rênes, faisant se tordre cruellement la nuque de la créature, qui se fige en réponse, avec un sifflement froid et animal. Un grondement s'éleve en retour de la gorge du Gobelin, dont les crocs se révèlèrent. Un autre tour de poignet... Et le lézard se fait plus mou, faisant un pas maladroit. Urgoll'Ven relâche sa prise et jette un coup d'oeil derrière son épaule. Un rictus amusé anime son faciès, à la vue de la grande silhouette sombre, étendue au sol. Un détail sur son vêtement le fait franchement rire.

"Eh bien, les enfants de la Chimère oublieraient-ils toute prudence ?" souffle-t-il, éprouvant une piqûre de plaisir à voir pareil servant ainsi étendu par l'une de Ses bêtes.

Sans attendre la réaction de l'individu, il relance au pas sa monture, tous en adressant aux drows devant lui un sourire carnassier, en accord avec les crocs saillantes du morgal.

"Qui es-tu ?" fait-il à l'attention du mage volant, le regardant du ocin de l'oeil.

- On est d'accord ?
- On est d'accord. " répondit Elghinn avec un sourire goguenard.

Sans attendre davantage, il s'éclipsa, discret et vif comme l'ombre qu'il avait appris à être depuis les premières années de sa vie. C'était décidé, après son rituel quotidien avec les prêtres de Natha pour continuer à forcer sa croissance, il profiterait du rassemblement à la Chambre Magmatique pour s'introduire dans le manoir soit-disant en ruine des Baenfere et savoir enfin ce qui se passait là-bas. Quelques Repentis et affiliés feraient de même dans les QGs des différents Osts pour récupérer le plus d'informations possible sur leur état et leurs alliances.

Puisque l'attention d'Elda était tournée vers un unique point, autant faciliter la suite.

Krish, elle, se préparait à enfiler son armure avant de se rappeler qu'elle était... morte. Déjà qu'elle n'était pas bien intéressante à l'origine - un bout de métal immonde qui faisait l'affaire pour quelques heures - mais là, même avec beaucoup de bonne volonté, elle ne pouvait plus e promener avec. En la retirant, certaines attaches avaient du être défaites, certaines autres étaient tombées et il y avait maintenant plus de trou que de matière.

Et bien sûr, elle n'avait pas le temps de repasser par son manoir... Il ne restait plus qu'à faire avec les moyens du bord. Elle était rentré la veille du temple de Kiran pour dormir dans le minuscule cagibi qui lui servait de chambre dans le complexe des Forges de Lave. Le lit était toujours aussi dur et le mobilier merdique, mais il était hors de question qu'elle reste dans un temple de Kiran, les fesses dans un lit, sans autre compagnie que ses blessures.

Hélas, malgré son triomphe, elle n'avait trouvé personne pour partager sa couche... Ses esclaves préférés étaient à son manoir et ses idiots de frères d'arme la regardaient encore avec des yeux de veaux. L'idée que son corps soit le vaisseau du Père les troublait et c'était compréhensible. Même Eshk'Oroth avait du mal à savoir comment se comporter avec elle désormais. Elle aurait put donner des ordres, mais ce n'était pas sa façon de faire. Elle voulait qu'ils se rendent compte que Feu ou non, elle restait une drow capable de faire autre chose que de sortir des phrases mystiques et de tuer des ennemis jusqu'à plus soif. Il faudrait du temps pour que tout le monde s'adapte... Mais qu'on ne compte pas sur elle pour faire ceinture en attendant.

C'est donc avec une certaine frustration que Krish abordait cette recherche d'une tenue décente. Elle n'était pas franchement en avance et les armures frappées dans les Forges de lave étaient faite sur mesure. Elle aurait l'air d'une idiote en les portant. Grâce à l'aide de Driz'na, cependant, elle trouva un corset constitué de dizaines de lamelles d'acier, comme ceux qu'elle se forgeait elle-même. Ce n'était pas sa patte, mais c'était suffisant... Un peu petit au niveau de la poitrine peut-être, mais l'effet pigeonnant qui aurait lieu à chaque fois qu'elle tenterait de prendre une grande inspiration était un moindre mal. Trouver un pantalon de cuir noir à sa taille fut par contre tout à fait facile. Chaussure ? Non. Inutile.

Fin prête, les cheveux libres et de longues griffes aiguisées ornant sa main droite, elle glissa ses doigts sur la grosse tête de T'Challa. Les muscles froids au touché s'ébrouèrent en un ronronnement caverneux. Krish sauta sur son dos, sous les yeux de la fillette qui la suivait toujours, invitée à l'accompagner pour assister à ce jour historique. Elle s'éloignait déjà pour monter à cheval avec Eshk'Oroth lorsque sa mère l'interpela.

- Driz'na... " En se retournant, elle put découvrir la main de Krish tendue vers elle. " Monte avec moi. Il est temps que T'Challa et toi fassiez connaissance plus que du regard. "

Elle tira la jeune fille auprès d'elle, l'installant derrière pour qu'elle puisse s'accrocher à la taille de la forgelâme. Il n'y avait ni selle, ni bride pour une telle monture et chaque mouvement de l'animal était d'une puissance aussi surprenante que le silence qu'il dégageait. Ainsi, elles quittèrent les Forges, flanquée de deux cavaliers : Eshk'Oroth et Gorurh. Avec sa féline amie et cette escorte réduite, Krish était sûre de rattrapée son retard... Sans compter l'ennemi de toute personne se rendant à une manifestation de grande ampleur : les bouchons.

La foule drainée vers la Chambre Magmatique était bien plus conséquente que ce qu'elle avait pensé. Pendant quelques instants, elle craint même de ne jamais voir les portes de la Chambre. Mais il y eu un phénomène qu'elle n'avait encore jamais expérimenté au Puy. En la voyant approchée, la foule se fendit, la laissant passer au pas, toujours plus loin dans les profondeurs. Ainsi, elle descendit les escaliers menant à la Chambre Magmatique.

Au loin, dans l'immense hall, Urgoll était visible, juché sur un gros Morgal visiblement tendu. Près de lui flottait une silhouette au visage d'argent semblable à ceux des deux gardes de la nouvelle Feu d'Uriz. Elle s'approchait lentement, parmi les murmures et les signes de bénédiction ou de protection de la foule, lorsque le Morgal du prêtre de Zhak'Bar fit un écart, chassant de sa queue une haute silhouette encapuchonnée de noir qui se retrouva étalée au sol.

- Si tu veux éviter de te faire remarquer, c'est maintenant qu'il faut descendre." Souffla-t-elle à Driz'na, lui laissant quelques secondes pour se décider avant d'ajouter d'une voix sonore " Et bien les enfants du Dragon ne sauraient-ils plus tenir leurs bêtes ? "

Urgoll repartait déjà, dos tourné. Krish arborait un grand sourire de chat. Elle n'avait jamais pu s'empêcher de provoquer des gens et de s'amuser de toutes sortes de situations sérieuses, ce n'était pas maintenant que ça allait changer.

- Stop. " souffla-t-elle à l'intention de T'Challa alors qu'elle arrivait à la hauteur de la prêtresse renversée.

La gigantesque panthère d'ombre profita de l'arrêt pour se gratter le museau, réalisant l'une des magnifique imitation de vie qu'elle appréciait tant. Lâchant un clin d’œil à l'intention d'Urgoll, Krish se pencha autant que sa grande souplesse le lui permettait pour tendre la main à la jeune femme.

- Personne ne devrait tolérer qu'une prêtresse - une servante des dieux - soit traitée avec aussi peu de considération.

Plantant ses yeux de lave tachetés d'or dans ceux de la servante de Valas, Krish lui adressa le même sourire félin et amusé qu'elle avait envoyé à Urgoll. Si les prêtres eux-même ne se respectaient pas en public, comment imaginer que le peuple suive ? ... Cependant... Elle ajouta plus bas, de manière à ce que seule la prêtresse puisse l'entendre.

- Courageuse. Mais ne laisse pas ta vanité te jeter à nouveau dans les pattes du Morgal d'un Haut-Prêtre. Tu lui dois le respect.

- Trop occupé à survivre à mes blessures pour suivre ses péripéties. Tout ce que je sais, c’est qu’elle est viv…

Ton attention se reporte au même endroit que la sienne sans que ton visage ne bouge d’un pouce. Bien dissimulés derrière ton masque, tes yeux roulent dans leurs orbites. Un jour il faudrait qu’elle apprenne, et surtout qu’elle comprenne, que l’enseignement du clergé de Valas ne lui attirerait pas la bénédiction de Tesso. C’est qu’elle était une arcaniste formidable pour son âge, et venant de quelqu’un d’aussi chiche de compliments que toi, cela voulait beaucoup dire. Mais mage formidable était loin de vouloir dire espion hors pair.

- Il faut dire ta voix choit plus grave encore qu’à son habitude, marquée par la lassitude, alors que tu réponds à la place de la prêtresse que nous n’avons pas nécessairement l’habitude de côtoyer des animaux vivants.

L’aider ? Ne pas l’aider ? Tu ne sais pas vraiment que faire. Alors tu ne fais rien. Viconia ne mérite pas la honte d’être rendue à ses jambes par un Sombre sans visage. Plutôt tu continues ton chemin en parallèle avec ton premier allié de circonstances, sans porter plus de considération à l’accroc dans votre toile.

- Tu le sais déjà. ta main vient à ta hanche droite pour en tirer le dragon d’os qu’est ta baguette, tandis qu’à ta gauche ton grimoire s’ouvre comme pris de volonté propre, dévoilant une calligraphie trop omniprésente dans les bibliothèques pour être inconnue d’un mage Un allié.

Le livre se referme comme il s’était ouvert, mais tu n’as pas le temps de remettre ta baguette en place quand un mouvement de plus attire ton attention. Ton cou ne s’assujettit toujours pas à la moindre torsion. Tes yeux ne cherchent toujours pas à nouer contact avec l’action. Après tout, à quoi bon ? Voilà longtemps que tu as fait le deuil de l’utilité de ta vue. Tu n’en as pas besoin pour reconnaître Krish. C’est un événement assez rare pour que tu en aies un coup de conscience : l’arrivée d’une congénère t’aura tiré un sourire sincère.

- J’imagine que l’impatience de Viconia lui aura encore joué des tours. tu enchaînes à la suite de la dernière arrivée, aussi bas qu’elle Mais tu me vois heureux qu’un autre des Gardiens ait accepté de prendre l’épée, X’Ianxin.

Enfin ta colonne vertébrale se meut. Enfin une véritable contorsion anime ta presque immobile carcasse flottante. Ton visage se tourne vers Krish. Ton regard se pose sur Krish, et à reculons tu continues d’avancer comme s’il on t’avait greffé des yeux dans le dos. La nouvelle avait été difficile à éviter. Commencer une journée à moitié mort et terminer les jours suivant enfermé dans la Crypte ne t’auront pas permis d’y échapper. Le conte de l’intervention du Père des Batailles était partout. Le nom du nouveau Feu d’Uriz était sur toutes les lèvres. La crainte de ce qu’elle ferait aussi. Sauf pour toi. Que cette femme ait été choisie ne te remue pas plus que tu n’as été remué lorsque discuter la Doeben qu’elle était il y a peu t’aura prouvé avoir affaire à Eldéenne plus authentique que celles du Vatna. Et ce qu’elle ferait… tu attendais avec impatience qu’elle le fasse.

- Heureux de constater que tu es vivante, Krish.

C’est une expression à un seul sens mais à entendre à deux niveaux. L’un d’entre eux un bien bas sarcasme, rappelant à la forgeronne autant son devoir que la témérité risquant de le compromettre. L’autre est pure sincérité, porté aux nues par des affects que tu n’as que très peu expérimenté en quatre siècles.

Et l’un comme l’autre pour toi prennent tout leur sens.

Alors que l'attention de tous se focalisent sur l'approche du Feu d'Uriz, le Haut-Prêtre de Zhak'Bar agit de même. La différence notable est peut-être que son visage n'exprime ni doute ni crainte, rien qu'une joie toute enfantine. Si les multiples voix murmurantes lui cachent la suite des propos du Vaisseau, une remarque cependant l'atteint sans heurt. Il ne peut qu'y répondre par un sourire vile, ses doigts jouant avec les rênes du reptile géant, à travers lesquelles il peut sentir l'énergie de l'animal. Testant la résistance, testant sa volonté...

"Si je ne le tenais pas, il ne lui en aurait pas couté que l'équilibre." s'amuse-t-il avec miel.

Dans un même temps, ses yeux sanguins continuent d'observer le mage flottant. Il lui a semblé reconnaître l'écriture de son volume, et de ce fait ne peut naître que davantage de curiosité.

«  C’est n’est pas ce que tu voulais, qu’elle gagne et qu’elle mette en déroute l’imprévisible furie Xaran? » Demanda Xaheyl, l’une des lames les plus prometteuses de la Dotkha.

« Oui oui … » Affirma Kah avec lassitude, avachi sur l’un de ses confortables fauteuils. « Juste que je ne m’attendais pas à ce qu’elle l'emporte de la sorte. » L’arrête de son nez se froissa d’agacement, comme si ne pas avoir vu ce coup venir l’avait piqué.

« La Dotkha peut se targuer de bien des choses en matière de secrets, mais la volonté des Dieux, elle, nous sera à jamais secrète. » Termina le jeune prodige envers le maître des ombres, qui ne daigna pas même donner suite à cette rétorsion reluisante de sagesse. Plutôt, sa vue s’abaissa de manière pensive et laissa contre son visage grisonnant un vague sourire redresser ses joues ponctuées de subtiles ridules. À tous les coups, l’assassin savourait quelques fabulations de son imagination, dans lesquels justement il n’était question de limite à ce savoir. Enfin, est-ce que cela aurait changé quelque chose à la donne ? Savoir que Krish était le vaisseau de leur Père aurait-il fait évoluer les choses autrement ? Sans doutes pas ;  mais il aurait insisté d’avantage à partager sa couche. Lui qui avait si froid la nuit se serait volontiers fait réchauffé par les mains calleuses de la forgeronne …

Enfin, il piocha à l’une de ses poches pour y dénicher du bout des doigts une guenille repliée sur elle-même, préservant précieusement en son cœur une fleur séchée. Il souleva la plante d’un pincement du pouce et de l’index, puis arracha de son autre main chaque épine du bout des ongles. À chacune d’elles, il les déposa avec toute la précaution du monde sur le lit de sa langue pour qu’une fois toutes recueillies, il en vienne à les mâchouiller douloureusement. Pour la majorité elles se désagrégèrent à la pression de ses quenottes en libérant une décadente toxine excitante, mais pour d’autres, plus opiniâtres, elles vinrent se lover dans ses gencives en lui arrachant quelques basses plaintes. Alors, toujours confortablement étendu, il se cura les dents de deux doigts et passa le revers de son poing contre ses lèvres couvertes de sang. L’échine de l’assassin se redressa d’un mouvement sec, reprenant équilibre sur ses deux guiboles en s’étirant de tout son long. Il retint un bâillement qui déforma son visage d’une horrible et atroce grimace, puis étendit le bras pour se saisir de son long et sombre mantel qu’il passa à ses épaules. Il secoua son caban au niveau des hanches et entendit le cliquetis de deux fioles l’une contre l’autre, acquiesça pour lui-même, puis salua son compatriote d’un signe concis de la tête.

« Je compte sur toi pour t’occuper des trois lames nouvelles, tantôt. J’avais planifié leur faire peur un peu, tu sauras inventer quelque chose qui ne les alitera pas des jours? »

« Je n’ai pas ton imagination, mais je devrais pouvoir trouver. »

Loin d’être figure aussi connue que le cracheur de feu de Zhak’Bar ou même que ces infâmes sorciers, Kah se fondit dans la masse d’une aisance telle qu’il n’en avait jamais vécu depuis longtemps. C’est que se mouvoir au travers cette masse de gens furibonde n’était pas pour lui nuire, alors que tous avaient leurs yeux rivés vers le sanctuaire où, tous l’espéraient, la dernière tête du Triumvirat oserait poindre le bout de son nez. Comme une anguille, Kah fraya son chemin jusqu’à la tête de ce groupe remonté à bloc, où il aperçut les quelques têtes fortes du rassemblement. Parmi elles, il les reconnut tous –bien que l’ombre d’un doute planait pour l’homme au masque de fer-, mais il savait pour tous les autres mettre autant de noms que d’informations sur leurs faciès. Ses babines se retroussèrent d’amusement, un peu seulement, à la chute de la pauvresse. Non pas qu’il fut dénudé de respect pour ce respectable métier de prêtrise, mais le malheur des autres avait toujours fait son bonheur.

Enfin, la foule se fendit comme la terre au passage d’un tremblement, laissant libre accès à la nouvelle héroïne du moment …  Son regard, aussi rougeoyant que ses pairs, se dirigea vers elle et un sourire, cette fois plus complice, illumina ses traits. Aussitôt arriva-t-elle à son niveau qu’il constata la nouvelle subtilité à son regard : un éclat cuivré, voir même doré, qui transcendait la pureté de son sang. Il eut l’impression de regarder droit dans les yeux son Créateur … Pendant l’ombre d’un instant, un frisson lui secoua le rachis et il dût quitter le confort de ses billes si particulières au profit des autres chefs de tête.

Sachant à peu près comment allait se passer le reste de cet épisode, Kah vint croiser les bras au niveau de son poitrail et attendit, légèrement reculé du reste du peloton de tête, que le spectacle débute.

Les mots de la servante chimérique glisse sur l'échine du Haut-Prêtre de Zhak'Bar, dont l'impatience se fait grandissante à la vue du cortège de Teiweon qui s'avance. Jusqu'aux gardiens des trépassés... Ses gencives se révèle alors qu'il couve la mage d'un regard scrutateur, appréciant du moins son enthousiasme avant de balayer sa révérence d'un volt-face agacé. Pourquoi regarder en arrière quand il est temps d'aller de l'avant ? La foule se fait plus dense, plus pressante. L'attente n'est pas à l'ordre du jour.

"Assez de ces billevesées." gronde-t-il.

Sans autre mot, il talonne sa créature, fendant la masse qui s'écarte précipitamment à la vue du carnassier. Souple dans sa posture, tendu en son cœur, le Haut-Prêtre du Prime Dragon s'avance au devant du Palais de la Chambre. Là où demeure la fresque, là où ils devraient régner et diriger les sombres... En ce jour, il n'en perçoit qu'une façade muette. Une sainte colère attise sa Flamme : où était-il lors de la révolte ? Ou était-il lors des ordalies ? Où est-il ? Les gestes suivent la pensée et Urgoll'Ven attire la magie à lui... Et en relâche une part sous la forme d'un souffle démesuré, qui balaye la place et gifle les ouïes d'un appel rageur.

"MALAG'EYL ZUHAK !"

Nulle visage ne se monte, nulle voix ne répond. Quel enfant du Père se tait ainsi ? Les seules réponses qui viennent au noirelfe lui déplaisent. Les grandes portes se rapprochent... Les gardes y font triste figure, pantins sans pensées, piégés dans une toile fragmentée. Rien à en tirer. Et pourtant, il leur reste encore le réflexe de barrer le passage de leurs lances... Juste ce qu'il faut pour attiser Son feu...

Cette fois ce n'est pas un filin de magie qui se délie mais un torrent. Le cavalier enchaîne les torsions avec un air halluciné, bondissant même de sa monture, se réceptionnant et s'élançant sur ses propres pieds. Soudain, plusieurs bourrasques font ployer si ce n'est renversent les sombres les plus proches, alors qu'un nuage de poussière se repend à la ronde. Ceux dont les yeux parviennent à rester ouvert perçoivent néanmoins une masse rocheuse filer jusqu'aux portes gigantesques... Ô Dragon, tes écailles ne souffrirent nulle plaie, tes ailes te portèrent de cité en cité... et heurte dans une explosion de gravas les battants antiques.

Alors que des morceaux de murs s'effondrent et que la poussière retombe, les gardes, qu'un divin réflexe avaient jeté au sol, demeurent médusés à la vue des portes pendantes, du sol ravagé, ne comprenant pas à quel moment le Haut-Prêtre avait oublié comment fonctionne une poignée.

Par delà l'entrée ainsi défoncée, un noirelfe encore plus pâle que d'ordinaire, toussotant et battant des bras, retrouve son équilibre, laissant derrière lui un sillage de roche et de pierres éparpillées. D'un mouvement de poignet, il ballait la poussière qui l'entoure, et sourit à la cantonade. Faute d'y trouver le visage recherché, il inspire profondément, tandis que d'autres gardes se précipitent vers lui.

"MALAG'EYL ZUHAK !"

- J'en ai autant pour toi, mon cher Gardien. Une fois que tout ça sera fini, on pourra comparer nos cicatrices.

- J’y compte bien.

Le breveté de l’échange vous aura permis de l’achever juste avant que la jeune prêtresse ne se répande en excuses aussi sincères que tu es courtois. À formidable arcaniste, tempérament acide. C’était après tout au sein de l’Erekd’Fenor la constante autorisant les talentueux à survivre à leur apprentissage… Constante qui ne semblait pas plaire le moins du monde à votre improvisé chef de cortège.

Lorsqu’il prévient, il ne prévient pas de quoi. Pour toi, les déplacements des arcanes sont plus simples à suivre que ceux du monde physique. Lorsqu’il s’élance sur les lieux de son futur méfait tu ressens trembler les énergies. Lorsqu’il commence à les rassembler, tu le vois, mais tu n’es pas élémentaliste. Tu as assez côtoyé d’élémentalistes pour conjecturer de l’importance de son prochain sortilège, mais de là à savoir qu’il s’amuserait à t’assourdir…
Ton crâne vibre, tes pieds touchent le sol, les vecteurs de ton monde s’affolent. L’onde sonore excite l’air, les échos perturbent tes perceptions, la douleur te fait vriller les tympans. Tu prends une grande inspiration, te recentres rapidement et laisse venir un bâillement pour te déboucher les oreilles. Avoir le Haut-Prêtre de Zakh’Bar comme compagnon de route ne serait définitivement pas simple.

Les arcanes se déplacent à nouveau. La terre se meut. Tu serres les dents, t’attendant à tout, mais lorsque finalement tu constates exactement ce qu’il est en train de se jouer, l’assentiment que tu te préparais à nourrir pour le Grand Gobelin meurt avant de terminer de germer. Ta baguette en main, tu mêles ton Art à celui qui n’en a absolument rien à cirer, lui offrant l’énergie potentielle qu’il lui manquait pour que son entrée ait l’effet escomptée. L’unique rocher pèse autant dix. Les portes, autant que les milliers de fragments qu’il en reste. Cependant tu ne lâches ni le dragon dans ta main, ni le dragon derrière les portes.

Urgoll’Ven, Krish Al’Serat… tous ces vieux elfes, tous des fous imprévisibles… et c’est ce qui rendait le jeu si passionnant.

Le Grand Gobelin trop fier de son entrée triomphale ne fait que peu de cas de la garde des quartiers du triumvir encore sur pieds. Et la première lame est bien trop près pour qu’il n’ait le temps d’incanter… ou même de complètement se recentrer en réalité. Gravité Mais la première lame, et la seconde, trop proches, se seront heurtées aux retombées du sortilège avec lequel tu avais accompagné votre bélier. Soudainement devenus lourds comme s’ils étaient faits du même granit que les cavernes, ils auront ployé avant que le sang ne coule.

- Attends ! tu tonnes en direction du Haut-Prêtre J’ai un mauvais pressentiment. tu reprends plus calmement Quelque chose cloche avec cet endroit.

La baguette toujours pointée vers le vieux mage, maintenant la zone de surpression, tu te rapproches de Krish à reculons.

- La foule t’écoute. Il faudrait que tu les dissuade de nous suivre. Avoir à gérer des dizaines de Sombres excités risque de plus nous desservir que le contraire. une fois que tu serais assuré d’en avoir le temps, tu pourrais… Je m’occupe de condamner l’accès une fois débarrassé du comité d’accueil et du cortège.

Elle était passé de l'amusement à l'incrédulité en l'espace d'une ouverture de porte... Et elle avait encore les oreilles qui sifflaient. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'Urgoll était là pour leur rappeler leur principal objectif. Elle resta là. Abasourdit devant le chaos qu'était capable de provoquer le Haut-Prêtre plus que devant sa conception personnelle de l'ouverture de porte.

Étrangement, sa première pensée fut pour les travaux de réparation qu'ils allaient devoir faire pour le parvis, l'escalier et la très jolie porte ouvragée qui venaient de périr. Tout cela était de la bel ouvrage.

La seconde fut une poussée d'adrénaline. Alors que la poussière retombait elle devinait les cœurs battant de férocité et de peur de six gardes. Non Sept. Un combat éclatait, juste là, à portée de bras et son cœur s'apprêtait à prendre le rythme erratique des premiers coups de lame. Elle voulait le voir de ses yeux. Elle allait sauter à bas de T'Challa mais la présence de Vals l'en empêcha. Ce qu'il racontait... Était de mauvais augure et l'obligea à se concentrer à nouveau.  

- Je m'occupe de condamner l'accès. Réserve tes pouvoirs pour la suite. Et fait en sorte que tout le monde m'entende. " acquiesça-t-elle avant de lever le bras tout en espérant que T'Challa comprendrait l'incitation qu'elle lui donnait en roulant sur la hanche. " Halte ! " La sombre bête soit louée, elle se retourna pesamment, lui permettant de faire noblement face à la populace. " Je sens quelque chose d'anormal. Quelque chose de puissant se cache à l'intérieur de ce bâtiment. Restez à l'écart. C'est aux servants les plus proches des Dieux de prouver leur valeur ! S'il reste quelqu'un pour répondre du chaos que connait notre nation, alors nous l'amènerons devant vous. "

Son allocution terminée et après un rapide coup d’œil à Vlos, elle se laissa glisser à bas de T'Challa et lui offrit d'affectueuses gratouilles derrière l'oreille en lui glissant :

- Reste là et suit les instructions d'Eshk'Oroth. " La créature s'ébroua, mécontente " Tu me protègeras en tenant mes ennemis loin de moi. " Puis elle se tourna vers ses deux gardes du corps à cheval. " Ne laissez avancer que les prêtres et seulement un de chaque culte. Mieux vaut ne pas sur-peupler l'intérieur.
- Tu es sûre de toi ?
- ça ne tiendrait qu'à moi, personne ne pourrait passer, " souffla-t-elle, suffisament près pour que personne ne puisse l'entendre ou lire sur ses lèvres. " Mais on va encore dire que je froisse les susceptibilités. "

Elle prit le temps de vérifier ou se trouvait Driz'na et de guetter la façade du palais pour repérer les fenêtres et les sculptures suffisamment épaisses pour s'y accrocher, puis sur un dernier sourire désabusé, elle se retourna vers le hall pour rejoindre les autres. Ses pieds nus produisaient un bruit mâte sur la pierre défoncée du perron. Elle se sentait bien plus légère qu'en armure. C'était plaisant. Ses yeux transperçant les restes de poussière pour suivre avec avidité le combat qui faisait rage, elle prit soudain conscience d'un détail : mis à part ses griffes, elle ne portait pas d'arme.... Bof. De toute façon, ils ne l'avaient pas attendu pour se lancer dans l'action. La simple existence de ce combat lui était - bizarrement - agréable.

tir de dé :

Le visage de l'enfant s'émerveilla d'un formidable sourire alors que sa mère lui proposait de monter avec elle sur la panthère d'ombre. Driz'na ne se fit aucunement prier et ce fut limite si elle ne s'empêcha pas de courir vers la panthère noire. Dren'Zess la prit par le bras, la souleva à moitié et l'installa ainsi sur le dos de l'étrange animal. N'ayant qu'un bras de libre, l'autre étant toujours plaqué contre son torse, à partir de cet instant ce fut compliqué pour la petite de bien tenir en place en gardant toujours le capuchon bien placé sur sa tête. Même si elle s'adaptait facilement, elle n'avait jamais été sur une autre monture qu'un cheval. Et encore, sur un cheval elle n'y avait que très peu été ! Et à chaque fois le cavalier la tenait pour qu'elle ne tombe pas de la selle. Donc là... Krish eut droit pratiquement tout du long à un bras frêle enserrant sa taille dans l'espoir que le reste du corps ne tombe pas - ou que la panthère ne se mette pas soudainement à courir. C'est ainsi, commençant à peine à prendre ses marques avec T'Challa, que Driz'na traversa avec sa mère l'immense foule venue chercher Malag'eyl.

"Si tu veux éviter de te faire remarquer, c'est maintenant qu'il faut descendre."

Krish n'eut pas besoin d'en dire plus : sa fille se laissa glisser sur le côté sans dire un mot, pour ensuite se rapprocher des deux cavaliers qui la suivaient. Mais au lieu de remonter sur une monture, comme ils n'étaient plus loin de la tête de la manifestation, l'enfant resta à pieds et mit toute son énergie à disparaître au devant de la foule. Parce qu'elle ne pouvait pas s'éloigner de sa mère mais qu'elle n'avait pas non plus envie que les yeux s'attardent sur elle. En soit, elle restait discrète, comme toujours. Et alors que les adultes se disaient "bonjour" à leur manière, Driz'na ne put s'empêcher d'admirer le magnifique morgal que le haut-prêtre du Dragon avait pour monture. Un reptiiiiiiiile ! Elle adorait les reptiles. Le jour où elle pourrait, elle en adopterait un ! Pas un gros reptile, un petit c'était mieux ! Mais celui-là était quand même beau... et féroce ! Dommage que ce soit trop dangereux de poser sa main sur sa tête... en attendant elle essayait de ne pas trop admirer la musculature de la bête pour écouter ce qui se passait autour d'elle et... AÏE les oreilles ! Driz'na sursauta un coup puis cligna à plusieurs reprises des yeux alors que ses oreilles sifflaient à lui faire mal. Un regard vers le grand renifleur, une porte qui explose dans un fracas assourdissant, et un nouveau cri qui n'eut aucune réponse de la part du concerné. Tout autour d'elle, les adultes semblaient être contents de ces démonstrations... mais ils durent réfréner leur enthousiasme quand l'avatar d'Uriz leur demanda de rester en arrière car elle sentait quelque chose d'anormal. Driz'na posa ses yeux violacés sur sa mère. Certes, Krish était le Feu du Père mais... elle était avant - ou après - tout sa mère. Et elle n'avait pas envie que Dren'Zess ne revienne pas. En plus, si finalement elle restait loin d'elle, avec le monde qu'il y avait ce serait une porte béante qui serait ouverte pour ceux qui avaient failli la capturer... donc... Non, Driz'na n'avait pas spécialement envie de laisser sa mère aller seule vers le danger ; et puis, s'il n'y avait qu'un prêtre par culte qui y allait, personne ne pourrait retranscrire de manière objective ce qui s'était passé ! Et la petite avait bien envie, une fois qu'elle pourrait à nouveau utiliser sa main directrice, de donner matière à son idée d'inscrire sur le papier les moments importants qu'elle vivait. Quelques mots rapides à Eshk'Oroth, un regard sur la petite fille qu'elle était puis Shaar s'en alla avec les autres. Comme sa mère la jeune fille regarda la façade de l'imposant édifice puis profita d'un mouvement de foule pour s'éclipser aux yeux des deux cavaliers.

Un prêtre par culte, qu'elle avait dit. Il suffisait donc de suivre les quelques uns qui entraient dans le bâtiment. L'enfant se glissa rapidement entre deux d'entre eux, à l'arrière de l'équipe improvisée. Elle fut surprise que juste derrière elle s'enclenche une magie pour barrer la route à tout autre individu cherchant à les suivre. Elle avait peut-être fait une bêtise, en fait... mais ça en valait la peine ! Pour sa mère ! L'un des prêtres baissa la tête vers elle. Driz'na ouvrit de grands yeux en reconnaissant le masque des prêtres de Tesso et eut un instant d'hésitation - ou plutôt de réflexion - en découvrant les yeux flamboyants qui se trouvaient derrière. L'enfant rentra à moitié la tête dans ses épaules, posa son index en travers de sa bouche puis adressa un fin sourire au prêtre. What else ?

L’attente du spectacle ? Quelle attente ? L’avatar de la guerre venait à peine de faire acte de présence que Kah tiqua en direction du Haut-Prêtre de Zhak’Bar, suspectant que l’hobegobelin satisfasse son impatience en agissant avec autant d’impulsivité que la bête qu’il chevauchait. Fidèle à son habitude, son instinct ne sut lui mentir ; un mugissement furibond, digne du dernier fils de Natha balaya le parvis du palais et en fit même vibrer les fondations dans lesquels ce dernier était durement ancré. Poussière et caillasse se souleva sous ce souffle à la fois impressionnant et cacophonique, soumettant l’assassin au même instant que les coléreux à une horrible grimace affligée par la pression à leurs tympans. À l’instar d’une déflagration rapprochée, le cri fut si fort lancé qu’il en tortura les esgourdes de pratiquement toute cette masse. Et alors que tous cherchèrent à reprendre contenance suite à l’accalmie, d’une concise œillade vers l’œil de cette tempête, il sut qu’il n’en était qu’à ses jeunes jours ; il réitérerait à coup sûr. Or, Kah ramena son attention vers le parvis du temple et, voyant que la garde ne s’en laisserait pas imposer de la sorte, il crut judicieux d’aller de l’avant plus que de se contenter de sa position recluse. Il roula des épaules, ramena son mantel par-dessus son chef et lorsque le vent se leva de nouveau, qu’un nouveau cataclysme fracassa tout sur son passage, il profita de ce bordel aveuglant pour profiter de la vague et se frayer un chemin derrière le mastodonte appesantit. Il va s’en dire que les jeux d’ombres créés par la poussière, de même que les ténèbres projetés par les candélabres dans le palais, lui tracèrent un chemin tout désigné à emprunter pour arriver à ses fins.

Une fois à l’intérieur, alors que le taureau reprenait conscience d’où il avait atterrit, que les gardes menaçaient cette même personne de leurs piques, Kah mit à profit cette diversion pour se tenir derrière l’action. Il n’était pas venu pour arracher de vies, pas plus que de souiller le palais du sang des siens. Après tout, lui seul connaissait la vérité et il était tout dans son intérêt de ne pas attirer les phares sur sa personne. Surtout lorsqu’on savait qu’il n’y avait en ce volcan âme qui lui fasse confiance …

Ce ne fût qu’une fois que l’altercation avec l’avant-garde du palais soit achevée, qu’il se découvra au groupuscule qui avait conquis le parvis par la force. En haut membre de la Dotkha il avait après tout bien sa place parmi cette bande de joyeux lurons.  Ainsi, une fois que la poussière fut complètement retombée, que les dernières lames furent chassées, Kah s’inclina bien bas en serviteur devant les hautes figures de ce groupe de fiers à bras, ce sourire sardonique qui le caractérisait si bien collé au visage.

« J'en oubliai que Excellence le Haut-Prêtre fut un grand fervent de mode, tant il est vrai qu’il est démodé de cogner ou d’entrer sans tout détruire. » Un clin d’œil vers l’hobegobelin plus tard, il réitéra un hochement de tête protocolaire vers Krish, qu’il trouva franchement en meilleur état –mais non plus jolie- qu’il y avait deux jours. « Et tout comme le fit le dernier fils de Natha sur les champs de bataille, Zhak’Bar se fait héraut de notre Créateur et nous annonce ici sa venue. » Il le dit en toisant Krish directement dans les yeux, se montrant tout aussi joueur qu’il était sérieux en ses propos. Un art dont lui seul, maître des ombres et du sarcasme savait faire fin usage.

Ta mâchoire se bloque au moment où Krish lève le bras. Elle n’allait pas attendre plus avant de s’adresser à eux. Tu devrais faire un choix. Continuer de protéger votre première ligne, ou assurer vos arrières. Et il faudrait le faire vite. Remonter des torrents d’arcanes comme un poisson désespéré de frayer, chercher qui en était la source, conjecturer de l’efficacité du sortilège préparé… Faire confiance. Il te faudrait simplement faire confiance au Gobelin et à la Danseuse pour tenir jusqu’à ce qu’on leur offre le soutien nécessaire au redéploiement de leur force.

Ta baguette fait un tour entre tes doigts, et tu te retournes, donnant du visage dans la même direction que le nouveau Feu d’Uriz. Alors qu’à toute vitesse tu traces de nouveaux glyphes à travers les airs, les gardes que tu avais immobilisé retrouvent leur masse habituelle – pour se trouver livrés aux charmes de la prêtresse de La Chimère. Scène cocasse, de l’oratrice et de son Gardien ignorant la bataille faisant rage dans leur dos. Mais au moins aurait-elle le bénéfice de vous cimenter en tant que d’assez d’assurance pour vous permettre de telles choses.
Dans la chambre magmatique l’air s’excite, se densifie, s’arrange en une multitude de plateformes prêtes à accueillir les prochains mots de ton amie. Et quand elle fait son annonce, sa voix est portée jusqu’aux plus éloignés en de puissants échos par une acoustique refaite par tes soins.

Puis votre porte-parole se tait, annonce d’un regard que ses prochains dires ne seraient pas destinés au nombre, et ton invisible construction se démonte. Tes yeux se reposent sur la bataille que tes sens n’avaient jamais quittés sans que te vienne l’envie d’y reprendre part. Tu prends un temps d’observation plutôt, pour savoir à qui exactement tu aurais affaire, puisqu’aucun d’entre vous ne pourrait deviner ce à quoi vous auriez affaire.

Déjà au moins n’étais-tu pas le seul mage du groupe, et avec un peu de chance, la diversité de vos approches vous serait bénéficiaire. Ensuite il y avait les guerriers, des grands qui seraient votre forteresse à la petite dont vous devriez vous faire les protecteurs.

Et puis il y avait l’Etat-Major. Ce bâtiment plus mystérieux finalement que tu ne l’avais jamais réalisé. Habité par la lourde atmosphère qui t’avait déjà, à peine passée la porte tiré plus d’un frisson. C’était comme si… c’était comme si tu redécouvrais pour la première fois l’Œil. Et tu détestais ça.

La magie est tiraillée de plusieurs manières, tandis que le Haut-Prêtre virevolte et frappe, alternant flamme, coup de poing, masse rocheuse... Dans un enchainement souple et fluide qui se mêle aux attaques des gardes défendeurs. Cependant, l'affrontement ne dure pas, et Urgoll'Ven observe non sans amusement ses adversaires lutter pour tenir debout et lever leur lame. De coup précis il en assomme... Mais retient son poing quand l'un se laisse tout bonnement faire suivi d'un second qui est épargné. Ah, la fille de la Chimère... Une piqûre d'agacement lui titille l'échine alors qu'il constate que la résistance est morte à peine éclose. A leur poste, éternelles sentinelles... Tombées sitôt réveillées. La colère de nouveau gronde, mais un étrange sentiment s'y mêle, tandis que l'écho de la voix du Feu d'Uriz se meurt. La magie encore, mais une qu'il perçoit tout juste, étrangère, et dont il ne constate pas les effets. Ses mains se crispent d'appréhension... Alors qu'une ombre se profile.

"L'Alchimiste ! s'étonne et se ravit le Urgoll'Ven. Toujours dans l'obscurité ! Mais c'est bien là que nous allons chercher Malag', en es-tu ?"

Ne doutant guère de la réponse, le Gobelin se recule un instant, afin de percevoir par delà la porte effondrée, par delà les noirelfes avançant vers l’État-major, sa monture désœuvrée, qui vocifère sur des badauds. Reste en retrait, créature, tu ne m'es plus utile. S'enchaînent quelques torsions, un visage crispé, et la roche de nouveau est arrachée à ce que les pieds foulent, formant un dôme qui se referme sur le reptile géant. Le Haut-Prêtre glousse en entendant les rugissements courroucés de l'animal. Voilà de quoi l'occuper le temps que son maître s'en retourne.

De nouveau la colère, de nouveau cette sensation étrange... Agacé par cette absence de réponse, la voix du daehdel pâle tonne de nouveau.

"MALAG'EYL ZUHAK !"

Quel jeu idiot est-ce là ? Qui laisserait son temple ainsi violé sans mot dire ? Ses crocs poussent à l'idée d'arracher des gorges, dont le sang impur ne devrait avoir franchi ces antiques - et à refaire - portes si ce n'est pour se montrer digne du devoir induit pour qui en foule le seuil. Une coquille vide, un fruit pourri, un symbole à la valeur ternie... Ô Prime Dragon, si je pouvais raser ce lieu et en effacer les Impures... En lieu et place de ce projet fou, le Haut-Prêtre prend un instant pour humer, tendre l'oreille et ses sens immatériels. Un tiraillement et le voilà qui s'enfonce dans les entrailles obscurs, le pas puissant et prêt à bondir dans une nouvelle danse explosive, à la recherche de réponse et de corps à pulvériser.

Sur la distance qui la séparait d'Urgoll et de la petite... ou plutôt la grande Valasienne, Krish lança un simple " Tu viens ? " à Valas, pour l'enjoindre à venir flotter jusqu'à l'intérieur. A peine arrivée à hauteur du plus poussiéreux des Haut-Prêtres, une silhouette fort déplaisante pointa le bout de son nez.

Elle leva un sourcil amusé en prêtant l'oreille à la brève présentation de l'Ombre et à la réponse des plus pragmatiques d'Urgoll. D'une main distraite, elle ramassa l'épée bâtarde d'un des gardes à terre et posa son pied nue sur son cou pour vérifier qu'il était bien mort.

- Plus tard pour les concours de poésie. " répondit-elle simplement " Et je... " Dans l'ombre, se croyant surement d'une discrétion incroyable, une paire d'yeux violacés attira son attention. Il ne fallut pas plus que cet instant de silence pour qu'Urgoll parte en hurlant à nouveau. " Suivez-le ! Je vous rejoins. " gronda-t-elle tout en faisant un pas pour saisir la gamine par son bras sain.

Une gifle mémorable tomba sur la joue de l'inconsciente fillette. Krish ne cachait pas sa colère en vrillant ses yeux dans ceux de la fillette, lui tenant au besoin le menton pour l'y contraindre.
- Qu'est-ce que tu fais là ?! Tu penses que c'est une promenade ?! " Elle saisit sans un instant d'hésitation le bras blessé de la fillette avec la volonté de lui faire mal. Il fallait qu'elle comprenne une bonne fois pour toute. " Ou tu te crois capable de te te défendre ? Un premier sang ne fait pas de toi quelqu'un d'invulnérable tu m'entends ?! " Elle relâcha sa prise sur le bras douloureux et obligea Driz'Na à véritablement la regarder, allant jusqu'à la secouer un peu si elle avait besoin qu'on la force à tourner toute son attention sur les paroles qu'on lui adressait. " Ce n'est pas un jeu, Driz'Na. Dans ton état, tu es un poids mort. Une chose inutile et encombrante. Tu devrais être assez grande pour comprendre que tes décisions ont des conséquence pour toi et pour les autres, mais je t'ai visiblement surestimée. Je me fiche de ce qui a pu te passer par la tête. Les imbéciles qui foncent sans réfléchir sans connaitre leurs limites ne récoltent qu'une mort rapide et prématurée. " Son ton était descendu, grave et tendu, mais ses yeux étaient toujours aussi furieux. " Aujourd'hui on va t'enfoncer le mot responsabilité dans le crâne. Tu as voulu venir, et bien tu vas venir. Et je ne lèverai pas le petit doigt pour te protéger. Tu ne t'adresses pas aux autres, et surtout pas à l'homme qui t'a aidé lors de l'incendie. Nous en reparlerons si tu es encore vivante après ça. C'est clair ? " La négative n'était pas une option.

D'un geste abrupte, elle poussa Driz'na devant elle pour s'assurer qu'elle ne rebrousserait pas chemin.

- Avance. "

Le prêtre ne dit rien. Dans le fond, cela appaisa la petite qui ne savait pas encore comment elle ferait comprendre à sa mère qu'elle était entrée alors que même les adultes n'en avaient pas le droit. Driz'na enleva le doigt de sa bouche et regarda en direction des grands qui repartaient déjà après que les soldats se soient entretués. Le grand renifleur avait l'air vraiment enthousiaste à l'idée d'aller chercher Malag'eyl... C'est alors qu'elle croisa le regard de sa mère. La petite n'avait ni eu le temps ni l'envie de se cacher, juste d'être le plus simplement du monde discrète, comme à pratiquement chaque moment de sa vie. Driz'na ne manqua pas de remarquer les flammes qui embrasèrent les yeux de Krish.

"Suivez-le ! Je vous rejoins."

En seulement quelques pas, Krish attrapa avec poigne le bras valide de sa fille et ce fut une claque retentissante que les adultes se trouvant à l'arrière du groupe purent entendre. Une claque mémorable que l'esprit de l'enfant imprima immédiatement, encaissant la douleur et l'idée qu'entrer était finalement une véritable bêtise. Le temps que l'avatar la prenne par son bras handicapé et ne la gronde, il s'installa un silence gênant. Aucun pleur. Driz'na était abassourdie entre l'incompréhension et la douleur qui lui brûlait la joue et la mâchoire, aussi son corps lui-même n'arrivait pas à extérioriser le coup qu'il venait de prendre. Par contre, la suite... Krish prit son bras gauche d'une telle poigne que la petite sentit ses muscles la brûler de l'intérieur, comme si sa mère déversait durement du feu qu'elle habritait en elle pour la punir. Elle émit un gémissement de douleur mais cela la brûlait tellement que ses forces s'échappaient. Si Dren'Zess ne l'avait pas tenue par le menton pour la forcer à la regarder dans les yeux, elle aurait très certainement fait un pas de faiblesse en arrière voire même serait tombée sur le sol.

La gifle avait fait mal. Son bras encore plus. Mais le pire fut les mots prononcés par la seule personne à laquelle Driz'na pouvait encore s'attacher. Elle n'était qu'un poids mort irresponsable qui se croyait invulnérable suite au premier sang qu'elle avait versé, une idiote que Shaar avait surestimé. Ses mots étaient de véritables coups de poignard pour la petite qui n'avait qu'une envie, de crier qu'elle s'inquiétait pour elle, qu'elle voulait l'aider et la protéger. Que Vaerian lui avait toujours appris qu'il fallait voir les choses sous des tailles différentes pour avoir tous les éléments et qu'ici il n'y avait que des adultes de grande taille, que des personnes qui se battraient, et donc que peut-être qu'elle pourrait voir ce qu'eux auraient plus de mal à remarquer ; elle passait sa vie à observer, écouter et retenir. Qu'elle ne se pensait pas invulnérable et que son premier sang ne changeait rien. Qu'elle avait conscience qu'un groupe étrange devait toujours la rechercher et qu'il ne pouvait y avoir pire situation qu'une disparition impromptue dans une foule ; qu'il était simple de l'autre côté de s'attaquer à elle pour faire du mal à Dren'Zess... et qu'elle ne voulait pas que ça arrive... et que, dans le fond, elle avait peur. Alors elle s'était dit que le meilleur moyen de se mettre en sûreté ainsi que sa mère était d'aller au-devant du danger se situant dans ce bâtiment. Mais non. Krish ne voulait rien savoir alors elle ne dirait rien. Elle tairait ses pensées et sentiments, comme toujours depuis que le vieux à la robe verte était venu la chercher dans le quartier doeb. Cette engueulade, Driz'na la ressentit comme une injustice pour la simple raison qu'elle ne pouvait pas exprimer ce qui lui était justement passé par la tête. Ce fut bien plus à cause de cela qu'à cause de la douleur qu'elle se mit à pleurer, essayant tant bien que mal à rester dans le silence tout en arrêtant ces fichues larmes.

"C'est clair ?
La gamine fit un signe affirmatif de la tête.
- Avance."

Tout en étant poussée vers le groupe, Driz'na employa sa seule main valide à essuyer les torents d'eau qui avaient commencé à couler le long de ses joues. Elle ne voulait pas que les adultes voient qu'elle pleurait. Et, surtout, elle n'avait d'autre option que de prouver à sa mère qu'elle n'était pas un poids mort inutile et insouscient.

Il ouvrait la voie. Elle avait envie d’en découdre. Il attendait qu’il ouvre la voie. Elle régentait silencieusement. Elle pleurait des larmes orgueilleuses. Ils te protégeaient leur Capitaine et toi. Et il observait depuis les ombres. Vous étiez un groupe chaotique parti à l’assaut de l’inconnu. Sans savoir ni les pièges que recelaient le Palais ni le nombre de lances qui s’y terraient. Vous ne vous connaissiez pas plus que l’ennemi vous connaissait… sauf que l’ennemi était Un, et ne serait pas toujours Sept.

Tu serres ta baguette à t’en blanchir les paumes encore grisâtre de tes mains sous tes gants, et sans prévenir, tu glisses à la poursuite du Grand Gobelin. Tu déglutis, chaque mètre de plus en avant te faisant l’effet de la traversée d’un mur invisible. Tes yeux se ferment, des paupières se crispent, partagent leurs tensions avec tout le reste de ton visage, et ta baguette se soulève. Tu traces une croix dont le Haut-Prêtre est le centre, et tu envoies la queue du dragon derrière ton épaule.

- Je t’ai dit d’attendre !

Le lourd mage abandonné par sa masse glisse les deux pieds au sol, mais sans la moindre friction jusqu’à toi, avant que ton emprise sur lui ne soit défaite. Tu poses les yeux sur lui d’un air sentencieux, comme s’il pouvait voir ton visage, avant de te reculer, et de prendre ton envol en plein centre du groupe. Tu attires l’attention, retenant tes dents de ne pas claquer. Tu n’aimes pas avoir à prendre les initiatives toi-même, mais s’ils sont tous soit aussi prudents qu’Urgoll’Ven, soit complètement insensibles, vous courez vers la mort. Et Elda avec vous.

- Quand je dis que quelque chose cloche avec cet endroit tu t’efforces, péniblement, de projeter ta voix comme le ferait un véritable orateur je ne plaisante pas. Il y a trop d’énergies en mouvement rien qu’ici pour que l’on puisse se permettre d’aller chercher Malag’Eyl comme un vulgaire sac de courses. Faites-vous plaisirs et massacrez inutilement la garde, mais à moins que les triumvirs n’aient pas tenus à leur vie, il doit au moins y avoir un piège par couloir dans ce dédale.

Tu es sensible. Pour peu qu’ils soient patients et qu’ils t’en donnent le temps, les pièges, tu es capable de les déceler. La garde par contre…

- Pour peu que personne ici ne soit assez débile pour jouer les poulets sans tête, je devrais être capable de nous guider à travers les pièges relevant des arcanes. et si ton visage ne bouge pas le moins du monde, ton attention se porte naturellement sur le marcheur d’ombre Et s’il vous plait, dites-moi qu’il y a au moins quelqu’un ici ayant la moindre idée de comment éviter les embuscades qu’aucun Drow digne de ce nom ici n’ait à abandonner sa place au Nahali.  

Tu redescends de ta tirade dramatique au propre comme au figuré, ton pied venant finalement toucher le sol sur ce dernier mot, pour prendre la marche de la même manière qu’eux. Et tu repasses à l’avant du groupe en compagnie de l’immense fracasseur de bêtes avant d’ajouter :

- Et Hauts-Prêtres, vous devriez être les premiers à faire attention.

Surpris, le Haut-Prêtre l'est, quand il se retrouve soulevé et ramené en arrière sans n'y rien pouvoir faire. Enfin, rien... La possibilité demeure de répliquer d'un sort mais, pour une fois, le Gobelin accorde un sursis au Masque d'Argent. Afin de voir s'il avait quelque chose d'intéressant à dire. Les yeux étrécis, il écoute donc les conseils de l'individu, le regarde se poser puis revenir à son côté. Le sourire coutumier du servant du Prime Dragon est de retour, et il hoche la tête à l'attention de son "allié" de circonstances.

"Déclencher les pièges arcaniques pour en prendre le contrôle ou les laisser les déchainer, c'est ce que tu as en tête ?" demande Urgoll'Ven.

Le propos, sonnant comme étrangement raisonnable, ne laisse guère présager ce qui suit. D'une impulsion, le daehdhel arme son bras et projette son poing droit dans le ventre du mage, s'enfonçant dans le large vêtement en un mouvement ascendant, vers le plexus solaire. Un infime instant où son faciès n'exprime plus ni bonhommie, mais la rage que le mage a interrompu dans sa lancée, qui se redirige en conséquence contre lui. S'étant baissé pour frapper, Urgoll'Ven se relève avec naturel, sa figure de nouveau aussi aimable que faire se peut, soulevant dans le même mouvement sa victime, à présent avachie sur son épaule comme un vulgaire sac de légumes.

"Repose-toi mon frère, tu m'as fatigué à voleter partout comme un moucheron." suggère aimablement le géant tout en tapotant les jambes pendantes de son chargement.

Le coup ne visait pas à faire perdre conscience à sa cible, seulement à lui faire voir trente-six chandelles. L'ancien mage du C'nros balaye du regard les daehdhels présents, notant la présence de la fillette et de sa figure défaite dont il n'a cure, mais contrastant grandement avec visage fermé de sa génitrice; la posture réservée de la mage de la Chimère; et toujours la présence surprenante de l'Alchimiste. A ce dernier, il adresse une expression particulièrement joviale, avant de se tourner vers le couloir dont il a été tiré, et où il perçoit une pression magique anormale.

D'un mouvement de poignet, l'élémentaliste anime l'une des roches autrefois mur du palais, l'effritant pour la rendre plus cylindrique avant de la faire rouler devant lui.

"Voilà de quoi titiller toute sensibilité physique. Mais puisque tu le suggères, je vais aller plus lentement. Qu'en penses-tu ?" fait-il en secouant son épaule chargé.

Avec un rire goguenard, le Gobelin reprend ainsi sa marche à un rythme plus mesuré, sa pierre roulante le précédent de plusieurs mètres.

Le Haut-Prêtre de Zhak’Bar est surpris, mais il reste malgré tout étonnamment calme. Pas de déferlement de magie en préparation, seulement une tentative infructueuse de replanter ses talons au sol, et puis… une question. Une véritable question.

- Le mieux serait encore de…

La douleur est plus violente qu’elle ne le devrait. Tes blessures ne sont qu’à peine guéries, ta poitrine encore sensible, et ton souffle encore fragile. Il te faut toute la ténacité du monde pour ne pas te laisser aller à l’inconscience, et plus encore pour ne pas lui faire le plaisir d’échapper un râle de douleur. Il ne te reste peut-être plus beaucoup de dignité, mais en silence tu t’y voilerais volontiers.
Pendant quelques secondes tu hoquette, ton diaphragme ne sachant plus vraiment que faire, et tes poumons perdus entre le besoin d’air et l’envie de se préserver, mais finalement – et heureusement – le souffle te revient. Tu respires à nouveau. Mais maintenant, ce foutu masque te donne l’impression d’étouffer.

Ta main se ramène vers ton visage avec toute la lenteur de celui qui n’en sait plus où il en est, et tes doigts mettent bien plus de temps qu’il n’en faut à trouver les attaches du casque d’acier. Mais finalement, tes yeux mornes et ton visage blafard sont dévoilés. Tes sourcils froncés ne laissent aucun doute quant à ce que tu penses d’un tel affront, mais tu gardes le sourire en coin des gens de bon sport. Il ne s’agirait pas d’énerver inutilement le HaUt-PrÊtRe de ZhAk’BaR.

- J’en pense que même si tu es un imbécile, au moins tu n’es pas un imbécile fini. Tu prends quelques secondes pour prendre une longue inspiration, te recentrer, et retrouver tes véritables perceptions Mais le mieux serait d’éviter le maximum de pièges possibles. Donc si tu pouvais juste ne pas laisser ton caillou traîner au sol… je devrais être largement à même de prévenir s’il y a un piège à portée. Tu feras joujou à ce moment-là. Et à condition qu’on n’ait pas moyen de les désamorcer !